Question Orale : les inondations
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(les temps d’interventions sont limités par une durée proportionnelle à la représentativité dans l’hémicycle)

Bénédicte Monville-De Cecco

« Depuis 1988 à Nîmes, pas moins de 13 inondations majeures ont provoqué la mort de plus de 200 personnes en France. Selon les données officielles du ministère de l’Écologie, les inondations menacent un Français sur quatre, et un emploi sur trois. Les sinistres qu’elles provoquent coûtent entre 700 et 800 millions d’euros chaque année. Pour l’Île-de-France et pour cette fois, il est question de 1 milliard de dégâts, mais la réalité pourrait être nettement supérieure. L’association française de l’assurance évalue la hausse du péril inondation à 104 %. Ces chiffres recouvrent des drames humains dont j’ai pu mesurer dans ma ville, ces derniers jours, ce qu’ils signifiaient : des femmes, des hommes, des enfants, pantalons relevés, vêtements maculés de boue, les yeux incrédules devant leur maison inondée, les bras chargés des quelques effets personnels qu’ils ont pu soustraire à l’appétit des eaux. Là encore, l’injustice environnementale est flagrante, puisque les pertes les plus lourdes affectent en premier les populations les plus fragiles, celles qui, faute d’information et de moyens, sont moins armées, moins bien assurées. Il est urgent de réfléchir aux causes et de nous doter des moyens efficaces pour lutter contre ces épisodes qui, malheureusement, iront croissant. Je me contenterai ici d’énoncer 6 de ces causes, sans doute les plus importantes :

  • En France, 17 millions de personnes vivent en zones inondables. Comme souvent, l’Île-de-France offre un miroir grossissant à une situation extrêmement préoccupante. Si nous devons gérer l’existant, ce qui n’est déjà pas simple, comment comprendre que se poursuive la construction en zones inondables ?
  • Depuis 2008, la diminution globale des espaces naturels, agricoles et forestiers représente l’équivalent d’un département avalé tous les sept ans.
  • L’agriculture industrielle appauvrit les sols, qui arrivent de fait plus vite à saturation ; ces sols, abîmés par les intrants chimiques, la disparition des haies, des engins agricoles trop lourds, ont une capacité d’absorption des eaux de pluie qui a diminué de moitié. Pour reprendre une expression de l’agronome Jacques CAPLAT, les « éponges sont devenues des toiles cirées ».
  • Les infractions à la loi sur l’eau se poursuivent (37 % de non-conformités relevées en 2013 par la police de l’eau).
  • Les zones humides disparaissent. Celles-ci jouent un rôle crucial en retenant l’eau et en limitant les crues et inondations. Je pense ici particulièrement à La Bassée, en Seine-et-Marne, menacée par des projets inutiles et dangereux pour notre environnement et nous-mêmes.

Les responsabilités sont diluées : les spécialistes sont unanimes, la séparation des compétences entre les ministères, les administrations et les collectivités territoriales qui s’occupent de gérer les risques empêche d’apporter des réponses efficaces. Les causes des inondations sont nombreuses, mais une chose est sûre : elles sont toutes d’origine entropique et nous renvoient, par conséquent, à notre responsabilité et à notre manière d’habiter et d’entretenir notre territoire.

C’est pour cela que notre groupe vous demande, Madame la Présidente, si vous entendez créer une commission régionale spéciale, en charge de définir les dispositifs de prévention des inondations et les moyens à mettre en œuvre pour lutter, sur le long terme, contre le premier danger dit « naturel » qui menace notre région et ses habitants ?

Réponse de la présidente

« Merci. Les graves inondations qui viennent de frapper l’Île-de-France sont effectivement exceptionnelles par leur ampleur et leurs dégâts. Leur fréquence pourrait ne plus être exceptionnelle, si l’on en croit l’avis convergent des experts qui travaillent sur le réchauffement climatique. Dès que les voies de circulation ont été dégagées, je me suis rendue sur le terrain, et c’est vrai que la détresse des habitants, qui avaient tout perdu, était vraiment poignante. Quand on vous détruit votre foyer, ce ne sont pas que des objets que l’on détruit, mais des souvenirs, de l’attachement, votre vie. Les assurances ne remboursent pas la vie perdue. Le coût économique, social, environnemental de cette catastrophe est si élevé que tout doit être mis en œuvre pour comprendre ce qu’il s’est passé, pourquoi cela n’a pas pu être mieux anticipé et comment nous pourrions mieux nous armer pour l’avenir.

Dans l’urgence, j’ai décidé de débloquer des crédits pour des aides aux communes, aux agriculteurs, aux commerces, au tourisme, aux petites entreprises en chômage partiel. J’ai aussi décidé de débloquer des prêts à taux zéro pour les agents de la Région qui ont été frappés par ces inondations. À très court terme, je vais saisir le Préfet de Région, coordinateur de bassin, pour qu’il organise rapidement une conférence retour expérience avec les services du ministère de l’Écologie, la Région et les collectivités concernées, afin d’apporter des réponses aux multiples interrogations qu’a soulevées cet épisode, et je les liste sans aucune volonté polémique :

    • Pourquoi la moitié seulement des communes inondées avaient-elles un plan de prévention inondation ?
    • Pourquoi des zones classées écarlates, dans les plans de prévention des inondations, n’ont-elles pas vu une seule goutte d’eau ? N’y a-t-il pas eu une profonde modification de la circulation des eaux en Île-de-France depuis lesprécédents plans de prévention ?
    • Pourquoi n’a-t-on pas fait de lâcher d’eau anticipé pour optimiser la régulation des grands lacs, notamment à Paris ?
    • Pourquoi le ministère de l’Écologie sanctionne-t-il les agriculteurs quand ils creusent des fossés agricoles pour que les eaux s’écoulent plus facilement ? (Note du groupe : Cette affirmation de la présidente est fausse. S’il est vrai que les agriculteurs n’ont pas de droit de cureter les cours d’eau sans l’avis des agences, ils ont le devoir de le faire dans les fossés et ne sont donc pas sanctionnés sur cet aspect.)

Toutes ces questions, et bien d’autres encore, sur l’entretien des forêts, des étangs privés, appellent des réponses. La Région n’a plus de compétence dans le domaine des inondations, car celles-ci relèvent essentiellement de l’État et des communes. Mais ses compétences en matière d’aménagement du territoire et de préservation des zones humides lui donnent une légitimité incontestable dans le débat global de solidarité des territoires, entre l’amont et l’aval, et entre les zones d’expansion des crues et la zone dense.

Nous avons, dans le budget 2016, à la demande de Chantal JOUANNO, augmenté de 27 % les crédits de risque inondation, et de 36 % les crédits sur la restauration des milieux aquatiques. Je tiens à rassurer Madame MALAISÉ : le budget 2016 est à la hauteur des enjeux, mais, à l’avenir et comme pour d’autres sujets environnementaux, je souhaite que l’État associe la Région à la gouvernance de la prévention et de la gestion du risque inondation. En effet, malheureusement, les inondations, les risques climatiques, la pollution de l’air, rien de tout cela ne respecte les frontières départementales. Ce serait donc absurde d’être engoncé dans des barrières administratives. Nous ne pouvons pas avoir à gérer les dégâts dans l’urgence sans participer aux arbitrages que nécessite la protection de nos concitoyens, de notre territoire et de notre tissu économique. »