Rapport « Les Républicains » ultra-sécuritaire pour les Îles de Loisirs
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Quand la droite participe à la montée du sentiment d’insécurité

Lors de la séance régionale du 7 juillet 2017, Bénédicte Monville intervenait pour réagir au rapport déposé par le groupe Les Républicains qui souhaite « sécuriser » les Îles de loisirs en ne mettant en place que des réponses sécuritaires aux problèmes rencontrés parfois dans ces propriétés régionales.

Chers collègues,

Monsieur le président de la commission sécurité,

Vous regrettez que les Îles de loisirs ne soient pas exemptes de « phénomènes d’insécurité » mais elles ne sont pas des lieux hors du monde social et il est tout à fait souhaitable qu’elles le restent.

Dans votre exposé des motifs, vous écrivez que si ces épisodes sont maîtrisés par les « directeurs des Îles de loisirs et leurs équipes », ces « structures se sentent de plus en plus fragilisées par des menaces multiformes ». Pour ce qui concerne les usagers vous faites référence à l’enquête réalisée par l’IAU en 2015 qui montre une augmentation des atteintes aux personnes et aux biens qui atteignent aujourd’hui leur taux de 2005. Une évolution qui, d’un point de vue sociologique, n’a aucune signification en soi. Or nous ne saurons rien, dans votre rapport, des raisons pour lesquelles ces comportements délinquants ou phénomènes de violence ont baissé puis augmenté. Votre rapport fait systématiquement l’impasse sur leurs causes et nous pouvons, à juste titre, vous interroger sur la pertinence des réponses que vous voulez apporter à des phénomènes dont vous semblez ignorer totalement les causes.

Nous partageons avec vous la nécessité d’attirer l’attention de l’Etat dont une des missions est d’assurer la sécurité de toutes ses citoyennes et citoyens. Pour aller vite c’est à peu près la seule idée que nous partageons avec vous, avec celle, suggérée par les acteurs eux-mêmes, qu’il faut développer les occasions d’échange entre eux. Au passage, nous espérons que ces échanges ne se limiteront pas à la seule question de la sécurité dans le sens restreint qui caractérise ce rapport où il n’est par exemple jamais question de sécurité en matière de santé. Vous auriez pu demander que l’ARS mesure la présence ou non de métaux lourds dans les eaux de baignade des Îles de loisirs construites sur d’anciennes carrières remblayées par des déchets. Mais votre intérêt pour la sécurité est partiel et témoigne d’un tropisme qui a pour principal objectif de rendre acceptable la surveillance croissante de l’espace public comme réponse quasi unique à la délinquance et à la violence.

Votre rapport est un exemple particulièrement édifiant de ce tropisme.

Vous souhaitez encourager le recours à des dispositifs techniques et technologiques : vidéo-surveillance, drones de vidéo-surveillance (à condition d’une modification de la législation), barrières grillagées, alarmes, talkies-walkies géolocalisables. Vous voulez que des CRS puissent patrouiller dans les Îles de loisirs et qu’ils soient autorisés à porter une arme. Vous souhaitez que des partenariats soient conclus qui permettent l’intervention des polices municipales aux abords des Îles de loisirs. Vous voulez interdire l’accès des Îles de loisirs aux mineur-es de moins de 16 ans non accompagné-es, organiser des contrôles d’identité à l’entrée des sites et en refuser l’accès à celles et ceux qui refuseraient de s’y plier, encourager le dépôt de plainte systématique, la mise en place de sas de sécurité à l’entrée, installer des blocs anti-intrusion qui viseront à empêcher, je cite, « les rodéos de quads et constituer un barrage efficace aux campements sauvages » (là encore la difficulté de notre société extrêmement riche à se montrer solidaire avec les plus démuni-es d’entre nous est utilement ramenée à une gestion bêtement et brutalement sécuritaire). Et, pour finir, vous demandez que l’on recoure aux intelligences artificielles quand on aimerait simplement pouvoir compter sur davantage d’intelligence humaine.

Ce que vous nous proposez est une espèce de contrôle généralisé et sans limites des personnes qui fréquenteront les Îles de loisirs, territoire régional. En plus de faire le bonheur des armateurs qui nous vendent d’un côté, à travers les médias, une représentation du monde conforme à leur ambition et de l’autre leurs technologies onéreuses et mortifères.

Si l’histoire de l’Etat est celle d’une lente confiscation du droit à la violence des seigneurs et, plus tard, des colons au profit d’une autorité centrale, l’Etat démocratique répugne à utiliser cette violence et préfère convaincre par le droit et la norme que chacun est censé avoir choisi. C’est une condition fondamentale de la démocratie.

Vos ambitions sécuritaires accompagnent et renforcent la transformation radicale de notre modèle étatique qui a conduit le philosophe Georgio Agamben à parler à son propos d’Etat de sécurité. Un Etat qui se fonde sur la peur et doit l’entretenir à tout prix puisque c’est d’elle et uniquement d’elle qu’il tire ici sa légitimité. Or, et je cite Agamben : « si l’Etat a besoin de la peur pour se légitimer, il faut alors, à la limite, produire la terreur ou, au moins, ne pas empêcher qu’elle se produise. »

Une hypothèse, celle qui consiste à ne pas empêcher que la violence se produise, qui apparaît assez vraisemblable ici puisque les causes de la violence qui sont très majoritairement à chercher du côté de l’inégalité et de l’insécurité sociale, des discriminations, de l’humiliation, de la confiscation et de la privatisation du territoire, etc. sont systématiquement ignorées dans ce rapport mais plus généralement à travers les politiques que vous mettez en oeuvre et qui consistent à limiter le plus possible les mécanismes de redistribution de la richesse : de la limitation des logements sociaux au financement massif de l’école privée.

 

Seul le prononcé fait foi