Fusion des Normandie : “Tout projet de manger ou soumettre l’autre serait voué à l’échec“
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Intervention de Claude Taleb lors de l’Assemblée plénière du Conseil régional de Haute-Normandie le 15 juin dernier.

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« Faire la Normandie », l’avenir de la vallée de Seine, les énergies du vent, l’agriculture paysanne… je me tiendrai à ces 4 sujets pour ce débat de politique régionale.

La fusion des Normandie se prépare, activement. Les 5 rapports « Faire la Normandie » inscrits à l’ordre du jour anticipent les politiques communes de demain, et s’ajoutent à celles que nous faisions déjà vivre pour la promotion du tourisme pour la qualité alimentaire.

Les rares collègues participant aux ateliers thématiques communs ont constaté l’appétence des acteurs de la société civile : en ces temps incertains, la Normandie est un horizon qui est perçu positivement.

Songeons à cet instant à nos collègues des très hybrides nouvelles régions du Sud ou de l’Est. Ils font face à des ces casse-têtes politiques et administratifs sans aucune commune mesure.

Le débat qui fait couler l’encre des gazettes depuis des mois, réduit au seul dilemme du choix de la ville chef lieu ou de la ville siège de la région, nous semble donc un peu dérisoire.

Nous sommes tous en pré-campagne électorale et personne ne s’étonne que chacun grossisse le trait pour prendre le contrepied du concurrent. La Normandie mériterait mieux qu’un débat caricaturé.

En réponse à l’avis demandé sur le décret fixant le chef-lieu de la future région à Rouen, les élus écologistes normands apportent une réponse commune. David Cormand y reviendra plus tard.

Sans attendre 2016, je peux ajouter que nous envisageons sans la moindre angoisse existentielle de futurs ex-haut-normands que le siège de la région puisse, si la prochaine assemblée en décide ainsi, être fixé à Caen, dans un scénario d’équilibre global.

Car nous avons la conviction que l’essentiel n’est pas là.

Il n’y a pas de match entre la Haute et la Basse, entre Caen et Rouen. La fusion unira deux régions certes différentes mais de dimension comparable. Tout projet de manger ou soumettre l’autre serait voué à l’échec. Ni Caen, ni Rouen, ne peuvent remplacer l’autre et les deux réunies se dévitaliseraient sans les ressources d’abord humaines du Havre, de Cherbourg et du dense réseau de villes moyennes et de territoires ruraux qui font déjà notre territoire.

Cet équilibre est un atout. Il rend peu crédible l’hypothèse de re-centralisation des fonctions sur un seul site qui va de pair avec la volonté obsessionnelle de réduire l’emploi public, qui a clairement été affichée ici par nos collègues de droite. La bonne gouvernance ne procèdera pas de cette ultra centralisation : un chef unique, un chef-lieu unique, un site unique, une administration unique, le doigt sur la couture : il ne faut pas confondre la Normandie.. et le Ministère de la Défense.

Nos concitoyens aspirent à des services publics efficaces et à une action publique de proximité. Et cela plaide pour un renforcement immédiat du benchmark des innovations, des réussites, de chaque côté, et pour une vision décentralisatrice de l’avenir.

Et puis à l’heure où beaucoup de discours publics empruntent la révolution numérique, il faudrait passer du discours aux actes : nous inscrire clairement dans notre époque qui est celle des échanges dématérialisés, des réseaux maillés d’acteurs et de décideurs, des modes collaboratifs.

Parfaite illustration de la nécessité de travailler en réseau : notre groupe a demandé au délégué interministériel à la Vallée de Seine, Mr Philizot, d’associer les élus écologistes et les APNE (Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement) à la table ronde annoncée sur le projet de canal Seine Nord Europe.

Mieux que de longs discours, une non-réponse ou une réponse dilatoire signeraient les intentions et le réalisme très relatif de porteurs de ce projet qui ignoreraient les avis de ceux qui défendent la Vallée de Seine d’abord comme un patrimoine naturel commun.

Notre opposition à ce projet, vous le constaterez, ne recoupe pas précisément celle des opérateurs portuaires et consulaires haut-normands.

Ce canal, sur le tracé concerné, impliquerait le prélèvement de 20 millions de m3 d’eau pour le plus grand préjudice de la disponibilité de la ressource, des zones humides et de la biodiversité. Et l’investissement démesuré est d’autant moins justifiable qu’il s’opèrerait au détriment du fret ferroviaire, première victime du report modal.

Nous n’accompagnerons pas pour autant des opérateurs portuaires régionaux qui continuent à afficher un manque de vision stratégique aussi proverbial que confondant.

Un jour favorables au canal, le lendemain opposés. Comme ils furent successivement demandeurs d’une écluse maritimo-fluviale, d’un grand canal, d’un terminal multimodal, d’un arasement du chenal de Seine… Quelqu’en fut le coût environnemental, voire « au prix » de compensations non réalisées ou de paroles reniées.

Ainsi les travaux de renaturation des berges de Seine sensées compenser l’arasement du chenal : arrêtés. Et le Classement de la Boucle de Roumare intervenu en 2013 : objet d’un recours de l’union portuaire et de la CCI.

Vous ne serez donc pas étonnés, M. le Président, que les écologistes se considèrent déliés de tous les partenariats contractualisés ou projetés avec des acteurs qui manifestent un tel mépris pour leurs propres engagements.

En outre, le potentiel économique de la vallée de la Seine ne se résume pas à la logistique. Ses paysages, la qualité de ses milieux humides qui ont inspiré les impressionnistes, attirent des dizaines de milliers de touristes, pas moins de 50 000 à Rouen en un an sur 17 bateaux de croisière. Dans cet exemple, l’environnement n’est pas l’ennemie mais bien la source du développement économique.

L’actualité du développement de l’éolien est, elle, porteuse de bonnes nouvelles.

Le débat public sur le parc du Tréport donne la parole à tous. L’Etat vient de donner son feu vert à l’exploitation de la turbine de 8 mégawatts conçue par Adwen. Celle-ci doit être construite dans les usines havraises en projet, c’est une excellente nouvelle pour le bassin d’emploi concerné et pour la création du centre de R&D associé au Madrillet. Cette technologie permettra de réduire, à puissance comparable, de 90 à 62 le nombre d’éoliennes sur le site du Tréport.

En complément de l’offshore, les parcs on-shore ont toute leur pertinence, pour décentraliser la production d’énergie à un prix de sortie du mégawatt-heure déjà très compétitif. Parce qu’ils sont propices à des portages public et citoyen qui facilitent leur acceptation et permettent aux territoires de bénéficier des retombées. Un tel parc se finalise en pays de Risle-Charentonne à l’initiative des élus de deux communes rurales. Ils méritent d’être soutenus.

Permettez-moi, chers collègues, de revenir au sujet de la compétitivité-prix pour souligner que ce match ENR / nucléaire est tué par la faillite industrielle et économique de l’EPR.

J’imagine que nous n’entendrons plus dans cet hémicycle la sempiternelle profession de foi de l’opposition, vibrant à l’unisson de ce soit-disant « projet phare » pour notre région : « on applaudissait Flamanville, on voulait le même à Penly » et en plus on espérait, en agitant le chiffon rouge, élargir la brèche des divergences au sein de la majorité.

Nous sommes aujourd’hui tous réunis dans cette assemblée. Et nous constatons le fiasco. Nous serons curieux, ces prochains mois, d’écouter comment droite et centre unis, vous expliquerez aux Normands que votre vision de l’avenir mise sur une industrie dangereuse et dépourvue de modèle économique.

Mercredi 17, le tribunal d’Amiens jugera en appel 9 militants paysans auxquels il est reproché d’avoir démonté un morceau de stabulation de la « ferme des 1000 vaches ». Cette action symbolique et non-violente, visait à alerter les pouvoirs publics et l’opinion sur les effets délétères de ce modèle.

Je souhaite, pour conclure cette intervention, affirmer le soutien et la gratitude de notre groupe d’élu-e-s pour ces lanceurs d’alerte parmi lesquels un paysan haut-normand. Les citoyens et les consommateurs ne s’y trompent pas et expriment leur soutien à cette agriculture paysanne qui préserve l’emploi, le tissu rural, et l’environnement.

Je regrette que le règlement intérieur en vigueur dans notre assemblée nous empêche de nous manifester sur ce sujet  éminemment régional et d’actualité par un débat et le vote d’une motion.

Il faudra en reparler en 2016 !

Pour télécharger cette intervention en pdf, c’est ici.