THT : les élus régionaux EELV écrivent aux ministres de l’énergie, de la santé et de l’Intérieur

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Suite aux événements qui ont marqué le chantier de construction de la ligne THT Cotentin-Maine ces dernières semaines, le groupe des élus Europe Ecologie Les Verts du Conseil Régional de Basse-Normandie interpellent par courrier les ministres de la Santé, de l’Energie et de l’Intérieur.

Vous trouverez le courrier ci-dessous.

Jeudi 28 juin, lors de l’Assemblée Plénière du Conseil régional de Basse-Normandie, Clara Osadtchy, présidente du groupe EELV, interpellera ses collègues conseillers régionaux élus députés, afin qu’ils relaient au plus haut niveau nos inquiétudes et demandes, notamment celle exprimée par le Conseil régional en juin 2010 d’une étude épidémiologique avant tout démarrage des travaux de la ligne THT. La nécessité d’une médiation est également urgente afin d’apaiser le conflit local liée à la construction de la ligne.

Le courrier

A Caen, le lundi 25 juin 2012

 Objet : Construction de la ligne à très haute tension Cotentin-Maine

Madame la Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie,

Madame la Ministre des Affaires sociales et de la Santé,

Monsieur le Ministre de l’Intérieur,

La construction d’un réacteur nucléaire de type EPR dans la commune de Flamanville dans la Manche a démarré en juillet 2007.  La construction d’un couloir de ligne à Très Haute Tension supplémentaire a été justifiée par ce  nouveau réacteur afin d’acheminer l’électricité produite à Flamanville vers d’autres régions françaises.

Après enquêtes et études, le tracé du couloir a été arrêté et les travaux ont démarré, et ce malgré l’opposition de nombreux acteurs, citoyens, élus et associations. Les inquiétudes de ces derniers sont motivées par différentes raisons : innocuité non prouvée de l’impact des lignes THT sur la santé des hommes et des animaux et existence de nombreux travaux scientifiques[1] qui iraient au contraire dans le sens du principe de précaution, impact paysager, inquiétudes liés au cadre de vie et à la protection de l’économie locale, difficultés rencontrées dans les élevages présents sous la ligne THT déjà existante, etc.

Localement, la mobilisation a pris différentes formes. Elle a rassemblé une grande diversité de personnes et d’acteurs publics mobilisés tout d’abord contre ce projet, mais également contre les modalités de mise en œuvre de celui-ci. Nous notons les prises de position de plusieurs dizaines de communes, du Conseil régional de Basse-Normandie, les milliers de signatures, les appels de dizaines d’associations, du monde agricole, touristique et économique. Malgré cette mobilisation très large relevée dans les conclusions du débat public organisé par la Commission Nationale du Débat Public en 2006, le projet n’a souffert dans les faits d’aucune remise en question, même partielle.

De ce fait, la fermeté des pouvoirs publics – Réseau de Transport d’Électricité et État – face à des inquiétudes qui dépassent le simple clivage des défenseurs et promoteurs de l’énergie nucléaire est surprenante. Nous le regrettons. Nous pensons que de tels projets, décrétés d’utilité publique, ne peuvent s’affranchir d’un accord, ou du moins d’une acceptabilité minimale, dans les territoires concernés.

Dans cette situation, et face à la surdité manifeste des représentants de l’État dans la Manche, les citoyens se raidissent face à un mutisme forcené. Nous assistons depuis plusieurs mois à une montée en tension sur plusieurs terrains de mobilisation.

Ainsi, dans la commune du Chefresne (Manche) qui est l’un des points névralgiques de la mobilisation, les militants, les habitants mais aussi les élus doivent faire face à un déploiement très important – et continu – de forces de l’ordre mobiles et de méthodes de surveillance. Il y a autour de cette commune de 310 habitants, des dizaines de patrouilles en permanence, des survols quasiment quotidiens d’hélicoptères, des contrôles, des barrages routiers… C’est un véritable état de siège pénible à vivre, dont le coût doit par ailleurs être considérable.

 Le 06 juin 2012, les autorités, après plusieurs semaines d’intimidation, ont franchi un cap en procédant à l’arrestation –musclée – de Jean-Claude BOSSARD, maire de la commune, alors qu’il demandait, ceint de son écharpe tricolore, l’application d’un arrêté municipal entravé par le début des travaux d’installation de pylônes de la ligne. Il a été placé en garde à vue pour  opposition à des travaux d’utilité publique. La logique d’affrontement, ainsi matérialisée, a scandalisé bien au-delà des seuls militants.

Suite aux différentes menaces et pressions de la part de Monsieur le Préfet de la Manche, Monsieur Jean-Claude BOSSARD a donné sa démission de Maire du Chefresne, suivie par celle de son Conseil municipal.

Le 20 juin 2012, un château d’eau désaffecté de cette commune loué dans les règles à l’association « Percy sous tension » a été évacué par la gendarmerie à coups de bélier à 6h00 du matin. Le Préfet de la Manche avait pris un arrêté préfectoral d’interdiction d’accès à ce lieu, quatre jours avant l’organisation d’un rassemblement militant dans cette commune. Cette intervention s’apparente réellement à une volonté de passer en force, outre l’expression citoyenne et locale, sans aucun effort de médiation.

Le rassemblement des 23 et 24 juin à Montabot (Manche) a été enfin l’occasion d’affrontements violents entre forces de l’ordre et manifestants, donnant lieu à l’évacuation de plusieurs personnes blessées.

Nous condamnons cette logique de gestion des oppositions aux projets. Au moment où nous discutons des conditions de l’acceptabilité sociale des énergies marines renouvelables suite à l’annonce de l’implantation d’un site éolien offshore à Courseulles-sur-Mer (Calvados), nous constatons que les représentants de l’État ne font aucun cas des nécessaires efforts de concertation et de médiation pour la ligne THT Cotentin-Maine.

Nous vous demandons donc de limiter la présence policière sur place et de faire cesser, au plus vite, les harcèlements et intimidations dont sont victimes, militants, habitants et élus localement. Nous vous alertons également sur l’urgence d’organiser une médiation avec les populations mobilisées afin d’apaiser une situation très tendue qui pourrait dégénérer.

Il nous paraît incontestable que l’urgence est aujourd’hui d’apaiser le conflit lié à la construction de cette ligne. Or un fait nouveau vient renforcer l’incompréhension face à la poursuite des travaux de la ligne THT. Depuis le mois de février 2012, le chantier de l’EPR de Flamanville est arrêté. Il ne devrait pas reprendre avant 2013. De ce fait, l’urgence de la construction de la ligne THT devient encore moins justifiable.

Nous demandons donc de faire cohérence à l’arrêt du chantier de la centrale nucléaire qui justifie cette ligne, en faisant suspendre les travaux de la ligne THT au plus vite.

L’arrêt de la construction de la ligne est d’autant plus justifié par la nécessité de mener à bien une étude épidémiologique approfondie pour définir plus finement la dangerosité sanitaire de la ligne. Cette étude répondrait non seulement au principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement, mais également au principe du renversement de la charge de la preuve défini par la loi « Grenelle 1 » (loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement).

Cette demande a été notamment portée par le Conseil régional de Basse Normandie qui a voté le 25 juin 2010 son opposition à la construction de la ligne THT tant qu’une étude épidémiologique ne serait pas réalisée.

Force est de constater qu’à ce jour, les travaux ont commencé sans qu’aucune étude ne soit engagée. Nous prenons acte également de l’arrêt du Groupe Permanent de Sécurité Électrique, qui avait pourtant fonctionné durant plusieurs années. C’est un manque criant pour les nombreux agriculteurs qui subissent et constatent les conséquences des lignes THT dans leurs exploitations sans qu’ils n’aient aucun suivi et aucune indemnisation. C’est la raison pour laquelle François DUFOUR, vice-Président du Conseil régional de Basse-Normandie en charge de l’agriculture a demandé par courrier, le lundi 18 juin 2012, l’appui des ministres concernés pour les exploitations agricoles sujettes aux effets de la ligne THT.

Nous vous demandons de faire mener une enquête épidémiologique nationale pour étudier l’état sanitaire des populations soumises aux champs THT, afin de déterminer ou non, l’innocuité des lignes THT tel que le principe de précaution, principe constitutionnel, le stipule.

Enfin, considérant les inquiétants défauts de construction apparus au cours du chantier de l’EPR de Flamanville, considérant qu’il n’est pas fait à ce jour preuve de sa pertinence au vu du contexte énergétique national, considérant surtout que la décision sur la poursuite du recours à l’énergie nucléaire n’a pas été prise démocratiquement, nous demandons que le chantier de l’EPR soit suspendu tant qu’un débat public national sur l’énergie et le recours à l’électricité d’origine nucléaire n’a pas été organisé dans notre pays.

Il s’agit là de faire reprendre à ces débats une tournure démocratique de droit commun à l’opposé des mesures d’exception, y compris sur le plan du maintien de l’ordre, qui furent malheureusement le pendant classique de tout ce qui concernait le nucléaire.

Pour le groupe des élus Europe Ecologie Les Verts

au Conseil Régional de Basse-Normandie,

Clara Osadtchy, Présidente du groupe


[1]           L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail recommande dans son avis du 29 mars 2010, de « ne pas augmenter le nombre de personnes sensibles exposées autour des lignes de transport d’électricité à très hautes tensions et de limiter les expositions » et de réaliser des études épidémiologiques sur la santé humaine et animale. Saisine n°2088/006 « Effets sanitaires des champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences »  – ANSES.

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