Pour une société inclusive : égalité des droits et intégration des personnes handicapées
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Barbara Pompili est intervenue lors des débats en séance publique sur l’enjeu de la société inclusive à bâtir. Si la loi de févier 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été une grande avancée, elle ne suffit malheureusement pas. D’où la nécessité d’un volontarisme fort pour que chaque politique publique soit adaptée aux besoins spécifiques ds personnes handicapées. Il est en effet du devoir du législateur de tout faire pour que l’égalité des droits devienne réalité.
Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le rapporteur, Chers collègues,
Si nous vivions aujourd’hui dans une société inclusive où chacun et chacune aurait sa place et des perspectives d’avenir quels que soient ses moyens, ses origines, son lieu d’habitation, son apparence ou son handicap… alors, un grand cap aurait été franchi et nous pourrions nous en féliciter. Cette société inclusive, nous sommes nombreux ici, sur les bancs même de cette Assemblée, à en rêver.
Et je suis convaincue que nous y parviendrons. Beaucoup trop lentement, c’est certain, celles et ceux qui en souffrent ne me contrediront pas. Je pense aux discriminations dont sont quotidiennement victimes certains de nos concitoyens…. en raison de leur accent, de leur couleur, de leur apparence…. en raison de leurs différences visibles et invisibles qui suscitent regards insistants, railleries ou pire encore… Les personnes porteuses d’un handicap subissent trop souvent ces humiliations, lorsqu’elles ne sont pas mises au banc de notre société ou privées d’une partie de leurs droits.
Certes, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été une grande avancée. Cette loi a profondément modifié la politique en faveur des personnes handicapées. Son approche transversale a notamment permis de couvrir tous les aspects de la vie des personnes handicapées. Ambitieuse, cette loi a eu et a encore aujourd’hui des effets très importants pour améliorer le quotidien des personnes handicapées.
Je pense notamment :
– à la création d’un guichet unique – les MDPH – afin de mettre fin au parcours du combattant des personnes en situation de handicap et de leurs proches ;
– Je pense à la reconnaissance d’un droit à la compensation – par la solidarité nationale – des conséquences du handicap;
– Je pense à l’affirmation comme norme de la scolarisation en milieu ordinaire ;
– Ou encore au renouvellement de la politique de formation et de l’emploi permise par cette loi.
Mais cette loi ne suffit pas. Sa mise en application effective est, hélas, loin d’être parfaite. Je pense par exemple à l’accessibilité des lieux publics. Le délai de 10 ans de délais va bientôt être atteint et force est de constater que nous sommes loin, très loin, des ambitions affichées par la loi de 2005. Seuls 15% des établissements recevant du public seraient actuellement accessibles.
Le rapport d’information des sénatrices Claire-Lise Campion et Isabelle Debré sur l’application de cette loi met le doigt sur les nombreux obstacles à lever et les points à améliorer.
– Tout d’abord, les écarts de prestations entre les départements demeurent et les délais de traitement par les MDPH sont encore trop longs avec, parfois, un suivi mal assuré.
– Concernant l’autonomie financière des personnes handicapées : nous en sommes encore bien loin ! La prestation de compensation du handicap demeure insuffisante et certaines personnes en situation de handicap sont parfois condamnées à survivre dans des conditions dramatiques et inacceptables ;
– Quant à l’objectif de scolarisation, là aussi le bilan n’est pas bon.
Ce sont plus de 20 000 enfants handicapés qui ne seraient toujours pas scolarisés ; et je ne parle pas ici de l’absence de formation des personnels de l’éducation nationale ou encore de la nécessité de donner un véritable statut aux AVS.
– Enfin, si se déplacer relève encore trop souvent du parcours du combattant… permettez-moi un dernier exemple : le taux de chômage des personnes handicapées est 2 fois plus important que celui du reste de la population active !
On est donc loin, très loin, de cet idéal de société inclusive. Beaucoup reste encore à faire et le volontarisme politique – d’où qu’il vienne – est de mise. Il n’est en effet pas acceptable qu’aujourd’hui, dans notre société, certaines personnes ne bénéficient pas des mêmes droits que d’autres… en raison de leurs différences visibles ou invisibles ! Nous devons tout faire pour que l’égalité des droits devienne réalité. Tel est pour moi notre rôle de législateur.
Et je me réjouis de voir que certains de nos collègues de l’opposition qui hier encore militaient pour un traitement différencié envers certains de nos concitoyens. Je me réjouis de voir qu’ils ont parcouru bien du chemin en l’espace de quelques jours et qu’ils se fassent aujourd’hui les défenseurs d’une société où chacun puisse disposer des mêmes droits, quelle que soit sa différence. Car OUI, rappelons-le : notre République a le devoir de n’oublier personne et le combat pour l’égalité des droits est une exigence qui requiert toutes les volontés, indépendamment de nos appartenances partisanes. Le devoir d’égalité vis-à-vis de nos concitoyens ne saurait souffrir de stratégies partisanes. Et la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui propose justement de contribuer à cette ambition.
Il ne s’agit pas de voter ici une nouvelle loi ambitieuse et transversale – sur le modèle de celle de février 2005… mais de proposer une autre approche pour relever ce défi : s’assurer que toute loi votée à l’Assemble nationale prendra en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées.
Le gouvernement a déjà montré sa volonté d’agir en ce sens, ce que je salue. Dès le 4 septembre 2012 en effet, une circulaire était publiée au Journal officiel afin, justement, de demander la prise en compte du handicap dans l’ensemble des politiques publiques menées et donc, aussi, dans les projets de loi.
Cependant, force est de constater que cette circulaire demeure insuffisante. Permettez-moi deux exemples :
– La loi sur la Refondation de l’école tout d’abord. Malgré cette circulaire, le projet de loi présenté en première lecture ne comportait en effet aucune disposition digne de ce nom relative aux personnes handicapées. Pour remédier à cette situation, avec des membres du groupe d’études sur l’intégration des personnes handicapées que je préside, j’ai défendu de nombreux amendements relatifs à la scolarisation des élèves handicapés et à l’école inclusive. Et nous avons – heureusement – pour partie été entendus par le gouvernement.
– Deuxième exemple : la future loi sur l’ESR qui sera bientôt en discussion ne comporte pour le moment rien sur l’université inclusive ou les personnes porteuses de handicap.
Face à ce constat, est-ce que la proposition de loi qui nous est proposée par nos collègues de l’UMP changera réellement quelque chose ? Je ne sais pas.
Mais, c’est en avançant que, peu à peu, nous parviendrons à mettre en place cette société inclusive. Alors, OUI, faire de l’égalité des droits une exigence pour chacune des lois votées par notre Assemblée ne peut qu’aller dans le bon sens.
Ce changement d’approche doit être tenté. Sans remettre en question la nécessité d’une grande loi transversale, comme celle de février 2005, il s’agit de faire en sorte que ce soit l’environnement – compris dans un sens global – qui s’adapte au handicap, à toutes les formes du handicap et donc aux besoins spécifiques des personnes handicapées. Conformément à cette approche, l’ensemble des champs des politiques publiques sont concernés : urbanisme, logement, politique industrielle, emploi, éducation, santé, culture….
Toutes les politiques publiques doivent donc prendre en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées, voilà ce que demande cette proposition de loi. Veiller à ce que chaque loi prenne en compte les besoins des personnes handicapées ne pourra que contribuer à construire cette société inclusive que j’appelle de mes vœux et que nous appelons tous de nos vœux.
C’est pourquoi j’en appelle à un soutien trans-partisan. Face à l’ampleur des défis à relever et en vertu de l’égalité des droits, cette proposition de loi nécessite d’être soutenue par toutes et tous.
Je vous remercie.