CR 38-16 : ACTION RÉGIONALE EN FAVEUR DU LOGEMENT. SOUTIEN DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES.
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Voir le Rapport : CR_38-16 (les temps d’interventions sont limités par une durée proportionnelle à la représentativité dans l’hémicycle)

Vignette_crufetCorinne Rufet

« Mon intervention sera peut-être décalée, puisque je vais vous raconter une histoire.

C’est l’histoire de Suzanne qui, il y a dix ans, est tombée follement amoureuse d’un homme. Elle faisait ses études d’expertise comptable. Il était en formation en alternance pour devenir commercial. Très vite, ils ont aménagé ensemble. Elle a trouvé du travail comme assistante comptable dans une entreprise du bâtiment et elle a vite monté les échelons. Il a commencé à travailler dans une boîte de télécom.

Au début, tout se passe bien. Ils font un enfant. Une claque ou deux parce que, comme elle dit, « elle l’a énervé, c’est de sa faute, il est crevé la pression du boulot ». Comme si elle, elle n’avait pas la pression, au boulot. Elle se dit « c’est un accident, ça va passer. Il s’est excusé ». Un deuxième enfant, parce que les enfants, c’est un vrai bonheur. Ils décident d’acheter, c’est mieux, un pavillon au Plessis-Robinson, avec un PTZ et un taux d’effort au maximum de leurs capacités, 33 %. Le temps des transports augmente un peu, le stress aussi pour Suzanne en particulier, classiquement pour être à l’heure chez la nourrice, mais aussi l’autre stress, quand il rentre. Surtout ne pas faire d’erreur, éviter tout conflit, courber l’échine, protéger les enfants. Parce que, quand il s’énerve, ça tombe. Le troisième enfant arrive et il ne se retient même plus.

Au détour d’une rencontre à la PMI, après des discussions sans fin, après avoir tout retourné dans tous les sens, une seule issue : fuir, partir, se reconstruire. Elle a de la chance : une association qui la loge provisoirement la planque, monte le dossier. Parce que, avec trois enfants, Suzanne a dû abandonner son travail, parce que c’était trop difficile de jongler entre tout cela. Et puis, la fausse excuse de la chute dans l’escalier, de la porte de placard qu’elle se prend trop régulièrement dans l’œil, c’est dur à assumer auprès des collègues de la boîte.

Il faut maintenant demander le RSA, avec l’allocation de parent isolé, et un logement social, guidée et soutenue par cette association. La bonne nouvelle : on a trouvé un logement pour vous, au Plessis-Robinson, un F4. C’est parfait. C’est un logement sur le contingent de la Région qui n’a pas trouvé preneur auprès des agents de la Région. Génial ! Suzanne et l’association prennent contact avec le bailleur et montent le dossier. Patatras, la douche froide ! le logement social est du PLS à 9 euros le mètre carré. 900 euros avec les charges : 530 euros de CAF, 1 153 euros d’allocation RSA parent isolé, le remboursement de la maison du Plessis-Robinson pour la moitié puisque le divorce n’est pas encore prononcé. Taux d’effort supérieur à 50 %. Évidemment, le bailleur refuse la candidature de Suzanne au motif « un logement de type PLAI serait plus approprié ». Ce n’est pas le bailleur qui ne veut pas de sa candidature par principe, mais lui attribuer ce logement serait l’enfoncer encore plus. Comment faire avec 250 euros comme reste à vivre ? En effet, c’est compliqué.

Alors, Suzanne reste dans son foyer avec ses trois enfants. Elle se dit « ce n’est pas grave. On va refaire une demande et j’espère que je l’aurai en PLAI ». Manque de chance, au Plessis-Robinson, il y a 41 % de logements sociaux et, donc, les PLAI ne pourront pas être à nouveau construits sur cette commune. Sans le financement de la Région, aucun PLAI ne sortira.

C’est une histoire qui aurait pu et pourra sûrement arriver. La Région a financé beaucoup de logements PLS dans les dix dernières années, peut-être à l’exception de 2014 et 2015. De nombreux logements du contingent de la Région ne correspondent pas aux besoins des agents régionaux, mais nous nous retrouvons dans une situation compliquée.

Nous voterons naturellement ce rapport parce que nous souhaitons un logement rapide pour ces femmes. Néanmoins, un problème réside dans notre non-réponse aux questions des femmes dans une telle situation. Le tropisme des bailleurs et des élus vise la facilité et le logement qui rapporte davantage, avec des populations garantissant davantage le paiement du loyer.

L’absence d’instauration de règles, contraignant à construire du PLAI au lieu de PLS déjà trop présent, génère des situations comme celle de Suzanne. Cette personne inventée pourrait exister selon moi. »

Vignette_bmonvilledececcoBénédicte Monville-De Cecco

« Il semblerait, et je le regrette profondément, que les faux dévots du XXIème siècle embrassent la cause des femmes pour mieux anéantir les quelques gains obtenus par les mouvements et les associations féministes. Alors sur les élucubrations insupportables du Front national, juste rappeler quand même, qu’il propose de répondre au chômage en ramenant les femmes dans les foyers et qu’au Parlement européen, ses membres ont voté contre un texte portant justement sur l’égalité femme homme. Madame la Présidente, avec ce rapport, puisque je vais en revenir au rapport, vous souhaitez lutter contre les violences faites aux femmes et pourtant lundi, comme plusieurs ici l’ont déjà rappelé, nous avons appris au Conseil d’administration du Centre Hubertine-Auclert que vous aviez l’intention de diminuer de 30 % les subventions versées par la Région à ce centre. Il constitue pourtant une ressource fondamentale dans la lutte quotidienne contre les violences faites aux femmes. Ce centre est sûrement un exemple de ce qu’une collectivité peut promouvoir de meilleur. Aujourd’hui ce sont 100 associations qui en sont membre. Depuis 2013, il a justement intégré l’observatoire régional des violences faites aux femmes. Or les données produites par l’observatoire et le centre Hubertine-Auclert montrent l’effort qu’il faudrait fournir si notre collectivité veut pleinement répondre aux problèmes vitaux que rencontrent ces femmes. En 2013, ce sont 793 femmes et 819 enfants qui ont été hébergés et mis en sécurité dans des structures associatives ou individuelles. Mais ce sont aussi 1 442 femmes qui ont vu leurs demandes d’hébergements refusées, faute de places disponibles. Dans ce même rapport, on peut lire : Il est important d’offrir à ces femmes un lieu de vie stable et sécurisant où elles vont pouvoir se détendre et mettre à distance les violences qui les oppressent provoquant anxiété et stress permanent. Par conséquent, Madame la Présidente, augmenter le nombre de logements réservés aux femmes victimes de violences et à condition bien sûr que ces logements leur soient accessibles comme l’a rappelé Madame Corinne RUFET, est nécessaire mais en aucun cas suffisant. Nous parlons ici de passer de 50 à 100 logements. 100 logements, quand le nombre potentiel de femmes qui pourraient en avoir besoin dépasse les 2 000. Quand une femme meurt tous les deux jours et demi en France, sous les coups de son compagnon ou de son ex-compagnon. En amputant le centre Hubertine-Auclert de 30 % de ses subventions régionales vous nous privez d’un instrument fondamental dans la lutte des violences faites aux femmes. Vous admettrez, Madame la Présidente, que le signal que vous envoyez est, et c’est le moins que l’on puisse dire, contradictoire. Bien sûr nous allons voter cette délibération, pour autant nous serons extrêmement vigilants sur votre politique globale à l’endroit des femmes, et nous espérons que le soutien de la Région aux associations féministes ne manquera pas durant cette mandature. Merci. »