Dispositif chercheurs-citoyens : l’Association Hors-Cadre développe ses actions dans les prisons

photos Association Hors Cadre

Deuxième année déjà pour le dispositif « chercheurs-citoyens ». Lancé par Sandrine Rousseau en 2011,  il a pour objectif la promotion de programmes de recherche reposant sur une collaboration entre laboratoires et associations. L’enjeu est de renforcer le dialogue entre chercheurs et citoyens, entre sciences et société.

L’un des projets développés en 2011 est  « Le jeu d’orchestre ». Il propose de faire jouer ensemble des musiciens et des détenus dans des établissements pénitentiaires. Un exemple d’activité parmi d’autres,  car il est essentiel si l’on veut envisager et favoriser la réinsertion des personnes privées de liberté, de les encourager à avoir des projets orientés vers l’avenir  :  travail, formation, développement personnel…

Marc Le Piouff, chargé de mission Culture- Justice Nord – Pas de Calais, exerce ses fonctions au sein de l’association Hors-Cadre. Il collabore dans ce projet avec Marie-Pierre Lassus, enseignante-chercheuse en musicologie et responsable du Master Arts (Lille 3). Ils nous expliquent leur travail.

Quel est l’objet du projet  « le jeu d’orchestre » ?

« Le projet « Jeu d’Orchestre » consiste à mettre en place un orchestre participatif composé de 20 musiciens environ, citoyens, chercheurs sociologues, philosophes, étudiants en art. Ils se rendent dans des établissements pénitentiaires. Le principe est d’organiser avec les détenus un espace participatif commun entre les musiciens et les non musiciens, un  dialogue s’instaure autour de la musique. Après une journée passée ensemble, une représentation a lieu au cœur de la prison. Le résultat est fabuleux : tous les participants sont embarqués par le collectif et la musique. Ils se  regardent,  s’écoutent.  L’espace contraint se libère. La situation d’exclusion se fait moins pesante pendant un moment. Les personnes d’habitude infantilisées et ne prenant aucune décision peuvent choisir un instrument, en jouer avec d’autres personnes… Ce n’est pas seulement un accès à la culture, c’est une réelle participation à une action. »

Cette initiative peut-elle changer l’image des détenus ?

« Les choses peuvent changer surtout pour le public extérieur.  Quand on est assis pendant plusieurs heures à côté d’une personne incarcérée,  la proximité est  importante. Durant les temps de pause s’instaure une discussion.

L’espace de liberté créé pendant un moment crée une émotion énorme. Les questions se posent quand les intervenants sortent de l’établissement pénitentiaire : qu’ont-ils apporté  et laissé derrière eux ? Il y a la force du vécu, une responsabilité, une envie de revenir… Les intervenants repartent différents.

A travers cette expérience on peut changer le regard des gens sur les personnes détenues. Il ne s’agit pas de dire « il ou elle est innocente »  mais de voir autre chose que la culpabilité, d’autres facettes. Sinon cela empêche toute réinsertion possible.

En Espagne par exemple on ne travaille pas uniquement sur la punition mais également sur la réinsertion  en imaginant des dispositifs à la sortie.

En France on observe un manque à ce niveau. L’association « Parcours de femmes » accompagne les femmes à leur sortie de prison, les héberge et les aide dans leurs démarches… C’est quelque chose qui demande à être multiplié.  Laisser les gens sortir tout seul, c’est pratiquement l’échec assuré ;  il y a des mineurs seuls au monde. Quand on est un enfant de 14 ans seul au monde, ou rejeté complètement par sa famille. Que fait-on ? Comment peut-on imaginer se réinsérer quand on n’a personne. Bien sûr, il y a des foyers, mais ce qu’il faut c’est  l’accompagnement d’une personne en qui on a  suffisamment confiance, pour pouvoir s’en sortir. »

En quoi le dispositif chercheurs- citoyens vous aide particulièrement ? Correspond-il à un manque auquel vous étiez confrontés dans ce genre de projet ?

« Le travail est développé conjointement par l’Université Charles de Gaulle (Lille 3), l’association Hors-Cadre et le Centre de formation et de thérapie italien Esagramma (qui travaille avec la musique) , en partenariat avec la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires Nord – Pas de Calais, Picardie,  Haute-Normandie.

C’est un programme du genre « recherche/action ». Nous ne sommes pas dans un laboratoire à observer des rats… Nous nous mettons en danger dans une rencontre avec un public d’égal à égal. C’est l’enjeu. C’est une démarche nouvelle et qui a du sens. C’est la première fois, (je pense ?) qu’une Région s’associe à ce genre de projet.

Les projets de recherche que nous proposent les universités sont en général plus axés sur la science que sur la citoyenneté, alors quand a paru l’idée du  programme chercheurs – citoyens nous avons  immédiatement regardé de quoi il s’agissait et nous avons trouvé que cela correspondait  complètement  avec ce que nous avions commencé à mettre en  place  avec les étudiants du Master Art.

Relier l’art et la citoyenneté, et la pratique de la musique n’est pas quelque chose qui est pensé véritablement dans les programmes de recherche et  nous pensons qu’il y a des choses à faire dans ce domaine.

Ce programme nous permet de réfléchir à la question de  l’éthique et de l’art avec des applications très concrètes,   et non pas dans l’absolu en réfléchissant depuis son bureau… Ici nous allons sur le terrain : dans les centres de détention. Et c’est concret. Cet aspect là du dispositif va apporter du nouveau à la recherche. Trop souvent la  recherche scientifique pure et dure (même si bien sûr elle est nécessaire) est favorisée. Quant à l’interaction entre recherche et société, elle est souvent dévalorisée.

L’exigence du programme chercheurs-citoyens va dans le même sens que celui de l’association Hors-Cadre : faire collaborer l’université avec une association. Lors de la présentation de notre projet, nous étions sceptiques et nous pensions que les sujets les plus  scientifiques seraient développés en priorité. Mais nous avons de suite une très bonne écoute et un excellent accueil.

Maintenant il faut trouver des solutions pour que le projet continue… »

Site de l’association Hors-Cadre ici 

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