Un val abondamment irrigué
Le canton de Saint Jean-le-Blanc est situé pour moitié dans le val d’Orléans, pour l’autre moitié, en Sologne. On ne risque pas la pénurie d’eau : nous sommes sur la nappe de Beauce, la plus grande nappe phréatique d’Europe et la Loire entretient aussi une nappe alluviale importante dont les flux peuvent se mélanger à l’eau de la nappe de Beauce. En effet, le calcaire de Beauce est perforé de galeries, où l’eau circule en rivières souterraines avant de resurgir par des trous comme le « Bouillon » du Parc Floral de « La Source ». Ce nom de La Source a été donné à tort dans des temps anciens avant que les géologues ne démontrent la « résurgence ».
Chaque commune du Val a dû faire son PPRI (Plan de Prévention des Risques d’Inondation) car il y a toujours risque d’inondation centennale, comme en témoignent les inscriptions que l’on peut voir sur les bâtiments chargés d’histoires : les niveaux ont été atteints 3 fois en 20 ans en 1846, 1856 et 1866.
Le paysage rural, très agricole, est coupé de fossés artificiels dont les eaux rejoignent plusieurs rus serpentant vers la Bergeresse, puis le Dhuy au pied du coteau sud du Val menant à la Sologne.
En Sologne, des couches géologiques argileuses et des sols anciens tassés dissocient la nappe profonde du calcaire de Beauce et les eaux superficielles qui ne s’infiltrent pas dans les sols. Le paysage est forestier aux sols et vallons très humides, jalonnés d’étangs qui ralentissent l’écoulement de ces eaux du plateau solognot vers le val au Nord ou vers le Cosson au sud, autour de Vannes-sur-Cosson.
Quelle eau ?
Risques d’inondations, réseau de rivières souterraines captant les eaux de nappe profonde et les eaux de surface non filtrées, ruissellements, contextes urbains, industriels et agricoles peuvent être autant de causes d’eau brute inapte à la consommation en l’état.
L’usine de traitements de Saint Denis-en-Val a pour fonction de rendre potable l’eau pompée dans les forages du val. Les analyses mensuelles, opérées par l’Agence Régionale de Santé (ARS), que l’eau soit fournie par un délégué comme à Saint Denis-en-Val ou une régie municipale comme à Sandillon, indiquent le plus souvent « Eau d’alimentation conforme aux exigences de qualité en vigueur pour l’ensemble des paramètres mesurés ». Ces paramètres sont essentiellement chimiques et bactériologiques et les résultats paraissent très homogènes dans les différentes eaux communales. Parfois, l’ARS signale une anomalie locale sur un prélèvement jugé « non représentatif » de l’eau distribuée et vérifie assez rapidement que l’anomalie a été corrigée. Heureusement, aucune dérogation aux normes n’est concédée par le préfet du Loiret.
On pourrait croire donc que tout est fait pour la santé des usagers de l’eau. Cependant, pourquoi ne figurent pas de résultats de nitrates, de phosphore et de pesticides ? Certes, la carte de la pollution par des pesticides du département, produite par l’ARS, montre que la norme de conformité (teneur < à 0.1 μg/l) n’est dépassée par aucun pesticide sur l’ensemble du canton en 2012. Dans l’usine de Saint Denis-en-Val, les pesticides sont pourtant piégés par des filtres au charbon actif : est-ce utile s’il n’y a pas de pesticides dans l’eau des forages ? Ou n’y en a-t-il que dans les forages qui alimentent cette usine ? Et pourquoi donc ? Enfin distribue-t-on de l’eau contenant des pesticides ailleurs sans analyses de contrôle de la part de l’ARS ? Voilà qui mériterait des éclaircissements des mairies responsables du Service Public de l’Eau quel que soit le mode de gestion choisi : déléguée (mais sous contrôle de la Mairie) ou en régie municipale.
Le SDAGE
Le nouveau Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (2016-2021) pour le Bassin Loire-Bretagne définit des objectifs d’amélioration des masses d’eaux de surface et souterraines vers un « bon état de l’eau ». Ce projet « plus précis et mieux ciblé » que le précédent SDAGE reste contraint par la pression des lobbies agricoles et industriels, qui pourtant reçoivent le plus d’aides financières pour limiter leurs empreintes environnementales sur les milieux aquatiques. Qui bénéficient des aides de la politique de l’Eau ? Les agriculteurs pour 27%, l’Industrie pour 12%, l’activité économique et les services pour 11%, les ménages pour 38%, l’environnement, 12% seulement.
Qui paient pour les plus pollueurs ? Les contribuables et les ménages pour 80% du financement, l’activité économique et les service pour 10%, l’industrie pour 7%, l’agriculture pour 3% seulement. Les plus pollueurs sont ceux qui paient le moins pour participer à l’amélioration de l’état des eaux.
Le SDAGE se décline ensuite en autant de Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) que de petits bassins versants élémentaires. Le canton de Saint-Jean-le-Blanc se trouve pour la plus grande part au nord sur le bassin du Loiret et très partiellement au sud sur celui du Cosson.
Une consultation des citoyen-ne-s est proposée à leur critique par l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne. Pour y répondre, on pourra lire l’analyse faite du SDAGE par Bernard Rousseau de France Nature Environnement dans la Lettre-Eau-n°69 Janvier 2015 (consultable sur internet en suivant ce lien).
Une politique de l’eau plus responsable
Nous l’avons vu, l’eau n’a pas de frontière, dans nos sous-sols comme en surface. Mais les politiques concernant celle-ci (régies municipales, délégation de service public) diffèrent suivant les communes.
Pour la qualité de cette eau, pour sa préservation et notre qualité de vie, mais aussi pour les finances de chaque ménage, il est important de mener une politique de l’eau qui contribuent activement à la protection de sa ressource. En définissant des objectifs communs aux collectivités du Loiret, dans un schéma départemental d’assainissement et un schéma départemental de l’eau potable et en mettant en place une plate-forme de service pour favoriser la mutualisation et les études de retour à un service public de l’eau dans les communes du Loiret, c’est comme cela que sera atteinte une vraie égalité des citoyens et citoyennes face aux besoins en eau sera atteinte.
Michel Isambert (Ingenieur agronome) et Jean-Sébastien Herpin
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