Notre politique agricole

Christophe_miniature

Intervention de Christophe Dumont, conseiller régional,
dans le cadre du débat budgétaire du 16 décembre

Alors, qu’une loi d’avenir agricole vient en discussion au parlement en janvier, que la réforme de la PAC est en passe d’entrer en vigueur, et que la gestion de son deuxième pilier sera bientôt confié à la région, je vous propose de nous appesantir un moment sur notre politique agricole.

Je céderai à la facilité en commençant par une citation : « les solutions existent pour moderniser notre agriculture, la rendre plus respectueuse de l’environnement et plus performante économiquement, c’est un non-sens d’opposer ces deux objectifs ; de même que c’est une erreur grave d’opposer les professionnels de l’agriculture et les défenseurs de l’environnement ». Ces  mots ont été prononcés  par le premier ministre il y a quelques jours en Bretagne et peuvent nous servir de feuille de route. Nous devons concilier agriculture et environnement dans nos politiques contrairement à une politique agricole commune  schizophrène en ce qu’elle corrige, qu’elle répare trop souvent grâce au deuxième pilier les désordres causés par les aides directes de son premier pilier. Il est vrai que depuis Keynes, on sait que creuser des trous puis les reboucher génère du PIB, mais Keynes faisait ainsi une démonstration par l’absurde que nous n’avons pas les moyens de pratiquer en vraie grandeur.

Concilier agriculture et environnement, nous y réussissons dans le domaine de l’installation où la région a doublé son effort depuis quelques années. Notre convention de portage de foncier avec la SAFER nous a permis de financer douze projets qui permettront une cinquantaine d’installations en 2013 dans le cadre des politiques régionales. Le plan de développement rural en cours d’élaboration prévoit un objectif de 250 installations aidées par an dans la région, ce qui équivaut à une augmentation de 25%.

J’ai lu attentivement le rapport du CESER qui souhaite que les actions de la région dans le domaine de l’installation ne se restreignent pas à certains types de projet. Mais soit le CESER fait là un contresens, soit il fait preuve d’hypocrisie, car la région ne peut financer tout et son contraire et il est logique que la région privilégie les projets en matière d’élevage, de circuits courts, d’agriculture biologique qui offrent des avantages économiques sociaux et environnementaux par rapport à une agriculture industrielle. Pour simplifier, les agriculteurs étranglés ont le choix, aujourd’hui, entre s’agrandir pour payer leurs traites, et cela se fait au détriment de l’installation ou dégager plus de valeur ajoutée sur une même surface en pratiquant une agriculture de qualité ; vous l’avez compris, c’est vers ce deuxième modèle que va notre préférence qui a pour autre vertu de créer de l’emploi. En ignorant cela le CESER oublie qu’il y a deux E à CESER, que notre agriculture doit marcher sur ses deux pieds ; et je suis étonné que notre collègue Jean Notat reprenne le souhait du CESER par un amendement au budget car on ne peut à la fois promouvoir un système industriel qui génère l’extension des exploitations et souhaiter des installations nombreuses. Cela m’étonne d’autant plus que je mesure une prise de conscience de tous les acteurs en particulier au sein des comités techniques SAFER départementaux, nous avons par exemple décidé à l’unanimité en novembre dans les Ardennes d’installer sur les terres d’un cédant, un jeune picard qui souhaitait s’installer en maraîchage alors que tous les voisins souhaitaient s’agrandir !

Vous voyez, mes chers collègues, que la question de l’installation en agriculture n’est pas qu’une question d’agriculture, mais aussi une question d’aménagement du territoire régional tant il est essentiel de compter de nombreux paysans dans nos campagnes, et puisque plusieurs de mes collègues ont abordé hier la question de l’économie régionale par le petit bout de leur lorgnette de présidents de communauté de communes bâtisseurs, permettez-moi de l’aborder aujourd’hui de la fenêtre du débat agricole : chaque  commune souhaite aujourd’hui sa zone d’activité,  à la fin il n’y a pas forcément plus d’activité car cette compétition entre les collectivités est souvent un jeu à somme nulle ou on déshabille Paul pour habiller Pierre. Par contre ce que l’on sait c’est que cette artificialisation des terres fait disparaître par exemple l’équivalent de deux fermes chaque année dans les Ardennes, et que les terres perdues à jamais pour l’agriculture sont souvent les plus fertiles.

Nous avions ce débat récemment en commission SAFER avec un conseiller général dont je tairai le nom, je dirai seulement qu’il est très proche de notre collègue Deckens, il était question d’urbaniser 200 hectares de terres agricoles à Rethel, privant en particulier notre lycée agricole de ses parcelles bio. Il existait à l’époque un seul projet sur cette zone d’activité à bâtir, projet très gourmand en surface, mais très pauvre en emploi, emploi de surcroît facilement délocalisable. Et le conseiller général en question me disait que c’était l’avenir et concluait en m’interpellant d’une manière grandiloquente :  « Vous oubliez que la région est tête de file en matière économique ». Je lui ai rétorqué qu’il oubliait lui que le plus beau fleuron de l’économie régionale était l’agriculture, que nous sommes la première région de France pour la valeur ajoutée dégagée par notre agriculture, et je vous étonnerai peut-être en vous disant aujourd’hui que s’il existe un domaine d’avenir pour l’emploi en Champagne-Ardenne, pour peu qu’on choisisse le bon modèle agricole, c’est à l’évidence le domaine agricole, je le redis donc aujourd’hui à nos collègues, quand on parle d’économie, et que l’on est élu régional, il faut tout regarder.

Il n’est pas anodin à ce titre que l’agriculture figure dans la priorité A1 de la nomenclature régionale au chapitre « mobiliser pour l’emploi », et c’est aussi pourquoi on comprend mieux avec le recul pourquoi les écologistes ont eu raison d’obtenir l’intégration de l’agriculture biologique dans cette priorité, et de ne pas la reléguer à la seule préservation de l’environnement à laquelle on la cantonne trop souvent.

Je le disais au début de mon intervention, notre agriculture doit marcher sur ses deux pieds économique environnemental, et à ce titre l’agriculture biologique n’est pas une niche ou évolueraient quelques marginaux définitivement fâchés avec la compétitivité, elle est une autre manière de nourrir le monde, d’une manière plus autonome, plus respectueuse de l’environnement, mais aussi plus efficace économiquement, car là aussi il faut tout compter, mais aussi et peut-être surtout une manière plus dense en emploi, donc plus acceptable socialement. C’est à ce titre, parce qu’il faut récompenser les bienfaits collatéraux de cette forme d’agriculture,  que la région doit traiter l’agriculture bio de manière équitable et donc inégalitaire, dire cela c’est aussi répondre à notre collègue Jean Notat qui souhaite que ce soit pour tout le monde pareil. A ce titre les écologistes veilleront à ce que les objectifs du plan de développement rural en préparation en matière d’agriculture bio soient à la hauteur du plan ambition bio 2017 du ministre le foll, celle d’un doublement des surfaces en 2017, et que les moyens soient mis en regard pour y parvenir.

J’ai prononcé le mot d’autonomie et c’est sur cette notion autour de laquelle selon nous toute la politique agricole régionale doit être bâtie que je voudrais terminer, cette notion doit s’analyser  tant au niveau de l’exploitation qu’au niveau de la région.
Au niveau de l’exploitation, autonomie veut dire production de protéines végétales, travail sur les rotations et diminution des intrants, à ce titre le financement nouveau inscrit au budget régional des bâtiments de stockage des fourrages va dans le sens de l’autonomie, et le financement à la commission permanente de novembre des semences de luzerne apparaît comme un début, timide, du plan protéine végétales que nous appelons de nos vœux. Nous regrettons que le financement d’un diagnostic d’autonomie des exploitations que le groupe écologiste avait fait inscrire aux orientations budgétaires n’apparaisse pas au budget, mais nous avons obtenu des assurances pour qu’il soit repris au plan de développement rural en cours d’élaboration.
Mais l’autonomie se mesure aussi au niveau d’une région, et nous nous félicitons qu’un nouvel appel à projet circuits courts soit prévu en 2014. Il n’est pas acceptable qu’une grande partie de nos bovins soient abattus ailleurs, on a même vu certaines de nos bêtes être abattues en Allemagne pour être découpées en Irlande avant de revenir dans les supermarchés de la région.

Il est capital que nous relocalisions notre agriculture, et que nous conservions en région les outils de transformation, comme nous l’avons fait cet été monsieur le Président avec l’abattoir de Rethel ; ainsi les circuits courts permettent les emplois dans nos abattoirs qui permettent les circuits courts , et s’instaure un cercle vertueux de création d’emplois non délocalisables. On le voit mes chers collègues, en indiquant que notre agriculture doit concilier économie et écologie, en indiquant clairement  quelle agriculture nous souhaitons, nous indiquons aussi quelle alimentation nous voulons, et dans quelle société nous souhaitons vivre.

Christophe Dumont,
Conseiller régional Champagne-Ardenne

Remonter