Pourquoi l’écotaxe poids lourds est un tel fiasco en France, alors qu’elle a été appliquée avec succès en Allemagne et en Suisse ? Parce que les principaux décideurs en France ne parviennent toujours qu'à raisonner sur le court terme. L’avenir est regardé uniquement par le petit bout de la lorgnette.

Voilà pourquoi l’écotaxe poids lourds a été détricotée, pourquoi elle n’est plus lisible, cohérente et comprise, alors qu’initialement, lorsque l’idée de cette taxe est ressortie des tables-rondes du Grenelle, elle était susceptible de favoriser la relocalisation de l’économie, l’emploi dans nos territoires, et le report du transport de marchandises de la route vers le rail. Autrement dit des objectifs louables dans un monde qui marche sur la tête : est-il logique de voir un pot de yaourt parcourir plus de 9 000 kilomètres pour ses différents constituants et plus de 12 000 à un steak pour les retrouver à des prix imbattables dans votre assiette ? Est-il logique de continuer à sous-tarifer les transports de marchandises qui ne paient même pas les coûts d'infrastructures. Ainsi, la RCEA, couloir à camions dont la mise à 2 fois 2 voies n'est justifiée que par l'explosion du trafic, devrait être payée essentiellement par ceux-ci et non par la collectivité.

C’est ce modèle-là, cet agro-business, ce productivisme qui tue nos campagnes, nos paysans et nos éleveurs, pas l’écologie !

C’est l’extension prévue des seuils d’autorisation des élevages porcins qui est « démagogique et dangereuse » et qui ne « rendrait pas service aux producteurs », comme le défendaient très justement Jean-Yves le Drian et Bruno Lemaire en 2010. Ce n’est pas l’écologie !

C’est la réouverture par Philippe Martin des financements des retenues d’eau pour les céréaliers et leur confrérie de producteurs hors-sol, sur les crédits des Agences de l’eau, qui décourage les partisans de la polyculture et d’une agriculture responsables. Ce n’est pas l’écologie !

Monsieur le Président, mes chers collègues,

S’il y a bien une leçon à tirer de cette écotaxe poids lourds, c’est qu’il faut sans cesse expliquer, informer, sensibiliser nos concitoyens sur l’impôt et sur son utilité.

L’impôt est le ciment de notre société; A condition bien sûr qu’il soit juste, cohérent, progressif et redistributif. C’est lui qui est susceptible de donner du sens à la devise de notre République « liberté, égalité, fraternité ». C’est lui qui peut et qui doit être synonyme de partage et de solidarité, comme nous le montre par exemple le Danemark, où les citoyens sont fiers de payer leurs impôts. C’est grâce à lui que nous pouvons avoir des écoles de proximité, un bureau de poste pas trop loin de chez soi, une sécurité sociale, une retraite, etc.

Il faut cesser de laisser diaboliser l'impôt, par pure démagogie. Une société sans impôts pour financer la sécurité collective, l'éducation, la justice, les transports, ça peut exister, c'est vrai. Ça s'appellerait la jungle !

L’impôt est primordial, et plus que jamais il est urgent d’engager une vaste réforme fiscale pour redonner confiance dans l’impôt, pour le rendre lisible et équilibré. L’urgence n’est pas au « plus » ou au « moins » d’impôt mais au « mieux d’impôt ». Il faut alléger notamment l'impôt qui pèse aujourd'hui sur le travail et le déplacer sur les consommations d'énergie, les émissions de gaz à effet de serre, la pollution.

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Le dépeçage et le nouveau report de l’écotaxe poids lourds constituent les symptômes de l’addiction de l’Etat et de la majorité des élus « au tout-routier », une addiction anachronique, au détriment du rail, du fret ferroviaire et fluvial.

Cette dépendance peu clairvoyante se traduit également aujourd’hui par les orientations nationales sur le volet « mobilité multimodale » des Contrats de Plan Etat-Régions 2014-2020, où « le routier n’est plus tabou », comme l’a déclaré récemment Frédéric Cuvillier.

Doux euphémisme de sa part puisque l’Etat prévoit d'investir près de la moitié des financements du volet mobilité des CPER sur les routes.

Pour l’Auvergne le constat est dramatique : l’Etat prévoit actuellement pour l’Auvergne 200 millions d’euros sur les routes et 50 millions sur la modernisation du réseau ferré, la majorité de ces fonds étant fléchée sur la ligne Paris-Clermont.

C’est inacceptable ! A contre-courant des besoins de l’Auvergne, des enjeux environnementaux, de l’aménagement durable et équilibré des territoires. Aux antipodes des conclusions de la Commission Mobilité 21, laquelle avait d’ailleurs dénoncé que « les systèmes de transport des campagnes et des espaces périurbains méritent mieux que la médiocrité ». Cette même Commission avait également lancé un nouveau cri d’alerte, dans le vide apparemment, au sujet de l’entretien et de la modernisation du réseau ferroviaire en annonçant que « ne pas mettre en œuvre les travaux d’optimisation des réseaux à temps, c’est la certitude de dégrader la performance de l’ensemble du système ».

C’est également le prélude à des fermetures de lignes, en particulier sur les lignes interrégionales reliant l’Auvergne à Limoges, Brive, Béziers, Nîmes, et Saint-Etienne.

L’Auvergne, ne pourra pas porter seule la poursuite de la réfection et de la pérennisation de son réseau sans un CPER et un Plan Rail 2 ambitieux !

Enfin, là où le bât blesse, c’est que malgré ce constat inadmissible, l’idée de la LGV POCL est encore présente dans tous les esprits. Ce serait « une priorité pour la Région » d’après le dossier d’orientations budgétaire du jour. Ironie du sort, c’est aussi ce même CPER qui contribuerait à financer les études relatives à la LGV. Mais enfin mes chers collègues, soyons raisonnables, les plaisanteries les plus courtes sont souvent les meilleures ! Si l’Etat ne revoit pas sa copie, et je compte sur vous Monsieur le Président pour qu’il la revoie, à quoi pourrait bien servir un TGV qui desservirait un « cul de sac ferroviaire » ?

L’urgence est de sauver nos lignes du quotidien, pas de fantasmer sur un TGV que personne n’a les moyens de financer aujourd’hui !

Permettez-moi de terminer cette allocution avec les orientations budgétaires de notre Région, et de faire miennes les déclarations d’Alain Rousset, le Président de l’ARF, dans le journal Libération du 1er octobre : « on nous demande d’accompagner le plan de 30 000 formations pour les demandeurs d’emploi, de poursuivre le développement de l’apprentissage, d’investir dans le réseau ferroviaire, les universités, la nouvelle politique industrielle ou les pôles de compétitivité. Nous n’y arriverons pas avec une autonomie fiscale presque inexistante, des recettes en stagnation et des dotations de l’Etat en diminution de 368 millions d’euros d’ici à 2015 ». Sans une réforme fiscale d’envergure, sans un Acte III de la décentralisation courageux, nous n’y arriverons pas effectivement, ou du moins, nous ferons ce que nous pourrons.

Il faudra faire des choix et le premier consiste d’ores et déjà à augmenter de 5€ par cheval fiscal le tarif des cartes grises, une proposition que notre groupe vous avait faite mot pour mot l’an dernier Monsieur le Président. Vous avez donc notre soutien là-dessus car nous n’avons aucune autre possibilité, si ce n’est de recourir davantage à l’emprunt, ce qui ne serait pas judicieux, pas plus que d’ériger une politique d’étranglement de nos interventions ou de nos services.

Au-delà de la carte grise, nous devrons faire des choix d’envergure, mais des choix qui malgré tout peuvent être vertueux, cohérents, responsables.

A ce titre, vous connaissez nos priorités Monsieur le Président, puisque nous vous avons transmis près de 15 pages de propositions, de mesures concrètes pour construire le budget. Nous sommes toujours disponibles pour en faire d'autres, réalistes, constructives et avec l'objectif intangible d'aller vers un développement soutenable.

Nous rendrons publiques toutes nos propositions et nous ferons donc le bilan, positif ou négatif, de ce que vous avez retenu lors de la Session du mois de décembre, à l’heure où vous nous proposerez de voter le budget.

Je vous remercie.