COMMUNIQUE DE PRESSE EELV&A sur le rapport « Grands témoins contre le terrorisme »
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COMMUNIQUE DE PRESSE EELV&A sur le rapport « Grands témoins contre le terrorisme »

L’exécutif régional a choisi de présenter sa délibération « grands témoins contre le terrorisme » en invitant à témoigner deux parents de victimes de Mohamed Merah : Latifa Ibn Ziaten et Samuel Sandler.

Le groupe EELV&A a été touché par les interventions de ces grands témoins. Toutefois, tomber dans une politique simpliste à vocation médiatique, comme elle le fait,  ne nous paraît pas acceptable. Cette présentation faite par la présidente de Région oublie la complexité des causes du terrorisme, du phénomène de radicalisation chez les jeunes et enfin des effets dévastateurs des réseaux sociaux utilisés par les sectaires terroristes pour manipuler la jeunesse.

Passé l’émotion, les jeunes ont besoin de clés de compréhension, d’accompagnement social, d’outils pédagogiques et de prévention de long terme. Pourtant, la majorité régionale cache sous le tapis la baisse des subventions aux associations de lutte contre les discriminations, aux associations qui font le tissu social de nos quartiers comme les centres sociaux…

Le groupe EELV&A est sidéré par la sur-théâtralisation qui a été faite autour de l’utilisation du mot « pathétique » lors de l’intervention de sa conseillère régionale Bénédicte Monville-De Cecco et de l’intolérance à des propos divergents de l’assemblée régionale.

Pris au premier degré, le mot « pathétique » signifie pourtant « qui émeut fortement, dont l’intensité dramatique provoque un sentiment de tristesse grave » et répercute la présentation-même de ce rapport par Valérie Pécresse, puisqu’elle dit elle-même vouloir créer chez les lycéens : « un choc émotionnel ». C’est le fond de cette proposition que le groupe EELV&A désapprouve, même s’il est urgent d’agir en matière de terrorisme avec la communauté éducative.

Tous les élèves, sans exception, ont déjà vécu ce choc émotionnel, à plusieurs reprises, face aux drames des attaques sur Charlie Hebdo et l’Hyper casher, face au souvenir du 13 novembre 2015 ou à celui du 22 mars dernier à Bruxelles. La jeunesse est touchée dans sa chair et sa joie de vivre, dans ce qui faisait sa fraicheur frappée de plein fouet. Si l’émotion peut être un outil pédagogique, elle ne peut être le seul.

Pour le groupe EELV&A, il faut désormais aller au-delà du choc émotionnel, ce que font déjà les enseignants. Le groupe considère qu’il est important de lutter contre le terrorisme et contre ses effets, ses causes, mais qu’il n’est pas du ressort du politique de dicter les choix pédagogiques, encore moins, de les restreindre à un axe unique.

Le Rassemblement écologiste et citoyen salue néanmoins l’ouverture de Valérie Pécresse qui a découlé de ce débat, en acceptant des amendements intégrant aux discussions le personnel éducatif de l’Education Nationale et en leur donnant une plus grande profondeur pédagogique. Suite à ces modifications, le groupe EELV&A a voté favorablement ce rapport.

 

 

Vous trouverez ci-dessous l’intervention complète de Bénédicte Monville-de Cecco sur ce rapport :

Discours de Bénédicte Monville-De Cecco sur le Rapport n° CR 95-16 : Les grands témoins contre le terrorisme

« Mme la présidente, penser un phénomène aussi grave et complexe que le terrorisme devrait nous interdire toute approche trop simpliste or c’est malheureusement ce que vous nous proposez ici. Pensez le terrorisme, si vraiment c’était votre objectif, devrait vous amener à ne surtout pas vous limiter à proposer des témoins directs dont les affects et leur énonciation pathétique (rappel de la définition de ce mot : «qui émeut fortement, dont l’intensité dramatique provoque un sentiment de tristesse grave » ) peuvent certes avoir une fonction édifiante mais à condition qu’ils s’accompagnent d’une démarche intellectuelle critique menée par des enseignants du secondaire et des chercheurs en sciences sociales et humaines. Sinon, nous risquons au contraire de plonger les lycéen.ne.s auxquelles nous nous adresserons dans une sidération rarement propice à la réflexion. 

La distance face à l’évènement, en particulier quand il atteint un tel niveau de violence et une dimension historique comme c’est le cas ici, est une condition de la réflexivité critique. Le temps long est indispensable pour approcher la complexité d’un phénomène comme le terrorisme qui accompagne notre modernité bien qu’il ait pris des visages et revêtu des expressions variés au cours de l’histoire. Le terrorisme ne se limite pas à la forme particulière qu’il prend aujourd’hui dans notre société. Ses victimes et toutes ses victimes sont également dignes que nous nous battions pour mettre fin à ces formes odieuses de lutte et aux systèmes sociaux et politiques qui les nourrissent. 

Permettre à ce « regard éloigné » de s’exprimer pour reprendre le titre d’un ouvrage de Claude Levi-Strauss est une nécessité si nous voulons donner aux lycéen.ne.s la possibilité de comprendre les causes à la fois structurelles et conjoncturelles qui peuvent pousser des groupes d’individus mais aussi, parfois, des Etats à recourir au terrorisme. 

Vous voyez mme la présidente, l’institutionnel n’a pas à s’improviser pédagogue. Et vous nous en donnez une preuve supplémentaire. Parce que ce rapport n’est pas qu’un coup de communication. Il relève de la forfanterie intellectuelle. Mais aussi et c’est plus grave d’un engagement à géométrie variable, sinon pourquoi diminuer drastiquement les subventions des associations de quartiers ou de lutte contre les discriminations ? pourquoi avoir diminué de 40% le budget consacré aux actions pour la citoyenneté, la participation lycéenne et la lutte contre les discriminations ? »