Voir comment des notables de la FAO « enfument les lecteurs du journal La Croix.
texte de la réponse de Michel et reproduction de l’article original.
Une nouvelle agriculture ! Oui, mais laquelle ?
Proposition de réponse à l’article de Hervé Lejeune ancien sous directeur général de la FAO, professeur de politique agricole, publié dans le journal La Croix du 18 mars dans la rubrique Forum & Débats.
Ce texte, émane de citoyens impliqués dans l’économie sociale et solidaire du fait de l’animation de plusieurs Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne de proximité dans les Yvelines.
Nous voudrions démontrer que l’agriculture biologique est une alternative crédible pour assurer l’alimentation de la planète et que l’agriculture chimique devenue conventionnelle[1] révèle trop de danger pour la santé des humains et trop de risques pour l’économie. L’argumentation productiviste de l’article de référence nous semble difficilement acceptable car elle méconnait les conséquences humaines, sociales, environnementales, sanitaires sur les personnes et les animaux. L’article de M. Hervé Lejeune nous semble présenter l’alternative de l’agro biologie d’une manière caricaturale et partiale. En effet, nous considérons que nous devons nous tourner résolument et courageusement vers d’autres modèles économiques. Nous souhaitons témoigner de notre pratique de l’économie sociale et solidaire qui répond à l’attente des populations et redonne emploi et espérance aux agriculteurs.
Nous pouvons, tout d’abord, nous associer au regret de voir traiter de manière aussi anecdotique la question essentielle de l’agriculture à l’occasion du salon annuel consacré à cette partie importante de notre économie.
Ce domaine de l’économie conditionne étroitement la qualité de notre alimentation, de notre santé, du développement durable de notre territoire qui retient désormais l’attention des citoyens.
Nous sommes également en accord avec la dénonciation de la « peopolisation » des standards alimentaires alors que nous considérons cette question comme essentielle pour l’économie, la santé, l’écologie de notre pays, de notre continent, de la planète toute entière, à la mesure des 10% de l’humanité, indique Hervé Lejeune.
Nous ne sommes, par contre, absolument pas d’accord avec l’affirmation, non documentée, de ne pouvoir nourrir le monde avec une agriculture biologique (2) – non chimique & industrielle. Il semble plus raisonnable d’admettre qu’il ne peut être question d’obliger les citoyens à manger bio, à faire du vélo ou de la gymnastique. L’agriculture bio ne peut être réduite à la vision désuète et passéiste du dirigeant Nigérian cité dans l’article. L’agriculture biologique est, au contraire, une synthèse savante d’études de pratiques ancestrales et d’examens des techniques modernes des produits ainsi que des interactions entre les éléments naturels, le tout étant synthétisé au sein de « l’Agrobiologie». Pierre Rabhi saurait argumenter, plus savamment que nous, sur cette question à travers son expérience pratique en Afrique qui démontre qu’il est possible de retrouver « l’autosuffisance alimentaire »[2] , y compris dans les zones les plus rudes du continent africain (cf famine de 2008[3]).
Ces auteurs savent argumenter valablement et pratiquement sur ce sujet.
L’intensification de la production n’est pas un argument recevable à nos yeux d’autant qu’elle vise à justifier l’usage « d’intrants » artificiels (et chimiques) dont les effets s’avèrent impropres à une alimentation de qualité.
« La saturation des marchés » relève d’une idéologie d’abondance qui génère le gaspillage alimentaire aujourd’hui combattu (30% de la consommation alimentaire).
Il est évident que le travail manuel attentif à la nature des sols, à la croissance respectueuse de la nature des produits, le respect des humains (santé et rémunération) impacte évidemment sur le rendement des exploitations. Le respect des humains travaillant en harmonie avec la nature, comporte un coût trop souvent comprimé au bénéfice des profits. La disparition des terres arables est de nature à nous inquiéter.
L’argument du prix élevé du bio est faussé car il néglige l’impact du circuit de distribution, déterminant dans la construction du prix de vente public. Le prix du produit industriel est réduit du fait des modes de production intensifs permettant d’écraser les coûts (mais pas les marges).
Le prix des produits bio peut être prohibitif du fait de circuits de distribution en boutiques comportant des frais commerciaux et d’intermédiaires. La vente en circuits courts de proximité, sans intermédiaires, supporte allégrement la comparaison d’autant que le prix est déterminé en concertation avec le producteur qui fixe son seuil de rentabilité en toute transparence (après réintégration des frais indirects). Le prix du produit en vente directe comporte essentiellement les frais de main d’œuvre déterminé avec le souci de la juste rémunération du travail (point de la charte des AMAP – dignité du travail du producteur).
L’agriculteur dépendant des apports en produits chimiques se trouve régulièrement contraint, lui, entre les baisses de cours et les augmentations de prix des produits phytosanitaires qui conduisent, progressivement, au dépôt de bilan … et parfois au suicide !
Nous considérons que les circuits courts de proximité restaurent le lien direct avec les producteurs en accédant aux productions de saison. Les associations telles que les AMAP qui ne comportent aucun intermédiaire sont donc bien évidemment les plus économiques tout en permettant de conserver la qualité des aliments. Les intermédiaires représentent une marge économique du prix[4] connue pour son gigantisme.
Le réalisme économique permet d’admettre que le seul circuit bio de proximité ne pourra satisfaire l’ensemble des populations mais nous ne pouvons admettre que le bio devienne un produit profitable parmi tant d’autres, réduisant la démarche écologique à une facétie d’arrière-garde. Ceci sans parler des tromperies sur le « bio Roumain » importé.
Nous souhaitons simplement que les marges « avant et arrière » soient résorbées au profit d’une rémunération juste et équitable des producteurs et de leur famille qui travaillent durement (reconnaissance du statut de la compagne).
« La nouvelle agriculture » est pour nous l’agrobiologie qui ne peut être associée ou confondue avec une simple « mode Bobo » relayée par les médias à sensations. Elle mériterait une meilleure considération des médias d’information, des politiques et des instances agricoles. La coexistence, évoquée dans l’article de référence, entre les rendements et le respect de la nature n’est malheureusement pas crédible car nous connaissons trop bien le poids du productivisme mercantile face au respect de la nature.
La situation du climat de notre planète en est un exemple édifiant.
Nous ne pouvons qu’espérer que le monde paysan retrouve la considération qu’il mérite et qu’il puisse reprendre les commandes de son avenir en s’affranchissant des pouvoirs financiers et industriels qui régentent cette noble activité en asservissant ses acteurs. Ce beau métier qui consiste à nourrir ses congénères est une véritable vocation porteuse d’emplois d’avenir.
L’argument de lutte contre la faim ne doit pas servir de prétexte pour masquer des pratiques industrielles et chimiques qui dégradent durablement la planète nourricière. Ce n’est ni déplacé ni égoïste de vouloir que notre « santé passe par notre assiette » (plus que par les bénéfices de l’industrie chimique, agroalimentaire et des laboratoires pharmaceutiques), ni que des paysans puissent travailler en polluant la terre et l’eau et en détruisant leur santé.
C’est engager l’avenir, celui des générations futures, durablement, que de respecter la planète et les humains qui y travaillent en produisant une nourriture de qualité.
Michel Moreau – réseau des AMAP en IDF
[1] Effet du plan Marshall et de l’utilisation des pesticides dans l’alimentation devenue productiviste. Juin 1947
[2] Cf film « Désordre global – solutions locales » Mouvement des Colibris.
[3] Cf Marc Dufumier « famine au sud, mal bouffe au nord ». François Ramade « un monde sans famine ».
[4] 25% au mieux d’après Jean Ziegler – ouvrage sur le droit à l’alimentation et la FAO
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