séance publique – André Gattolin – sénateur http://andregattolin.eelv.fr sénateur écologiste des Hauts-de-Seine Fri, 21 Jul 2017 16:09:10 +0200 fr-FR hourly 1 Pour un financement de la vie politique équitable http://andregattolin.eelv.fr/pour-un-financement-de-la-vie-politique-equitable/ http://andregattolin.eelv.fr/pour-un-financement-de-la-vie-politique-equitable/#respond Fri, 05 Dec 2014 13:58:04 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=3700 Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues, Le programme 232 de cette mission s’intéresse, notamment, au financement de la vie politique, et c'est sur ce point particulier que je focaliserai mon intervention. ...]]>

Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

Le programme 232 de cette mission s’intéresse, notamment, au financement de la vie politique, et c’est sur ce point particulier que je focaliserai mon intervention.

Ce financement public de la vie politique recouvre deux dimensions distinctes :

  • d’une part, le financement partiel des partis politiques eux mêmes ;
  • d’autre part, le financement par l’Etat de l’organisation concrète des élections.

Comme beaucoup d’autres, ce programme est depuis plusieurs années sous pression, afin d’y trouver matière à faire des économies.  Et ces dernières ont été plus que singulières depuis 2011, notamment en ce qui concerne le financement des partis politiques.

Pourtant, la démocratie a besoin de moyens pour vivre et se déployer pour que nos concitoyens puissent être informés, s’engager et voter dans des conditions de réelle équité démocratique.

C’est pourquoi, nous nous réjouissons des amendements qui ont été adoptés à l’Assemblée nationale, puis lors de l’examen du texte en commission au Sénat, et qui ont permis :

  • d’une part, de revenir sur une nouvelle baisse de 15% du financement des partis politiques, initialement programmée,
  • d’autre part, de revenir sur la proposition du gouvernement de dématérialiser le matériel électoral en vue des élections cantonales et régionales de l’année prochaine.

Les arguments avancés pour justifier la dématérialisation du matériel électoral portent évidemment sur l’aspect financier, mais aussi sur le caractère écologique de la mesure, en partant du fait qu’une très large proportion de nos concitoyens disposerait d’une connexion personnelle à Internet…

Une large proportion, oui, mais la totalité des Français, non !

Et cette nuance de taille met à mal le principe d’universalité et d’égalité qui doit, a minima, régir l’organisation de moments aussi fondamentaux dans notre démocratie que sont les élections !

De plus ce qui nous a été proposé en matière de dématérialisation du matériel officiel de propagande électorale n’était pas de remplacer l’envoi de ce matériel électoral papier par son envoi sous forme électronique – ce qui, au passage, supposerait la constitution, par le Ministère de l’Intérieur, d’une liste exhaustive, et régulièrement actualisée, des courriels individuels de tous les inscrits sur les listes électorales.

Non, ce qui a été proposé par le gouvernement, c’est la SEULE et SIMPLE mise à disposition du public de ce matériel électoral, sur des sites sélectionnés – et accessoirement sous forme physique dans les mairies et les préfectures.

Cela revient, en gros, à dire à chaque électeur :

« A toi citoyens d’aller t’informer en allant naviguer à vue dans la jungle d’Internet ! »

Sous couvert d’économies et de modernisation des moyens de l’Etat, c’est à un accès inéquitable à la vie politique qu’on tente ainsi de nous préparer. Et cela, nous ne pouvons l’accepter !

Passons à présent à l’épineuse question épineuse du financement public des partis politiques. On peut évidemment discuter de son niveau.

Mais, au-delà de la discussion sur son niveau global et du nécessaire contrôle rigoureux qui doit en être fait, c’est une nouvelle fois la question de l’équité démocratique qui doit nous guider.

Aujourd’hui, la subvention accordée à chaque parti dépend du résultat qu’il a obtenu lors du 1er tour des élections législatives et du nombre de parlementaires se réclamant de lui.

Bref, le résultat des seules législatives est ainsi déterminant pour la définition de plus des trois quarts des sommes allouées aux formations politiques durant cinq années !

Or que constate-t-on avec l’adoption du quinquennat et du calendrier électoral qui situe la tenue des législatives dans la foulée immédiate de la présidentielle ?

Premièrement, que les élections législatives ont été profondément dévaluées dans la hiérarchie des scrutins nationaux avec une augmentation d’au moins 10 points du taux d’abstention à ce type d’élections ces dernières années !

Deuxièmement, que la représentation du poids réel de chacune de nos familles politiques est non seulement distordue par le mode de scrutin majoritaire qui est le nôtre, mais que cette distorsion est encore accrue par le phénomène d’abstention différentielle générée par l’ordonnancement actuel du calendrier électoral.

Monsieur le Ministre, il existe heureusement de nombreuses solutions pour rétablir un semblant d’équité dans le financement public des partis et mieux tenir compte de leur poids réel dans la société !

L’adoption de la proportionnelle pour les élections législatives résoudrait une bonne partie du problème…

L’autre possibilité, qui n’est d’ailleurs pas exclusive de la première, consisterait à intégrer au sein de la fraction du financement des partis qui se repose aujourd’hui sur le nombre de voix obtenues lors du premier tour des législatives les résultats obtenus par les formations politiques lors des élections départementales, régionales et européennes.

Puisqu’il est toujours de bon ton par les temps qui courent de nous comparer avec l’Allemagne, je signale que c’est un modèle de ce type qui est en place outre-Rhin pour déterminer le montant des sommes publiques allouées aux partis !

L’un des grands avantages de ce système est d’être dynamique, en cherchant à tenir compte du poids respectif des familles politiques dans la société – mais aussi de son évolution tout au long du quinquennat.

Alors évidemment, ces questions sont complexes et ne peuvent être réglées dans le cadre du seul projet de loi de finances. Nous ne devons pas moins nous en préoccuper de manière urgente, si nous voulons mieux faire vivre la diversité et la vivacité de notre débat public.

Je vous remercie.

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Adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière http://andregattolin.eelv.fr/projet-de-loi-portant-diverses-dispositions-dadaptation-de-la-legislation-au-droit-de-lunion-europeenne-en-matiere-economique-et-financiere/ http://andregattolin.eelv.fr/projet-de-loi-portant-diverses-dispositions-dadaptation-de-la-legislation-au-droit-de-lunion-europeenne-en-matiere-economique-et-financiere/#respond Fri, 17 Oct 2014 13:39:50 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=3587 Intervention, le jeudi 16 octobre 2014, lors de la discussion du projet de loi d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière. J’ai notamment alerté à cette occasion sur le fait que les contributions des banques françaises au Fonds européen de résolutions bancaires se trouvent, en l’état actuel du droit, déductibles lors de l’établissement de l’impôt sur les sociétés. 

 

Les lois de transposition du droit européen, que l’on rassemble sous l’acronyme DDADUE, sont toujours d’un abord ardu, en particulier en matière économique et financière.

Le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui rassemble un important volume de directives et de règlements visant à une meilleure régulation, mis en place par l’Union européenne à la suite de la crise financière de 2008.

Ce texte est pour une large part composé d’habilitations du Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances.

Il est toujours difficile pour un parlementaire de se dessaisir de son pouvoir législatif au profit d’ordonnances, mais force est de reconnaître, en l’espèce, que la grande technicité et le nombre des dispositions à transposer justifie globalement cette démarche.

Pour autant, le Parlement ne doit pas se démettre complètement de ses prérogatives.

Ceci est d’ailleurs vrai en France comme au niveau européen où l’on a vu ces dernières années le recours aux actes délégués se développer de manière beaucoup trop importante, alors que cette procédure – qui permet à la Commission de compléter ou modifier directement certains actes européens – est supposée ne viser que des éléments limités et non essentiels de la législation de l’Union !

Je vous renvoie sur cette question à l’excellent rapport que notre collègue Simon Sutour a consacré à ce problème au mois de janvier dernier.

A cet égard, on peut savoir gré de sa vigilance à notre rapporteur Richard Yung, qui a proposé que nous refusions ou modifions le cadre de certaines habilitations, comme celle de l’article 23 ter, portant sur les abus de marchés, à propos desquels le Sénat a déjà engagé une réflexion devant bientôt aboutir.

Etant particulièrement sensible à la question du numérique, je me félicite également que nos collègues de l’Assemblée nationale aient supprimé l’habilitation contenue dans l’article 21, qui portait sur la réutilisation des informations du secteur public.

Cette question, qui a des implications importantes sur la qualité de notre démocratie à l’ère du numérique, pourra ainsi faire l’objet d’un vrai débat parlementaire à l’occasion d’un projet de loi à venir sur le numérique.

L’autre apport majeur des travaux de notre rapporteur et de notre commission a consisté à différer la publication de l’ordonnance relative au Mécanisme de résolution, dans le but de peser sur la négociation concernant la clé de calcul des contributions au Fonds de résolution.

Beaucoup – en France ! – considèrent en effet qu’elle serait trop défavorable au secteur bancaire français, si le chiffre de 30%, actuellement avancé comme quote-part de la France, se confirmait.

Je souscris tout à fait à l’amendement du rapporteur, qui propose simplement de ne pas signer tant que nous n’avons pas toutes les données sur les tables :

la répartition des contributions est, en effet, une question très politique qui ne se résume pas à un calcul d’expert. En ce qui concerne le fond du problème, je serais toutefois plus nuancé.

S’il faut évidemment être attentif à l’enjeu diplomatique d’une telle négociation, qui pourrait inciter les Etats à favoriser leurs banques nationales, il ne faut pas non plus se dissimuler le fait que le système bancaire français, par son extrême concentration, présente un profil de risque particulièrement élevé.

Rappelons tout de même que parmi les 20 plus grandes banques mondiales figurent 9 banques européennes, et parmi ces dernières, une est espagnole, une est allemande, 3 sont anglaises et 4 sont françaises !

La loi de séparation des activités bancaires, que nous avons voté en 2013, n’a malheureusement pas permis d’y remédier.

Il me semble à cet égard qu’il serait déplacé de revendiquer pour la France un taux de contribution global, sans tenir compte de la structuration du paysage bancaire et de sa participation au risque systémique.

De plus, l’esprit de ce fonds de résolution est d’éviter que les finances publiques ne soient mises à contribution pour réparer les erreurs d’établissements bancaires ou assurantiels privés.

Or, du fait de la déductibilité de ces contributions au titre de l’impôt sur les sociétés, c’est en réalité l’Etat qui va en financer un tiers !

J’aurai l’occasion de vous présenter un amendement sur ce point au cours de la discussion des articles.

J’aimerais maintenant aborder la question de la transparence des industries extractives, évoquée par l’article 8 du projet de loi.

L’exploitation des ressources naturelles fait, trop souvent, l’objet d’atteintes majeures à l’environnement, de spoliations économiques des peuples ou de conflits armés violents.

Dans le but de mettre fin, en particulier, à la corruption et aux détournements de fonds accompagnant souvent ces marchés, différentes initiatives ont été menées qui aboutissent à mettre en œuvre davantage de transparence.

L’article 8 vise ainsi à transposer une directive imposant aux industries extractives la publication des paiements effectués au profit des autorités publiques des Etats où elles opèrent.

C’est une avancée importante.

Toutefois, la formulation proposée dans le projet de loi reste ambiguë et, surtout, ne respecte pas la loi Canfin, pourtant explicite, que nous avons votée au printemps dernier. J’aurai là aussi l’occasion d’y revenir par des amendements.

Enfin, en tant qu’écologiste, je me dois de dire un mot de l’article 5, qui porte sur la responsabilité civile des exploitants nucléaires.

Même si ce n’est pas l’objet de l’article, je profite de cette occasion pour rappeler que la responsabilité des exploitants nucléaires est limitée à 91 millions d’euros.

Un protocole vieux de 10 ans prévoit de la porter à 700 millions, mais il n’est jamais entré en vigueur.

Ces montants sont dérisoires, comparés au coût d’un accident.

L’IRSN, qui fait autorité, évalue le coût d’un accident modéré à 70 milliards d’euros et celui d’un accident type Fukushima entre 600 et 1000 milliards d’euros.

C’est donc en réalité l’Etat qui est l’assureur de fait, ce qui n’est pas sans poser de questions : la garantie implicite de l’Etat aux exploitants nucléaires est-elle compatible avec le droit européen de la concurrence ?

Est-elle même compatible avec la LOLF qui, dans son article 34, prévoit que les garanties d’Etat sont octroyées en loi de finances ?

Il y a là des questions délicates à propos desquelles, Monsieur le Ministre, j’aimerais connaître votre analyse et dont notre commission des finances, mes chers collègues, pourrait se saisir.

Pour conclure, j’aimerais rappeler, que pour les écologistes, les solutions à apporter à la crise qu’a déclenchée la financiarisation de l’économie sont, bien sûr, européennes.

C’est pourquoi nous nous réjouissons, malgré les manques que j’ai pu pointer, que le processus de régulation soit en marche au niveau européen et nous apporterons donc notre soutien à ce texte.

Pour autant, comme l’a démontré le processus ayant conduit à la mise en œuvre du reporting pays par pays pour les banques, l’Europe n’avance que par le volontarisme de ses Etats membres, et notamment celui de la France.

J’espère donc, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, que vous réserverez un sort favorable aux amendements que je vous présenterai tout à l’heure.

Je vous remercie.

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Climat/ énergie : quand le choix réside entre complexité et fatalité, c’est la première qu’il faut privilégier http://andregattolin.eelv.fr/climat-energie-quand-le-choix-reside-entre-complexite-et-fatalite-cest-la-premiere-quil-faut-privilegier/ http://andregattolin.eelv.fr/climat-energie-quand-le-choix-reside-entre-complexite-et-fatalite-cest-la-premiere-quil-faut-privilegier/#respond Wed, 15 Oct 2014 11:22:34 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=3570 Intervention le 14 octobre dans le cadre du Débat préalable au Conseil européen des 23 et 24 octobre prochains, au nom du Groupe écologiste.  ...]]>

Intervention le 14 octobre dans le cadre du Débat préalable au Conseil européen des 23 et 24 octobre prochains, au nom du Groupe écologiste. 

Le Ministre vient à l’instant de nous détailler les différents éléments qui figurent à l’ordre du jour du prochain Conseil européen. Paquet climat-énergie, situation économique de l’Union européenne et vraisemblablement situation internationale seront les trois chapitres les plus conséquents qui occuperont les échanges.

Je note, par ailleurs, que nous tenons ce débat au moment où l’Assemblée nationale commence l’examen du Projet de loi de finances pour l’année 2015, et alors que les discussions se font vives, avec la Commission et nos partenaires européens, sur les questions budgétaires.

Je ne doute pas que mes collègues seront ici nombreux à revenir sur ce sujet. Pour ma part, c’est à la question climatique et énergétique que je consacrerai l’essentiel de mon intervention, en insistant sur ses fortes implications géo-stratégiques ; dimension que nous avons trop tardivement commencé à prendre en compte, alors même qu’elle surdétermine toute une partie de nos politiques.

Il est clair désormais que la question des choix énergétique ainsi que celle des effets engendrées par les dérèglements climatiques constituent non plus seulement un problème environnemental, mais représentent aujourd’hui des enjeux géostratégiques d’un type nouveau qui influent sur la stabilité politique de la planète, au même titre que les enjeux militaires classiques.

Depuis plusieurs mois, les États-Unis ont commencé à revoir leurs doctrines des risques internationaux en intégrant ces nouveaux éléments.

Hier encore, leur Département de la Défense a rendu public un rapport soulignant les dangers accrus du fait du réchauffement, depuis la montée des océans jusqu’aux probables pénuries en eau et nourriture en divers endroits de la planète.

La France s’est également engagée, depuis peu, dans cette réflexion, notamment grâce au travail de notre collègue Leïla Aïchi sur ces sujets.

Mais l’Union européenne – comme c’est trop souvent le cas dans les dossiers qui renvoient à la souveraineté de ses membres et aux questions stratégiques les plus sensibles – peine à établir une philosophie qui permette de prendre tout ceci à bras le corps.

C’est particulièrement perceptible s’agissant de nos rapports avec la Russie.

À l’échelle globale de l’Union européenne, ce pays constitue un fournisseur énergétique de première importance !

En 2013, 39 % des importations européennes de gaz en étaient originaires. La Russie est même le seul fournisseur extérieur de gaz naturel pour six de nos Etats membres ; le gaz représentant par ailleurs une part importante de leur consommation énergétique globale.

En temps de paix, une telle dépendance n’est déjà pas sans risques.

Mais lorsqu’une tension internationale se fait jour comme c’est le cas depuis plusieurs mois autour de l’Ukraine, cette dépendance devient même franchement problématique.

Comment gérer à court terme nos relations avec la Russie dans ces conditions ? Pour les uns, il faudrait se montrer plutôt conciliant avec Moscou… Pour les autres, au contraire, il convient de demeurer le plus ferme possible.

Au-delà, comment diminuer à plus long terme notre dépendance énergétique, alors même que l’Union importe aujourd’hui 53% de l’énergie qu’elle consomme ? Là encore les avis divergent ! Pour les uns, la nécessité de prendre en compte les tensions énergétiques nouvelles rend légitime l’exploitation de toutes les ressources hydrocarbures, y compris non conventionnelles, que l’on pourrait trouver sur le continent. Pour les autres, ces évolutions sont la preuve de ce que la transition énergétique est plus que jamais d’actualité.

Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur ces question, il est au moins une chose sur laquelle, je crois, nous pouvons nous mettre d’accord.

La souveraineté de l’Europe et donc sa capacité à peser sur la scène internationale passe aussi par la mise en place d’une véritable politique énergétique.

Nos politiques climatique, énergétique et stratégique doivent donc être pensées conjointement.

Tant que nous n’accepterons pas de le faire concrètement, tant que nous continuerons à imaginer ces politiques comme si elles n’entretenaient pas de rapports les unes avec les autres – ou pire comme si elles devaient s’opposer les unes aux autres – chacune d’entre elles échouera dans la poursuite de ses objectifs.

Mettre tous ces éléments en cohérence n’est évidemment pas chose facile : c’est au contraire, éminemment complexe. Mais je crois que, quand le choix réside entre la complexité et la fatalité, c’est bien la première qu’il vaut mieux privilégier.

Vous le savez sans doute : le mois de septembre qui vient de s’écouler a été le plus chaud depuis 1880 dans le monde ; date à laquelle ces relevés ont débuté. Il s’inscrit dans une tendance lourde et qui va en accélérant. Quel que soit l’indicateur considéré, tout laisse à penser que les politiques déjà mises en place ont échoué à ralentir cette dangereuse évolution.

J’étais il y a quelques semaines en mission au Groenland pour la commission des Affaires européennes du Sénat. Je me suis rendu à cette occasion au Jakobshaven, le plus grand glacier de l’hémisphère nord et l’un de ceux qui fondent le plus vite : il a autant reculé ces 10 dernières que durant la totalité du siècle précédent !

Nous faisons face à une transformation accélérée qui, par rapport au réchauffement climatique lui-même, tient lieu à la fois de conséquence et de facteur aggravant : car plus les grands ensembles glaciaires de la planète fondent, plus les équilibres qui régulent encore notre climat se dérèglent et plus le réchauffement s’accélère.

Il s’agit là d’une spirale infernale qu’il sera de plus en plus difficile de briser, si nous n’y prenons garde ; d’autant que les ambitions des uns et des autres pour tirer le meilleur parti de ces transformations, notamment via l’exploitation accrue des ressources naturelles, se font de plus en plus vives et risquent bien d’aggraver encore cette tendance…

Alors si nous voulons enfin remettre en cause ces évolutions terribles, l’Europe doit se montrer plus ambitieuse et cohérente que jamais sur ces questions.

Cela nous amène naturellement aux discussions portant sur le futur paquet climat/énergie lui-même… Or, les propositions qui se trouvent sur la table s’agissant de ce dernier sont hélas bien inégales.

Celles de la Commission européenne sont clairement insuffisantes. Celles du Parlement européen sont déjà bien plus ambitieuses.

La question est donc de savoir dans quelle mesure nos gouvernements, et singulièrement le gouvernement français, sauront se montrer à la hauteur de leurs ambitions.

En l’occurrence, le Parlement européen propose l’instauration d’un objectif de 30% d’énergies renouvelables dans la production totale européenne pour 2030, de 40% de réduction de la consommation énergétique, et de 40% de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Les écologistes proposent quant à eux un objectif de 45% d’énergies renouvelables, de 40% de réduction de la consommation énergétique et de 60% de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Mais au-delà de ces chiffres, il est absolument primordial que ces objectifs soient contraignants, pays par pays, sans quoi nous pouvons d’ores et déjà affirmer qu’ils ne

seront pas tenus.

Le gouvernement français semble aujourd’hui assez hésitant…

Monsieur le Ministre pourrait-il nous apporter quelques précisions sur ce dernier point ?

Enfin et au-delà des seules politiques européennes, ce Conseil européen constitue une étape essentielle dans la préparation de la COP 21 que notre pays accueillera à la fin de l’année prochaine.

Et pour que ce rendez-vous soit réussi, nous devons faire preuve d’une double exemplarité.

L’Europe doit être exemplaire face au monde, sinon son influence restera limitée.

Et la France doit être exemplaire face à ses partenaires européens, pour ne pas risquer de perdre sa crédibilité dans ce dossier.

Je vous remercie.

 

POUR ALLER PLUS LOIN 

 

CF. aussi « Chasing Ice », documentaire qui a pu saisir en 2008 un effondrement aussi brutal que gigantesque du Jakobshavn vers son propre fjord (plus d’info en suivant ces liens vidéo et vers le site du film).

 

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Calendrier prévisionnel de renouvellement des instances du Sénat (octobre 2014) http://andregattolin.eelv.fr/calendrier-previsionnel-de-renouvellement-des-instances-du-senat-octobre-2014/ http://andregattolin.eelv.fr/calendrier-previsionnel-de-renouvellement-des-instances-du-senat-octobre-2014/#respond Wed, 27 Aug 2014 16:48:17 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=3537 Le Sénat est renouvelé pour moitié en cette année 2014 : la session s’ouvrira donc avec la désignation de ses nouvelles instances, à commencer par l’élection d’un nouveau Président. Les services du Sénat ont mis en ligne un calendrier indicatif permettant d’avoir une vue générale de ces procédures. Vous le trouverez également en cliquant sur les images ci-dessous :

 

À noter que le site du Sénat précise également l’organisation de ses travaux jusqu’au mois de décembre 2014 inclus. 

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Il nous faut une Commission stratège ! http://andregattolin.eelv.fr/il-nous-faut-une-commission-stratege/ http://andregattolin.eelv.fr/il-nous-faut-une-commission-stratege/#respond Tue, 24 Jun 2014 13:37:04 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=3481 André Gattolin a pris la parole ce lundi 23 juin, au nom du Groupe écologiste du Sénat, à l'occasion du débat préalable au Conseil européen. ...]]>

André Gattolin a pris la parole ce lundi 23 juin, au nom du Groupe écologiste du Sénat, à l’occasion du débat préalable au Conseil européen.

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Le moins que l’on puisse dire c’est que ce Conseil européen sera, une fois de plus, très chargé !

L’ordre du jour officiel comporte plusieurs dossiers lourds, auxquels – quoique non-inscrit au programme – il convient d’ajouter d’autres points non moins sensibles !

Cette réunion sera – rappelons-le – la première rencontre formelle des Chefs d’Etats et de gouvernements depuis les élections du 25 mai dernier.

C’est donc de la stratégie et des politiques des institutions européennes dans leur ensemble et pour les cinq années à venir dont il sera question en réalité.

Avec une double interrogation que nous partageons tous :

D’une part, celle qui concerne le choix des personnes qui seront amenées à – espérons-le – incarner l’Europe…

D’autre part, celle qui se rapporte à l’organisation, la répartition des tâches et des responsabilités, et donc aux priorités dont cette nouvelle répartition sera la traduction concrète.

On aurait tort de mépriser ce dernier aspect : car cela aura bien été, au final, l’une des plus grandes faiblesses de la Commission sortante.

Faute de volonté politique et d’ambition réelle, celle-ci s’est très tôt enfermée dans des dossiers des plus techniques, souvent des plus sectoriels et précis, et dont le traitement parfois assez catastrophique a eu des conséquences désastreuses sur l’appréhension par l’opinion de l’ensemble des dossiers européens.

En l’absence d’orientations fortes, de commissaires et de représentants un brin charismatiques et dotés d’une véritable vision des choses, c’est à travers un effet d’entropie désormais propre à la Commission européenne depuis une vingtaine d’années, que nous avons vu la très organisée Commission de la concurrence prendre le dessus sur tout un tas questions stratégiques durant la présidence de M. Barroso.

Si cette politique acharnée de la concurrence a parfois sa logique, elle traduit aussi un incroyable dogmatisme, et il est à l’évidence aujourd’hui dangereux de lui confier l’ensemble de clés de l’avenir européen !

Cela ne peut en effet continuer ainsi.

Si nous voulons que la Commission européenne porte des politiques audacieuses, nous devons lui donner des structures à la hauteur de la tâche et capables de mieux prioriser ce qui fera le futur de nos concitoyens.

C’est particulièrement vrai en matière industrielle.

C’est vrai, le portefeuille existe déjà au sein de la Commission, il est même détenu par un de ses Vice-Présidents, mais son poids relatif par rapport à d’autres membres du Collège est sans commune mesure avec l’importance de sa thématique !

Alors qu’attendons-nous pour renfoncer ses services et ses attributions, pour les mettre davantage en lien avec des compétences déjà existantes qui rejoignent les siennes : je veux parler ici de l’énergie, du climat, de la recherche et de l’innovation ?

Qu’attends-nous pour avoir une Commission stratège comme nous voudrions avoir un Etat stratège au niveau national ?

Des personnalités comme Michel Barnier ou Pierre Moscovici ne disent pas autre chose. Dès lors que le constat est aussi largement partagé, il serait difficilement compréhensible que la France ne pousse pas en faveur de semblables solutions.

Mais revenons-en au détail de l’ordre du jour officiel de ce Conseil européen.

Je laisserai de côté les questions purement économiques, que d’autres évoqueront sans doute.

Parlons un instant des affaires intérieures: justice, liberté, sécurité…

Il s’agit d’un chapitre essentiel, ne serait-ce qu’en raison de la volonté affichée du gouvernement italien, lequel prendra très prochainement la Présidence du Conseil de l’Union européenne, d’avancer dans ce domaine.

Mais il est à craindre que la question ne soit, une fois de plus, abordée que sous l’angle de la lutte contre le terrorisme, de l’immigration irrégulière, de la situation en Méditerranée, qui ne sont qu’une partie du problème.

L’espace de liberté, de justice et de sécurité en Europe renvoie aussi à la question pour le moins centrale de la citoyenneté européenne.

Comme vous le savez, est citoyen européen toute personne disposant de la citoyenneté d’un des 28 pays membres de l’Union.

Même si les critères d’acquisition de la nationalité varient encore étrangement d’un État à un autre, ce principe ouvre à chacun de nombreux droits. Or depuis quelques années, ces droits sont tout simplement… à vendre.

Poussés par la crise et un sens parfois absurde des priorités, plusieurs Etats ont cherché à mettre en place – ou effectivement lancé – des programmes visant à attirer de riches investisseurs, souvent sans trop regarder l’origine de leurs richesses, en leur octroyant un permis de séjour, voire la nationalité du pays – et donc une citoyenneté qui, de fait, s’applique à l’Union toute entière – en échange de quelques faveurs financières.

Vous vous souvenez sans doute de Malte, qui voulait vendre sa nationalité contre 650.000 euros. L’île a depuis ajouté une condition supplémentaire, à savoir le fait d’avoir résidé au préalable, durant un an, sur son territoire.

Mais ce cas n’est pas unique… puisque le Portugal, l’Espagne, la Grèce ont également des programmes de ce genre.

Ils ne proposent certes pas la nationalité, mais n’en vendent pas moins chèrement un droit de séjour sur le sol de l’Union sans que nous n’y trouvions à redire.

L’Irlande, la Lettonie sont également dans cette situation et, il y a peu, les Pays-Bas étudiaient la chose, chacun pour des sommes diverses et plus ou moins élevées – de 72.000 euros à plus d’un million !

Et si l’on comprend bien l’intérêt que peuvent y trouver de riches chinois ou russes – comme par hasard deux des nationalités les plus représentées parmi les postulants – on voit mal, en revanche, ce que l’Union pourrait tirer d’un tel marché de dupes…

Si nous sommes sérieux à propos de la citoyenneté européenne, nous devons urgemment mettre fin à ces dérives, dont les conséquences sont bien plus qu’anecdotiques. À ce propos, pourriez-vous nous dire, Monsieur le Ministre, si le Président de la République envisage d’aborder ce problème avec ses collègues ?

Venons-en à présent à un autre point important de l’ordre du jour de ce Conseil.

Celui-ci doit traiter des questions climatiques et énergétiques sur lesquelles nous peinons à avancer ces derniers mois.

C’est un dossier évidemment sensible. Parce qu’il y a urgence. Parce que les politiques de chacun des Etats membres divergent en la matière. Parce que les ressources naturelles ou les inquiétudes de certains les poussent à privilégier, par exemple, des sources d’énergie comme les gaz de schiste que les autres réprouvent en raison de leur dangerosité vis-à-vis de l’environnement et du climat.

Je le redis, c’est un dossier sensible et donc sur lequel il est difficile de se mettre d’accord. Mais peut-on pour autant accepter que l’Union, tout en feignant de laisser aux Etats le choix de développer – ou non – ces énergies, se mette déjà à les financer via le programme Horizon 2020 ?

Auteur d’un rapport sur ce programme pour notre assemblée, j’avais notamment pointé les difficultés quant au fléchage de ces fonds :

  • trop précis, il risquait d’être vite obsolète et d’attiser les désaccords entre Etats ;
  • trop flou, il risquait de donner lieu à certaines dérives.

Nous y sommes désormais, puisque selon plusieurs articles de presse récents l’Union finance discrètement l’exploitation de gaz de schiste (jusqu’à 133 millions d’euros !) sur un programme destiné en principe à promouvoir l’innovation et la protection de l’environnement !

Entre nous, il ne s’agit plus là de politique, mais véritablement d’alchimie ! Une alchimie douteuse qui transforme certains crédits verts en carbone !

Quand la porte reste fermée, certains trouvent toujours manifestement une fenêtre ouverte…

Monsieur le Ministre, pouvez-nous indiquer quelle sera la position de la France sur ce sujet, et plus largement sur les ambitions climatiques européennes ?

Le risque est considérable de voir un découplage s’opérer entre problématiques climatiques et problématiques énergétiques, au détriment tant des unes que des autres.

Le risque est grand aussi de voir les Etats privilégier les objectifs climat avancés par la Commission, beaucoup moins ambitieux que ceux proposés par le Parlement européen.

Quelle solution la France, qui accueillera l’an prochain le COP 21, envisage-t-elle de porter sur ces questions ?

Je vous remercie.

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Donnons enfin vie à l’Europe ! 🗓 http://andregattolin.eelv.fr/donnons-vie-a-leurope/ http://andregattolin.eelv.fr/donnons-vie-a-leurope/#respond Tue, 20 May 2014 15:44:16 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=3445 André Gattolin est intervenu ce jour, au nom du Groupe écologiste, au cours du débat sur les perspectives de la construction européenne qui s'est tenu en séance publique au Sénat. Vous trouverez ci-dessous son intervention. Seul le prononcé fait foi. ...]]>

André Gattolin est intervenu ce jour, au nom du Groupe écologiste, au cours du débat sur les perspectives de la construction européenne qui s’est tenu en séance publique au Sénat. Vous trouverez ci-dessous son intervention. Seul le prononcé fait foi.

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Nous ne sommes plus qu’à quelques jours des élections européennes. Et pourtant, c’est un peu comme si ces dernières n’existaient pas…

L’exemple du débat qui a opposé le 15 mai dernier les prétendants à la Présidence de la Commission européenne est à cet égard emblématique. Non seulement les grandes chaînes n’ont pas voulu le diffuser, mais l’une d’entre elles, la principale antenne du service public, a mis en place un programme concurrent, consacré à l’Euro sans aucun des candidats en lice sur son plateau.

France 2 entendait faire de l’info-audience plutôt que de faire de l’information citoyenne.

Ceux qui, notamment parmi les politiques, avaient osé critiquer cette impasse allaient voir ce qu’ils allaient voir, selon les dires de la chaîne… Et bien, ce fut tout vu : cet ersatz de programme de campagne n’a recueilli que 7,7 % de parts de marché, une des plus faibles audiences de l’histoire de la chaîne !

C’est avec la même désinvolture que France Télévisions et ses consoeurs privées se sont abstraites des équilibres des temps de parole durant la phase de pré-campagne, obligeant la semaine dernière le CSA à procéder à un sérieux rappel à l’ordre.

Ces manquements à leurs obligations de nos grands médias démontrent, s’il le fallait encore, la justesse de l’initiative – approuvée par le Sénat – de notre collègue Pierre Bernard-Reymond de soutenir la création d’une Radio France Europe vouée à informer de manière récurrente nos concitoyens sur l’Europe.

J’en profite ici pour saluer son engagement européen sans faille, sur lequel – au-delà de nos différences politiques – je le rejoins totalement. Cette assemblée ne serait pas tout à fait la même sans la voix de ce grand fédéraliste !

Les Européens tels que lui, en France, sont encore trop peu nombreux. Car les lacunes de la classe politique n’ont sur ces questions rien à envier à celles observées chez nombre de nos médias.

Nos responsables nationaux cèdent souvent à cette trop facile tentation : se défausser sur l’Europe pour masquer leurs propres erreurs et leur absence de véritable vision politique.

Il est si facile de blâmer des institutions lointaines et forcément complexes en raison de leur fonctionnement, de leur localisation, de leur caractère polyglotte, et des tâches ingrates qu’on veut bien leur confier !

L’Europe n’est évidemment pas parfaite. Telle qu’elle existe aujourd’hui, elle est même foncièrement viciée, inachevée.

Elle est loin d’être suffisamment  démocratique, lisible et efficace. C’est d’autant plus difficile à accepter, que le monde évolue très vite, alors qu’elle-même semble faire du surplace.

Dans 30 ans, plus aucun pays de l’Union ne sera membre du G8 alors qu’ils sont 4 aujourd’hui à y figurer : c’est évidemment une source d’inquiétude et d’exigence.

Cette exigence, qui n’est pas propre à la France, est aussi la résultante d’un autre trait commun qui renvoie à nos valeurs partagées. Les Européens ont soif de progrès, de libertés, de démocratie. Or, au-delà de l’Union européenne elle-même, ce sont ces notions même de progrès, de liberté, de solidarité et de démocratie qui sont aujourd’hui en crise.

Comment l’Europe, qui s’est construite dès ses origines en tentant d’articuler ces attentes, pourrait-elle échapper à ces difficultés et à ces questionnements ?

En paraphrasant l’Abbé Sieyès, je résumerai ainsi la situation que nous vivons aujourd’hui :

Qu’est-ce que l’Europe ? Tout.

Qu’a-t-elle été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.

Que demande-t-elle ? À y devenir quelque chose.

L’Europe, c’est une formidable rupture historique, volontaire et pacificatrice.

C’est une aventure visant à réunir des peuples qui par-delà leurs frontières, leurs langues, leurs coutumes respectives partagent déjà  l’essentiel.

L’Europe aujourd’hui, c’est la première puissance économique mondiale et le plus grand espace démocratique commun, après l’Inde. Le brassage de ses populations se voit à tous les niveaux de la société, dans tous nos pays. Aujourd’hui le Premier Ministre français et la Maire de Paris sont d’origine espagnol ; le Président de l’Assemblée nationale est d’origine italienne… Ce sont-là des illustrations de ce que l’Europe, en dépit de ses faiblesses, est belle et bien unie dans sa diversité… Qu’elle constitue une part essentielle de notre identité collective.

Mais au lieu de l’assumer, nos gouvernements successifs sont passés maîtres dans l’art de pousser toujours plus loin une certaine intégration européenne tout en cherchant à en minimiser l’aspect fédéral, démocratique, politique.

La Commission européenne est condamnée pour ses orientations libérales ; mais on oublie de dire que ce sont les orientations des gouvernements réunis au sein du Conseil qu’elle sert.

Le Parlement européen est critiqué pour son impuissance politique ; mais ce sont les Etats qui veulent à toute force restreindre son pouvoir législatif.

L’opacité dans laquelle se négocie actuellement le projet de traité transatlantique est un véritable déni de démocratie.

Ceci n’est plus possible !

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues,

Le débat du 15 mai dernier, en dépit de son insuffisante médiatisation, a constitué une première historique.

Certains ont parlé d’un « putsch démocratique » lorsque les candidats ont, l’un après l’autre, prévenu les gouvernements que ce processus démocratique d’un genre nouveau s’imposerait à eux, et qu’ils devraient choisir comme Président de la Commission celui ou celle qui aurait réuni une majorité européenne sur son nom.

Attendons encore de voir si les cinq conjurés tiendront bons face aux oukases de tel ou tel chef d’Etat ou de gouvernement. Mais, c’est bel et bien à un mini-Serment du Jeu de paume que nous avons assisté dans l’assourdissante indifférence des responsables politiques nationaux. « Les pensées qui mènent le monde arrivent sur des pattes de colombe » écrivait un grand philosophe…

Si nous sommes cohérents avec nous-mêmes, si nous voulons donner à l’Europe de nouvelles perspectives, nous devons nous joindre à ce serment et l’appuyer dans les faits.

Il ne tient qu’à nous de sortir de l’ornière dans laquelle nous nous trouvons. Non pas en sortant de l’Euro mais en complétant l’Union.

Non pas en donnant plus de poids aux Etats ou à je ne sais quel Marché intérieur, mais en rendant les institutions européennes plus démocratiques et en améliorant les interactions entre niveau européen et niveau national.

Par exemple, en dotant le Parlement européen, le cas échéant appuyé sur les parlements nationaux, d’un véritable pouvoir d’initiative législative. En déconnectant la citoyenneté européenne de la stricte notion de nationalité. En créant pour 2019 une circonscription transnationale sur laquelle serait élue une partie des eurodéputés, pour que ces élections européennes soient les dernières à se faire uniquement à l’échelon national ou infra-national.

Nous sommes déjà Européens sur le plan économique, historique et culturel, mais nous n’assumons pas encore de l’être sur le plan politique.

C’est pourtant en franchissant ce pas décisif que nous donnerons enfin vie à l’Europe !

Je vous remercie

 

Source Photo : Union européenne de Radio-Télévision, débat « Tell Europe »

du 15 mai 2014

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Institutions financières, parité, Haut Conseil des finances publiques et BCE… http://andregattolin.eelv.fr/institutions-financieres-parite-haut-conseil-des-finances-publiques-et-bce/ http://andregattolin.eelv.fr/institutions-financieres-parite-haut-conseil-des-finances-publiques-et-bce/#respond Fri, 23 Nov 2012 12:05:15 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=2709 André Gattolin est intervenu jeudi 22 novembre 2012 dans la discussion portant sur les conclusions de la commission mixte paritaire relative à la loi de programmation et de gouvernance des finances publiques. Seul le prononcé fait foi.

 

Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Le groupe écologiste du Sénat a unanimement voté en faveur de la loi qui nous occupe lors de son premier passage devant notre assemblée.

Le groupe écologiste votera à nouveau en sa faveur, ce soir, alors que nous examinons les conclusions de la Commission mixte paritaire qui s’est réunie à son propos le 8 novembre dernier.

L’essentiel a déjà été dit lors de notre précédente discussion et je serai donc bref.

Si les écologistes ont dès le départ choisi d’appuyer cette loi organique, c’est parce qu’elle découle d’une obligation légale suite à la ratification du Traité européen de stabilité, de coordination et de gouvernance en matière économique.

C’est aussi parce qu’en choisissant la voie d’une loi organique plutôt que d’une modification de la Constitution, le Président de la République et le gouvernement ont préservé la capacité des pouvoirs publics et du législateur à amender les dispositifs qu’elle met en place, si le besoin devait s’en faire sentir à l’avenir.

Vous le savez, les écologistes ne sont pas en parfait accord avec certains aspects de ces dispositifs. La « gouvernance » budgétaire nous semble ici trop étroitement conçue, trop étriquée.

Le retour très rapide à un déficit maximal égal à 3% du PIB nous semble brutal et de manquer un peu de réalisme.

Nous avons rappelé tout à l’heure, alors que débutait la discussion relative au projet de loi de finances pour l’année 2013, certaines de nos inquiétudes. Nous les avions aussi évoquées lors des débats relatives à cette loi.

Nous avions déposé plusieurs amendements qui visaient à préciser le rôle ou à améliorer le fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques que cette loi institue.

Certains étaient de nature très technique et portaient par exemple sur les demandes d’explication et de transparence sur les hypothèses prises en compte par le Haut Conseil dans la formulation de ses avis.

D’autres étaient de nature plus politique et, osons le mot, d’inspiration plus citoyenne ; j’ai en tête la question de la composition du Haut Conseil des finances publiques que nous avions suggéré de rendre plus paritaire.

Sept de nos amendements avaient alors été adoptés au Sénat, quatre ont depuis été confirmés par la Commission mixte paritaire, dont celui sur la question de la parité hommes/femmes qui a pu, lors de la CMP, être nous amélioré notamment en l’élargissant à l’ensemble des membres du Haut conseil.

Je tiens à ce sujet à remercier tout particulièrement Monsieur le Rapporteur général de la Commission des finances, ma collègue Michèle André et tous les membres de la CMP qui ont contribué à cette très grande avancée.

Rien ne nous garantit encore la qualité des travaux de ce Haut conseil – seul l’avenir nous le dira ! – mais il est d’ores et déjà devenu un symbole, au niveau européen de l’instauration de la parité hommes-femmes dans un milieu de la finances jusqu-là terriblement rétif à la présence de femmes dans ses organes décisionnaires ou même simplement consultatifs.

La portée politique de cette loi n’en est évidemment que plus grande !

Je veux voir dans ce processus un signe très positif.

Je veux voir dans ce processus la preuve que nos chambres parlementaires, trop souvent et trop longtemps considérées comme des chambres d’enregistrement par les gouvernements passés, constituent bien plutôt des chambres de réflexion, d’innovation et d’avancées déterminantes sur le plan sociétal.

Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance que revêtent pour nous et pour le débat citoyen le respect que le gouvernement accorde aux travaux du Parlement, et la bonne intelligence que les Parlementaires doivent mettre dans l’amélioration des propositions gouvernementales.

C’est le propre d’un régime politique à la fois sain et efficace et d’une démocratie riche et cohérente avec elle-même que d’agir comme le gouvernement et le parlement ont su agir à propos de ce texte.

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues,

Je ne résiste pas pour conclure à l’envie de revenir une dernière fois sur la dimension européenne de ce texte… pour évoquer le Conseil européen qui s’ouvre en ce moment-même.

Comme vous le savez sans doute, le Conseil européen doit examiner la nomination éventuelle au sein du Directoire de la Banque centrale européenne de Monsieur Yves Mersch, dont la candidature a été rejetée le 25 octobre dernier par le Parlement européen, lequel n’a malheureusement en la matière qu’une voix consultative.

La raison pour laquelle le Parlement européen a rejeté cette candidature se trouve dans l’absence totale de femmes au sein de ce directoire, et plus largement au sein des instances dirigeantes des institutions économiques et financières européennes.

Une absence qui scandalise d’ailleurs bien au-delà du Parlement européen puisque près de 250 parlementaires nationaux, italiens, allemands, espagnols ou français, dont 55 parlementaires français issus de tous les groupes de cette assemblée, ont adressé ces derniers jours un appel au Président Van Rompuy pour l’alerter sur cette situation.

J’ai moi-même écrit aujourd’hui avec Catherine Tasca, au Président de la République pour que la France agisse en conséquence :

–    soit en refusant dès la candidature de Monsieur Mersch,

–    soit en promouvant la nomination d’une femme à la tête de la supervision bancaire européenne.

Les multiples plafonds de verre qui continuent de contraindre nos sociétés et empêche la parité hommes/femmes d’être effective dans tous les grands champs de la vie publique doivent tomber.

C’est notre devoir démocratique de saisir toutes les opportunités qui se présentent à nous pour œuvrer dans ce sens. Nous avons su le faire avec cette loi en France. L’Europe doit savoir le faire, dès à présent, lors de la tenue de l’actuel Conseil européen.

Je vous remercie.

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« Il est temps pour la France d’opérer un renouvellement profond de ses relations diplomatiques » http://andregattolin.eelv.fr/il-est-temps-pour-la-france-doperer-un-renouvellement-profond-de-ses-relations-diplomatiques/ http://andregattolin.eelv.fr/il-est-temps-pour-la-france-doperer-un-renouvellement-profond-de-ses-relations-diplomatiques/#comments Thu, 19 Jul 2012 08:12:24 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=2440 André Gattolin est intervenu en séance publique le 18 juillet 2012, en remplacement de Leïla Aïchi, dans le cadre de la discussion portant sur le projet de loi \"autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Etat des Emirats Arabes Unis\". Il a rappelé à cette occasion qu'aux yeux du Groupe écologiste du Sénat, il est temps pour la France d'opérer un renouvellement profond de ses relations diplomatiques. Un renouvellement dont ce traité, conclu avec un Etat parmi les plus sécuritaires de la planète, ne peut être représentatif. ...]]>

André Gattolin est intervenu en séance publique le 18 juillet 2012, en remplacement de Leïla Aïchi, dans le cadre de la discussion portant sur le projet de loi « autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Etat des Emirats Arabes Unis ». Il a rappelé à cette occasion qu’aux yeux du Groupe écologiste du Sénat, il est temps pour la France d’opérer un renouvellement profond de ses relations diplomatiques. Un renouvellement dont ce traité, conclu avec un Etat parmi les plus sécuritaires de la planète, ne peut être représentatif.

 

Le traité a été ratifié par le Sénat, malgré l’opposition du Groupe écologiste.

 

Seul le prononcé fait foi

 

 

Monsieur le Président, Madame la Ministre,

Madame la Rapporteure, Monsieur le Président de la Commission,

Mes chers collègues,

La demande par nos collègues de l’UCR d’un débat de deux heures sur un tel sujet nous a d’abord surpris. Cet accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre les Emirats arabes unis et notre pays s’inspire en effet d’un « accord type » dont de nombreux avatars ont déjà été adoptés, via une procédure de vote simplifiée, sans débat ni prise de parole dans cet hémicycle.

J’y vois toutefois l’occasion de développer la position des écologistes sur ce type de textes, et sur ce projet de loi en particulier.

Nous avons pour habitude de nous abstenir lorsqu’un accord de sécurité intérieure est soumis à cette assemblée. En effet ces textes entrent globalement en contradiction avec la conception écologiste de l’intérêt général, et à notre attachement au principe de protection des libertés individuelles. J’y reviendrai dans un instant.

 

S’agissant de l’accord dont il est question aujourd’hui, et alors que ce débat nous donne l’opportunité d’examiner le fond de la chose et de préciser ce qui à nos yeux pose véritablement problème, la position du Groupe écologiste se veut plus ferme encore qu’à l’accoutumée.

 

Tout d’abord vous me permettrez, mes chers collègues, de m’arrêter sur ce qui constitue l’accord type de coopération en matière de sécurité intérieure.

Elaboré par la France en 2007, il appartient à l’héritage que nous a laissé l’ancienne majorité en matière de sécurité et de politique étrangère, un héritage notamment élaboré par la Ministre de l’Intérieur de l’époque et par l’un de ses successeurs.

Cet accord type a certes pu obtenir l’assentiment de nos amis socialistes à plusieurs reprises, ce qui prouve bien que ces domaines sont complexes et appréciés diversement, indépendamment des clivages politiques.

Je crois cependant que, comme le reste de cet héritage, il mérite d’être évalué et repensé. D’autant que le changement arrivé en France a aussi frappé à la porte d’autres Etats – et dans des proportions autrement plus importantes !

Des Etats avec lesquels de semblables coopérations ont pu être menées par le passé, et avec lesquels nous nous devons de mettre en place des relations sur des bases franchement renouvelées.

En ce qui concerne le contenu de cet accord type, notre première réticence réside dans son champ d’application, défini à l’article 1er.

Celui-ci place au même rang les différents domaines que recouvre la notion de « sécurité intérieure », donnant autant d’importance à la « lutte contre l’immigration illégale », qu’à la « lutte contre la criminalité organisée », ou « la lutte contre la traite des êtres humains, contre l’abus et l’exploitation sexuelle des enfants ».

Un tel amalgame nous semble inopportun alors qu’il paraît nécessaire d’apporter une réponse proportionnelle à chacun de ces domaines. En particulier, mettre au même niveau « l’immigration illégale » et la « traite des êtres humains » va clairement à l’encontre de notre attachement à la liberté de circulation des personnes.

L’article 2 de l’accord type expose ensuite les méthodes de coopération.

Il s’agit notamment de faciliter l’échange d’information entre les autorités des deux pays, et de prendre les mesures policières nécessaires à la demande de l’autre Partie, ce qui ne nous semble pas adapté  sur des domaines tels que l’immigration illégale.

Mes chers collègues, l’accord-type de coopération en matière de sécurité intérieure ne nous semble généralement pas posé de façon pertinente : pour sa genèse, pour sa finalité, comme pour ses modalités précises.

 

J’en viens au cas particulier qui nous occupe aujourd’hui. Un cas d’autant plus particulier que les Emirats Arabes Unis sont réputés appartenir aux pays les plus sécuritaires du monde.

 

Il ne s’agit pas, mes chers collègues, de dénier toute logique à cet accord.

Après tout, formaliser la coopération bilatérale en matière de sécurité intérieure entre la France et les Emirats Arabes Unis, qui existe déjà de fait depuis 1995, paraît censé.

En outre, nous reconnaissons les raisons qui poussent nos collègues à voter ce texte, qui présente peu de contraintes pour notre pays, tant sur les plans financier et opérationnel que juridique. La ratification d’un accord de coopération est toujours perçue comme un signal positif et comme une preuve d’ouverture sur le plan diplomatique.

Cela facilite également les échanges d’expérience et le partage de compétences entre les deux Etats. Aux yeux de beaucoup, ces avantages apparaissent sans doute suffisants.

 

Je crains toutefois qu’en suivant ce raisonnement nous ne fassions fausse route.

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, est-il vraiment nécessaire de rappeler la situation des droits humains aux Emirats Arabes Unis  ?

A quoi cela rimerait-il d’établir une coopération de sécurité avec un pays où le simple fait de critiquer le Gouvernement et de réclamer des réformes est passible d’emprisonnement ?

A quoi cela rimerait-il de coopérer avec un pays qui place l’impératif de sécurité intérieure au-dessus de tout respect des droits humains ?

Les Emirats Arabes Unis sont dotés de services de renseignement très pointus, reposant sur un réseau d’informateurs vraiment dense, et un important recours au croisement de fichiers informatiques.

L’Etat émirien s’appuie également sur l’utilisation des technologies, notamment à travers son réseau de carte nationale d’identité informatique, permettant la reconnaissance des empreintes digitales et de l’iris, qui lui assure une efficacité redoutable en matière de lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine.

Inutile de préciser qu’en de telles conditions, la population migrante, qui représente 87% des habitants, y est étroitement surveillée.

 

Les sanctions pénales à l’encontre des expatriés sont systématiquement assorties d’une expulsion, voire d’une interdiction de retour.

Elles sont parfois motivées par le seul fait d’avoir voulu exercer un droit syndical, puisque le gouvernement a le pouvoir de briser une grève et de forcer la reprise du travail ; l’an dernier, au moins 71 personnes originaires du Bangladesh ont ainsi été expulsées en raison de leur rôle dans un conflit social.

La seule consommation de drogue conduit à une peine automatique de quatre ans d’emprisonnement, tandis que les trafiquants encourent la peine de mort.

Le code pénal donne le pouvoir à l’Etat de poursuivre et emprisonner des citoyens pour atteinte à la sûreté de l’Etat, étant entendu que l’an dernier 5 hommes au moins l’ont été pour avoir simplement critiqué, sur internet, la direction du pays. Le code pénal donne aussi à chaque homme le droit de discipliner femme et enfants, si besoin par la force.

Et je ne rappellerai pas le rôle qu’ont pu jouer les Emirats Arabes Unis en prêtant main forte à Bahreïn, en 2011, alors que cet Etat faisait fasse à une contestation grandissante. Certes, les troupes émiraties n’ont semble-t-il pas directement participé, alors, à la répression. Mais qu’aurait-on dit si tel avait été le cas, et si certains de ces éléments avaient été formés par la France en vertu de cet accord ? Sachant que parmi les formations dont les forces de l’ordre émiraties ont pu bénéficier au cours des années 2009 et 2011, on trouve aussi bien un apprentissage aux techniques d’enquête en matière de crime sexuel, que des formations dites « Snipers » ou « Snipers avancées » !

Mes chers collègues, à quoi cela rime-t-il de ratifier un accord de sécurité intérieure avec un pays dont la conception de la sécurité est telle qu’elle va à l’encontre des valeurs de la République française ?

Certains espèrent qu’en partageant nos compétences techniques, nous encouragerons les Emirats arabes unis à faire évoluer leur droit interne vers une meilleure garantie des droits humains.

Mais est-ce que l’on n’encourage pas au contraire cet Etat ultra-sécuritaire à poursuivre sa politique ?

Est-ce qu’on ne cautionne pas indirectement des pratiques attentatoires aux libertés publiques, en contribuant à renforcer l’efficacité des forces de l’ordre émiriennes ?

 

Enfin, j’exprimerai une dernière réserve sur le présent texte, qui réside dans une spécificité qu’il présente par rapport à l’accord type, et peut nous placer dans une situation délicate sur le plan diplomatique.

Je pense là à l’article 6, qui stipule qu’en cas de refus de coopération, la partie sollicitée doit justifier sa décision auprès de la partie requérante.

Cette précision a été demandée par l’Etat émirien, alors que dans l’accord-type de coopération de sécurité intérieure, la partie sollicitée doit simplement informer de son refus, et non le justifier.

Je n’ose imaginer la prudence dont devront faire preuve, dans leurs travaux de justification, nos services dès lors qu’ils voudront décliner une demande tout en évitant un incident diplomatique. Je ne serais pas surpris que ceci s’avère le moyen le plus efficace de nous contraindre à de l’auto-censure.

 

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues,

Il y a deux mois, les citoyens français ont fait le choix du changement. Ce choix, nous devons le respecter dans tous les domaines.

Cela passe notamment par une vision renouvelée de nos relations diplomatiques. Le champ de la coopération internationale est vaste, et adopter un accord en matière de sécurité intérieure avec un Etat sécuritaire ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons d’un quinquennat humaniste et progressiste.

Pour nous, écologistes, l’heure n’est plus à la ratification de traités à la finalité douteuse.

Notre pays s’est doté des moyens intellectuels et humains nécessaires pour proposer à nos partenaires internationaux des accords pertinents.

Mes chers collègues, nous avons confiance dans le Gouvernement et sa capacité à impulser un vrai changement.

C’est précisément pour cela que nous voterons contre ce texte, élaboré à une autre époque, et ne reflétant pas ce qui doit constituer pour nous les priorités en matière de diplomatie comme de défense et de sécurité, de cette majorité.

Je vous remercie.

 

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« En tant qu’écologiste, je me félicite de l’inflexion clairement civile que porte ce traité » http://andregattolin.eelv.fr/traite-damitie-et-de-cooperation-entre-la-republique-francaise-et-la-republique-islamique-dafghanistan-en-tant-quecologiste-je-felicite-de-linflexion-clairemen/ http://andregattolin.eelv.fr/traite-damitie-et-de-cooperation-entre-la-republique-francaise-et-la-republique-islamique-dafghanistan-en-tant-quecologiste-je-felicite-de-linflexion-clairemen/#respond Thu, 19 Jul 2012 07:53:15 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=2429 André Gattolin est intervenu en séance publique le 18 juillet 2012, en remplacement de Leïla Aïchi, dans le cadre de la discussion portant sur le \"traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République Islamique d’Afghanistan\". L'occasion de rappeler qu'au-delà du cas afghan, paix et développement durable (sous tous ses aspects) sont étroitement liés. ...]]>

André Gattolin est intervenu en séance publique le 18 juillet 2012, en remplacement de Leïla Aïchi, dans le cadre de la discussion portant sur le « traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République Islamique d’Afghanistan ». L’occasion de rappeler qu’au-delà du cas afghan, paix et développement durable (sous tous ses aspects) sont étroitement liés.

Le traité a été ratifié par le Sénat, avec l’approbation du Groupe écologiste.

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre,

Monsieur le Rapporteur et Président de la Commission,

Mes chers collègues,

Nous devons aujourd’hui nous prononcer sur le projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République Islamique d’Afghanistan.

Cet accord est l’aboutissement d’un processus relativement rapide qui a débuté à l’occasion du déplacement du Président Sarkozy à Kaboul le 12 juillet 2011.

Un projet de traité a été présenté par le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et européennes à son homologue afghan lors de sa visite à Paris, le 26 octobre dernier. Les négociations n’ont rencontré aucune difficulté majeure et ont permis d’aboutir à un accord sur l’ensemble du texte le 3 janvier 2012.

Le traité a été signé le 27 janvier 2012 par nos deux pays. Le programme de coopération quinquennal, qui complète le traité, a été paraphé le même jour par les ambassadeurs de France et d’Afghanistan.

Ce nouveau traité entend ainsi rationaliser le cadre juridique de l’ensemble de la relation franco-afghane en regroupant en un seul instrument les différents volets de notre coopération.

D’après l’article 13, son entrée en vigueur entraînera l’abrogation de l’accord de coopération culturelle et technique entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d’Afghanistan du 21 août 1966, qui constituait jusqu’à présent l’épine dorsale de la coopération entre les deux pays.

La France, engagée sur le théâtre d’opération afghan depuis 2001, entend dorénavant modifier la nature de son engagement, parallèlement au retrait progressif de ses forces combattantes.

Ce traité marque le passage d’une vision principalement axée sur une démarche militaire à une conception beaucoup plus marquée par une approche civile.

L’Afghanistan s’efforce désormais de s’inscrire dans une certaine normalité au niveau de la vie internationale.

En témoigne la conclusion de partenariats avec d’autres Etats comme l’Inde (signé en octobre 2011) ou les Etats-Unis (actuellement en préparation).

Le pays tente de se relever d’une situation sécuritaire particulièrement chaotique depuis l’intervention soviétique de 1979. La stabilité intérieure reste plus que jamais un sujet de préoccupation.

Carrefour de l’Asie, l’Afghanistan a entretenu, tout au long de son histoire tumultueuse, des rapports tourmentés avec le monde extérieur, puisqu’il a connu à maintes reprises la présence de forces étrangères sur son sol, qu’il s’agisse des Britanniques entre 1840 et 1919,des soviétiques de 1979 à 1989,ou de la coalition internationale formée par 49 pays depuis 2001.

La mise en place et la pérennisation d’un Etat de droit représentent ainsi les défis majeurs de l’Afghanistan. En effet, la viabilité d’un pays dépend avant tout de la robustesse de ses institutions.

 

Dans cette optique, comme décrit dans l’article I, le traité d’amitié se donne un double objectif :

  • Perpétuer les liens d’amitié, de paix et de solidarité qui unissent les deux pays ;
  • Etablir des programmes quinquennaux de coopération dans les domaines de la sécurité, de la justice, de la démocratie, de l’agriculture, de l’éducation, de la santé, de l’archéologie, de la culture, des infrastructures, des ressources minières, et de la formation des cadres civils.

Composé de 13 articles, ce traité s’efforce donc de couvrir les domaines administratifs, sécuritaires, économiques, sociaux et financiers.

L’article 2 prévoit la création de trois commissions mixtes autonomes : une commission pour le suivi des programmes de coopération, une commission politico-militaire, et une commission de sécurité intérieure.

L’article 3 aborde le volet purement « sécurité et  défense » de la coopération.

L’article 4 porte sur la coopération agricole et le développement du monde rural.

L’article 5 couvre l’aspect sanitaire de la coopération, visant notamment à réduire le taux de mortalité maternelle et infantile et à améliorer l’accès aux soins.

Les articles 6 et 7 traitent de la coopération en matière d’éducation, d’enseignement supérieur et d’échanges culturels, avec l’objectif de protéger et de mettre en valeur le patrimoine archéologique, historique et artistique de l’Afghanistan.

L’article 8 développe le thème de la gouvernance démocratique, en insistant en particulier sur la protection des droits des femmes et leur accès à la justice.

Les articles 9 et 10 portent sur le développement des infrastructures afghanes et sur les questions économiques, financières et commerciales.

Quant aux trois derniers articles, ils sont surtout d’ordre administratif.

L’article 11 traite des dispositions fiscales relatives aux institutions et personnels français qui participent à la relation bilatérale.

L’article 12 aborde notamment les questions d’immunité relatifs au personnel coopérant français, ainsi que les problématiques techniques comme l’attribution du port d’armes par l’Etat d’accueil pour les agents concernés.

Comme nous l’avons vu précédemment, l’article 13 signifie que l’entrée en vigueur du traité abrogera les instruments juridiques qui ont précédemment existé, c’est-à-dire l’accord de coopération culturelle et technique et ses annexes entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d’Afghanistan du 21 août 1966.

En tant qu’écologiste, je me félicite de l’inflexion clairement civile que porte ce traité.

En effet, l’établissement et le développement d’un Etat de droit légitime et efficace représentent les conditions indispensables à l’épanouissement d’une société civile apaisée en Afghanistan. Une réponse purement militaire ne peut être viable à long terme si l’on souhaite voir naître un Afghanistan plus démocratique et plus sûr.

En revanche, je note l’absence d’un volet environnemental dans ce traité, ce que je trouve fort dommageable, vu l’impact écologique néfaste que les conflits successifs ont eu sur l’Afghanistan.

Ainsi, le Colloque « Guerre et environnement », organisé au Sénat le jeudi 6 mars 2008, rappelait que l’Afghanistan avait vu près de 95% de ses forêts détruites par des décennies de conflit.

Dès 2003, un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, réalisé en collaboration avec les autorités afghanes sur les conséquences des conflits en matière environnementale et sanitaire, soulignait que le pays était au bord d’un véritable désastre environnemental, constituant un frein important à la reconstruction du pays.

Le rapport d’évaluation avait été mené par une vingtaine de scientifiques afghans et internationaux, ayant examiné près de 38 sites urbains dans quatre villes et 35 site ruraux.

Le tableau alors dressé se révéla extrêmement préoccupant. Les phénomènes de déforestation et de désertification s’étaient vus aggravés par une pollution désastreuse – décharges toxiques, réseaux d’égouts dévastés, raffineries et usines totalement hors normes.

En outre, des tests effectués sur l’eau potable révélèrent de très fortes concentrations en bactéries provenant du réseau d’égouts, créant une menace importante pour la santé publique et notamment à destination des enfants susceptibles de contracter le choléra.

Les différentes investigations menées par le PNUE avaient constaté l’état de délabrement, les pollutions engendrées, le manque de maintenance, de moyens et de compétences dans le secteur industriel, présentant ainsi des risques pour les populations limitrophes et les enfants qui y travaillent sans protections.

Mr. Toepfer, alors directeur exécutif du PNUE, souligna qu’il était évident qu’une grande partie des efforts pour la reconstruction du pays devrait passer par une restauration de l’environnement, en rappelant que plus de 80% des Afghans vivaient en zone urbaine et ils qu’avaient vu leurs ressources vitales – eau pour l’irrigation, bois pour le feu et le carburant – perdues en seulement une génération.

Il faut vraiment intégrer le fait que les questions de sécurité et de préservation de l’environnement sont intimement liées.

À ce titre, l’évaluation de l’environnement rural révéla d’importantes pertes de surfaces boisées dans la plupart du pays durant les trente dernières années.

Cela est dû à l’économie mise en place sous les Talibans, qui exportaient leur bois principalement vers le Pakistan, mais aussi aux conflits qui incitaient les militaires à déboiser des zones pouvant servir de camps retranchés et favorables aux embuscades.

Aussi le PNUE formulait-il 163 recommandations pour renforcer la législation sur l’environnement, développer des emplois, reconstruire les infrastructures, évaluer les impacts des pollutions, améliorer la qualité de l’eau, de l’air, des sols, établir des zones protégées, reboiser, lutter contre la désertification, permettre l’accès aux ressources vitales, redévelopper l’agriculture…

La problématique environnementale n’est donc pas accessoire. Elle revêt même une dimension stratégique essentielle.

Dans cette perspective, il aurait été pertinent, selon nous, de rajouter un quatorzième article définissant de manière précise une coopération environnementale entre la France et l’Afghanistan, cette dernière passant par un renforcement des liens entre les institutions compétentes, ainsi que par la mise en place de formations spécifiques développées pour les futurs cadres de la société afghane.

En outre, l’article 2 du traité aurait pu être enrichi par la création d’une quatrième commission mixte autonome ne traitant exclusivement que des questions environnementales.

A défaut de voir tous ces éléments compris dans le traité lui-même, le gouvernement pourrait peut-être les inclure dans les programmes de coopération et de développement qui y seront attachés dans le futur, et dont un axe fort pourrait justement être d’agir sur les questions environnementales et de soutenabilité.

Voyez-vous, mes chèr(e)s collègues, le cas afghan est symbolique des conséquences dramatiques des conflits armés sur l’environnement.

Il est essentiel de comprendre que la paix et le développement durable sont intrinsèquement associés.

Ces observations faites, je pense malgré tout que ce texte représente une avancée pour le développement de l’Afghanistan par son approche à dominante civile, ainsi que par les multiples programmes de coopération qu’il contient.

Le projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République Islamique d’Afghanistan va donc dans la bonne direction. En conséquence, le Groupe écologiste votera en sa faveur.

Je vous remercie.

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André Gattolin est intervenu le jeudi 5 juillet en séance publique, dans le cadre du débat portant sur le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, pour porter la parole des Sénateurs écologistes.

 

Seul le prononcé fait foi

 

Madame la Présidente, Monsieur le Premier Ministre,

Messieurs les Ministres, chers collègues,

Il y a parfois des hasards heureux de calendrier, et celui-ci en est un.

Notre Parlement est de retour en session depuis quelques jours et, déjà, l’Europe se retrouve au cœur de nos débats.

J’y vois là une sorte de présage pour les cinq années à venir :

Le quinquennat qui débute en France ne réussira que si nous parvenons à réinvestir pleinement le projet européen.

Et ce réinvestissement ne pourra avoir lieu que si, au sein de nos assemblées comme dans la société, nous réfléchissons enfin à cette question dans un esprit ouvert, serein, et empreint d’honnêteté politique et intellectuelle.

Car, reconnaissons-le, si au cours de l’intense séquence électorale qu’a connu notre pays, la crise de l’euro a constitué une toile de fond permanente, on ne peut guère dire que le débat sur l’Europe proprement dite ait brillé par sa richesse et son intensité !

Le Conseil européen qui vient de se dérouler a-t-il permis de donner un nouvel élan à cette entreprise ?

En tout cas, on aura rarement vu de réunions de ce type, porteuses d’autant de décisions importantes et obtenues en d’aussi rapides délais.

 

Je ne reviendrai que brièvement sur le contenu de l’accord lui-même : celui-ci a été déjà largement commenté.

120 milliards d’euros alloués à la relance de l’activité économique ; une évolution des mécanismes de stabilité vers un découplage des crises bancaires et des dettes souveraines ; l’instauration prochaine d’une taxe sur les transactions financières dans un nombre significatif de pays de l’Union… Ce sont là des avancées indéniables et que nous saluons.

Mais ce qui me semble peut-être être le plus important dans l’accord trouvé relève sans doute moins du fond que de la forme et de l’embryon de méthode employée. Ce à quoi nous avons assisté, c’est en effet à une rupture avec une pratique qui était devenue dominante ces dernières années : à savoir une gestion des grandes décisions par un duopole imparfait composé de la France et de l’Allemagne et qui tenait largement à l’écart leurs autres partenaires.

 

Aujourd’hui, une dynamique nouvelle semble se mettre en place : certains Etats qui peinaient à se faire entendre réussissent enfin se remobiliser au niveau européen. Le rôle majeur tenu par les dirigeants italiens et espagnols, aux côtés de la France et de l’Allemagne, aura été déterminant. Ils nous rappellent aujourd’hui  qu’on ne peut ni construire l’Union européenne, ni même sauver la zone Euro, en mettant de côté toute une partie de ceux qui la composent. C’est dans cette cohésion pluripartite que réside la bonne solution face à la défiance des marchés dont les jeux spéculatifs se portent opportunément d’un Etat en difficulté vers un autre. Face à cette configuration nouvelle, le gouvernement allemand a su heureusement faire évoluer sa position.

Espérons que nous soyons là à l’aube d’un nouveau cours européen – une nouvelle méthode de travail communautaire – et non dans le cadre d’une belle exception qui n’aurait été le fruit que d’une conjonction de circonstances particulières.

Cela étant il reste encore beaucoup à faire. De nombreuses interrogations subsistent. Par manque de temps, je n’en soulèverai que quelques unes :

– Le point le plus important du plan de relance envisagé, concerne sans doute l’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement. Elle devrait permettre, grâce aux effets de levier, de mobiliser jusqu’à 60 milliards de prêts en plus de ceux qu’elle octroie déjà. Reste que l’incertitude demeure, quant aux types de projets qui pourront être financés par ce biais. Quels sont, selon vous Monsieur le Premier ministre, les secteurs qui devraient en bénéficier en priorité ?

– De la même façon, concernant le MES et les mécanismes de l’Union bancaire, on a peine à comprendre quelle sera exactement la part réclamée aux banques privées dans les nouveaux mécanismes de renflouement. Envisagez-vous de plaider en faveur d’un fonds de résolution bancaire et d’un système de garantie de dépôts des particuliers, qui seraient abondés par les établissements financiers ?

– Enfin, s’agissant de la taxe sur les transactions financières – c’est une idée que les écologistes européens défendent depuis le début des années 2000 ! – je m’interroge sur la destination budgétaire et l’usage des fonds qu’elle permettra de dégager. Sera-t-elle destinée  aux budgets propres des Etats membres ? Ou, sera-t-elle affectée au financement de notre contribution nationale au budget européen ?  Permettre à l’Union européenne d’augmenter ses ressources propres étant, à mon sens, la piste les plus intéressante quant à la vocation de cette nouvelle fiscalité.

 

Au-delà, la question des ressources propres de l’Union européenne est plus que jamais primordiale. Pour relancer l’Europe tant au niveau économique que politique, la question du budget de l’Union et de ses ressources propres, ainsi que celles des institutions qui permettront de le contrôler démocratiquement doivent désormais être mises au cœur de nos discussions.

La crise traversée par la zone euro ne tient pas seulement à la situation économique et financière mondiale, ni aux problèmes de compétitivité de nos économies, ni à la seule question des dettes souveraines. Les dysfonctionnements de la zone euro tiennent, en premier lieu, de ce que nous nous sommes dotés il y a 20 ans d’une monnaie unique sans l’accompagner de la gouvernance qu’elle supposait. Nous prenons seulement aujourd’hui conscience de la nécessité d’une gouvernance économique de l’Union et de la zone Euro.

Assez improprement qualifiée de « fédéralisme économique », cette réalité s’impose désormais à nous. Mais ce qui est devenu impératif et légitime d’un point de vue économique ne peut aller durablement de l’avant sans une légitimité politique et démocratique.

Il faut aujourd’hui, sans tabou ni phobie, avoir le courage de poser enfin la question du fédéralisme politique en Europe, le seul qui puisse garantir une authentique légitimité démocratique aux instruments de gouvernance économique supranationaux que nous mettons en place.

Sans vouloir mettre en cause les compétences techniques de Messieurs Van Rompuy, Juncker, Barroso… nous ne pouvons admettre que les centres majeurs de décisions qu’ils représentent, ainsi que les instances en cours de construction, restent déconnectés d’un lien direct ou indirect avec le suffrage universel à l’échelle européenne.

Depuis sa naissance, l’Union européenne n’a cessé de se construire par crises, à-coups et ajouts. Au-delà de la question de la légitimité de ses instances, cet édifice juridiquement baroque pose – et posera encore davantage si nous continuons d’opérer de la sorte – le problème de sa lisibilité auprès de nos concitoyens.

L’accord trouvé lors du Conseil européen des 28 et 29 juin a l’avantage d’éclaircir la situation économique et financière de l’Europe pour quelques mois. Mais il s’est fait au prix de la création de nouvelles extensions à partir d’une architecture déjà complexe. Il serait dangereux que cette solution trouvé à court terme de la crise de l’euro ne génère une véritable crise démocratique de l’Europe.

 

Nombre de propositions ont pourtant déjà été faites pour renforcer la lisibilité et la légitimité de nos institutions européennes Parmi celles-ci, il en est une avancée par notre collègue Jean Arthuis dans son rapport sur la gouvernance économique, consistant à regrouper en une seule fonction la Présidence du Conseil européen et celle de la Commission. Dans une telle hypothèse, il faudrait attacher à cette réorganisation structurelle la légitimité populaire déjà conférée au Parlement européen et à nos Parlements nationaux.

Depuis plus d’une dizaine d’années, les écologistes européens suggèrent que les élections européennes s’opèrent pour partie sur des listes à l’échelle nationale, et pour partie sur des listes transnationales. L’idée sous-jacente de cette proposition est que les postes de décisions pourvus au niveau de la Présidence du Conseil européen, de la Commission européenne, voire de l’Eurogroupe, émanent de ce vivier d’hommes et femmes politiques qui, par la nature du scrutin transnational, constitueraient un embryon de véritable classe politique européenne.

C’est, nous dira-t-on, après tous les efforts et l’intelligence déjà consentis pour sauver la zone Euro et l’Union, une attente trop exigeante. Rappelons-nous cependant du dicton, qui nous dit : « si tu veux creuser droit ton sillon, accroche ta charrue à une étoile ».

 

Le devenir de l’Union européenne, mais aussi celui des Etats qui la composent, dont notre pays, est, je crois, à ce prix.

Pour conclure, Monsieur le Premier Ministre, une fois adoptées les réformes décidées par le Conseil européen, avez-vous l’intention, durant l’année 2013, « Année de la citoyenneté européenne », d’engager au sein de la société française un large débat sur ces questions ?

Mené de manière ouverte et sereine, il contribuerait certainement à rapprocher les citoyens de l’Union européenne.

 

Crédits photo : services du Sénat

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