Budget 2016 – ANNEXE 9 : CULTURE
Partager

Voir le rapport : 2016_ANNEXE_09 (les temps d’interventions sont limités par une durée proportionnelle à la représentativité dans l’hémicycle)

Vignette_crufetCorinne Rufet

« Madame la Présidente, Madame la Vice-Présidente, je souhaiterais débuter mon intervention en vous faisant écouter un morceau de musique d’Erik Satie.

Un enregistrement est diffusé en séance.

Erik Satie est un immense compositeur franco-anglais, qui a participé à offrir une nouvelle vision de la musique, de la manière de composer, et qui, je crois, pour nous, en 2016, bien après sa mort au début du 20ème siècle, est encore un facteur d’émerveillement, un facteur d’évasion peut-être et un moyen d’avoir accès à une forme de poésie. Dans la période que nous vivons, ceci est très rare.

Dernièrement, au sein du Conseil municipal d’Arcueil, un élu du Front National a refusé de voter le financement d’une commémoration de la mort d’Erik Satie. Ce choix aurait pu reposer sur des arguments pragmatiques relatifs au budget de la collectivité. En réalité, il s’agissait pour cet élu de critiquer l’art dégénéré d’Erik Satie, au motif que celui-ci, comme un certain nombre de personnes – y compris peut-être ayant siégé au sein de cet hémicycle – était alcoolique – il en est mort – et aussi communiste – après avoir été socialiste. »

Corinne Rufet est interrompue par la Présidente

« Madame la Présidente, votre réaction éclaire les raisons pour lesquelles j’ai débuté ainsi mon intervention. Lorsqu’il est question de politiques publiques pour l’art et la culture, trop souvent, on oublie les raisons pour lesquelles, en France, en 1958, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la décision a été prise de créer un ministère de la culture. Peut-être méprisez-vous, Madame la Présidente, l’histoire qui fait que nous nous sommes engagés pour soutenir l’émancipation de l’ensemble des Français en créant des politiques publiques de la culture. Néanmoins, l’objectif est toujours le même en 2016 et mérite d’être rappelé, surtout au regard des propos tenus dans diverses assemblées d’élus.

S’agissant du budget qui nous est proposé, je constate que le ton de Mme la Vice-Présidente a beaucoup évolué depuis la présentation du projet en Commission culture. Nous étions alors consternés par la proposition qui nous était faite. Aujourd’hui, visiblement, Madame la Vice-Présidente, vous avez fait l’expérience de ce qu’est le monde des artistes, des industries culturelles, du spectacle vivant et de la création littéraire, qui ne se laisse pas berner sans réagir. Ces acteurs vous ont écrit, vous rappelant sans doute que la culture et la création constituent le premier employeur et le premier outil de dynamisme de l’Ile-de-France.

Vous proposez, Madame la Vice-Présidente, une diminution de 30 % du budget consacré au spectacle vivant, ainsi qu’une diminution de 1,5 million d’euros de celui consacré au livre et à la lecture – s’agissant notamment de l’aide à la création, à travers les résidences d’auteurs, etc. Ceci est inacceptable, comme l’ensemble des organisations professionnelles et syndicales vous l’ont signifié.

Par ailleurs, depuis le début de la présentation du budget primitif 2016, l’exécutif nous explique vouloir mettre l’accent sur l’investissement – bien que M. DIDIER ait indiqué que le budget de la culture s’appuyait davantage sur du fonctionnement. Aujourd’hui, le budget d’investissement pour la culture fait apparaitre une diminution des aides à la création de médiathèques, de conservatoires et d’équipements culturels publics. Vous reculez sur ce point, alors même que de nombreux territoires franciliens manquent de médiathèques, de moyens de numérisation, etc. Ceci n’a aucune cohérence avec votre discours sur les contrats ruraux.

Une volonté forte de soutenir le cinéma et l’audiovisuel franciliens avait également été affichée. Au sein de la Commission du film d’Ile-de-France – commission dont je suis membre et dont j’ai même fondé les premières actions, après sa création par Mme de la GONTRIE – j’ai entendu M. BOURNAZEL – le nouveau président de cette commission – nous assurer que le secteur et ses industries seraient défendus. Là encore, la déception est grande. Je ne suis, pour ma part, guère convaincue par le passage de ce budget en investissement. Nous avions posé la question dans le cadre de la Commission sur les changements induits par cette évolution sur les modalités de dépôt des dossiers. Il nous avait été répondu que cela n’aurait pas d’incidence. Or le contraire nous est indiqué aujourd’hui dans l’hémicycle.

Tout ceci apparait pour le moins acrobatique. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements. J’espère que vous en retiendrez certains. Le travail de l’opposition auprès des organisations professionnelles et syndicales ayant été très utile pour vous faire réagir et améliorer ce budget, il serait de bon aloi que les amendements présentés par la majorité ne soient pas les seuls retenus. »

« Les fabriques de culture sont des espaces très particuliers, d’abord parce qu’elles sont issues du tiers- secteur, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas été créées à l’initiative de la puissance publique mais du secteur associatif.

À cet endroit, je souligne que le secteur associatif a été très meurtri par les propos relayés dans la presse le présentant comme coupable de n’avoir pas transmis les bilans et documents nécessaires pour bénéficier de financements. Lorsqu’on connait les conditions dans lesquelles ces acteurs sont conduits à réclamer les soldes de subventions attribuées par la Région, ces propos apparaissent cruels.

Lorsque nous avons créé le dispositif des fabriques de culture, avec M. DRAY, ces structures étaient dans une situation difficile. C’est effectivement l’aide au fonctionnement qui leur a permis une véritable stabilisation de leur budget. Pour ces structures, je dois le reconnaître, peut-être l’aide à l’investissement est-elle arrivée trop tôt. Ces structures avaient d’abord besoin de reconstruire leur robustesse financière.

Trois ans après la création du dispositif des fabriques de culture, nous sommes arrivés à faire en sorte que ces structures soient plus solides. Elles seraient donc aujourd’hui susceptibles de demander des aides à l’investissement, pour améliorer les locaux dans lesquels elles travaillent. De fait, ces structures évoluant plutôt dans des lieux dits « alternatifs », certains de leurs locaux sont dans un état pitoyable, notamment en termes de sécurité incendie et d’électricité. »