« Ce que j’aurais dit à Eric Besson, s’il m’avait invitée à sa visite promotionnelle de Cigéo »

Par Patricia Andriot

 

Eric Besson était en Haute-Marne, ce lundi 27 février, pour y visiter les locaux de l’ANDRA, et le laboratoire de Bure. Il devait y faire la promotion de « Cigéo », le centre d’enfouissement des déchets radioactifs Haute Activité-Vie Longue.

Comme le ministre a oublié de m’inviter, je n’aurais pas l’occasion de lui dire ce que je pense, en ma qualité de membre du Comité Local d’Information et de Suivi (CLIS) du laboratoire et du GIP Haute-Marne (chargé de répartir le fonds d’accompagnement du laboratoire souterrain que l’ANDRA exploite à Bure).

Il faut dire que les lobbyistes pro-nucléaires n’ont jamais éprouvé une grande passion pour le débat public et la confrontation des opinions. Ainsi, en janvier 2011, l’OPECST (Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques), que préside Bruno Sido depuis le renouvellement du Sénat, appelait le législateur à remettre en cause les principes du débat public, en préférant un « débat encadré », et « l’organisation de débats dans un lieu fermé, voire protégé », cerné par les forces de l’ordre.

Je ne pourrais donc dire à Eric Besson que j’ai trouvé de mauvais goût son appel auprès des travailleurs de Fukushima à « redonner vie à ce secteur », car le nucléaire serait une « source d’énergie indispensable », alors même que des personnes meurent encore au Japon, victime de la contamination liée au drame de l’explosion des réacteurs.

Je ne pourrais lui dire, non plus, que les haut-marnais, s’ils étaient consultés, auraient peut-être exprimé leur refus de voir la Haute-Marne, comme la Meuse, défigurées par un centre de stockage aux périmètres et volumes très flous, sans parler de la cohorte des convois remplis de ces déchets.

S’agissant de la production des déchets nucléaires, j’aurais pu lui demander d’où viennent les chiffres AREVA, selon lesquels 96 % du combustible est réutilisé, alors que le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, qui ramène ce pourcentage en dessous de 20 %.

Nous aurions pu avoir un vrai débat sur l’évaluation du coût du stockage, ou sur le fait que les producteurs de déchets cherchent à remettre en cause la compétence de l’ANDRA, et contestent le coût de la gestion des déchets radioactifs

L’ANDRA en faisant miroiter des centaines d’emplois, dont on sait pourtant (j’ai eu l’occasion de m’en expliquer dans une tribune récente) qu’ils ne seront pas le gage d’un réel développement du territoire, puisque, vu la spécificité technique des missions, la plupart ne correspondra pas à une embauche locale.

Enfin, le ministre aurait pu s’expliquer, et la direction de l’ANDRA avec lui, sur la signature du contrat de maîtrise d’œuvre système, alors même que la loi n’a jamais prévu, comme l’a indiqué récemment la commission nationale d’évaluation, cette possibilité pour l’opérateur public.

Autant de questions que nous aurions pu poser au ministre, s’il n’avait eu peur de la transparence et du débat…