Présidence irlandaise de l’Union européenne : intervention d’André Gattolin, sénateur

Le 9 février, en séance publique au Sénat

 

 

M. André Gattolin:
– L’analyse économique qui consiste à faire porter la responsabilité de la crise sur l’extérieur me paraît un peu rapide. Les conséquences en ont été majeures dans toute l’Union européenne, et le Gouvernement irlandais porte une part de responsabilité.
La France est en délicatesse avec les géants d’internet, qui réalisent une partie importante de leur chiffre d’affaire européen sur son territoire, et paient leurs impôts en Irlande, où les taux sont plus bas. En particulier, Apple perçoit sur ses ventes le montant d’une taxe sur la copie privée destinée à être reversée aux auteurs, et ne le restitue pas à l’État ! Je m’étonne également que l’ancien responsable des investigations de la CNIL irlandaise ait été embauché par Apple comme responsable des données personnelles. Le droit irlandais ne prévient-il pas les conflits d’intérêts ? Cela concerne non seulement la gouvernance irlandaise, mais aussi son rapport à la gouvernance européenne. Ces questions délicates doivent être abordées franchement, car l’Europe a beaucoup contribué au renflouement des banques irlandaises. La compétitivité ne doit pas se gagner contre les autres pays européens…

M. Simon Sutour, président:
– Vous voyez, monsieur l’Ambassadeur, que nous ne pratiquons pas la langue de bois.

M. Paul Kavanagh:
– Nous autres Irlandais, n’avons pas la réputation de parler la langue de bois. Toutefois, je suis ici comme ambassadeur du pays exerçant la présidence de l’Union européenne, non comme ambassadeur d’Irlande – nous pourrons avoir cet échange une autre fois.

Je vous présente mes excuses si j’ai pu donner l’impression que l’Irlande considère que la crise était due aux autres pays. Il y a eu des erreurs, et même des fautes, de la part des Irlandais, ainsi que d’acteurs internationaux. Nous avons assumé la responsabilité de ces erreurs : la note est salée.

Le traité soumet les questions fiscales au consensus : il faut l’unanimité pour adopter des décisions sur ce sujet. La Commission a proposé d’instaurer la célèbre ACCIS (assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés). Nous avons inscrit cette proposition au programme d’un groupe de travail dès le mois de janvier, malgré les réserves qu’elle nous inspire ; nous porterons le dossier au niveau politique pour chercher un accord le plus tôt possible.

Nous faciliterons autant que faire se peut la coopération renforcée sur le projet de taxe sur les transactions financières dont vous avez eu l’initiative – mais plusieurs points restent en débat. Nous sommes favorables au renforcement de la coordination des politiques économiques, c’est la leçon que nous tirons de la crise. Nous accompagnerons le processus dit du six-pack avec enthousiasme.

(…)
Nous attendons que le G8 et le G20 prennent des initiatives concernant Google et Facebook. La Commission fera aussi sans doute des propositions, et nous participerons aux discussions. Il y a une grande diversité d’opinions au sujet de la fiscalité ; rien n’est complètement noir ni totalement blanc. Si des propositions voient le jour pendant notre présidence, vous pouvez compter sur nous pour les pousser aussi loin que le consensus l’autorisera : nous n’avons aucune raison de ralentir quoi que ce soit. Vous pouvez compter sur une présidence facilitatrice.

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