Analyse – La Région Rhône-Alpes et le soutien des entreprises à l’international

Dernière assemblée plénière avant l'été à l'hôtel de région

La stratégie régionale en matière d’entreprises à l’international s’est enfermée dans une quête de croissance et de compétitivité. Pour les écologistes, le développement économique doit être guidé par des critères étiques, sociaux, environnementaux, culturels.

Par Cyril Kretzchmar

Un ensemble de dispositifs ne fait pas une stratégie…

Les orientations et priorités de la politique régionale en matière de développement économique et d’accompagnement des entreprises sont définies dans la Stratégie Régionale de Développement Economique et d’Innovation (SRDEI), votée en 2011. Cette Stratégie fixe le cap dans le domaine de l’international (hors politique de coopération solidaire), constatant les bons « fondamentaux » à l’export de beaucoup de secteurs économiques en Rhône Alpes et le rayonnement à l’international de nombreuses entreprises. La SRDEI insiste par ailleurs sur l’amplification du déplacement de la dynamique économique en dehors de l’Europe et la dégradation du positionnement économique de la région à l’international (chute de la balance commerciale). Le groupe EELV s’était à l’époque abstenu sur ce schéma, considérant qu’il était un peu attrape tout,  très porté par le mythe de la nouvelle croissance, notamment par l’export, et sans aucuns critères d’intervention ni système d’évaluation. 

Si la reconquête des marchés intérieurs et de proximité était affirmée comme l’une des priorités, le développement des marchés européens et des nouveaux marchés (Asie, Inde, Brésil) est resté le principal axe d’inspiration de la politique régionale. Les outils essentiels de cette stratégie ont été dès lors centrés sur les points suivants :

  • les Plans de Développement à l’International (PDI) des Pôles de compétitivité et Clusters, soutien au développement de leur stratégie à l’international. Le groupe EELV a souvent pointé les risques de doublons entre ces PDI et les autres actions de soutien à l’international.
    • Le soutien à l’Agence Entreprise Rhône-Alpes International (ERAI) et ses filiales à l’étranger, en charge principalement de la recherche de partenaires étrangers et de l’aide à l’implantation à l’étranger des TPE et PME. Le groupe EELV a toujours été très critique vis-à-vis de la gouvernance et de la gestion d’ERAI (voir encadré).
    • IDéclic Stratégie international, qui préexistait à la SRDEI, octroît des aides à des investissements export et au recrutement de cadres export en PME. La commission qui oriente ces aides, très centrées sur les TPE et PME, est présidée par une élue EELV.
    • Le déploiement de la charte partenariale de développement à l’export, signée au printemps 2011 avec ERAI, UBIFrance, la Chambre de commerce et d’industrie régionale, la Banque publique d’investissement (BPI) et la Chambre régional des métiers et de l’artisanat qui a débouché en 2013 sur le Programme Régional d’Internationalisation des Entreprises (PRIE). La création de l’Equipe Rhône Alpes à l’Export va dans le sens d’une première clarification du réseau des acteurs mais l’Etat, la Région, les agglomérations et les consulaires font encore souvent cavalier seul…

D’autres actions régionales touchent au développement économique international comme les accords de coopération avec le Québec, la Pennsylvanie, le Parana ou Shanghai. Les aides à la mobilité internationale des jeunes et des étudiants et le soutien aux coopérations scientifiques sont également décomptées, de manière assez artificielle, dans un budget annuel à l’international de 50 M€. Il faut préciser que ces dernières aides représentent plus de 25 M€ par an, ce qui permet de faire masse dans un ensemble quelque peu hétéroclite…

Enfin, la politique de coopération solidaire, avec des objectifs clairs et un budget dédié soutient le développement économique soutenable et endogène des territoires partenaires de la Région.

Les élus écologistes de la Région considèrent que les actions économiques internationales sont encore peu perceptibles pour les rhônalpins et les acteurs de l’entreprise. Ces  politiques n’ont pas fait l’objet d’une évaluation complète au regard de critères d’intérêt général et elles fluctuent sérieusement en fonction des rapports de force entre les acteurs institutionnels, Etat, autres collectivités, patronat, réseaux consulaires. La Région pilote t-elle vraiment le réseau de ces partenaires extérieurs, ou en est-elle l’otage ?

ERAI vice ou vertu ?

 ERAI, l’instrument privilégié de la politique d’accompagnement des entreprises à l’international est souvent présenté comme un modèle. Un modèle de vertu, vraiment ?

Si l’outil ERAI est intéressant, sa gestion est alarmante et son coût public en dérapage constant : récurrence du déficit, pertes financières massives et généralisées des nombreuses filiales, réserves persistantes du Commissaire aux Comptes, dissimulations manifestes d’informations vis-à-vis des élus… Le sauvetage financier permanent par les ressources publiques de la Région Rhône-Alpes, année après année, notamment suite aux grandeurs et séquelles incontrôlées de l’exposition universelle de Shanghai et de la construction d’un pavillon, est anormal. Les conseillers régionaux EELV demandent de la transparence depuis longtemps sur ce dossier et ont interpellé tant l’organisme que le Président de Région. Comment s’assurer que les financements publics sont utilisés à bon escient si les informations nécessaires ne sont toujours pas transmises ?

Le projet annoncé de fusion entre ERAI et ARDI ne doit en aucun cas renforcer encore l’opacité qui entoure la gestion de cet organisme. Bien au contraire, ce doit être l’occasion, notamment dans la perspective du renforcement des compétences des régions en matière économique, de faire toute la lumière sur la gestion de l’association ERAI, d’assainir la situation et de poser un cadre sain sur les modalités, les divers outils et le coût réel public d’accompagnement et de développement à l’international de nos entreprises.

L’international doit être au service de l’intérêt général

Les écologistes ne sont pas opposés par nature au développement économique international, lorsqu’il dépasse la seule vision mercantile du rapport entre les nations et entre les peuples. Lorsqu’il cherche notamment à limiter la consommation d’énergies fossiles et à favoriser la cause des producteurs du sud autant que du nord, le commerce international peut être bénéfique, responsable. Il ne doit pas concurrencer les efforts de développement économique locaux mais bien les compléter.

Nous considérons que la politique régionale doit privilégier plus fortement encore les acteurs économiques les plus fragiles, moins à même d’accéder aux marchés internationaux (TPE, artisans, petites entreprises culturelles…). Nous attendons plus de transparence et d’efficacité dans l’usage de l’argent public (éviter les doublons, les dépenses somptuaires, les coups d’épée dans l’eau…). Les impacts en matière de création d’emploi en Rhône Alpes comme dans les pays étrangers doivent mieux guider les choix de dépenses.

Nous défendons une conception du service public qui doit clairement distinguer ce qui relève du marché, et ce qui doit être garanti par le domaine public (la santé en particulier) parce que les intérêts privés, les questions de rentabilité ne sauraient être le garant de l’accès de tous, et en particulier des plus démunis, aux droits fondamentaux.

Nous défendons une approche du commerce international qui contribue à la réduction de l’empreinte écologique de l’activité économique et à la disparition des conflits armés (refus du commerce des OGM, de l’aérien militaire…). Nous exigeons l’application de critères éthiques vis-à-vis des pays de destination (droits de l’homme, droits sociaux, égalité femme/homme, bannissement des paradis fiscaux et de la corruption…). Nous revendiquons des règles équitables de répartition de la valeur ajoutée entre producteurs, distributeurs et consommateurs. C’est l’équilibre du monde qui en dépend.

La seule quête de croissance et de compétitivité ne garantit pas cet équilibre et ne saurait tout justifier. La déconnecter des valeurs qui sous-tendent le développement harmonieux des sociétés c’est parier contre l’avenir. Le développement économique doit être guidé par des critères étiques, sociaux, environnementaux, culturels… Ce sont eux qui donnent du sens et garantissent un développement équilibré des territoires, respectueux, au service des citoyens. Les considérer comme des contraintes c’est s’exposer à la multiplication d’accords comme le traité transatlantique de libre-échange dit « TAFTA », actuellement en cours de négociation, qui ne s’inscrivent aucunement au service de l’intérêt général. 

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