Synthèse de la journée de formation sur les « enjeux de la crise ostréicole », le 1er octobre sur le Bassin d’Arcachon

Synthèse « La crise de l’ostréiculture »

 

L’ostréiculture arcachonnaise traverse depuis 10 ans une crise économique grave.

 

Crise sanitaire

Les développements de Dinophysis sont fréquents sur le littoral français. Son apparition dans les eaux côtières est généralement observée au printemps ou en été1. Pour garantir la sécurité sanitaire des consommateurs les huîtres sont soumises à des tests. Depuis le 1er janvier 2010, l’abandon du bio-test sur les souris et son remplacement par un test chimique est un grand soulagement pour les ostréiculteurs, trop souvent confrontés à des interdictions de commercialisation, alors qu’il n’y avait pas de problème de toxicité.

S’il représente une avancée, le test chimique ne résoudra pas le problème de la présence de toxines non identifiées. Cette crise a provoqué la disparition de 50 entreprises.

 

Crise du captage du naissain

Le Bassin d’Arcachon est un milieu particulièrement propice à la reproduction de l’huître creuse japonaise. On estime que 60 à 70 % des huîtres creuses commercialisées en France sont natives du Bassin d’Arcachon, la vente de naissains constituant 25 % du chiffre d’affaires annuel de l’ostréiculture arcachonnaise.

Depuis une dizaine d’années, on constate de forts déficits en captage sans que l’on puisse en déterminer précisément les causes malgré les études menées par IFREMER2.

 

Crise due à la mortalité des juvéniles

Depuis les années1991, on constate en France 30 à 60% de mortalité selon les sites. Une étude « Mortalité estivale de l’huître creuse Crassostrea gigas »a été menée par IFREMER de 2001/20063.

 

Depuis 2008, les mortalités estivales ont considérablement augmenté. Ces mortalités ont été associées à la détection d’un herpès virus4. L’ensemble des bassins français sont touchés. En 2011 à Arcachon, le taux de mortalité est de 70% pour les juvéniles, et de 2% après 18 mois de captage.5. Les préconisations du défi MOREST restent lettre morte, l’éventualité d’une mutation du virus Os-HV1 µvar est avancée et des mesures radicales sont proposées.

En 2009, le comité national de la conchyliculture envisage pour 2010/2011 un plan de réensemencement, à partir d’un vaste programme de production de 3 milliards de naissains triploïdes. Devant la difficulté à produire une telle quantité de naissains, ce programme n’aboutit pas. Un nouveau programme baptisé SCORE, basé sur la sélection et l’amélioration des espèces existantes, est lancé en 2011. Ce programme interprofessionnel s’ajoute au programme privé lancé par les écloseries depuis 2009 et ne concernant que les triploïdes.

 

De son côté, le comité régional de la conchyliculture Arcachon Aquitaine lance une étude pour la création d’une écloserie. Il existe actuellement 13 écloseries privées sur le territoire.

 

 

Or le virus Os-HV1 µvar, responsable des mortalités du naissain d’huîtres, n’est pas apparu

en 2008 comme on le pensait. Cette révélation est faite par une chercheure,

Maryline HOUSSIN6. Une communication scientifique est en cours de publication dans une revue internationale et détaille tous les aspects de cette découverte.

Cette découverte remet en selle les conclusions du défi Morest :

Sortir de l’épidémie (épizootie)

  • Interdire les transferts de lots contaminés et les transferts en période à risque
  • Réduire la densité dans les poches
  • Eloigner les naissains de l’influence des classes plus âgées
  • Levée des zones d’ombre sur la fragilité possible des triploïdes depuis 2008. Moratoire sur leur usage par la profession
  • Favoriser l’implantation de cheptel diploïde

Mise en place d’une politique de prévention et gestion des risques

  • Enrayer la dégradation de l’environnement en limitant les nitrates, hydrogène sulfuré, pesticides, etc.
  • Changer les pratiques culturales intensives en constante évolution
  • Mettre en place une traçabilité des cheptels
  • Enregistrer l’évolution des pratiques culturales (observatoire conchylicole ? centre technique ?)

 

Afin d’en savoir plus, un certain nombre d’élu-e-s EELV a participé à une formation organisée par le Cédis (Centre d’Écodéveloppement et d’Initiative Sociale ) sur « Les enjeux de la crise ostréicole », le samedi 1er octobre 2011 à La Teste de Buch. Cette journée de formation était destinée à éclairer les élu-e-s écologistes du littoral sur les crises que traverse la profession ; manque de naissain, surmortalité des juvéniles, part des responsabilités déjà pointées du doigt telle la mutation ou non d’un virus, présence de pesticides, responsabilité des écloseries, changement climatique. La formation s’est articulée autour de 3 intervenants :

Jean-François SAMAIN, ex-chercheur Ifremer Bretagne et auteur du « défi-Morest » 2001 – 2006, Jean-Marie FROIDEFOND, chercheur CNRS, du laboratoire « Environnements et paléo environnements océaniques » (Epoc) Université Bordeaux 1, Maryline HOUSSIN, Chef du service recherche et développement de microbiologie  et biologie moléculaire du Laboratoire départemental Frank Docombe de Caen.

 

COMMUNIQUÉ EUROPE ECOLOGIE LES VERTS

 

Europe Écologie Les Verts s’inquiète des crises que traverse l’ostréiculture française, en particulier, le manque de captage de naissains et la mortalité des juvéniles.

Nous sommes dubitatifs du résultat des mesures annoncées ; réensemencement, programmes de sélection, construction d’écloseries. Nous regrettons qu’aucune des préconisations du « défi Morest7 » n’a été prise en compte.

 

 

L’augmentation de la productivité ne se fait pas sans risques, et les problèmes rencontrés chez les gros producteurs ne sont pas les mêmes que chez les petits.

 

Un manque flagrant de transparence

 

  • Les huitres vont poursuivre leur périple littoral. Nées dans une eau elles grossissent dans une autre et sont affinées dans le lieu de leur appellation. Quid de la traçabilité et des précautions à prendre en période de contamination ?

 

  • Les naissains triploïdes sont vendus par les écloseries sans contrôle de leur implantation. Personne ne peut dire avec précision quels sont les tonnages des triploïdes élevés, et encore moins où ils se trouvent.

 

 

Un environnement marin dégradé

 

Quant à la qualité du milieu, les sonnettes d’alarme sont épuisées ! Le travail remarquable réalisé par les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage) n’a pas abouti à des mesures radicales mais indispensables, comme celle de limiter au maximum l’usage des pesticides et des nitrates sur les bassins versants.

 

Le développement irraisonné du motonautisme se fait au mépris de la qualité des eaux et les taux d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) atteignent ainsi, dans le Bassin d’Arcachon, la valeur guide définie par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) au moment du Prestige. Il y aurait plus de traces d’hydrocarbure dans le Bassin que nous en avons eu au moment du Prestige !

Aujourd’hui, les peintures anti-salissures sont toujours autorisées alors que des taux conséquents d’irgarol8 sont présents dans les analyses.

 

Le collecteur des eaux usées rejette au wharf de La Salie journellement des effluents, certes traités, mais contenant néanmoins des centaines de molécules différentes à des doses infinitésimales dont la somme peut être extrêmement toxique, beaucoup plus que la substance seule, véritable cocktail explosif !

 

Europe Écologie-Les Verts demande :

 

  • L’application des mesures du défi Morest

 

  • La mise en place d’une traçabilité des cheptels associée à l’interdiction des transferts de lots contaminés et des transferts en période à risques.

 

  • Le soutien à la filière traditionnelle face à une profession engagée dans la voie de la production intensive.

 

  • L’interdiction des huitres triploïdes dans les bassins naisseurs.

 

  • L’instauration d’une « Eco-conditionnalité des aides ».

 

  • La création d’un observatoire conchylicole qui enregistrerait l’évolution des pratiques culturales.

 

Le Scot préparé par le Sybarval est loin de répondre aux enjeux environnementaux nécessaires à la protection du plan d’eau. Au contraire, l’urbanisation future avec un accroissement de la population estimée à 100.000 personnes à l’horizon 2030 ne va pas sans poser un grand risque pour le maintien des activités de cultures marines. Nous pensons même qu’il y a incompatibilité.

 

Le Parc Naturel Marin, dont les orientations sont ambitieuses, parviendra-t-il à imposer les mesures salutaires ?

 

On sait déjà qu’un certain nombre de paramètres dû au changement climatique est irréversible : les températures de l’eau, les variations des précipitations modifiant la salinité, l’apparition de nouveaux pathogènes, etc. Il faudra s’adapter.

 

Mais il est encore temps d’agir sur bon nombre d’éléments liés aux activités humaines, pour le maintien d’une activité traditionnelle créatrice d’emplois, et pour des produits naturels et de qualité. Sans tarder…

 

 

 

1 Dinophysis : algue microscopique qui s’accumule par filtration de l’eau de mer dans certains coquillages. La responsabilité de Dinophysis dans certaines intoxications diarrhéiques sur le littoral atlantique a été mise en évidence en 1983, mais il est très probable que Dinophysis soit présent depuis longtemps dans certaines zones côtières françaises

2 Projet Velyger (2008-2010) : Observer, Analyser et Gérer la variabilité du recrutement de l’huître creuse en France. http://wwz.ifremer.fr/velyger/content/download/42003/571980/file/Rapport%20Final%20Velyger%20avec%20Annexes.pdf

3 Défi Morest : Édité par Jean-François Samain & Helen Mc Combie, IFREMER 2007. Cet ouvrage décrit comment l’environnement, la reproduction, le stress, la génétique, les pathogènes et la température conduisent aux mortalités estivales en France. Des recommandations sont données pour prévoir et gérer les risques.

4 Archives IFREMER Etude du virus de type herpès observé chez les huitres de RM Le Deuff – 1997

5 Observatoire conchylicole : http://wwz.ifremer.fr/observatoire_conchylicole

6 Maryline HOUSSIN Chef du service « recherche et développement de microbiologie et biologie moléculaire» du laboratoire de recherche, Frank Duncombe de Caen (Calvados)

7 le défi Morest (2001-2005) a réuni 60 spécialistes en génétique, physiologie, immunologie, pathologie, écotoxicologie, épidémiologie et écologie côtière. Les résultats obtenus permettent aujourd’hui de proposer un schéma d’interactions entre l’environnement, l’huître et des pathogènes opportunistes, qui explique une grande majorité de mortalités observées sur le terrain et celles décrites dans la littérature tant au Japon qu’aux Etats-Unis.

8 Irgarol :L’effet algicide protège les coques des bateaux mais dans les milieux où l’eau est peu renouvelée, ou dans les lacs fermés, il peut y avoir des impacts directs importants pour le phytoplancton et le périphyton dans le milieu, voire sur les macrophytes (plantes supérieures), et des impacts indirects sur l’oxygénation et le pH du milieu ainsi que sur la chaîne alimentaire dont la photosynthèse est la base. La plante aquatique réputée la plus affectée par ce polluant (Navicula pelliculosa) est sensible à des taux de moins de 100 ng/L là où une daphnie le sera à 1 mg·l-1.

 

 

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