Crise – André Gattolin – sénateur http://andregattolin.eelv.fr sénateur écologiste des Hauts-de-Seine Fri, 21 Jul 2017 16:09:10 +0200 fr-FR hourly 1 Débat préalable au Conseil européen – octobre 2013 http://andregattolin.eelv.fr/debat-prealable-au-conseil-europeen-octobre-2013/ http://andregattolin.eelv.fr/debat-prealable-au-conseil-europeen-octobre-2013/#respond Wed, 16 Oct 2013 15:00:01 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=3305 André Gattolin est intervenu en séance publique, au nom du Groupe écologiste, lors du débat préalable au Conseil européen d’octobre 2013.

Le Conseil européen qui se tiendra la semaine prochaine sera le septième organisé depuis octobre 2012.

Sept réunions en un an quand les textes n’en prévoient toujours officiellement que deux par semestre : soit une base théorique de 4 Conseils européens par période de 12 mois, que nous dépassons allègrement.

Ce rapide petit calcul montre bien l’importance qu’a prise cette instance dans la définition des politiques européennes !

En 2012, nous parlions encore de « réunions informelles ou extraordinaires » pour les réunions surnuméraires non prévues par les textes, alors qu’en 2013 cette dimension-là a tout bonnement disparu.

Ce rythme, supposé exceptionnel l’an passé, est désormais entré dans les moeurs.

Bien sûr, on dira que la situation de crise dans laquelle se trouve l’Union européenne justifie cette inflation.

On soulignera également que les difficultés rencontrées dans la préparation du prochain cadre financier pluriannuel explique qu’il ait fallu autant échanger.

On saluera bien sûr le fait que nos chefs d’Etats et de gouvernements se soient mis à discuter aussi régulièrement.

Mais on aurait cependant tort de se satisfaire d’un tel mode de fonctionnement.

Tantôt, le Conseil européen est présenté comme plus efficace que les autres institutions européennes, puisqu’il permet un dialogue direct et sans intermédiaire entre les Chefs d’Etats et de gouvernements.

Tantôt, il est présenté comme plus légitime, précisément parce qu’il est composé par des chefs d’Etats et de gouvernements.

Or la réalité est bien différente. S’il n’y a effectivement pas d’intermédiaire entre ces hauts responsables au cours de la réunion, on peut difficilement faire comme si leurs discussions ne reposaient pas sur de longs travaux préparatoires.

Les échanges sont tellement peu libres et peu spontanés que les projets de conclusions du Conseil européen circulent ordinairement plusieurs jours avant la tenue de la réunion elle-même !

Et quand on regarde les ordres du jour successifs desdits Conseils de ces dernières années – ordres du jour qui souvent se répètent furieusement et montrent que beaucoup de problèmes peinent à être résolus d’un Conseil à l’autre – on a un peu de mal à voir en quoi les décisions prises dans ce cadre seraient plus efficaces que d’autres pour sortir de la crise.

Il faut dire que, si chacun des Chefs d’Etats et de gouvernements qui le composent dispose effectivement d’une légitimité institutionnelle, la légitimité du Conseil lui-même est déjà beaucoup plus discutable !

Pour les citoyens, le Conseil européen est une arène particulièrement lointaine ; d’autant qu’il n’est officiellement responsable de rien, ni devant personne.

Sa composition change trop souvent, tant les rythmes et les calendriers électoraux diffèrent d’un Etat membre à un autre.

Il arrive même parfois que les gouvernants, avant de grandes échéances électorales et parfois même après, semblent singulièrement paralysés, tout au moins entravés dans leurs prises de décisions.

Ainsi, la France, isolée dans sa conception des affaires européennes puisque nous sommes les seuls à les considérer à ce point comme du domaine réservé de l’exécutif, se trouve souvent bien en peine quand il s’agit de construire des alliances durables avec ses partenaires.

J’y vois une explication, parmi d’autres, de la tendance du Conseil européen à ne plus se concentrer sur les grands projets qui devraient mobiliser l’Europe pour les années à venir, et à se rabattre sur des considérations plus sectorielles et d’ordre souvent purement technico-administratives.

Ce sont là, en effet, de bien commodes dénominateurs communs, mais hélas, sans véritable vision au long cours.

J’en viens à ce qui devrait occuper la réunion de la semaine prochaine.

L’ordre du jour, comme tant d’autres avant lui, est presque exclusivement tourné vers l’économie ; ou du moins il tend à traiter l’ensemble de ses sujets sous l’angle de l’économie et de la compétitivité, y compris lorsqu’il s’agit d’emploi ou d’affaires sociales.

On y reparle d’emploi des jeunes, on y reparle d’union bancaire, on y reparle de numérique et de recherche aussi. Ce sont des sujets éminemment importants, cela va sans dire, mais sur lesquels les avancées tardent à se concrétiser. L’impatience légitime de nos concitoyens et des acteurs de ces secteurs risque bien de monter.

Surtout, une partie des discussions devraient porter, en raison des terribles drames qui y ont eu lieu récemment, sur l’île de Lampedusa et sur ce à quoi elle renvoie : à savoir l’échec des politiques migratoires et des politiques d’asile en Europe.

Qu’il me soit permis de constater que malheureusement les premières réponses européennes à ces drames et à leurs centaines de victimes, réponses qui se sont d’ailleurs fait beaucoup trop attendre, paraissent loin, très loin d’être à la hauteur.

On évoque une surveillance accentuée, des accords avec les Etats de départ ou de transit, la lutte accrue contre l’immigration clandestine…

Si l’on comprend bien qu’il faille démanteler les réseaux de passeurs, ou être en mesure de porter plus rapidement secours en cas de situation de détresse, il ne faudrait tout de même pas que notre unique réaction consiste à fermer encore davantage l’Europe, surtout sans traiter les causes profondes du problème.

En outre, une grande partie, sinon la majorité de ces migrants sont aujourd’hui originaires de Syrie, qu’ils veulent fuir pour des raisons qu’il est inutile de rappeler ici. Qu’attendons-nous pour faciliter leur exil ? Qu’attend l’Europe pour activer la directive sur la protection temporaire, pour développer des programmes de réinstallation, pour délivrer des visas humanitaires ?

Monsieur le Ministre, qu’attend la France pour revenir sur sa décision d’exiger des visas de transit aéroportuaire – distillés au compte-goutte – avant de laisser des citoyens syriens en fuite faire escale dans les aéroports français pour se rendre sur le continent américain ?

J’ai posé déjà posé plusieurs cette question au gouvernement, et je n’ai toujours pas obtenu de réponse. J’aimerais vous entendre prendre position aujourd’hui.

Je ne peux m’empêcher de remarquer que, de manière générale, certaines questions sensibles comme celles-ci ne bénéficient d’une publicité que toute relative.

C’est le cas également des négociations avec les Etats-Unis sur un éventuel traité de libre-échange, dont on suppose qu’elles seront abordées à la fin de ce Conseil européen, et sur lesquelles nous n’avons aucun élément récent. Le sceau du silence ou de la négociation feutrée semble imprimer toutes les discussions concernant l’Union européenne et ses partenaires extra-continentaux.

Mais n’y a-t-il vraiment rien à en dire quand on voit les enjeux auxquels elles renvoient ?

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues,

La construction européenne a pu être lancée par une sorte de géniale intuition. Par une espèce de disruption historique qui est venue secouer et changer le cours des événements.

Il a fallu pour cela que les Etats européens acceptent ce qu’ils avaient souvent, jusque-là, rechigné à faire : s’ouvrir, mettre en commun, repenser la notion même de frontière.

On peut malheureusement se demander aujourd’hui si cet esprit-là n’est pas un peu en voie de disparition ; si l’Europe ne se referme pas trop sur elle-même, malgré le rôle majeur qui devrait être le sien dans un monde toujours plus globalisé.

L’Europe doit retrouver sa volonté et sa capacité de mobiliser les sociétés qui la composent. Il est à craindre que les réunions du Conseil européen non seulement n’y suffisent pas, mais qu’elles jouent parfois un rôle contre-productif en la matière.

Cela nous renvoie une fois de plus à l’importance de trouver un nouvel équilibre institutionnel, qui mette enfin le doigt sur les limites de l’intergouvernemental et reconnaisse l’échelon fédéral à sa juste mesure.

Espérons que les prochaines élections européennes ne se retournent pas en sanction de ce triste état de fait.

Je vous remercie.

]]>
http://andregattolin.eelv.fr/debat-prealable-au-conseil-europeen-octobre-2013/feed/ 0
Loi de séparation et de régulation des activités bancaires (2ème lecture) http://andregattolin.eelv.fr/loi-de-separation-et-de-regulation-des-activites-bancaires-2eme-lecture/ http://andregattolin.eelv.fr/loi-de-separation-et-de-regulation-des-activites-bancaires-2eme-lecture/#respond Mon, 01 Jul 2013 08:20:35 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=3237 André Gattolin est intervenu en séance, le 26 juin et au nom du groupe écologiste, au cours du débat portant sur la loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise de 2008 a malheureusement donné raison à tous ceux qui prédisaient que la dérégulation de la finance aboutirait à quelque catastrophe d’ampleur. Depuis, nous sommes un peu plus nombreux à affirmer qu’il convient de rendre à la finance la mission dont elle n’aurait jamais dû se départir au profit de la spéculation, à savoir être un outil au service du fonctionnement de cette économie que l’on qualifie de « réelle ».

Dans ce système financier, les banques jouent à l’évidence un rôle central, et beaucoup d’entre elles mêlent activités de détail, consistant à recueillir des dépôts et à accorder des prêts, et activités d’affaires et de marché.

Dès lors, afin d’éviter que les dernières ne nuisent aux premières, la question de la séparation de ces activités s’est naturellement posée, de même qu’elle s’était fait jour aux États-Unis après le krach de 1929 : à l’époque, cela déboucha sur l’adoption du Glass-Steagall Act.

De fait, on constate que partout – aux États-Unis, en Angleterre, à la Commission européenne – des réformes visant à séparer les activités bancaires sont en cours. Tout le débat consiste maintenant à déterminer le périmètre et la nature précise de cette séparation.

Dans la mesure où le Gouvernement a fait le choix d’une réforme rapide, qui servira du coup probablement d’étalon à nos partenaires européens, les écologistes – nous l’avions dit en première lecture – espéraient que son ambition irait au-delà du seul cantonnement d’une partie de la spéculation réalisée pour compte propre.

Malgré tout, nous considérons que le projet de loi va dans le bon sens, d’autant que des amendements ont permis d’y introduire des dispositions qui nous tiennent particulièrement à cœur. Je pense en particulier à la publication, pays par pays, des données relatives aux implantations locales des banques. Ces données vont rapidement permettre aux pouvoirs publics, ainsi qu’aux citoyens, de s’interroger si d’aventure une banque réalisait des bénéfices faramineux au sein de filiales ne disposant que de quelques employés et sises opportunément dans des îles à la fiscalité clémente.

Cette disposition a été introduite en première lecture par nos collègues députés, non sans mal, une majorité ne s’étant dégagée qu’en faveur de la publication de trois des données concernées. Quelques jours plus tard, cependant, le trilogue européen relatif à la directive CRD IV s’est accordé sur une position plus ambitieuse, dont vous serez peut-être en mesure de nous dire, madame la ministre, ce qu’elle doit au vote des députés français. Toujours est-il que cette avancée européenne a suffi à convaincre le Sénat d’adopter, avec l’assentiment du Gouvernement, une nouvelle liste, enrichie, de données destinées à la publication.

Les écologistes ne cachent pas leur satisfaction qu’une idée jugée initialement irréaliste, pour ne pas dire farfelue, connaisse en quelques semaines un tel destin. Le Président de la République l’a lui-même reprise à son compte dans son allocution du 10 avril dernier… Enfin, l’Assemblée nationale en a encore élargi la portée en deuxième lecture, en l’étendant aux grandes multinationales.

Une autre avancée a également été introduite en deuxième lecture à l’Assemblée nationale : l’ébauche d’un FATCA européen. Le Foreign Account tax compliance act est une disposition de la loi américaine permettant un échange automatique, et non plus sur demande, d’informations relatives à la situation des contribuables. Cela concernera, par exemple, l’éventuelle détention d’un compte à l’étranger. Si un tel dispositif venait à être mis sur pied en Europe, il porterait un coup mortel au secret bancaire.

Je ne résiste pas au plaisir de rappeler encore une fois que seuls les écologistes avaient soutenu une telle mesure lors de la dernière campagne présidentielle. Nous nous réjouissons sincèrement aujourd’hui de constater que c’est devenu la position officielle de la France.

Autre motif de satisfaction : à l’issue de cette deuxième lecture à l’Assemblée nationale, il est désormais interdit aux banques, à la suite de l’adoption d’un amendement du groupe socialiste, de constituer des stocks physiques de matières premières agricoles dans le but d’exercer un effet significatif sur les cours. Pour nous qui avons œuvré au Sénat pour une meilleure régulation du marché des dérivés à sous-jacents agricoles, cette disposition est tout à fait bienvenue. Le fait qu’elle ne soit pas depuis longtemps en vigueur illustre l’absolue perte de sens qu’a connu la finance contemporaine au cours de ces dernières années.

Mon dernier point concerne les banques mutualistes et coopératives dotées d’un organe central. Lorsque celles-ci notifient à l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation la nomination des dirigeants de leurs différentes instances, le texte prévoyait que l’ACPR se prononce sur ces nominations, après avis de l’organe central. Cette procédure, que les écologistes avaient dénoncée avec force en première lecture au Sénat, bousculait considérablement l’équilibre subtil de la structure de ces banques, dont les instances émanent des sociétaires. Nous nous réjouissons donc à la fois que l’Assemblée nationale ait, comme nous, jugé utile de supprimer cette procédure et que le Sénat, à travers sa commission des finances, ait considéré que l’on pouvait en rester là.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, les écologistes auraient préféré une réforme de l’activité bancaire plus achevée que celle qui nous est proposée. Pour autant, force est de constater que la discussion parlementaire aura été fructueuse : elle aura tiré le texte dans la bonne direction et elle nous aura donné satisfaction sur un certain nombre de points, dont je viens de vous proposer quelques exemples.

Pour toutes ces raisons, les écologistes, comme en première lecture, voteront ce texte.

 

Pour retrouver l’intégralité du débat et des amendements défendus à cette occasion par le groupe écologiste, voir le site du Sénat

]]>
http://andregattolin.eelv.fr/loi-de-separation-et-de-regulation-des-activites-bancaires-2eme-lecture/feed/ 0
Retrouver le projet européen http://andregattolin.eelv.fr/retrouver-le-projet-europeen/ http://andregattolin.eelv.fr/retrouver-le-projet-europeen/#respond Tue, 28 Feb 2012 22:30:06 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=2085 André Gattolin est intervenu mardi 28 février, en hémicycle, au cours du débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012. L’occasion de revenir sur la définition et l’évolution du projet européen, et de mettre en lumière les dangers du \"directoire franco-allemand\" que le Président français et la Chancelière allemande cherchent à institutionnaliser. ...]]>

André Gattolin est intervenu mardi 28 février, en hémicycle, au cours du débat préalable au Conseil européen des 1er et 2 mars 2012. L’occasion de revenir sur la définition et l’évolution du projet européen, et de mettre en lumière les dangers du « directoire franco-allemand » que le Président français et la Chancelière allemande cherchent à institutionnaliser.

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues.

Il y a quelques mois, un homme politique français qui était interrogé sur l’éventualité d’un référendum en Grèce sur les plans de rigueur imposés à ce pays, faisait part de son agacement en ces termes :

« Je trouve que c’est une décision normale et je n’arrive pas bien à comprendre l’agitation autour d’elle. Je pense que la démarche [de Monsieur Papandreou] est une démarche correcte. Il a besoin de savoir si le peuple grec accepte cet accord. Dans une démocratie, il faut interroger les citoyens ».

Cet homme politique n’a rien d’un écologiste, ni d’un homme de gauche. Il ne figure pas davantage parmi les adversaires de l’Union européenne, bien au contraire. Rien ne laisse non plus penser qu’il soit un fervent défenseur de l’idée de démocratie directe et de l’usage du référendum…

En réalité, en s’exprimant de la sorte, il ne faisait que rappeler une évidence : que le fonctionnement de l’Europe doit être plus démocratique. Et que, qui dit démocratie, dit non seulement Chefs d’Etats et de gouvernement librement élus, mais aussi Parlements, partis politiques, syndicats, associations, et surtout citoyens profondément impliqués dans les décisions majeures qui s’imposent aux sociétés.

Autant d’éléments que le gouvernement auquel vous appartenez, Monsieur le Ministre, néglige trop souvent. Notamment en ce qui concerne la gestion de l’actuelle crise des dettes souveraines.

Quel dommage que Valéry Giscard d’Estaing, puisque c’est de lui dont il s’agit, n’ait pas eu davantage votre écoute dans la période récente !

Et puisque j’en suis à parler des hommes politiques illustres, je me permettrai quelques réflexions rétrospectives.

En pensant aux grandes étapes qui ont marqué la construction de l’Union européenne, il m’apparaît que nous sommes plus que jamais confrontés à un problème de génération.

Le projet des pères fondateurs, dont nous continuons tous ou presque à nous réclamer, est assez mal en point. C’est celui des Spinelli et des Monnet. Ces hommes voulaient construire un espace de paix et de démocratie, de prospérité et de partage, qui permettrait à leurs pays de se relever de l’immense crise et des terribles conflits qu’ils venaient de traverser. L’unification de leur continent était à leurs yeux absolument nécessaire. Et ils cherchèrent à la construire sans relâche, en s’appuyant sur un pragmatisme lucide, mais courageux et résolu.

La seconde génération d’Européens, quoique aussi pragmatique en apparence, l’était en réalité beaucoup moins. Ce sont les hommes nés juste avant ou avec l’Europe. Je pense aux Valéry Giscard d’Estaing, aux Bronislaw Geremek, à quelques grands noms dont les voix résonnent encore parfois au Parlement européen.

Cette génération-là a fait fructifier le legs laissé par les pères fondateurs. Elle a cependant fait aussi des erreurs, tant elle supposait que tout serait facile pour construire l’Europe dont elle rêvait. D’où notamment une unification encore trop focalisée sur l’économie au détriment du social et du politique.

La troisième génération, c’est celle qui se trouve actuellement aux responsabilités en Europe. Loin de réparer les erreurs de la génération précédente, elle les aggrave.

Le problème n’est pas que les actuels dirigeants français et allemands, par exemple, ne parlent jamais d’Europe. Mais ils en parlent avec des expressions qui varient selon le contexte, le lieu où il se trouve, le public auquel ils s’adressent.

Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy s’en prenait indirectement à l’Allemagne en rappelant que la France, contrairement à d’autres, « n’avaient pas inventé la solution finale ».

Aujourd’hui, l’Allemagne est son modèle.

Il y a quelques mois, Angela Merkel disait tout le bien qu’elle pensait d’une Europe qui serait enfin pleinement politique : dans le même temps, elle agit exactement comme si elle voulait aller dans la direction opposée.

Ces actes et ces discours n’ont en réalité qu’un seul point commun. L’Europe n’y est plus présentée comme incontournable, mais comme une contrainte. Là où elle était ouverture, elle est désormais frontière à protéger. Là où elle était un projet, elle n’est plus qu’un outil à utiliser. Surtout, à écouter ces discours, sa construction ne relève plus de notre choix collectif : c’est quelque chose qu’on nous impose.

Quoi de plus pratique pour un Chef d’Etat ou de gouvernement à la peine dans l’opinion ?

S’il ne parvient pas à obtenir telle ou telle chose, c’est de la faute de l’Europe. S’il veut mettre en place des réformes impopulaires, c’est encore de la faute de l’Europe. Et si jamais l’Europe doit réussir quelque part, c’est bien entendu de son fait à lui.

Vous vous demandez sans doute pourquoi, Monsieur le Ministre, je m’attarde à ces quelques considérations. En réalité, elles sont directement liées à l’objet de notre débat.

En effet, l’ordre du jour du Conseil européen auquel vous vous rendrez jeudi illustre parfaitement la dégradation que je viens de décrire. Et en l’occurrence, c’est ce que cet ordre du jour ne comporte pas qui me préoccupe…

Comment se fait-il que le débat que nous avons ce soir n’ait pu avoir lieu, devant le Parlement, qu’à la veille d’un Conseil européen aux enjeux finalement limités ? Nous n’avons malheureusement pas eu l’honneur de débattre avant le Conseil informel du 30 janvier dernier, celui qui scella à la fois les négociations portant sur le Mécanisme de stabilité et sur le nouveau traité intergouvernemental.

Certes, nous échangeons sur une base régulière : fin octobre, mi-décembre, de nouveau aujourd’hui. Mais lorsqu’il apparaît qu’autant de décisions, a fortiori controversées, sont prises lors de réunions « informelles » du Conseil européen, ne vaudrait-il pas mieux qu’un véritable débat ait lieu de manière systématique devant la société française, avant chacune de ces réunions ?

En Allemagne ou au Danemark, le Parlement est étroitement associé à la politique européenne de l’exécutif – quand le gouvernement n’est pas lié par le mandat que lui donne le pouvoir législatif.

Pourriez-vous nous indiquer pourquoi la France est le seul pays dont la politique européenne soit à ce point accaparé par le chef de l’Etat, et aussi peu discutée publiquement, de manière à y associer dès en amont le pays et sa représentation parlementaire ?

Le Sénat a récemment adopté, à l’initiative de sa Commission des Affaires européennes, une résolution sur le contrôle démocratique des politiques européennes et des politiques économiques. Le gouvernement devrait s’en inspirer, s’il veut éviter que de nouveaux malentendus et de nouvelles fractures se fassent entre les citoyens et ceux qui sont censés les représenter.

Depuis plusieurs jours, les parlementaires ne cessent de recevoir des courriers portant sur le Mécanisme européen de stabilité.

Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir de ce mécanisme, je suis sûr que nous pouvons être d’accord pour dire que les conditions dans lesquelles il a été discuté ne sont pas satisfaisantes. Les citoyens et même les parlementaires ont été mis sur le côté, de sorte que ces textes se retrouvent à être votés en urgence, et instrumentalisés de part et d’autre. Cela n’est pas raisonnable, et totalement contre-productif.

Je continue sur l’ordre du jour du Conseil européen.

Son point numéro 1 vise à clore la première phase du semestre européen. Il s’agit notamment d’examiner dans quelle mesure les Etats membres appliquent les recommandations qui leur sont adressées par le Conseil et la Commission, en matière de coordination économique.

C’est une réforme un peu étrange, si l’on y réfléchit, puisqu’elle est à mi-chemin entre la méthode communautaire et la méthode intergouvernementale.

C’est aussi une réforme potentiellement dangereuse, puisqu’elle est aujourd’hui synonyme d’une stricte austérité et qu’elle porte atteinte aux compétences traditionnellement reconnues aux Parlements nationaux et européen en la matière.

Mais s’il était possible d’y voir une réforme réellement et pleinement européenne, cela ne serait pas si grave. Si cette réforme avait donné plus de poids à une approche intergouvernementale intelligente et réellement équilibrée, il serait encore possible de la voir comme un progrès.

Or non seulement c’est une réforme qui tourne le dos à une approche fédéraliste et communautaire, mais c’est aussi une réforme qui tend à aggraver les déséquilibres profonds qui existent déjà entre Etats membres, en matière de reconnaissance politique.

J’en veux pour preuve l’exercice auquel s’est livré, il y a deux semaines, le Commissaire européen en charge des affaires économiques, Olli Rehn. Alors qu’il évoquait, conformément à la législation établissant le semestre européen, les déséquilibres macroéconomiques qui frappent la zone Euro, il a pointé du doigt dix-sept Etats membres considérés comme devant faire l’objet d’une attention particulière de ses services. La Grèce, l’Espagne, l’Irlande et le Portugal en font naturellement partie… La France aussi : elle est, comme le Royaume-Uni et la Belgique, jugée insuffisamment compétitive et perdant trop de parts de marchés à l’exportation.

En revanche, l’Allemagne est absente de cette liste. Aucun déséquilibre économique ne lui est reproché, alors que la balance de ses comptes courants – donc de ses exportations – est largement excédentaire depuis des années. C’est le signe de salaires trop peu élevés et d’une demande intérieure trop peu développée, au détriment de la population allemande comme de l’ensemble de l’Union européenne. Et pourtant la Commission européenne, en dépit des obligations résultant du Six Pack, fait mine de ne rien remarquer ! Pourquoi ? Tout simplement parce que l’Allemagne, inquiète de voir sa réputation entamée alors qu’elle mène une croisade en faveur de l’austérité, a fait pression sur la Commission pour que celle-ci omette de l’épingler.

C’est ainsi que le gouvernement du pays le plus influent de l’Union semble mépriser toute idée de solidarité européenne et de responsabilité partagée. Personne ne semble s’en offusquer ! Et surtout pas le gouvernement français.

Car pour maintenir un semblant d’influence au sein du concert européen, le Président Sarkozy a bien compris que son intérêt n’était plus de peser en faveur d’idées qu’il défendait il n’y a pas si longtemps – je pense aux eurobonds – mais de conclure une alliance tactique et assez opportuniste avec Madame Merkel. Cette dernière a besoin de lui pour ne pas paraître trop isolée face à des Etats qui, comme la Pologne, commencent à protester. De sorte que l’Europe qui se réunira cette semaine n’est ni fédéraliste, ni communautaire, ni même intergouvernementale à proprement parler. Dans l’esprit de ces deux dirigeants, elle ne saurait être qu’une forme de directoire franco-allemand.

De son côté, Monsieur Mario Monti, Président du Conseil italien et habitué des arcanes européennes, a pris il y a peu position sur cette problématique en des termes très forts. Cette méthode, faite d’une confiscation de l’Union européenne par deux Etats membres, et d’une sorte d’alliance objective entre gouvernements conservateurs et technocratie au détriment du Parlement européen et des Parlements nationaux, ne fonctionnera pas. Bien plus que l’autoritarisme supposé d’une Commission européenne réduite plus que jamais à l’état de secrétariat des grands Etats membres, elle risque de conduire à la dislocation du projet européen.

C’est elle qui a précipité la Grèce, déjà lourdement abîmée par la faute de ses propres dirigeants, dans l’état où elle est aujourd’hui.

C’est cette méthode aussi qui juge inutile et inopportun de s’intéresser à des questions telles que les libertés fondamentales en Hongrie.

Le Premier Ministre Orban n’est-il pas le Vice-Président du Parti populaire européen, n’a-t-il pas été invité à ce titre récemment par l’UMP à Marseille alors que sa dérive autoritaire ne fait aucun doute ? La lutte contre de telles dérives n’est-elle pas un des fondements du projet européen ? C’est là un point qu’on aurait aimé voir au programme de travail de ce Conseil européen…

Monsieur le Ministre, j’en terminerai par là.

Vous vous rendez jeudi au Conseil européen.

Que comptez-vous répondre à ces critiques du Président Monti lorsque vous le croiserez, avec le Président de la République ?

Inciterez-vous le Conseil européen à s’intéresser enfin de plus près à la situation préoccupante des libertés fondamentales en Hongrie ?

Enfin, je profite de l’occasion pour revenir sur une question d’actualité que je posais il y a deux semaines, et qui n’a reçu aucune réponse.

La Grèce demeure dans des difficultés considérables. Elle reste soumise à une pression intolérable, notamment de la part des gouvernements allemands et français. Et pourtant jamais, à ce jour, le sommet de notre diplomatie n’a fait l’effort de se rendre sur place, à Athènes, pour discuter directement avec les principaux intéressés.

Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous indiquer si un tel voyage, qui serait un acte de considération fort à l’égard de la population grecque, est envisagé dans les semaines à venir par vous-même, par le Président de la République ou le Ministre des affaires étrangères ?

 


]]>
http://andregattolin.eelv.fr/retrouver-le-projet-europeen/feed/ 0
Aider la Grèce à ne pas sombrer dans le chaos http://andregattolin.eelv.fr/aider-la-grece-a-ne-pas-sombrer-dans-le-chaos/ http://andregattolin.eelv.fr/aider-la-grece-a-ne-pas-sombrer-dans-le-chaos/#respond Thu, 09 Feb 2012 15:30:34 +0000 http://andregattolin.eelv.fr/?p=2118 Séance de questions d’actualité au gouvernement André Gattolin est intervenu le 9 février pendant la séance de Questions d’actualité. Son interpellation portait sur la position française vis-à-vis de la situation financière et sociale de la Grèce. ...]]>

Séance de questions d’actualité au gouvernement

André Gattolin est intervenu le 9 février pendant la séance de Questions d’actualité. Son interpellation portait sur la position française vis-à-vis de la situation financière et sociale de la Grèce.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres,

Ma question s’adresse à Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre des Affaires étrangères et européennes,

A l’heure où nous parlons, nous ignorons si un accord sera trouvé ce soir sur les conditions économiques posées à la Grèce par le FMI, la BCE et la Commission européenne en vue de l’obtention d’une ligne de financement devant permettre à ce pays d’éviter un défaut de paiement le 20 mars prochain.

Parmi les principales exigences de cette fameuse troïka, nous savons que, après les divers plans d’austérité déjà engagés ces derniers mois, figurent une baisse d’environ 20 % des salaires, une réduction de 15 % des retraites complémentaires et la suppression de 15 000 emplois publics.

Le tout dans un pays en récession depuis plus de 5 ans, et dont le PIB devrait, encore cette année, connaître un recul de 6 %.

Oui, les gouvernements grecs successifs ont de lourdes responsabilités dans cette situation.

Oui, la société grecque doit se réformer et se moderniser.

Ainsi l’Eglise orthodoxe, première fortune du pays, ne paie pas d’impôts, de même que la plupart des grands armateurs.

La Grèce est le pays d’Europe où les inégalités sociales sont les plus élevées. Et c’est contre toute logique aux populations défavorisées et aux classes moyennes que nous demandons aujourd’hui de régler la facture !

Les capitaux privés du pays ont déjà fui en masse vers Londres et surtout vers la Suisse ces derniers mois. Les banques suisses comptent ainsi 220 milliards d’euros détenus par des Grecs ne payant pas, ou pratiquement pas, d’impôts !

Et que proposent la France et son allié allemand ? Des recettes « façon FMI vieille école », celles-la mêmes qui dans les années 1970 ont précipité nombre de démocraties dans le chaos et parfois même la dictature !

Monsieur le Ministre, il n’est nul besoin d’être Prix Nobel d’économie pour savoir que la récession sans fin dans laquelle nous plongeons la Grèce par ces mesures, ne lui permettra pas de voir son économie redémarrer et que nous nous dirigeons tout droit vers de nouveaux plans de sauvetage lors des prochaines échéances de remboursement de sa dette !

L’Union européenne ne pourrait-elle pas, à l’instar de ce que les Etats-Unis viennent d’obtenir, forcer les banques suisses à lever le secret bancaire pour que l’Etat grec puisse réclamer son dû à une oligarchie nationale très peu soucieuse d’intérêt général ?

Ce serait là un vrai signe de solidarité à l’égard de la population grecque.

Comme ce serait aussi un signe de considération et de courage politique que le sommet de notre diplomatie fasse enfin le voyage d’Athènes et aille expliquer sur place les raisons qui conduisent notre gouvernement à soutenir des mesures, qui, aux yeux de l’opinion grecque, sont perçues comme aussi injustes qu’incompréhensibles.

 

Crédits photo : services du Sénat

]]>
http://andregattolin.eelv.fr/aider-la-grece-a-ne-pas-sombrer-dans-le-chaos/feed/ 0