Regroupement des régions Position des élus écologistes (brouillon) (version 25 avril)

Lors de son discours de politique générale du 8 avril, le nouveau Premier Ministre, Manuel Valls, a annoncé sa volonté de “diviser par deux” le nombre des régions en France et de supprimer les conseils départementaux en 2021.
Cela a provoqué immédiatement la reprise du débat sur l’organisation territoriale de notre pays, débat ancien qui n’a jamais été véritablement tranché. A ce sujet, le gouvernement et la majorité actuelle porte déjà un premier échec. Annoncé pourtant avec vigueur lors de la campagne présidentielle, l’acte III de la décentralisation n’a pas encore vu le jour. Au lieu de cela, plusieurs lois se succèdent pour moderniser l’organisation territoriale sans qu’un nouveau bond en avant soit prévu. Cette annonce du Premier Ministre intervient donc dans un contexte de véritable flottement à ce sujet. Gageons que ce soit les prémisses d’une vraie réforme.

1. Moins de régions ou des régions plus fortes en France ? 

 

1.1 Un millefeuille dénoncé, condamné, mais un millefeuille sans cesse renforcé

Depuis 20 ans, la gauche comme la droite commandent des rapports qui ne sont jamais suivis d’effets. Nous pouvons en compter des dizaines sans que rien n’ait réellement changé. La loi de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010 n’a abouti par exemple que sur une (légère) simplification de l’intercommunalité. Ses autres dispositions (fin des financements croisés, conseiller territorial, etc.) ont été abrogés par la gauche, et heureusement, tant ils relevaient d’une certaine complexité et même inutilité.
Le “millefeuille territorial” est donc toujours dénoncé par tous mais chacun refuse que cela soit sa feuille qui soit supprimée. Pire, la loi d’affirmation des métropoles ajoute un échelon. L’annonce de cette réforme par le Premier Ministre est donc une bonne nouvelle dont il faut se réjouir.  

1.2 Les écologistes soutiennent la fin des conseils départementaux

Historiquement, les écologistes plaident pour un renforcement du triptyque : intercommunalité / région / Europe, les trois devant s’articuler. Le département, découpage cartésien de la France datant de la Révolution est dépassé du point de vue de la réalité de la plupart des territoires. Son échelle ne parait plus pertinente : trop grande par rapport aux bassins de vie pour être une collectivité de proximité et de solidarité, trop petite pour un projet de territoire.
Nous soutenons donc la fin des conseils départementaux, annoncé par le Premier Ministre pour 2021, soit la fin du prochain mandat. Cela doit se faire en lien avec le renforcement des régions et des intercommunalités, qui doivent, selon les propos du Premier Ministre, coller aux bassins de vie pour 2018.

1.3 La question du nombre de régions

Aborder la question du “nombre” de régions est une vision nationale et descendante. La réforme n’aura pas d’intérêt si elle aborde la seule question du redécoupage des régions sans donner les moyens d’en renforcer les compétences et les moyens d’actions. Ce qui est important c’est comment renforcer les régions en tant que territoires pertinents et efficaces pour les politiques économiques, de formation, d’aménagement du territoire, de développement, de transition énergétique, de mobilité, etc. Pour cela, c’est aux territoires de se positionner sur d’éventuels regroupements. La réforme des régions doit donc se faire à partir des territoires et non sur une carte de France. Il faut donc engager rapidement une démarche volontaire et ne pas attendre une fusion décidée par la Loi.

1.4 La réforme des collectivités ne doit pas être une reforme d’austérité

Annoncée dans un contexte de chasse aux dépenses publiques, cette réforme des collectivités pourrait pourtant ne pas créer d’économie. Même mutualisés, les services des conseils régionaux devront conserver leur capacité de gérer des lycées, créer, mener et animer des politiques, etc. Les économies d’échelles, sans doute faibles et contre balancées par des coûts inhérents aux changements (bâtiments du siège, plénières, frais de déplacements, etc.) ne doivent pas être le principal affichage politique de cette réforme. Si elle permettra à moyen terme de faire quelques économies de fonctionnement, la réforme doit surtout viser l’efficacité de l’action régionale, la cohérence sur un territoire et une plus grande lisibilité pour les citoyens, les acteurs économiques et associatifs. 

2. Quel territoire pour notre future région ? 

2.1 Le “piège” de la réunification

La Normandie est citée comme l’exemple du mariage arrangé qu’il faut mener au plus vite. Le fait est que nous sommes les seules régions à partager un nom de façon aussi explicite. Pourtant, ce n’est pas si simple.
Si nous sommes favorables à une fusion – au moins – des régions Haute et Basse-Normandie, le terme de réunification ne doit pas nous enfermer dans une analyse historique qui n’est pas suffisante. De plus, il pourrait bloquer une méthode de réflexion autour de notre projet et de notre territoire régional. Se contenter d’une “réunification” vue comme la fin d’une coupure serait gâcher l’occasion d’aller plus loin. 

2.2 Quelle région Normandie / Manche / Ouest ?

Nous souhaitons porter un projet régional avec les territoires qui nous paraissent pertinents : bien sûr en premier lieu avec la Haute-Normandie, en raison des liens historiques, culturels, et touristiques qui nous relient, mais aussi du fait de plusieurs politiques publiques déjà menées sur l’ensemble de la Normandie.
Plus largement, nous souhaitons aussi porter le débat sur un élargissement de la démarche, en proposant un travail avec les départements de la Mayenne, de la Sarthe et de l’Eure et Loir. Ces départements pourraient devenir orphelins dans la recomposition des régions Pays de la Loire et Centre, et des liens existent avec eux.
Nicolas Mayer-Rossignol, Président du Conseil Régional de Haute-Normandie, a proposé une région Normandie-Picardie, visant de façon plus ou moins avouée des intérêts politiques avec la Picardie et le placement de Rouen comme capitale régionale. Si la Somme et la Seine Maritime peuvent être de bonnes voisines, nous sommes très réservés sur le rapprochement avec l’Oise et avec l’Aisne qui paraît dénué de sens en termes de réalité de proximité de bassins de vie ou d’histoire.
De plus, pourquoi nécessairement s’appuyer sur les limites départementales pour procéder au regroupement des régions ? Il pourrait être possible d’imaginer des limites régionales s’appuyant également sur celles des Pays et des SCOT, ou sur celles des Parcs Naturels Régionaux (Normandie – Maine, Perche)
Le choix des critères de références pour définir le lien entre territoire et former un tout supérieur doit d’ailleurs être discuté. En effet, le regroupement ne peut pas se faire uniquement sur la base de considérations de développement économique. Est-ce plus important de mesurer le flux quotidien de déplacements entre deux départements que l’unité culturelle et surtout la capacité – grâce à un imaginaire commun – d’un territoire à faire ressentir aux citoyens de faire partie d’une communauté ? La Normandie existe, quoi qu’en disent les statistiques sur les déplacements quotidiens ou les relations économiques. Certes l’Histoire ne peut prévaloir, mais nous ne pouvons ignorer l’Histoire. En oubliant cela, nous prenons le risque de créer une région technocratique et non un territoire approprié par ses habitants.

2.3 La question de la capitale 

Nous ne pouvons éluder la question de la capitale de la future région même si cette question ne doit pas bloquer le reste de la réflexion comme cela pu le faire ces dernières années. Après un débat, le choix devra être fait. Il se dégage plusieurs hypothèses :
– La ville de Rouen peut paraître assez évidente au vu de sa taille et de son importance, y compris symbolique (notoriété) mais elle est très proche voire trop proche de Paris et excentrée du reste de la Normandie.
– La ville de Caen constitue un choix d’équilibre économique, politique (la capitale économique resterait de fait Rouen) mais aussi géographique. C’est la capitale universitaire de la Normandie.
– Une autre ville d’importance comme Le Havre est également une possibilité.
–        Enfin, il ne faut pas exclure la possibilité d’avoir deux (ou trois) capitales : imaginons le siège du Conseil régional et l’Université à Caen, et le pouvoir économique à Rouen (CESER).

2.4 Des grandes régions qui coopèrent 

Aujourd’hui, le travail est important avec d’autres régions voisines (Bretagne, Pays de la Loire notamment) et la création d’une grande région ne doit pas limiter les coopérations qui doivent continuer d’exister avec elles, voire même les renforcer. La situation de la capitale peut d’ailleurs se penser en lien avec cela.

3. Quel projet pour la nouvelle région “Normandie + +” ? 

3.1 La taille de régions n’est pas le vrai débat

De grandes régions dénuées de moyens ne seront pas des régions fortes. Il faudra donc obtenir de l’État une clarification des compétences, des ressources et donc de la capacité à agir des Régions. C’est le sens du travail engagé par l’Association des Régions de France. Rappelons que la taille des régions françaises est dans la moyenne européenne et que des Länder allemands sont plus petits que nos départements ! La différence est que les régions françaises ont un budget inférieur aux départements qui sont sur leur territoire.
Les régions doivent donc surtout gagner en moyens financiers avec une autonomie fiscale renforcée (actuellement elles peuvent jouer sur seulement 7% de leurs ressources) mais aussi des moyens d’actions plus efficaces et diversifiés rendus possibles par une évolution législative. Ainsi, la réforme ne doit pas être uniquement cartographique. 

3.2 La région doit devenir la collectivité de référence 

La région doit devenir dans les territoires la collectivité de référence. Il faut donc aller plus loin que le “chef de filat”, pis-aller créé pour laisser subsister plusieurs niveaux de collectivités et des financements croisés, source de complexité pour les bénéficiaires de politiques publiques.
La région doit récupérer, dès le prochain mandat, certaines compétences des Conseils Départementaux (transport, collèges, développement économique, tourisme etc.) mais aussi de l’État pour que la décentralisation soit complète par secteur thématique (par exemple sur la formation professionnelle). Il est nécessaire que les régions gagnent en responsabilité sur leur territoire.
 
Le projet de loi dévoilé jeudi 24 avril semble déjà organiser le transfert de certaines compétences du département vers la région sur le transport et l’économie notamment.
De plus, la capacité d’adaptation réglementaire que pourrait conquérir les régions (un temps annoncé par JM. Ayrault) est nécessaire pour leur permettre d’agir vite et mieux. De même le caractère prescriptif des schémas régionaux doit être renforcé. C’est pour cela que nous sommes opposés à la suppression de la clause de compétence générale qui pourrait restreindre la capacité d’innovation politique et d’expérimentation des régions, ceci près à condition qu’elle soit la collectivité de référence et donc que la suppression des conseils départementaux aille à son terme !
Enfin, rêvons un peu et imaginons des régions avec une capacité réglementaire, libre de s’organiser, … une France fédérale qui reste à défendre !

3.3 Un nouveau projet pour une nouvelle région

Avec un nouveau découpage régional, quelles qu’en soient ses limites, nous devons préparer un nouveau projet territorial. La future région ne pourra être une “addition” de politiques : elle est un nouveau territoire dont il conviendra de définir le projet. Nous devons donc affirmer dès aujourd’hui que nous allons construire un projet commun, global, cohérent et surtout inédit. Or, nous entendons déjà parler à nouveau de la LNPN, du contournement routier Est de Rouen, etc. Ces projets dépassés gagneront ils à être la priorité d’une plus grande région ? Et à l’inverse, une plus grande région donnera-t-elle des moyens à ces projets d’être réalisés ? Nous devons, si la région est plus grande et plus forte, réinterroger ces projets à l’aune de notre nouveau territoire et de son nouveau projet politique.
De plus, sachons proposer et construire un projet global. Crise oblige, l’économie et le développement du territoire sont devenus l’alpha et l’omega de la politique publique. Mais c’est oublier trop vite que ce développement ne dépend pas que de la politique économique. De plus grandes régions ne devront pas focaliser leur politique sur l’objectif de croissance et devenir en quelque sorte de grandes agences de développement !

3.4 Mutualiser dès maintenant des politiques et renforcer ce qui marche déjà

Afin de nous préparer au changement nous proposons que soient organisés des premières régionalisation de politiques. Les acquis et les histoires sont importants de chaque côté. Commencer, comme pour l’union Européenne, par de petits pas peut permettre d’apprendre à travailler ensemble. Des politiques communes fonctionnent déjà : tourisme, culture, estuaire Seine, littoral etc. Elles pourraient être renforcées.
Nous proposons des pistes : concrétiser le travail autour de l’axe Seine en réfléchissant à une gouvernance commune et un projet commun de la politique portuaire de nos régions, définir  un plan rail commun, élargir notre stratégie EMR, rationaliser (enfin) l’offre aéroportuaire, etc.

3.5 Conserver la proximité

Une grande région peut contribuer à éloigner les centres de décisions et l’administration régionale des citoyens. La proximité doit être garantie y compris en rééquilibrant l’éloignement géographique de la capitale. Ce sera d’ailleurs un point de paradoxe puisque des moyens nouveaux pourraient être ainsi engagés pour créer des antennes dans les départements devenus éloignés. Une autre solution pourrait consister à s’appuyer sur le réseau d’intercommunalités pour décentraliser à l’infra le dialogue avec les territoires, les acteurs et les citoyens.

4. La méthode 

4.1 Quel débat avec les citoyens ? 

En renversant la problématique, en ne se donnant pas l’objectif de réduire le nombre de régions mais bien d’en penser de nouvelles plus cohérentes et efficaces, le rôle du citoyen et des différents acteurs du territoire est central. Reste à savoir comment organiser le débat et comment les citoyens peuvent être soit associés à la décision, soit en être les décideurs (référendum).
La campagne des élections régionales sera un grand moment de débat, il ne faudrait pas qu’il soit le seul. Nous proposons qu’un débat, type Commission nationale du débat public, s’organise dès le printemps 2015 dans nos régions.
En attendant, les CESER peuvent être saisis de la question, notamment pour évaluer les impacts d’une nouvelle région dans tous les domaines de la vie du territoire.

4.2 Les conséquences concrètes à anticiper dès maintenant

Nous devons dès aujourd’hui imaginer les différentes étapes vers la fusion, que nous mènerons avec les conséquences concrètes que cela peut impliquer : quelles mutualisations pour quels suppressions de services ? Quels équipements seront déménagés ? Sommes-nous prêts à voir partir des équipements de capitale régionale ? Si oui, lesquels ?
Liste non exhaustive des équipements de capitale régionale :
– CHU
– Université
– Services déconcentrés de l’état
– directions régionales d’entreprises et établissements public
– chambres consulaires,

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