Faut-il en finir avec le front républicain ? Le compte-rendu de notre forum aux JDE d’EELV 2014
Le Front national est aujourd’hui en mesure de gagner seul des cantons, des circonscriptions, des villes… et après ? Cette « irrésistible ascension » ébranle les stratégies des états-majors politiques : tout un pan de l’électorat ne répond plus à l’appel au « front républicain ». Face au FN, la victoire des partis de gouvernement n’est plus systématique.
Entre rejet de « l’UMPS » et stratégie de victimisation, le FN a su tirer parti de sa mise à l’écart. Le « front républicain », longtemps solution miracle, n’est-il donc pas devenu un leurre ?
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Animation :
- Marine TONDELIER, conseillère municipale d’opposition à Hénin-Beaumont, membre du Bureau exécutif d’EELV
Intervenants :
- Joël GOMBIN, politologue, auteur d’une thèse sur le vote FN (son site).
- Erwan LECOEUR, sociologue, auteur du Dictionnaire de l’Extrême-droite
- Bernard STIEGLER, philosophe, auteur de Pharmacologie du Front national
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Compte-rendu des débats :
L’idée de cet atelier a émergé sur la liste de discussion du groupe de travail d’EELV de lutte contre l’extrême droite.
Lors des précédentes élections, la question de ne pas avoir de candidats dès le 1er tour dans certaines villes, cantons ou circonscription s’est posée. Le débat a également lieu dans certaines régions pour 2015 et certains commencent même à expliquer qu’il faudrait, pour faire barrage au front national, soutenir le candidat socialiste dès le 1er tour en 2017.
A Hénin-Beaumont, les municipales ont démontré que l’alliance PS/PC/EELV au premier tour n’avait pas suffit à « faire barrage ». Pire, elle aurait contribué à faire gagner le FN dès le 1er tour, beaucoup de nos électeurs respectifs n’ayant pas souhaité se déplacer car étant froissé par la présence de tel ou tel logo sur le bulletin de vote.
Au fond, le front républicain serait un peu comme des digues que l’on construirait contre la montée des océans: elle peuvent êtres rassurantes à court terme mais ne sont pas efficaces à long terme.
Pour commencer, Joël Gombin est revenu sur les origines du front républicain, qui remontent à la IIIème République. A l’époque, il s’agissait de faire barrage à la droite monarchistes en s’alliant au candidat de gauche le mieux placé.
Dans les années 30, la menace fascite a ensuite donné lieu à la création du Front populaire en France puis en 1956, suite à l’échec de Pierre-Mendès France sur la question coloniale et la montée du poujadisme, les législatives donnerontt lieu à une coalition électorale de centre gauche, que Jean-Jacques Servan-Schreiber nommera dans l’Express Le Front Républicain.
Depuis le 21 avril 2002, le Front républicain est à entendre dans le sens de l’opposition électorale au Front National
Pour Erwan Lecoeur, le Front Républicain n’a en fait jamais vraiment existé en tant que tel. Le Front républicain, c’est en fait le piège du lepenisme. Il y a en réalité pas « un » front national mais 11 tendances (la tendance lepen, les royaliste, les bonapartistes, etc). Le terme « front républicain » est donc un mot valise pas très efficace puisqu’il donne l’impression qu’il y a un ennemi, unifié, homogène, ce qui n’est en réalité pas le cas.
Le FN a été en tête au second tour dans 403 cantons en 2011, et dans 61 circonscriptions en 2012.
On constate que l’accès du FN aux poste va souvent de pair avec leur déradicalisation. En ce sens, la proportionnelle semble donc une bonne solution pour les combattre à long terme.
Pour Bernard Steigler, nous vivons le drame d’une société qui va mal, et qui risque d’aller de plus en plus mal. Nous sommes dans l’obligation de fonctionner avec un modèle industriel d’automatisation généralisée pour faire face à l’accroissement démographique. Les entreprises les plus rentables sont aujourd’hui automatisées (voir Bill Gates, Amazone, Foxconn). L’automatisation touche également les consommateurs et les individus en général dans nos comportements quotidiens. Cela conduit à une accélération du processus marxiste de prolétarisation accrue, du fait de l’automatisation.
Selon lui, le problème n’est pas la fin du travail mais la fin de l’emploi et le début du travail. Il faudrait préférer un revenu contributif qui développe les capacités des gens au sens d’Amartya Sen. La vraie question est celle de la redistribution du pouvoir d’achat.
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Approfondir :
Vote FN aux européennes : une nouvelle assise électorale, par Joël Gombin (Observatoire des radicalités politique, Fondation Jean Jaurès)