"Nous sommes face à une réforme tournant le dos à la démocratie, revenant sur la décentralisation, qui plus est d’inspiration populiste et néo-libérale. Bref, du 'sarkozysme' à l’état pur, dans un domaine où il est susceptible de passer presque inaperçu, tant la question des institutions territoriales est généralement – et malheureusement – éloignée des préoccupations des citoyens !

La création du poste nouveau de 'conseiller territorial', élu sur une base 'cantonale' pour siéger à la fois au département et à la région, en est un des axes majeurs, aux effets éminemment pervers. Avec l’élection sur la base d’un scrutin uninominal à deux tours, l’UMP espère garder le contrôle des départements et conquérir par là les régions, lesquelles lui échappent aujourd’hui. Qu’importe qu’en même temps soient abandonnés et la parité effective hommes/femmes que ce mode de scrutin ne peut garantir et le pluralisme politique : vive le bipartisme au masculin ! Tout ceci, soi disant, pour 'rénover la démocratie locale' et réduire le nombre d’élus territoriaux (comme si c’étaient eux qui coûtaient cher), quand la faible diminution du nombre des cantons se trouve en grande partie compensée par un quasi triplement du nombre d’élus siégeant à la région : pour la Région Auvergne 146 sont prévus au lieu des 47 actuels !

En fusionnant les élus départementaux et régionaux, la réforme en cours 'cantonalise' la Région et la soumet de fait aux départements. Au surplus, sans la 'clause de compétence générale' (que seules conserveront formellement les communes) qui lui permet d’intervenir sur tout sujet intéressant son territoire et sa population, la Région ne sera plus une véritable collectivité de plein exercice.

Ainsi, là où, dans une optique d’approfondissement de la décentralisation, on pouvait espérer une augmentation des ses compétences et de ses moyens, la Région est la véritable perdante de la réforme, au détriment des politiques adaptées aux besoins de ses citoyens. Exit donc la régionalisation. Place à la recentralisation !

De plus, malgré la suppression de la clause de compétence générale existeront des 'compétences partagées' ou des 'délégations de compétences exclusives' entre collectivités : bonjour la simplification !


La recentralisation est de surcroît complétée par la mise en place de 'métropoles', institutions nouvelles qui regrouperont des communes formant un ensemble de plus de 500 000 habitants : 8 sont prévues en France, en plus du 'Grand Paris' ; en Auvergne pourra tout au plus se mettre en place un 'pôle métropolitain' autour de Clermont-Ferrand. Ces métropoles seront dotées, avec les financements qui y sont liés, de l’essentiel des compétences des communes de leur territoire, et de bon nombre de celles de leur département ou de leur région : elles assureront, par exemple, la promotion à l’étranger du territoire de la région et de ses activités économiques. Là encore, on est loin de la prétendue simplification du 'mille-feuilles territorial', d’autant que l’on verra se mettre en place des services publics 'croisés' entre métropoles et départements ou régions.

Avatar poussiéreux de la pensée économique des années 60, la promotion des métropoles signera ainsi la dernière étape de l’abandon de toute politique des solidarité entre les territoires. L’argument généralement avancé se veut imparable dans la logique néo-libérale : la décentralisation serait un frein au développement économique de la France car, au rebours du slogan 'Paris et le désert français', elle permet aux territoires à économie 'résidentielle' de développer leur revenu par habitant au détriment des secteurs 'productifs' que sont les métropoles, seules entités économiques qui comptent sur la scène de la mondialisation. Pour que cesse ce 'pillage' des économies métropolitaines, voici donc la fin programmée des solidarités territoriales. Á ce titre, l’Auvergne est plus que concernée. On pouvait espérer une autre 'adaptation' à la réalité des territoires !

S’ajoutent à tout cela la réduction des moyens budgétaires des collectivités territoriales, déjà largement entamée au prétexte qu’elles contribuent au déficit général des finances publiques (leur endettement ne représente pourtant que 10% de la dette publique totale et ne sert à financer que des investissements) ainsi que la fin de leur autonomie fiscale (via notamment la réforme de la taxe professionnelle).

Les raisons ne manquent donc pas de s’opposer à une réforme à contre courant de toute l’évolution qui, depuis 30 ans, a visé à la modernisation des institutions territoriales de la République, laissant entrevoir pour celle-ci un rapprochement avec le standard des autres grandes démocraties européennes : celui de l’ 'autonomie régionale'. Aussi, lors de la dernière session du Conseil Régional, notre groupe a-t-il voté sans hésiter, avec la majorité régionale, une motion la condamnant.

Á travers toutes ses composantes qui ont à préparer ensemble l’échéance de 2012, la Gauche devra dès lors se prononcer clairement, par un contrat de mandature, pour l’abrogation dans l’urgence d’une réforme proprement réactionnaire. Elle devra aussi se prononcer pour un approfondissement de la régionalisation démocratique, dans la double perspective promue tant par Europe Écologie/Les Verts que par Régions & Peuples Solidaires/Partit Occitan : celle du fédéralisme régional différencié et des nécessaires solidarités territoriales."