Front contre Bloc : les tensions de l’extrême-droite française

Le dimanche 11 septembre, alors que Marine le Pen clôt par un grand discours les universités d’été du Front national, un invité inattendu se fait remarquer : Philippe Vardon, leader de Nissa Rebela, l’antenne niçoise du Bloc identitaire. Sa présence est lourde de sens, elle atteste la réussite de la stratégie qu’a mise en place le Front national pour débaucher les cadres du Bloc identitaire, ce mouvement né des ruines d’Unité radicale, auquel appartenait Maxime Brunerie.

 

Le Bloc Identitaire regroupe des groupuscules identitaires et régionalistes de toute la France (Nissa Rebela, Front Comtois, Alsace d’Abord, etc.) sous la présidence de Fabrice Robert, ancien cadre du FN. Dans le Nord Pas de Calais, le Bloc est structuré autour d’un mouvement principal, Opstaan (http://www.opstaan.eu/), et de locaux tels que la Maison flamande (Vlaams Huis, à Lambersart), la Maison de l’Artois (Auchel) et la nouvelle Maison des Ouvriers (Bruay-la-Buissière).

 

Le Bloc a pour ligne politique le refus du métissage ethnique (régionalisme fermé), le rejet du consumérisme (anticapitalisme), la dénonciation de l’oligarchie, le refus du multiculturalisme, le rejet de l’« impérialisme américain » et de l’« islamisation », le rejet du jacobinisme centralisateur. Pour les identitaires, aucune perspective n’existe en dehors de la communauté ethnique, conçue régionalement : ils se qualifient d’« enracinés » par opposition aux « déracinés » que seraient les migrants.

 

Là où le Front national voit l’Union européenne comme une menace contre l’Etat nation, le Bloc identitaire y décèle la concrétisation d’une « histoire et d’une civilisation communes » dont « la puissance doit être encouragée ». Ainsi, la lutte contre l’immigration et l’islamisation est le seul réel point de convergence avec le Front national, jugé jacobin et nationaliste.

 

Mais les intérêts électoraux et financiers priment sur les divergences idéologiques. C’est pour cela que le Front national, voyant dans le Bloc un concurrent potentiel et un vivier de futurs cadres, formés idéologiquement et dévoués au militantisme, a lancé une stratégie active de débauchage et de démantèlement. Les objectifs sont clairs : récupérer les meilleurs éléments en leur faisant miroiter un accord de financement électoral, et créer suffisamment de tensions entre les groupuscules du Bloc identitaire pour que celui-ci implose.

 

Cette stratégie, fortement appuyée par Steeve Briois, secrétaire général, et Bruno Bilde, chef de cabinet de Marine le Pen, tous deux conseillers régionaux, s’avère payante. En janvier, Nissa Rebela, le groupuscule le plus puissant du Bloc identitaire, a voté à 79% son soutien à Marine le Pen pour l’élection présidentielle, contre l’investiture à Nice de militants identitaires soutenus par le FN.

 

Ce ralliement crée aujourd’hui de réelles tensions entre les différentes composantes du Bloc identitaire, mais aussi à l’intérieur même du Front national, entre les partisans de cette stratégie (Brios, Bilde) et ses opposants, à la tête desquels se trouve Louis Aliot, partisan d’une dédiabolisation du Front national par une recomposition autour des mouvements souverainistes.

 

Le score du Front national aux élections législatives de juin sera donc déterminant, car il fixera la taille du gâteau (financement public) à répartir en fonction des accords électoraux, pour les cinq ans à venir. Une fois encore, on peut présager que les histoires de gros sous primeront sur les désaccords politiques.

 

 

 

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