Nucléaire : la fin d’un tabou

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Par Christophe DUMONT

« Du culte de l’atome au principe de réalité » titrait hier le journal « le Monde » à sa Une, constatant que la catastrophe de Fukushima au printemps dernier a changé la donne : si, jusqu’alors, le débat sur la sécurité  et  le coût du nucléaire étaient en France tabous, le récent rapport de l’Autorité de Sureté Nucléaire  sur les évaluations complémentaires de sureté post-Fukushima qui porte une liste impressionnante d’injonctions met fin à un double mythe en ce qu’il  confirme la vulnérabilité des centrales nucléaires françaises comme l’augmentation future inévitable du coût du kWh d’origine nucléaire.

Or, la croyance française dans le nucléaire  reposait jusqu’alors sur le mythe de la sureté, de l’indépendance énergétique, de la performance en termes d’émission de CO2 et du très faible coût de l’électricité d’origine nucléaire.

Pas une seule centrale ne sort indemne du rapport de l’Autorité de Sureté Nucléaire, confirmant ce que les écologistes disent depuis toujours : il n’y a pas de nucléaire sur, il n’y a que des centrales moins vulnérables que d’autres. Même les deux réacteurs de Chooz B dans les Ardennes, parmi les plus récents, font l’objet de remarques particulièrement au chapitre de la lutte contre les inondations, et, comme les autres, devront  faire l’objet de travaux importants et couteux : notamment par la construction d’un centre de crise bunkérisé, la mise en place de groupes électrogènes  et d’une alimentation en eau d’ultime secours.

Le débat que nous souhaitions depuis si longtemps s’instaure aussi localement, comme ce fut le cas récemment au cours d’une table ronde organisée par le journal l’union pour son supplément économie du 20 décembre dernier (lire l’article : UN_2011-12-20_UNECO_AISNE-10), au cours duquel Olivier Lamarre le directeur de la centrale de Chooz a fait valoir  qu’EDF investissait aujourd’hui dans les énergies renouvelables autant que dans le nucléaire semblant ignorer que jusqu’ici  le retard pris par notre pays dans celles là devaient beaucoup à notre engouement pour celui-ci. De la même manière Philippe Germain, directeur régional d’EDF y confessait une passion soudaine pour la méthanisation à la ferme ignorant un rapport récent au ministre de l’agriculture qui pointait l’opérateur historique comme l’un des principaux freins au développement de cette filière.

Ce débat aura montré au rédacteur en chef de l’Union qui caricaturait il y a quelques semaines le débat entre « les costumes-cravate-cigare du lobby pro-nucléaire » et les « queue-de-cheval-piercing-savates de la tribu écolo » le sérieux de nos arguments car en titrant  « la sortie du nucléaire se fera petit à petit », il ne doute plus que celle-ci se fera.

Un argument important tombe aujourd’hui quand ceux qui pensaient que nous souhaitions un retour à la bougie constatent que l’Allemagne, modèle de dynamisme industriel,  a décidé d’abandonner l’énergie nucléaire. L’Allemagne qui consommait en 1999 par habitant autant d’électricité spécifique que la France, en consommait 27% de moins que nous en 2009.

Le développement de la filière nucléaire s’est accompagné en France d’une croissance constante de la consommation, c’est en tablant sur une nouvelle croissance de la consommation dans le futur que RTE justifie le projet de reconstruction d’une ligne à très haute tension entre Charleville et Reims.

Or chacun sait qu’une telle croissance n’est pas soutenable, et  que le futur mix énergétique sera fondé sur le triptyque sobriété/efficacité énergétique/développement des énergies renouvelables. cela tombe bien : des études montrent qu’il se créé en Allemagne 6 fois plus d’emploi dans les énergies renouvelables qu’en France dans la filière nucléaire, par unité d’énergie produite.  Cela tombe bien :

D’ici la fin janvier, la cour des comptes remettra au chef de l’état un audit réclamé par les associations environnementales sur les coûts réels de la filière électronucléaire intégrant le retraitement des déchets, la mise aux normes post-Fukushima et les frais de démantèlement des réacteurs mis au rebut, qui risque, selon le polytechnicien Bernard Laponche, de  doubler le coût de l’électricité d’origine nucléaire.

Avant cela, le 18 janvier, le tribunal de Charleville entendra l’ancien directeur de la centrale de Chooz dans une affaire ou l’Autorité de Sureté Nucléaire a signalé au procureur de la république des faits de harcèlement moral, l’Union évoquant à ce sujet un « management par la terreur ».

Une large partie du rapport de l’Autorité de Sureté Nucléaire après Fukushima est consacrée au facteur humain,  interrogé par « le Monde » un délégué syndical s’interroge : « on peut construire des digues assez hautes pour protéger les centrales, mais si les salariés travaillent dans de mauvaises conditions, ou est la sécurité ? »

 

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