la gouvernance alimentaire
En préambule, vous trouverez ici une note de positionnement sur la gouvernance alimentaire et ici nos pages consacrées au sujet
L’opération de développement « Gouvernance alimentaire » [1] s’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur l’enjeu alimentaire. Cela revient à prendre en considération toutes les dimensions de l’alimentation : l’agriculture, la santé publique, l’environnement, le lien social, l’économie et l’emploi.
Aujourd’hui, le système alimentaire des pays industrialisés se caractérise par une grande spécialisation, due à la généralisation du mode de production industriel et à la consommation de masse. En cela, il est possible de parler de système alimentaire « agroindustriel »[2]. L’exigence de rentabilité économique pousse à spécialiser un petit nombre d’individus et de territoires dans la production de denrées alimentaires pour un grand nombre d’autres individus et territoires. Une interdépendance se crée : d’une part, pour l’accès aux débouchés, d’autre part, pour l’accès aux denrées alimentaires. Entre les deux, le marché doit répartir les biens.
Une politique alimentaire doit donc prendre en compte de cette interdépendance, tout en ayant une approche globale de l’enjeu alimentaire. En cela, elle doit favoriser :
– La sécurité alimentaire[3], en facilitant l’accès, en termes de proximité et de prix, à une nourriture de qualité pour les habitants du territoire,
– La responsabilisation des consommateurs sur leurs pratiques alimentaires,
– La valorisation des territoires et du lien à la terre,
– La participation à la lutte contre le réchauffement climatique.
Aujourd’hui, et pour plusieurs raisons, le modèle traditionnel (trois repas par jour, à heure fixe, structurés autour de trois plats principaux partagés dans un moment de convivialité) est remis en cause, au profit du modèle agroindustriel. Pourtant ce dernier n’est pas durable. Il est en effet basé sur un mode de production intensif, un partage inégal de la valeur ajoutée de la production alimentaire et un gaspillage important, tout au long de la chaîne alimentaire. Qui plus est, le système agroindustriel a des répercussions négatives sur la préservation du lien social, la santé publique[4] et il renforce les inégalités sociales. Plusieurs projets, plus vertueux, sont déjà en place, ou en cours d’élaboration, dans la région Nord – Pas de Calais. L’objet de l’opération de développement « Gouvernance alimentaire » est de coordonner ces initiatives, et les acteurs qui les portent, pour proposer un ensemble cohérent, qui fasse système. Il ne s’agit pas d’opposer le modèle agroindustriel à un modèle alternatif, mais de favoriser cette tendance. Les acteurs concernés par l’opération sont :
– les agriculteurs : l’incompréhension domine aujourd’hui entre les consommateurs, en grande majorité urbains, et les agriculteurs, ruraux. Or, ceux-ci font face à des difficultés financières, ce qui ne leur permet pas de vivre de leur activité, ni d’avoir une fierté, comme producteurs nourriciers et comme défenseurs d’un environnement de qualité.
– les industries agroalimentaires : elles représentent un secteur primoridal de l’activité économique, surtout dans le Nord – Pas de Calais, qui se caractérise par une forte présence des industries de seconde transformation. L’importance de la transformation industrielle des produits alimentaires est à l’origine de nombreuses externalités[5]. Pourtant, certaines firmes ont développé de bonnes pratiques[6] qu’il s’agit de valoriser et d’encourager.
– les distributeurs : détaillants, grande et moyenne distribution, restaurateurs… Ce sont des acteurs très différents qui déterminent leurs lieux d’approvisionnement et le type de produits qu’ils valorisent, en le mettant à la disposition des consommateurs. C’est pourquoi ils jouent un rôle important dans la dynamisation des territoires, l’exigence de qualité des produits, et la santé des consommateurs.
– les consommateurs : l’un des points forts de cette opération est que nous sommes tous concernés, car tous « consommateurs » ; sensibles ou non aux messages publicitaires, plus ou moins conscients des effets de nos choix alimentaires sur notre santé et sur le mode de production induit. L’opération de développement doit favoriser une responsabilisation des consommateurs, et donner les moyens de changer les pratiques alimentaires.
– les pouvoirs publics : les politiques, notamment agricoles, portées par les organisations supranationales (OMC, FAO, Union Européenne) et l’Etat, tendent à la libéralisation. Cependant, d’autres institutions ont des compétences en lien avec l’enjeu alimentaire : services déconcentrés de l’Etat[7], collectivités territoriales, chambres consulaires, centres de formation, organismes sociaux, établissements publics… Jusqu’à présent, chacune s’est concentrée sur son domaine de compétences, mais la coordination de leurs efforts peut permettre la mise en place d’une gouvernance alimentaire territoriale et la défense de l’intérêt général sur tous les champs concernés.
[1] La gouvernance alimentaire étant « un nouvel ensemble de coopérations entre les différents acteurs et les échelons d’intervention géographiques, dont l’arène commune est l’enjeu alimentaire », Terres en Ville.
[2] Le système alimentaire mondial est-il soluble dans le développement durable ? JL. RASTOIN, Moisa, working paper n°5, 2006.
[3] La sécurité alimentaire est une notion de droit international, définie comme l’ « accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait les besoins nutritionnels et les préférences alimentaires [de toutes les personnes] pour leur permettre de mener une vie active et saine », Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, FAO 1996.
[4] A titre d’exemple, en 2009, 14,5% des adultes français ont des problèmes d’obésité, tandis que 32% sont en surcharge pondérale. D’après la même enquête, 20,5% des habitants de plus de 18 ans de la région Nord – Pas de Calais sont obèses (contre 13,5% en 1997). La région Nord – Pas de Calais est ainsi la région française qui compte le plus grand nombre de personnes souffrant d’obésité, avec un taux de près de 40% supérieur à la moyenne nationale. Enquête épidémiologique nationale sur le poids et l’obésité, ObEpi, 2009, Enquête INSERM, TNS Health Care, Roche
[5] Standardisation des chaînes alimentaires, incitation à une agriculture productiviste, captation d’une grande partie de la valeur ajoutée, effet négatif sur la santé des consommateurs et sur l’environnement par la perte de biodiversité et le gaspillage de ressources et d’énergie.
[6] Contractualisation avec les agriculteurs, aide à la conversion en agriculture biologique, signature de Chartes d’incitation avec l’Etat ou bien engagements auprès de la Région…
[7] Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF), Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), Agence Régionale de santé (ARS), Direction départementale des territoires (DDT)…