Budget 2017: Nous ne vous donnerons pas notre avis sur ce PLF… puisque cela n’intéresse pas le Sénat

André Gattolin intervenait ce 19 décembre en séance publique pour la deuxième lecture du PLF 2017, que la majorité sénatoriale a refusé d’examiner (seul le prononcé fait foi) :

Monsieur le président, Monsieur le ministre, Mes chers collègues, C’est malheureusement bien plus pour faire de la figuration que pour voter la loi que nous nous réunissons aujourd’hui.

Les valeureux collègues, présents en ce lundi après-midi dans l’hémicycle, n’ont en effet d’autre choix que de regarder passer une navette où l’Assemblée nationale n’aura eu de taches que de discuter avec elle-même, sans que le moindre apport du Sénat ne soit venu alimenter le débat.


Sénat: PLF 2017 par AndreGattolin

D’après la majorité sénatoriale, ce courageux acte d’automutilation institutionnelle s’imposerait en raison de l’électoralisme supposé du projet de loi de finances…

Je l’ai déjà dit, au risque de vous surprendre : oui, ce budget présente des aspects électoralistes, des prévisions optimistes, des mesures à financements décalés…

Mais quoi de neuf sous le soleil de la politique en France ?

Car en effet, la virulente dénonciation d’électoralisme, qui par deux fois vous conduit à déclencher la question préalable, pourrait avoir un semblant de crédibilité si, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous ne vous étiez pas vous mêmes fourvoyés en d’autres temps dans la même ornière.

Je vous rappelle seulement que le dernier budget du gouvernement Fillon fin 2011, pour un même consensus des économistes à 1,2 %, affichait une prévision de croissance de 1,75 % pour l’année 2012 !

À électoralisme des uns ; électoralisme et demi des autres !

Et je vous le dis, chers collègues républicains, à force d’avoir crier au loup si fort, ici en début de mois, vous avez peut-être, par votre exagération, incité le gouvernement à en remettre une petite couche lors de la seconde lecture du PLF à l’Assemblée nationale.

Ainsi, la soudaine et inédite anticipation de la baisse de l’impôt sur le revenu, désormais en vigueur pour janvier au lieu de septembre, rajoute un petit parfum d’élection à un budget qui, aux dires de certains, n’en avait déjà pas besoin…

Tout cela fait penser à l’ultime effort du sprinter qui jette son torse en avant lors du franchissement de la ligne d’arrivée, histoire de grappiller quelques centièmes de secondes, sans se soucier de son équilibre puisque la course, on le sait, s’arrête là.

Mais cette nouvelle et opportune mesure s’inscrit bien plus dans le registre du dérisoire que du pathétique et elle ne doit pas, mes chers collègues, occulter l’essentiel.

Car contrairement à ce que vous essayez d’accréditer, ce Gouvernement a – c’est un fait incontestable – amélioré les comptes publics.

Le déficit du dernier budget exécuté par le gouvernement de François Fillon, celui de 2011, s’élevait à 5,2 % du PIB.

Pour 2016, il est « réaliste », d’après le Haut Conseil des finances publiques, de considérer que le déficit s’établira à 3,3 %. Que voulez-vous de plus ?

Certes, pour 2017, il y a un doute, incontestablement, et c’est bien pour cela qu’il aurait fallu en discuter.

Car, à ce qu’on peut en lire dans la presse, c’est plutôt vous, chers collègues républicains, qui avez quelque chose à prouver en matière de finances publiques.

D’abord, parce que vos chiffres sur la réduction promise du nombre de fonctionnaires paraissent assez irréalistes – sauf à vouloir casser leur statut, mais alors il faudrait l’annoncer.

Ensuite, parce que sur la sécurité sociale, constatant que même votre électorat a besoin de se soigner, il semble que la radicalité affichée lors de la primaire de novembre soit déjà en train de rétropédaler.

Enfin, parce qu’en matière de comptes publics, comment peut-on comprendre, avec un déficit certifié à 3,5 % en 2015, vous prévoyez une dégradation à 4,5 % en 2018 ?

N’est-ce pas là la forme d’électoralisme la plus vive ; celle qui consiste à promettre ce qu’on sait pertinemment qu’on ne pourra pas tenir ?

En période de crise profonde de notre modèle de développement, laisser penser que la croissance et le plein-emploi pourront durablement revenir est bien davantage qu’un leurre, c’est une incitation au pire du populisme !

Depuis plus de 4 ans, je conserve chez moi près de mon téléviseur un petit opuscule intitulé « Le changement, c’est maintenant. Mes 60 engagements pour la France ».

Je viens d’y ajouter une copie de « Pour vous. Fillon 2017 ».

Ce sont des lectures particulièrement intéressantes, en particulier durant les plages de publicité qui persistent encore sur notre télévision publique.

Dans ces deux documents, réalisés à 5 ans d’écart, les prévisions de croissance pour le quinquennat à venir sont similaires : un pourcentage en hausse régulière, qui se stabilise au-dessus de 2% les deux dernières années.

Même démenti par les faits, le retour d‘une croissance durable reste la référence incontestée de la vieille pensée productiviste qu’elle soit de droite ou de gauche.

Au fond, c’est peut-être cela la vraie foi…

Au final, je trouve qu’il est assez éloquent que ce dernier budget fasse l’objet d’un conflit aussi exacerbé entre la gauche et la droite, sur quelques décimales de croissance, alors que c’est le budget qui consacre, dans la plus grande indifférence, la mort définitive d’un élément central de la fiscalité écologique, l’écotaxe sur le transport routier.

En conclusion, mes chers collègues, nous ne vous donnerons pas notre avis sur ce projet de loi de finances, puisque cela n’intéresse pas le Sénat.

Il n’en demeure pas moins que le groupe écologiste votera résolument contre le refus de débat porté par la question préalable. Je vous remercie.

 

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