Interview de Yanic Soubien par le Centre inffo – juin 2005

Yannick Soubien
vice-président du Conseil régional de Basse-Normandie, en charge de la formation tout au long de la vie

Interview parue dans Inffo Flash 661 du 16 au 30 juin 2005

En matière d’apprentissage, la Région Basse-Normandie met en œuvre les conditions d’une articulation de l’ensemble des voies de formation professionnelle initiale et continue, dans un contexte de baisse démographique. Yannick Soubien explique le contenu d’une telle stratégie.

Inffo Flash : Quelles sont les différentes modalités d’intervention de la Région en faveur du dispositif “emplois tremplins” ?

Yannick Soubien : La Région Basse-Normandie fait du dispositif “emplois tremplins”, un outil d’aménagement du territoire et de développement local. La Région se propose de soutenir les associations qui s’engagent dans le maintien et le développement d’activités d’utilité sociale et d’intérêt général. Elle accompagne la création de 500 emplois dans les domaines de la culture, du sport, de l’éducation, de l’environnement et de l’intégration sociale. Le but consiste à favoriser la création et le développement d’activités et donc la création de postes pérennes.

Pour ce faire, la Région accorde une aide financière pluriannuelle dégressive sur quatre ans de 33 000 euros par emploi, ou de 48 000 euros si le bénéficiaire est une personne prioritaire au regard des politiques de l’emploi. De plus, la Région s’engage à prendre en charge le coût d’ingénierie nécessaire au montage du projet ; à participer financièrement aux frais de formation du bénéficiaire de l’emploi tremplin ; et à accompagner les associations qui pourront s’appuyer sur les services des DLA (dispositifs locaux d’accompagnement).

Inffo Flash : Quelle est votre stratégie régionale en matière d’apprentissage ?

Yannick Soubien : Notre stratégie consiste à mettre en œuvre les conditions d’une articulation de l’ensemble des voies de formation professionnelle initiale et continue dans un contexte de baisse démographique. C’est au regard d’une situation alarmante concernant le taux de chômage des jeunes dans notre région (25,7 %, contre 21,8 % au niveau national) et de leur faible niveau de qualification que nous structurons notre politique en matière d’apprentissage, à laquelle nous assignons plusieurs objectifs :

- développer les niveaux de formation IV, III et les niveaux supérieurs ;
- développer l’apprentissage pour les publics en difficulté ayant quitté le système scolaire prématurément ;
- créer des CFA publics permettant une meilleure couverture territoriale et la mutualisation des moyens existants au sein des EPLE1 ;
- et favoriser l’accès des jeunes filles à des formations auxquelles elles ne se destinent pas habituellement.

Dans cette perspective, nous devons nous engager dans une démarche d’amélioration de la qualité, tant au niveau du déroulement des formations que des conditions d’accompagnement techniques et matérielles des apprentis.

Ainsi, nous souhaitons mettre en place des actions de renforcement du soutien aux apprentissages théoriques, de lutte contre le décrochage et les ruptures de contrats, de professionnalisation de l’ensemble des acteurs de l’apprentissage.

De même, nous engagerons des réflexions autour des problématiques de transport, d’hébergement et de restauration, du développement de l’accueil des publics handicapés par un renforcement de l’accompagnement pédagogique personnalisé, et nous mènerons des expérimentations de situations de formation favorisant la démarche de reprise ou de création d’entreprise.

Inffo Flash : Quelles sont les initiatives régionales en faveur des TPE et des PME dans le cadre des contrats d’objectifs ?

Yannick Soubien : Le tissu économique bas-normand est constitué de nombreuses PME dans le secteur artisanal et commercial qui sont dynamiques en termes de création d’emplois et constituent des outils de la vitalité et de l’aménagement du territoire en Basse-Normandie, une double contrainte que nous devons appréhender simultanément.

La crise démographique à laquelle nous devons faire face nous amène à conduire une politique d’accompagnement et de formation pour répondre au déficit de main-d’œuvre qualifiée d’un certain nombre de secteurs et de métiers et à anticiper la reprise d’entreprise. La Région mène depuis de nombreuses années des actions appuyées sur les compagnies consulaires ou les branches professionnelles pour accompagner la formation de futurs créateurs ou repreneurs, pour professionnaliser les chefs d’entreprise aux enjeux de l’évolution de leurs métiers et de leurs organisations, pour renforcer les plans de formation des salariés. Compte tenu de l’enjeu que représente la sauvegarde des entreprises via leur reprise pour notre région d’ici cinq à dix ans, nos réponses en la matière sont aujourd’hui quantitativement et qualitativement insuffisantes. Plusieurs objectifs sont à appréhender.

La Région envisage donc de définir et structurer une nouvelle politique en termes d’orientation vers les secteurs structurants de l’économie régionale, de conduire une communication positive sur les formations et sur les secteurs professionnels porteurs d’emplois, de concevoir de nouveaux dispositifs favorisant la reprise d’entreprise en lien avec le Schéma régional de développement économique.

Inffo Flash : Comment envisagez-vous de mettre en œuvre les nouvelles responsabilités confiées aux Régions par la loi de décentralisation ?

Yannick Soubien : Il est de la responsabilité de la Région d’assurer la formation professionnelle des demandeurs d’emploi adultes dans le cadre des transferts de compétences actés par la loi du 13 août 2004. Or, pour autant, au-delà de la perspective de transfert des crédits de l’activité de formation de l’Afpa, la Région n’a pas bénéficié des transferts des moyens nécessaires à ce public. Cette année, nous nous engageons dans une démarche d’expérimentation qui nous permettra d’appréhender la problématique d’orientation tout au long de la vie et de qualification professionnelle du public adulte.

Au-delà de cette nouvelle responsabilité, la Région souhaite faire évoluer l’offre de formation professionnelle et en particulier celle qui s’adresse aux jeunes en phase d’orientation professionnelle. J’ai souhaité que les organismes de formation intègrent dans leur pédagogie des contenus permettant aux jeunes d’appréhender leur environnement économique, social, environnemental et s’arment des outils leur permettant d’être plus acteurs et autonomes de leur parcours, dans une démarche “écocitoyenne”.

Pour ce qui concerne l’exercice de la compétence en matière d’information, de conseil et d’accompagnement des publics vers la VAE, la Région mène une évaluation des dispositifs qu’elle a mis en place dès 2003, de concert avec l’État, en particulier en installant sur le territoire des Points relais conseil pour la VAE. Elle s’attachera à favoriser l’accès à cette VAE aux demandeurs d’emploi ne disposant d’aucune qualification certifiée, ou aux publics de faible niveau, en permettant d’optimiser la phase d’accompagnement, qu’elle soit individuelle ou collective.

Propos recueillis par Philippe Grandin

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