Séance plénière 16 décembre 2010 – Intervention de Janine Petit / agriculture

« Monsieur le Président, mes chers collègues,
Rien n’arrête une idée dont le temps est venu ! Cette idée, c’est la conversion écologique.
C’est une plénière extraordinaire ! C’est une région extraordinaire !
Pourquoi ? D’abord, parce que j’ai la parole.
(applaudissements sur les bancs des groupes Europe Écologie, Socialiste, Citoyen et Radical et Communiste, Parti de Gauche et Unitaires)
C’est en dehors des six minutes…
Je suis vraiment honorée, émue, et stressée, de parler au nom d’Europe Écologie sur le thème de l’agriculture qui est l’activité humaine la plus importante pour le maintien de la vie sur la terre, cette terre, ce mot « terre » dans notre langue, qui désigne tout à la fois notre planète et désigne cette matière vivante, car un centimètre cube de terre contient parfois plus d’un milliard de micro-organismes ; il y a plein de gens qui ne le savent pas. C’est un véritable miracle de richesse et une banque de graines.
C’est d’abord une région extraordinaire, parce que cette région a une vocation agricole, comme la France d’ailleurs, à cause de la qualité, de la diversité de ses terres, parmi les meilleures d’Europe, aujourd’hui, malheureusement, plus ou moins endommagées.
2010, c’est la décennie des crises durables, il ne faut pas se voiler la face : crise économique, crise financière, crise écologique, crise alimentaire, crise sanitaire, on est dans le mur.
Le système intensif en agriculture a conduit à l’industrialisation, au hors-sol, à la « méga mécanisation », au gigantisme, dont il faudra que l’on parle, contre nature, à l’invasion chimique.
Tous secteurs d’activités confondus – il n’y a pas que l’agriculture –, notre modèle de croissance a pillé, pollué, érodé, épuisé, détruit les sols, l’eau, l’air, détruit la biodiversité, les espèces, détruit les petites et moyennes exploitations et créé des chômeurs.
Il a introduit, plus grave, des substances dangereuses (cancérigènes, perturbateurs e endocriniens, allergènes) dans les chaînes alimentaires par la synergie entre intrants, pesticides, hormones, antibiotiques, conservateurs, traitements industriels. C’est pourquoi l’accélération de la recherche est essentielle et urgente ; j’en parlerai tout à l’heure.
C’est la première fois aussi – c’est extraordinaire – qu’il y a une vice-présidence «alimentation, régionalisation de l’agriculture, ruralité », ce qui, en soit, est une immense source d’espoir et une avancée importante au regard des évolutions positives du budget et de l’élargissement logique du champ de la délégation, ce qui nous aidera à améliorer le dialogue entre le monde agricole et la société, tout en prenant compte de la demande des besoins et de l’attente des citoyens pour une alimentation de qualité par la qualité des produits finis, par la qualité des modes et systèmes de production, par la qualité des supports de production, les sols – pas de la laine de verre –, l’eau – pas du goutte-à-goutte –, l’air – pas du chauffage au gaz –, la biodiversité, le soleil, l’arbre et les micro-organismes.
Cette orientation correspond à la demande actuelle des consommateurs et des citoyens et est garante d’un bon usage des fonds publics sur la question agricole.
On ne va tout de même pas importer du bio de Belgique et de tous les pays d’Europe alors qu’on peut en faire !
Pour promouvoir réellement cette perspective, il nous faudra rester attentif à mettre en mouvement toutes les composantes, à la fois les exploitations agricoles, les filières agroalimentaires et les territoires.
Je souhaiterais faire un focus sur deux projets emblématiques qui me paraissent aller dans la bonne direction, puis conclure sur quelques mots sur un domaine stratégique où beaucoup reste à faire.
Le premier zoom concerne l’agriculture biologique.
L’année 2010 marque le lancement du Plan régional pour le développement de l’agriculture biologique. Il s’agit d’une approche innovante, comme l’a dit Jean-Louis ROBILLARD, qui croise à la fois des actions environnementales autour de la préservation de l’eau, des sols, etc., des questions économiques, avec l’appui à la construction de filières agrobiologiques, et des questions de santé publique, avec le développement de l’approvisionnement des cantines de lycées.
Le soutien à l’agriculture biologique présente, bien entendu, un intérêt en soi, mais il est également positif, parce que le travail mené sur les techniques de l’agriculture biologique est en train de devenir un laboratoire pour la mise au point et la diffusion de pratiques plus respectueuses de l’environnement pour l’ensemble des exploitations agricoles.
Le second focus que je souhaiterais faire concerne la question du circuit alimentaire de proximité. En copilotage avec l’État, la région Nord – Pas de Calais a lancé en 2010 le Réseau rural et périurbain.
Le premier thème choisi par l’ensemble des partenaires est celui des circuits alimentaires de proximité. Un riche et prometteur programme d’activité a été construit de manière partenariale pour 2011. Il permettra de disposer et de partager des outils d’accompagnement et de conseil pour que ce type de circuit prenne toute sa place. En parallèle, la région a poursuivi les actions qu’elle mène sur ce thème : le soutien aux AMAP (associations pour le maintien de l’agriculture paysanne), aux projets de diversification dans les exploitations agricoles, aux structures qui accompagnent les agriculteurs dans cette direction.
Sans vouloir faire des circuits de proximité une solution à tous les maux actuels de l’agriculture et de l’alimentation, cela correspond à des activités non délocalisables, liées à l’économie résidentielle, et donc d’un grand intérêt.
L’agriculture interagit dans tous les domaines. L’agriculture est en lien étroit avec l’alimentation, avec la santé, concerne et est concernée évidemment aussi par l’aménagement du territoire, par la Trame verte et bleue, qui permet le fonctionnement des écosystèmes et la conservation de la biodiversité indispensable à notre survie. Elle est concernée par les SAGE, par les SCOT, par les PLU – vous comprenez tout cela –, les pays, le tourisme, la production, la transformation, la commercialisation et la consommation de proximité.
L’agriculture durable, l’agroécologie, est une agriculture d’avant-garde. Elle engage à accélérer la recherche sur les biocides, pesticides agricoles ou autres, intrants, produits vétérinaires, ionisation, conditionnement, OGM – en laboratoire – et sur l’écologie, l’éco-toxicologie. À ce propos, petite parenthèse, il faut savoir que Marie-Christine BLANDIN, au Sénat, a travaillé avec les scientifiques sur les besoins en écotoxicologie ; il y aurait besoin de 4 000 postes d’écotoxicologues ; c’est vous dire à quel point on en est.
Il faut aussi faire des recherches sur les nanoparticules, les métaux lourds, la phytoremédiation, l’ethnobotanique, les organochlorés tout près des usines d’incinération qui empoisonnent les cultures.
Enfin, loin des veaux clonés, loin des OGM, loin d’une mécanisation et d’une robotisation, il faut aller vers l’agroécologie, source d’emploi, en proposant une approche écologique du territoire, ce qui signifie : restructurer le territoire par la Trame verte et bleue, par des prés vergers en haut de plateau avec des ovins ou des bovins, par du reboisement de chemins creux, par la création de haies et bandes boisées pour arrêter l’érosion et permettre à l’eau de s’infiltrer, mais aussi végétaliser les berges de rivière et recréer des prairies permanentes pour l’élevage extensif le long de nos rivières, faire du fourrage, donner des primes à l’herbe, ce qui garantit le maintien de la qualité des sols et de l’eau.
Il faut favoriser les systèmes polycultures/élevages pour un équilibre biologique et paysagé, pour la biodiversité, par des assolements à cinq rotations, en utilisant le compost et en maintenant le patrimoine génétique régional.
Il faut revaloriser le métier d’agriculteur qui n’est pas un ouvrier spécialisé dans le goutte-à-goutte sur de la laine de verre ou qui n’est pas le gérant d’élevage industriel… Vous me comprenez. C’est un métier, il faut lui rendre sa dignité, sa beauté, par son savoir, par son savoir-faire. Il faut soutenir les petites et moyennes exploitations, il faut créer des filières agrobiologiques en multipliant les emplois durables – c’est le premier enjeu du plan bio –, en accélérant les recherches. L’agriculture doit nourrir la vie, doit nourrir les hommes, doit nourrir les agriculteurs et doit nourrir la santé !
L’agriculture et l’agroécologie doivent vivre et faire vivre le Nord – Pas de Calais qui doit être le pilote dans cette transformation comme il a été pilote avec la conversion écologique qui a commencé du temps de Madame BLANDIN !
L’agriculture peut et doit apporter une renaissance du métier d’agriculteur, une amélioration durable de la santé, une économie durable, dans le respect et l’amour de la terre et dans l’art de l’aimer !
« Homme », « humus » « humilité » ont la même racine et que vive la vie ! »

(applaudissements sur les bancs des groupes Europe Écologie,
Socialiste, Citoyen et Radical, Communiste, Parti de Gauche et
Unitaires et Groupe de la Majorité Présidentielle)

M. LE PRESIDENT :
« C’est bien, mais cela fait 9 minutes quand même, Madame PETIT ! »

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