Ce cadeau consiste à permettre aux investisseurs qui achètent des logements en vue de les louer, de bénéficier d’une défiscalisation en y logeant… leur propre famille : ascendants et descendants. Ainsi des contribuables fortement imposés pourront bénéficier d’une importante déduction fiscale en achetant un appartement pour y loger leurs fils ou filles. L’acquisition de ce bien à vocation strictement familiale permettra à des ménages déjà aisés d’accroître leur patrimoine immobilier essentiellement grâce à de l’aide publique. Une mesure qui détonne à un moment où le gouvernement plaide la nécessité de mettre le cap sur le redressement des finances publiques, y compris par une éventuelle hausse de la TVA, et très pénalisante pour les ménages modestes.

Selon nos informations, ce dispositif, qui a déjà filtré dans la presse et qui n’a jamais été démenti par le gouvernement, a été «arbitré favorablement par Matignon». «La décision est prise» a indiqué à Libération un fin connaisseur du secteur de l’habitat. Ce que dénoncent déjà les associations de lutte contre le mal-logement. «C’est un dispositif coûteux pour les finances publiques, socialement inéquitable, et qui va de surcroît renforcer les inégalités de patrimoine, indique à Libération Christophe Robert, de la Fondation Abbé-Pierre. Toute mesure d’incitation fiscale à l’achat de logements à vocation locative ne peut se justifier que si elle comporte des contreparties sociales : l’appartement doit servir à loger des locataires modestes et le loyer doit être plafonné».

Intox. La reprise en main du dossier logement par Matignon inquiète au sein même de la majorité. «La partie s’annonce rude dans les semaines à venir pour ne pas lâcher ce qui a été obtenu précédemment avec la loi Alur», confie un député socialiste. D’autant qu’un document émanant de Matignon que s’est procuré Libération (lire notre édition du 27 août) annonce clairement la couleur en évoquant «les mesures de la loi Duflot que l’on n’appliquera pas».

Les connaisseurs du logement attribuent ce revirement gouvernemental au lobbying intense des milieux de l’immobilier. «Depuis le mois d’avril, ils y sont allés très fort», constate Daniel Goldberg, député (PS) de Seine-Saint-Denis et rapporteur de la loi Alur. A coup d’intox ils ont réussi à rendre la loi Duflot responsable de la chute de la construction pour tenter d’obtenir la non-application d’une des mesures phares de ce texte : l’encadrement des loyers.

Ce dispositif est plébiscité dans tous les sondages, signe que le niveau des loyers est devenu insoutenable, notamment en Ile-de-France. Ils figurent parmi les plus chers d’Europe. Toute la communication des milieux de l’immobilier a consisté à nier ou à relativiser cette réalité. Pour eux, il suffit de construire plus pour régler le problème. Sauf que cela fait trente ans que les loyers ne cessent d’augmenter. «Il faut certes construire plus, plus vite et moins cher, pour répondre aux besoins. Mais, dans certains bassins d’habitat, le déficit entre l’offre et la demande locative est si important qu’il y a une nécessité de réguler pour empêcher les loyers abusifs, pointe Daniel Goldberg. L’encadrement est le seul moyen immédiat de redonner un peu de pouvoir d’achat aux familles».

(1) «Proprety Index» édition Deloitte. Lire aussi le blog d’Ingrid Nappi-Choulet, professeur-chercheur à l’Essec.