Atelier accessibilité des transports
Atelier accessibilité des transports
Intervenant-es :
Pour la FEVE :
Pierre Serne, 2e vice-président de la région Ile-de-France chargé des transports et des mobilités et vice-président du Syndicat des Transports d’Ile-de-France, autorité organisatrice des transports de la région Ile-de-France
Pour les commissions :
Jocelyne Le Boulicaut, responsable de la commission séniors et solidarité
Sébastien Rogez, référent en Rhône-Alpes de la commission handicap et citoyenneté, auteur des propositions d’EELV sur le handicap à Grenoble aux municipales 2014
Françoise Coûtant, conseillère responsable de la commission transport, Vice-présidente du Conseil régional de Poitou-Charentes chargée des transports
Animation : David Marais, responsable de la handicap et citoyenneté
Lors d’un travail des commissions handicap et citoyenneté et séniors et solidarité sur la vie affective et sexuelle des personnes handicapées, il avait émergé que cette question était aussi liée à la socialisation et donc à la capacité de se déplacer. Les deux responsables de ces commissions avaient alors rencontré Pierre Serne pour entamer une première réflexion qui a abouti à cet atelier.
Pierre Serne
Pouvoir prendre les transports en commun est une nécessité pour les personnes à mobilité réduite : ne pas pouvoir accéder aux transports, ce sont des projets de vie qui ne fonctionnent pas (emploi, vie personnelle etc.) et des complications dans la vie de tous les jours.
C’est une question budgétaire (1,4 milliards pour le plan transport en Ile-de-France), mais aussi une question de prise en compte des personnes.
Entre les chauffeurs qui ne savent pas utiliser le système d’accessibilité des bus, ceux qui sont en retard et refusent de sortir les palettes car cela leur faire perdre du temps, souvent les gens ne peuvent prendre qu’un bus sur 3 alors que 100% des bus sont accessibles.
Les réseaux de transports ne seront probablement jamais 100% accessibles. C’est pourquoi, au lieu de se battre pour mettre 100% des stations en accessibilité, il est plus utile de mettre le paquet sur ce qui sert vraiment et de rendre vraiment le réseau accessible. Il est parfois moins cher de payer le taxi aux usagers plutôt que de mettre en accessibilité une station.
Il est intéressant de noter que lorsque les gares sont mises en accessibilité, tou-tes les usagers trouvent qu’elles sont plus pratiques et plus simples : mettre une gare en accessibilité, c’est donc proposer un meilleur service à l’ensemble des usagers car les personnes à mobilité réduite ont des besoins qui servent à tout le monde.
L’argent ne fait pas tout, parfois, de l’argent est jeté par les fenêtres pour des problèmes de bon sens ou de personnels qui ne font pas leur travail correctement.
Françoise Coûtant
La commission transport d’EELV n’a pas mené de réflexion spécifique sur ce sujet.
En région Poitou-Charentes, lors de la mise en place du schéma régional des transports et de la mobilité durable, un travail a été effectué avec tous les acteurs de la mobilité de la région.
C’est une question transversale : tous les projets doivent traiter de l’accessibilité.
3 axes ont été travaillés avec les associations :
- Mise en place de moyens de substitution et harmonisation de ce qui existe à l’échelle de la région (tarif, conditions tarifaires non-discriminatoire, accessibilité, même si on change de département, même si on se déplace à l’intérieur d’un département dont on n’est pas issu) ;
- Mise en place d’un système d’information multimodal : sur internet pour préparer son voyage, accessible aux personnes en situation de handicap et qui donne les trajets accessibles ;
- Recensement des lieux accessibles et réflexion sur la mise en accessibilité des lieux qui ne le sont pas. Par ailleurs, les autorités organisatrices des transports réfléchissent à des trajets accessibles dans leur globalité (pouvoir accéder aux bus depuis la gare par exemple).
Sébastien Rogez
Référent commission handicap Rhône-Alpes, Sébastien est, depuis le 26 avril 2014, rapporteur de la Ville de Grenoble concernant le handicap et l’accessibilité. Il travaille en lien avec Christine Garnier, conseillère municipale déléguée à l’accessibilité qu’il rencontre deux fois par mois. Il assiste à des réunions sur l’accessibilité avec des représentants de tous les types de handicap, répertorie et photographie tout ce qui n’est pas accessible et fait des rapports.
A Grenoble, presque tous les bus sont accessibles. Il est donc possible de se déplacer facilement en ville. C’est lorsqu’on veut se déplacer dans le reste du département que cela devient plus compliqué : les bus isérois ne sont pas accessibles, le système de minibus est surchargé, et le parc vieillissant donc les bus tombent en panne.
Lors sa conception, outre l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, le tramway a été pensé pour faciliter les déplacements des personnes déficientes intellectuelles (ou celles qui ne peuvent pas lire), un repérage par couleur a été mis en place. Pour les personnes malvoyantes, la prochaine station desservie est annoncée, les boutons d’ouverture des portes sont tactiles et faciles à repérer au toucher, les noms des lignes, des stations et des destinations sont affichés en braille sur le distributeur automatique de titres et des dalles spécifiques ont été installées sur les quais afin de localiser l’emplacement des portes.
Il faut être attentifs à bien communiquer lorsqu’on opère des changements sur le réseau car la moindre modification peut chambouler les habitudes de certains usagers.
Jocelyne Le Boulicaut
Tout le monde gagne à ce que les transports soient accessibles : les enfants qui marchent mal, les mamans avec les poussettes, les personnes âgées…
Il est essentiel de rendre les transports accessibles pour les handicaps visibles, mais il ne faut pas oublier non plus les handicaps invisibles.
La question des tarifs doit aussi être prise en compte : parfois les personnes âgées ont besoin des transports pour 1 ou 2 arrêts seulement. C’est pourquoi, dans certains pays, les transports en commun sont gratuits à certaines heures pour les plus de 65 ans. Cela permet de sortir de chez soi et donc de maintenir le lien social, de prolonger la vie active etc. Et cela revient moins cher que la prise en charge de la perte d’autonomie !
A Budapest, tous les ressortissants européens de plus de 65 ans ont droit aux transports gratuits. En Irlande, tous les transports intérieurs sont gratuits (avion, train etc) pour les plus de 65 ans résidant en Irlande depuis plus de 6 mois.
La difficulté dans les zones rurales est de coordonner les actions de la communauté de communes et du département. Il est possible d’organiser le ramassage des séniors en utilisant le réseau de transports scolaires (les jours de marché par exemple) selon le même système du « porte à porte ». Cela permet d’avoir une vie active, sociale et autonome.
Il est indispensable que les élus aux transports fassent réaliser des audits pour savoir ce qui se passe vraiment car prendre les transports, ce n’est pas juste pouvoir monter dans le bus, c’est aussi pouvoir y accéder : monter les escaliers, temps d’attente non indiqués dans les arrêts de bus (chercher un siège, un banc…)
Dialogue avec la salle
Stéphane Coppey, membre de la commission transport, ex-président de l’autorité organisatrice des transports de Toulouse
Il faut penser l’accessibilité sous l’angle de l’intermodalité et développer des transports adaptés, des transports spécifiques, des transports à la demande etc.
Il faut aussi promouvoir l’autopartage, covoiturage etc. : faire appel à un voisin ne doit pas être ressenti comme une honte. Par ailleurs, cela ajoute un côté social au déplacement.
Pour ce qui est de la gratuité, il faut savoir que le prix n’est que le 6e ou le 7e motif évoqué en matière d’utilisation des transports. Ce qui est surtout important, c’est d’avoir un même tarif pour tous, même pour le transport à la demande. Plutôt qu’au statut ou à l’âge, la tarification doit être liée aux revenus.
Patrick You, ancien adjoint aux déplacements à La-Roche-sur-Yon
Il existe des ruptures entre les différentes Autorités organisatrices de transports (AOT), il faut donc harmoniser.
La mise en accessibilité du réseau a nécessite des rencontres avec les associations afin de prendre en compte tous les types de handicaps ainsi que les handicaps momentanés. Ce n’est pas simple à intégrer. Les associations rencontrées lors de la mise en accessibilité des transports de La-Roche-sur-Yon étaient très responsables, même s’ils avaient des divergences.
Pour les tarifs, une tarification sociale semble plus intéressante que la gratuité.
David Marais
L’âge de perte d’autonomie dépend de l’autonomie qu’on a : la gratuité recule l’arrivée de la personne dans la dépendance.
Jocelyne Le Boulicaut
Pour les personnes âgées, pouvoir prendre le bus pour un arrêt ou deux, ça n’est pas un moyen de déplacement, mais une aide pour aller plus loin, augmenter son périmètre de marche.
Un militant, architecte
Dans les gares, les employés n’ont pas le droit d’aider les gens à sortir de la gare pour prendre le car et inversement. Il y a donc une réflexion à mener pour créer des emplois pour apporter une assistance aux personnes qui en ont besoin (plutôt que d’autoriser les employés à aider). Cela renforcera la multimodalité.
L’accessibilité doit se faire en gardant à l’esprit le concept de « design universel ». Il ne faut pas travailler à une accessibilité pour les handicapés/les vieux, mais penser les bâtiments pour qu’ils soient accessibles à tout le monde. Cela permet d’avancer sur la qualité de tous les services, pour tous les publics et de décloisonner.
Avec la multiplication et l’hétérogénéité de la demande, on ne va pas vers quelque chose de plus simple. Les espaces publics de plus en plus partagés ou alors vide car pas assez partagés.
Afin de penser les aménagements autrement qu’en terme de travaux, il faut penser à intégrer la médiation.
Si on veut que l’écologie avance, il ne faut pas uniquement parler travaux, mais il faut aussi un accompagnement par l’information sur les opérations.
La vraie transversalité est sur le partage de l’information pour tout le monde et pas en parallèle. Il faut donc former les élu-es à penser information et pas seulement travaux.
David Marais
Quand les aménagements sont faits uniquement pour les personnes handicapées, c’est rarement bien fait alors que quand il s’agit de permettre à un caddie de supermarché de passer, là, il n’y a pas de marche et les ascenseurs fonctionnent.
Sébastien Rogez
Parfois, faire un effort, même si c’est plus coûteux, permet que cela bénéficie à tout le monde.
Un militant, enseignant, spécialisé dans l’accès aux loisirs des enfants/jeunes en situation de handicap
A partir du moment où la société envisagera l’accessibilité avec une entrée systèmique, il y aura une transversalité.
Malheureusement, l’accessibilité sociale, à l’enseignement, à la culture, aux loisirs, à la vie affective n’est pas considérée comme une priorité.
Le handicap, c’est le désordre et cela fait remonter des peurs irrationnelles. Les élu-es doivent être outillés et formés si l’on souhaite qu’ils soient en capacité d’envisager ces questions.
Nous devons tendre vers une société inclusive, c’est-à-dire passer de la prise en charge à la prise en compte.
Il est dommage que la mise en place des projets éducatifs territoriaux ne prenne pas en compte la place des enfants en situation de handicap dans les activités périscolaires
Françoise Coûtant
La mise en place des Agenda 22 (qui mettent en œuvre les 22 principes définis par l’Assemblée générale des Nations unies en 1993 et complétés en décembre 2006 par la Convention universelle sur les Droits des Personnes handicapées de l’ONU, visant à assurer l’égalité des chances des personnes en situation de handicap) va permettre d’avancer sur ces questions, notamment avec la création de commissions extramunicipales (qui sont composées de citoyens concernés par les sujets traités) sur l’accessibilité.
Pierre Serne
Il serait utile d’envisager la réalisation d’une fiche FEVE et la mise en place d’une formation CEDIS sur ce sujet.
Il faut aussi prendre en compte la spécificité des personnes atteintes d’Alzheimer.
Dans certaines zones rurales, il n’y a aucun accès à la mobilité. Il faut donc réfléchir à comment il est possible d’assurer un minimum d’accès à la mobilité (aller voir le médecin, se rendre au bourg etc.) afin de permettre de rester dans la vie sociale.
Il y a une grande réflexion à mener concernant les transports à la demande, réflexion à laquelle il peut être intéressant d’associer La Poste qui va partout et voir s’il serait possible aux agents de transporter les personnes.
Il va falloir être créatifs et inventifs.
D’autres problèmes se posent, notamment à cause de l’opposition entre certains types de handicaps.
Tous les nouveaux matériels roulants sont obligatoirement accessibles (visuels, alarmes sonores etc.), mais dans les gares, ça n’est pas si simple.
Sébastien Rogez
A côté de Grenoble, une gare toute neuve a été construite, elle est accessible, mais malheureusement, il n’y a pas de personnel pour aider la personne handicapée à appuyer sur le bouton de l’ascenseur à partir d’une certaine heure.
Un travail est lancé avec Grenoble Autopartage pour qu’ils mettent à disposition des voitures accessibles.
Par ailleurs, il existe un accompagnement à la demande pour les personnes qui ne se sentent pas de faire les courses seul.
Pierre Serne
Développer le transport de nuit, c’est utile aussi pour les publics non-PMR : cela évite d’avoir à prendre la voiture la nuit, cela permet aux personnes ayant des horaires décalées de prendre les transports en commun et aux personnes qui ne peuvent pas avoir de voiture de sortir.
La région Ile-de-France a mis en place « Filéo », un service de transport à la demande à destination de la plateforme de Paris CDG, à votre service 24h/24 et 7j/7. Ce service est accessible aux personnes qui travaillant sur les plateformes aéroportuaires qui ont souvent des horaires décalées.
Il est important d’uniformiser l’ensemble des horaires du réseau, de s’adapter aux horaires des gares, pas seulement aux horaires de travail.
Focus sur le travail de Sébastien Rogez à Grenoble
Depuis le 26 avril, Sébastien Rogez travaille à Grenoble avec Christine Garnier, conseillère municipale déléguée à l’accessibilité.
Sébastien a participé activement à la campagne municipale en organisant des actions sur le handicap. Pour lui, être sur le terrain est essentiel pour présenter la commission d’accessibilité.
Il existe à Grenoble un partenariat avec les associations de personnes handicapées locales, mais Sébastien constate que le lien entre les associations et le politique n’est pas toujours facile.
Sébastien est chargé de faire appliquer ce que demande les associations. Il les rencontre donc, avec Christine Garnier, pour évaluer leurs besoins. Les associations attendent beaucoup du schéma directeur de l’accessibilité et du schéma universel du handicap. Au delà des personnes à mobilité réduite, Sébastien essaie d’intégrer les autres types de handicaps. En effet, pour lui, il est essentiel de n’oublier personne.
Pour sa mission de rapporteur sur l’accessibilité, Sébastien filme, photographie, les trottoirs, les lieux publics (bibliothèques, maisons des associations, gymnases…) etc. Il étudie tout : hauteur des boutons d’appel des ascenseurs, accès aux WC… A Grenoble, les boulevards sont accessibles, mais les petites rues sont oubliées (poubelles mal placées etc.). Sébastien photographie donc toutes les difficultés rencontrées.
Il fait ensuite un bilan des priorités pour les différents bâtiments qui permet ensuite de faire un audit pour décider où mettre l’argent en premier. Sur le nouveau tram, par exemple, il s’est aperçu que les boutons d’ouverture des portes étaient difficilement accessibles. La commune réfléchit donc à la mise à disposition de télécommandes aux personnes qui en auraient besoin, mais cela coûte cher.
La commission d’accessibilité, composée d’associations, de Christine Garnier, du directeur des services adjoint et d’un technicien. Son objectif est d’améliorer l’existant.
Christine Garnier est aussi 5e vice-présidente à l’Habitat, au Logement et à la Politique foncière de la communauté d’agglomération Grenoble-Alpes Métropole. Sébastien et elle travaillent avec un responsable de la communauté d’agglomération pour identifier les difficultés à ce niveau.
Il y a parfois des difficultés avec les services de la mairie, mais aussi ce sont parfois les services qui font directement appel à lui pour faire des tests. Lorsque des travaux sont effectués, Sébastien travaille avec le service d’urbanisme au bilan des chantiers pour améliorer l’accessibilité des zones aux PMR lors des prochains chantiers.
Sébastien travaille aussi avec l’union de son quartier. Il a réalisé, avec Vincent Fristot, adjoint à l’urbanisme, au logement et à la transition énergétique, un film des parcours dans le quartier qu’il a envoyé à la mairie durant la mandature précédente pour les sensibiliser aux besoins de mettre de l’argent dans l’aménagement urbain pour faciliter les déplacements des personnes en situation de handicap.
Enfin, Sébastien travaille à sensibiliser les autres militants écologistes.