Établissement public Paris La Défense : une ordonnance qui intervient trop tard ou trop tôt

Intervention dans la discussion générale, le 20 juillet 2017 dans l’hémicycle du Sénat (extrait du compte-rendu intégral) :

André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la vice-présidente de la commission, mes chers collègues, l’ordonnance qui nous est soumise aujourd’hui pour ratification me semble intervenir trop tard ou trop tôt.

Trop tard, parce que depuis 2011, date de mon arrivée au Sénat, je milite avec d’autres collègues et élus des Hauts-de-Seine pour que la gestion du quartier d’affaires de La Défense puisse s’opérer dans un réel partenariat entre l’État et les collectivités locales, tout en y associant les habitants qui y vivent, les salariés qui y travaillent et les entreprises qui y créent des activités.

Nous pensons depuis longtemps que la cogestion de ce quartier entre deux établissements publics – d’une part, l’établissement public d’aménagement de La Défense Seine Arche, l’EPADESA, qui, créé en 2010, a repris le flambeau du fameux EPAD qui avait été créé en 1958, et, d’autre part, Défense-Action, ou Defacto, créé en 2009 – n’est en effet pas viable, chacun d’entre nous le reconnaît.

Nous pensions qu’un établissement unique permettrait une meilleure gestion à moyen et long terme, et qu’une réelle ouverture de fonctionnement éviterait l’entre soi et certaines dérives dans la gouvernance.

Nous continuons de penser que la création de cet établissement devrait se faire en toute transparence lors d’une conférence qui réunirait l’ensemble des acteurs impliqués dans ce quartier, c’est-à-dire les maires, les élus municipaux des villes de Courbevoie, de La Garenne-Colombes, de Paris, de Nanterre, de Puteaux, les élus régionaux et départementaux, mais aussi les parlementaires et les représentants de l’État.

M. Roger Karoutchi. Pourquoi Paris ?

Mme Isabelle Debré. Paris ne finance rien !

M. André Gattolin. Certes, nous avons partiellement été entendus. En effet, en novembre 2016, dans le projet de loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, nous avons découvert non sans étonnement l’article 38, qui portait sur la création, par voie d’ordonnance, d’un établissement unique pour gérer ce quartier d’affaires.

Seulement, cette proposition de création a été faite en catimini, en se basant sur un rapport commandé par le Premier ministre de l’époque, M. Manuel Valls, à quelques hauts fonctionnaires.

Mme Isabelle Debré. En catimini ? Le processus a duré des mois !

M. André Gattolin. Ce document, je n’ai, en tant que parlementaire du département, jamais pu en avoir connaissance ! Encore aujourd’hui, monsieur le ministre, après l’avoir réclamé à votre prédécesseur, Mme Cosse, je ne l’ai toujours pas. Je me souviens d’une séance où elle m’avait dit qu’il suffisait de le demander, ce que j’ai fait, mais sans succès.

M. Roger Karoutchi. Mme Cosse n’a pas été gentille avec vous !

M. André Gattolin. D’où l’importance d’entretenir de bonnes relations avec les membres du Gouvernement !

Ce texte arrive peut-être un peu tardivement, parce que pendant cinq ans les problèmes relatifs à la mise à niveau des équipements publics de ce quartier, l’entretien de la dalle, des tunnels qui commencent à être atteints par l’usure propre à ce type d’installation, n’ont pas été traités et que les dégradations n’ont pas cessé de progresser.

Par temps de fortes pluies – on l’a vu récemment –, certains axes routiers qui passent sous la dalle sont fréquemment fermés en raison d’inondations.

Cette ordonnance arrive donc un peu tard, et en même temps, d’une certaine manière elle intervient aussi trop tôt…

Trop tôt, mes chers collègues, parce qu’entre 2011 et aujourd’hui, est née, en 2016, la métropole du Grand Paris. Il faudra encore du temps pour que cette dernière prenne toute son ampleur.

Du temps, et aussi une volonté politique claire. Il faut l’avouer, la clarté n’a pas présidé à sa création, la loi NOTRe de 2015 modifiant profondément ses règles de fonctionnement établies un an plus tôt par la loi MAPTAM.

Or cette ligne directrice existe désormais. Elle a été indiquée par le Président de la République…

M. André Gattolin. … dans le discours qu’il a prononcé lundi dernier lors de la conférence des territoires qui s’est tenue au Sénat.

Permettez-moi de le citer : « Si nous voulons que le Grand Paris réussisse à l’échelle de ce qu’est la compétition internationale, si nous voulons produire la richesse pour ensuite pouvoir la répartir harmonieusement sur le territoire, nous avons besoin de simplifier drastiquement les structures. »

Et il complète ses propos en indiquant qu’il va réunir cet automne une conférence territoriale du Grand Paris, « qui devra se refonder autour d’un projet ambitieux de développement de la première métropole française, au sein de la région capitale, et aboutir à une organisation institutionnelle stabilisée et efficace ».

À l’automne, le fonctionnement institutionnel de la métropole du Grand Paris va donc être discuté, renforcé, mais d’avance, on a le sentiment qu’on lui soustrait, via cette ordonnance, une possibilité de peser économiquement, car on lui retire la gestion du quartier d’affaires de La Défense pour la confier au département des Hauts-de-Seine. On peut s’interroger sur la stratégie globale qui préside à ces décisions.

Ce texte arrive donc peut-être un peu trop tôt.

Trop tôt pour être en cohérence avec les projets présidentiels et pour tenir compte des perspectives de développement de ce quartier, en raison des potentielles conséquences du Brexit, qui ne peuvent se concevoir qu’au niveau métropolitain, voire régional.

Par-delà cette question de timing, deux autres sujets quelque peu épineux méritent à mon sens d’être soulevés.

Tout d’abord, est-il raisonnable que la majeure partie du budget d’investissement du département des Hauts-de-Seine puisse désormais être consacrée presque exclusivement au seul quartier d’affaires de ce département ?

Sur quelles aides pourront compter les autres secteurs d’activité des Hauts-de-Seine, notamment le port de Gennevilliers, le centre économique d’Issy-Boulogne ou encore celui d’Antonypole ?

Restera-t-il une possibilité pour aider les villes qui voient partir vers d’autres départements des entreprises implantées sur leur territoire, comme c’est le cas de La Garenne-Colombes, qui doit gérer le départ, en 2018, des 2 000 salariés du groupe PSA vers Poissy et Vélizy ?

Ensuite, cette ordonnance recèle deux questions juridiques constituant en réalité deux anomalies démocratiques.

Le 30 juin dernier, le conseil départemental des Hauts-de-Seine a désigné par anticipation ses neuf représentants au conseil d’administration du futur établissement sans tenir compte des délais d’application fixés par l’ordonnance et par son décret d’application, qui prescrivent, précisément, que cette démarche doit être faite après le 1er janvier 2018, et non six mois avant.

Monsieur le ministre, que vaut cette désignation préalable ? D’autant plus que, parmi les neuf personnes désignées, aucune ne représente l’opposition au sein du conseil départemental.

Je ne voudrais pas être polémique, mais je dirai simplement qu’il nous appartient à nous, législateurs, de corriger ce comportement que je juge peu respectueux des usages et des bonnes pratiques démocratiques, en rappelant l’importance du pluralisme des opinions politiques dans la représentation des élus au sein de ces instances. (Mme Isabelle Debré et M. Roger Karoutchi s’exclament avec amusement.)

En conclusion, vous comprendrez, mes chers collègues, que si je vois avec bienveillance l’existence de ce texte, je reste en l’état quelque peu sceptique quant à certaines de ses modalités d’application. (M. Michel Delebarre applaudit.)

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