Séance Plénière du 23 mai 2013 – La région Nord Pas-de-Calais s’engage en faveur des télés régionales

Myriam Cau

Intervention de Myriam Cau

La question de la poursuite ou non du partenariat entre la Région Nord Pas-de-Calais et la télévision Wéo était posé au Conseil Régional, dans un contexte de tension budgétaire et d’arrivée à échéance de la Convention d’Objectif et de Moyen liant la SEAML Nord Pas-de-Calais et Wéo. Ce questionnement a permis de travailler de façon plus large la question du soutien à l’ensemble du paysage télévisuel régional, comprenant France3, Weo, Grand’Lille TV mais aussi 11 télévisions de proximité.

La réflexion englobe la situation de la production audiovisuelle des documentaires qui a besoin de supports de diffusion. Il s’est dégagé une majorité en faveur de la poursuite d’un partenariat avec Wéo mais aussi les autres opérateurs, et l’exigence de poursuivre un travail de qualification de l’offre télévisuelle en région. Le Conseil Régional à travers cet engagement reste précurseur, volontariste. C’est un choix qui n’est pas sans questions. Par ailleurs, il convient de souligner une innovation : nous allons pour la 1ère fois nous engager dans un SIEG (Service d’Intérêt Economique général) qui permet d’intervenir eu égard à des attentes de « service public » dans un secteur soumis aux règles de la concurrence européenne.

 « Il nous est proposé de poursuivre et d’adapter notre collaboration avec la télé à vocation régionale WEO mais aussi de l’adapter au paysage régional des acteurs de la production audiovisuelle.

La délibération porte sur le cadre de négociation entre la Région et la SAEML Télés Nord Pas-de-Calais à laquelle serait confié le soin d’assurer un service d’intérêt économique régional de la production audiovisuelle en direction des différentes sociétés de télés locales.

Cette proposition appelle plusieurs questions:

Le rôle de la Région est-il déterminant et indispensable pour garantir une couverture médiatique de qualité sur tous les grands sujets régionaux  et contribuer à alimenter la communauté de vie « nord pas-de-calais » ?

Sans l’action conduite par la SAEML, dans ses 3 dimensions : financement de WEO, mission de télé ombrelle pour appuyer les télés locales de proximité et aide à la production de documentaires de qualité, nous serions en carence d’image et de visibilité sur un grand nombre de sujets.

France3 bien repérée et regardée traite du territoire régional de façon insuffisante.

Grand’Lille TV traite de nombreux sujets locaux et aussi régionaux (d’autant que sa couverture a été étendue) mais dans un format de chaine d’info en continu, donc sujets courts et trame rythmée.

Nous constatons que la SAEML en finançant et outillant WEO et les producteurs régionaux a créé un écosystème qui assure et démultiplie la production télévisuelle régionale dans un format qui convient aux thématiques culturelles, sportives, d’actualité des territoires. Des évènements importants, tels que la route du Louvre ont une couverture médiatique, dont malheureusement on n’est pas sur qu’elle serait assurée sinon.

Wéo est t-elle la télé du Conseil Régional, l’indépendance éditoriale et de fonctionnement de Wéo a-t-elle été respectée tel que prévu dans les principes initiaux ? Aujourd’hui, je crois que personne ne peut le contester, c’est un point positif et à préserver.

L’apport régional de financement fait à Weo est-il indispensable à son modèle économique ? Il est évident aujourd’hui que sans l’apport régional direct qui est prédominant le modèle d’affaire de Weo n’est pas viable. Et nous ne souhaitons pas l’arrêt de Weo.

Weo remplit-elle parfaitement la part de sa mission qui correspond aux attentes de la Région  dans le cadre du Contrat d’Objectif et de Moyens ?

Non pas encore, considérons qu’il faille du temps à une télé pour s’installer. Ainsi    il y a des évolutions réelles et positives notamment sur les émissions de terrains et la parole donnée aux acteurs du territoire, mais il reste des marges réelles de progrès. Notamment sur la pédagogie de l’action publique lié aux grands enjeux régionaux : avenir industriel de la région, transition écologique, opportunités offertes à la jeunesse, voire des formes à inventer de couverture des débats publics régionaux… Le cadre de la délibération ouvre à cet égard un espace de négociation qui doit être saisi pour bien redécliner nos attentes, tout en respectant l’indépendance éditoriale.

Comment la Région peut elle agir en faveur du pluralisme dans le paysage télévisuel régional ?

Pour autant, ce qu’attend la Région « en terme de mission d’intérêt général » peut aussi être élargi à d’autres opérateurs, afin de se garantir d’une forme de monopole par un groupe de média privé WEO qui est quand même adossé à la Voix du Nord et donc concentre une bonne part de la force de frappe médiatique régionale.

Dans ce contexte l’appui aux télés locales, du point de vue de la diversité, de la reconnaissance des initiatives est important. Il n’est pas encore optimum, même si des outils de mutualisation intéressant (wikinorpa, archivage, webtv, …) ont été mis à disposition. La montée en capacité qualitative de ces productions de proximité est un enjeu qui devra figurer de façon plus précise dans la future convention. Nous souhaitons qu’elles soient consultées et associées à la définition des perspectives renouvelées et renforcées.

Plus récemment, Opal’TV vient renforcer le paysage télévisuel régional et justifie quesoit défini un appui particulier pour qu’elle joue un rôlle intéressant ce territoire pertinent du littoral.

En ce qui concerne France3, bien qu’il existe des cas de convention entre une antenne régionale du service public – il s’agit des pays de Loire-, France3 a indiqué lors des auditions du groupe de travail qu’un apport financier ne correspond à la nature de sa stratégie plutôt basée sur des impératifs d’audience négocié avec ses instances nationales. Néanmoins France3 affirme être prête à travailler avecla Région.

Il reste enfin le cas de Grand’Lille TV, qui est en litige avec la Région sur le respect de la concurrence et de l’égalité de traitement, si nous avons bien compris. Chaîne d’info en continu, Grand’Lille TV qui a élargit sa couverture du territoire régional est aussi un opérateur de qualité, une PME née en région précocement implanté sur le pole image de Tourcoing. Contrairement à ce qui a été souvent repris, Grand’Lille TV a affirmé en audition être ouverte à un partenariat avec la région via la SEAML selon des modalités de cahier des charges à définir. Cette piste mériterait d’être examinée.

Donc si nous nous projetons, hormis France3 qui ne le souhaite pas même si la question pourrait se poser à l’égard d’une télé de service public, il nous semble que si l’on s’engage dans l’appui au déploiement de la télé en région il n’y a pas de raison d’exclure une seule télé qui serait Grand’Lille TV.

Ainsi notre vigilance porte sur la question du pluralisme, qui nécessite bien de considérer l’ensemble du paysage télévisuel régional. Ainsi si notre groupe est favorable à l’appui à un secteur économique et culturel télévisuel, nous souhaitons que le travail et les réflexions conduits par le Groupe de Travail Télé Régionale puisse continuer à approfondir et affiner les nombreuses questions qui se posent légitimement. Nous accordons une attention particulière notamment à l’appui aux télés de proximité, une richesse démocratique et un lieu possible de constitution de savoirs.

Les télés régionales sont elles déterminantes pour le secteur régional de la production audiovisuelle ?

Sur la production documentaire en région, le débouché qu’offre WEO permet de réussir l’effet levier de recherche d’autres financements, du CNC notamment, alors que France3 n’assure qu’une part très faible de la diffusion des documentaires de la production régionale.

Il s’ensuit que nous présentons une situation régionale atypique : une centaine de Sociétés de production en Région contre 600 à 700 au plan national. Cette réussite est à tempérer : nous conduisons une politique d’appui aux documentaires depuis longtemps via le CRRAV devenu Pictanovo, et par ailleurs c’est bien la région parisienne qui engrange 90% du chiffre d’affaire.

Nous tenons à ce que cet appui soit poursuivi, mais nous devons réfléchir aux conditions d’une bonne coordination entre l’apport à la production régionale de documentaire assurée par la SAEML et Wéo, et celui assuré par Pictanovo ex-CRRAV.

Les budgets doivent être cumulés pour en avoir une vision complète, de même les modes de sélection (comité de lecture à Pictanovo, ou choix direct par la SAEML). Il faut se garantir d’une éthique, d’une transparence, d’un égal accès à tous et de la pertinence des choix.

Par ailleurs, pour être présente au CA de Pictanovo j’observe que nous avons une production de documentaires à 2 vitesses, et qu’à côté de très belles réussites sur des documentaires bien financés, tout une part de la production audioviosuelle en région reste dans des cadres économiques très précaires. Tout cela pour nous inviter à poursuivre notre réflexion… Mais ce que devrait nous permettre les propositions faites en ce sens par Mr Christophe Di Pompéo.

En conclusion, oui à la poursuite dans un cadre d’amélioration qualitative, de consolidation effective d’émission qui font de la pédagogie à l’égard des enjeux régionaux, oui à un élargissement et à la consolidation du paysage télévisuel régional dans un souci de pluralisme et d’inclusion de tous les opérateurs. »

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