Budget 2016 – Explication de vote final
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 (les temps d’interventions sont limités par une durée proportionnelle à la représentativité dans l’hémicycle)

Vignette_msatouriMounir Satouri

« Bonsoir, Madame la Présidente, chers collègues. Permettez-moi, avant de commencer mon propos, de remercier à mon tour le personnel de l’administration régionale pour leur travail, pour leur engagement. Ils font la Région au quotidien auprès des acteurs du territoire. D’ailleurs, je suis assez surpris, puisque l’on a siégé ensemble pendant cinq ans, Madame la Présidente, à l’occasion du vote des budgets, la tribune publique était habituellement remplie de membres du personnel, je suis surpris de ne pas les voir. Je pense que c’était un moment de rencontre important entre ces personnels-là et les élus régionaux à l’occasion du vote du budget. En ce qui me concerne, j’aimerais leur rappeler que, comme par le passé, nous resterons à leur écoute et à leur disposition.

Et enfin, pour les remerciements, j’aimerais, c’est peut-être singulier de le faire, remercier tous les collaborateurs de tous les groupes, les élus ainsi que les membres du cabinet de la Présidente. Ces personnels-là participent également à nos débats et à notre travail collectif, et je tenais à les remercier.

Madame la Présidente, depuis trois jours, pendant ce débat budgétaire, vous nous dites, annexe après annexe, que c’est un budget de transition. Mais une transition vers quoi ? Vos Vice-présidentes et Vice-présidents ont prévenu l’Assemblée qu’ils allaient nous présenter à des futures séances de nouveaux dispositifs. Pour le moment, nous sommes obligés de nous baser sur les chiffres présentés dans votre budget. Et ce que nous voyons nous fait peur pour les Franciliennes et les Franciliens, je dirais même nous fait extrêmement peur. C’est un budget d’austérité au détriment des habitantes et des habitants que vous nous proposez. C’est une année blanche que vous proposez pour toute la Région. Pour le moment, vous avez amplifié les déclarations d’intention sans aucune description opérationnelle. Sur vos cent jours dont vous vous faites des gorges chaudes dans les médias, rien de concret, que du vent. Mais ce vent est de mauvais augure, de très mauvais augure. Ce vent sent le soufre. Il apporte avec lui les mauvaises nouvelles et le souffle nauséabond des restrictions pour de nombreux acteurs.

Ce budget, c’est le début de la fin pour beaucoup et pour beaucoup de choses. Votre budget, Madame la Présidente, attaque ce qui fait l’Île-de-France. Il attaque les plus pauvres, les plus précaires, les plus en difficultés de notre territoire. Fini le logement social ou très social là où il y en a besoin. Fini la prévention et la médiation. Place à la répression à tout-va. Fini les politiques d’hébergement d’urgence. Fini l’aide aux départs en vacances. Vous allez même, Madame la Présidente, jusqu’à taper l’IVG et la lutte contre les discriminations. Votre budget attaque tout le début du travail démocratique de la précédente mandature.

Chers collègues, Madame la Présidente, notre République se meurt d’un manque de démocratie. Et je tiens à saluer ici toutes les citoyennes et tous les citoyens qui sont aujourd’hui partie prenante du mouvement Nuit Debout. Je déplore votre budget pour les femmes, pour les jeunes, pour les étrangers et l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens qui se voient démunis de toute possibilité d’interaction avec les élus régionaux. Fini les tables de quartier. Oui, la vérité a du mal à être entendue. Finis les budgets participatifs pour les jeunes de nos lycées. Fini le parrainage des sans-papiers. Fini les aides à la résorption des bidonvilles et aux gens du voyage. Fini la lutte contre les précarités énergétiques. Supprimée la solidarité internationale. Vous abandonnez les actions visant à raffermir le lien social notamment dans les territoires les plus en difficultés au profit d’une politique sécuritaire, caricaturale et inefficace. Fini le fonds de compensation carbone. Baisse du financement à Airparif. Année blanche pour l’AEV et l’acquisition des terres agricoles. Fini le financement pour les associations de la Cop 21 et du développement durable. Baisse de l’agriculture biologique. Fini la rénovation thermique dans les lycées. Vous avez passé votre temps, Madame la Présidente, à justifier votre budget sur la base de l’exécuté. Je le dis et je tiens à le rappeler : c’est une tromperie sans nom que de faire cela. Mais ce ne sont pas des paroles. L’important, ce sont les actes, votre budget n’est pas à la hauteur. Ce budget ne prend pas en compte les enjeux de notre siècle.

Le dérèglement climatique, tout d’abord : l’enjeu des enjeux de notre siècle. Nous sommes à une période gravissime dans notre histoire. Si la température moyenne de notre planète augmente de plus de deux degrés, c’est tout l’environnement qui s’effondre. La biodiversité, la capacité à nous nourrir, la capacité à nous loger sont en danger. Plus largement, toutes les catastrophes sociales, économiques, écologiques que vous pouvez imaginer feront peser un risque énorme sur l’avenir de notre espèce. Votre budget sacralise les vieilles recettes économiques, éducatives et environnementales, qui nous conduisent dans un mur. L’ancien monde est en train de mourir lentement, et nous avons le devoir d’éclairer les lanternes pour l’avenir. Si nous ne le faisons pas, la bête immonde cachée dans le clair-obscur de la transition pourrait bien surgir. Oui, chers collègues, je sens déjà le souffle de cette bête dans notre hémicycle, et vous y prenez part par des connivences incroyables et insupportables. Nous avons fait le choix contraire. Nous avons déposé plus de cent amendements qui voulaient apporter des pierres innovantes à un budget décadent. Nous avons déposé des amendements pour une région climato-compatible pour renforcer la lutte contre la précarité énergétique, pour mettre en place la taxe pour le soutien aux peuples victimes des changements climatiques, pour les associations de défense de l’environnement (un million d’arbres), alimentation locale de qualité, santé environnementale.

Nous avons déposé des amendements pour une région qui lance une réelle reconversion écologique de l’économie. Défense de l’économie sociale et solidaire. Emplois tremplins. Emplois artistiques et culturels. Formation tout au long de la vie. Valorisation des friches industrielles. Nous avons déposé des amendements qui améliorent la citoyenneté : tables de quartier, budget participatif, assemblées populaires, soutien aux télés et radios locales. Mais non, vous avez tout refusé. Au lieu de lancer, Madame la Présidente, des politiques publiques pour les Franciliennes et les Franciliens, vous avez fait le choix de réduire drastiquement le budget de l’environnement. Au lieu de mobiliser et de redonner du sens commun, vous avez fait le choix d’abandonner la solidarité, l’animation démocratique du territoire et de mettre la Région aux diapasons du privé. Je crains que vous ne participiez, vous aussi, à la rupture entre citoyennes, citoyens et leurs élus. Pour toutes les raisons déjà abordées ces trois derniers jours, notre groupe ne peut cautionner ce budget de renoncement général, nous voterons donc contre, Madame la Présidente. »