LGV Tours-Bordeaux : convention de desserte et de financement
Par Patrick Du Fau de Lamothe – Intervention en séance plénière du 25 octobre 2010
Monsieur le Président, mes cher/es collègues,
Le Groupe Europe – Écologie – les Verts votera contre ce projet de convention de financement et de desserte de cette Ligne à Grande Vitesse.
Le projet de convention concerne exclusivement la ligne Tours – Bordeaux, la ligne Poitiers – Limoges en est exclue. Il intègre des financements des collectivités de 5 régions. Il fait explicitement référence non seulement à la réalisation du tronçon Tours – Bordeaux, mais aussi de GPSO (Bordeaux – Toulouse et Bordeaux – Espagne par Mont-de-Marsan et Dax). Même si la convention n’est en aucun cas une acceptation juridique de GPSO, elle lie au moins politiquement les deux projets. Dès lors accepter Tours – Bordeaux se serait accepter implicitement GPSO.
J’ai d’ailleurs noté que pour cette raison, le vote du Conseil général de la gironde n’avait pas été unanime. Les référendums sur GPSO organisés en même temps que les élections régionales ont démontré une opposition réelle à ce projet y compris parmi ceux qui votaient pour la majorité actuelle du Conseil Régional. A droite, faut-il encore rappeler les oppositions de Madame Michèle Aliot-Marie ou celle exprimée par Monsieur Bruno Le Maire cet été.
Plusieurs collectivités d’Aquitaine ont d’ailleurs refusé de financer la LGV Tours – Bordeaux.
Pour nous déterminer, nous avons apprécié ce projet au regard des 4 piliers du développement durables que sont :
- L’économie du projet
- Son impact sur l’environnement et l’aménagement du territoire
- Sa dimension sociale
- Sa gouvernance
Je commencerai par la gouvernance.
I – La Gouvernance
On ne peut revendiquer s’inscrire dans une démarche de développement durable et avoir une gouvernance de projets déficiente. Certes les débats publics, les enquêtes toutes aussi publiques ont bien eu lieu. Les apparences formelles ont été respectées par RFF et l’État. Les aquitains ont-ils été écoutés ? Nous pouvons en douter. Et si dans ce genre de grands projets, les empiètements voire les atteintes, voire le démantèlement du cadre de vie de beaucoup sont inévitables, nous tenons à nous manifester à l’égard de tous ceux qui seront atteints par ce projet comme d’ailleurs celui de GPSO à venir, et ce d’autant plus qu’ils nous semblent inutiles.
Quel constat sur la gouvernance ?
C’est dans la plus totale opacité pour les élus que la convention de financement a été mise au point : réunions sans participations des élus, engagement de confidentialité des agents chargés de la négociation. Nous ne pouvons que dénoncer une telle violation du droit des conseillers régionaux à être informés sur ce dossier.
D’ailleurs à l’heure où je vous parle ni les analyses de rentabilité socio-économiques, ni de rentabilité financière, pourtant obligatoire, ne nous ont été communiquées.
Le projet de contrat pas plus ne nous a été communiqué. Nous payons sans savoir ce que nous achetons. Nous ne pouvons que refuser de signer un chèque de plus de 300 millions d’euros à l’État. Le financement des LGV n’est pas de la compétence des collectivités territoriales mais de l’État.
II – L’économie du projet
Les choses sont claires aujourd’hui les financements de l’Union européenne, de l’Etat, de RFF et des collectivités locales représente 4, 752 milliards d’euros valeur 2009, ceux de Lisea (Vinci) seulement 1,951 milliard, à peine plus de 29 %. Ce partenariat était, il y a peu de 50-50. On mesure la fantastique dégradation de la rentabilité financière du projet. RFF devra apporter 1,005 milliards d’euros à Lisea et prendre à son compte pour 755 millions d’euros de dépenses diverses. Ce n’est pas avec ces montants que l’endettement de RFF va s’améliorer. Il est vrai que la dette de RFF n’est pas comprise dans la pharamineuse dette de l’Etat 1592 milliards d’euros qui génèrent 55 milliards d’intérêts par an. Remarquons au passage que les recettes de la Région 1,063 milliard financent 6,6 jours d’intérêts de la dette de l’État.
Le montage financier est présenté comme innovant dans le domaine ferroviaire, une concession pour la construction et l’exploitation de la LGV. Naturellement cette société cherchera son bénéfice, on parle d’un taux de rentabilité interne de 15 % des capitaux investis par Liséa, compte tenu des risques pris. Je dis on parle, puisque même les comptes prévisionnels de ce projet ne sont pas présentés aux conseillers régionaux.
Lisea-Vinci se fera payer par les sociétés de transports ferroviaires qui en répercuteront le coût sur le billet de train. L’arrivée du TGV Est s’est traduite par une augmentation du billet de 20 à 40%. Quelle incidence sur le prix du billet entre Bordeaux et Paris ? Là encore aucune information, nous payons sans savoir ! Notons que RFF perdra les recettes liées à cette infrastructure. Elle devra se financer sur les TER, augmentation des charges des régions et le Fret, ce qui rendra ce dernier encore moins attractif que la route. Et si ce n’est pas suffisant, RFF cherchera à augmenter ses péages vis à vis des opérateurs, SNCF en particulier. Je vous renvoie aux propos répétés de M. du Mesnil, président de RFF, pour lequel le modèle économique de son entreprise n’est plus viable, plombée qu’elle est par une dette de prés de 28 milliards d’euros à fin 2008
En fait sans l’apport massif des capitaux publics pour prés de 71%, le délégataire et ses actionnaires ne pourraient amortir son investissement de 29%. La remarque devra être méditée pour les projets de GEPSO qui portent non pas sur 303 km mais sur 470 km, pour un coût estimé de prés de 10 milliards d’euros avec une rentabilité plus faible encore. Nous refusons cette privatisation rampante du réseau ferré national.
III – Sa dimension sociale
Sur le plan des emplois On nous annonce 60 000 emplois-an. Les mots sont trompeurs. En fait de 10 à 12 000 personnes seront mobilisées par ce chantier, ce qui est important en soi. Ils sont déjà largement pourvus au sein de l’entreprise concessionnaire et de ses sous-traitants. Ce sont les emplois les moins qualifiés qui reviendront à la main d’œuvre locale.
Et après 200 à 300 emplois pour l’entretien des lignes indique RFF.
Sur l’accès aux TGV L’obligation faite au délégataire de se rémunérer uniquement sur cette ligne, se traduira inexorablement d’une hausse des coûts des sillons achetés. Aujourd’hui aucune indication n’est donnée quand à ces hausses qui toucheront le prix du billet. Le risque est naturellement l’exclusion des catégories sociales les moins aisées. Or aujourd’hui près de 50 % des voyages en TGV sont le fait des 10% des français les plus aisés. C’est donc un phénomène que nous allons accentuer.
Il nous faudra également comparer le prix du billet. Bordeaux à 600 km et 2H05 de Paris dans le meilleur des cas, pour quel prix ? Combien paie-t-on sur la ligne Paris – Lyon – Marseille en étant à 2H05 de Paris ?
Nous ne pouvons que nous opposer à un projet financé par tous et qui exclut une proportion encore plus grande de nos concitoyens.
IV – Son impact environnemental
L’emprise sera de 3 300 hectares, 46 millions de m3 de déblais, 30 millions de m3 de remblais, 40 viaducs, 390 ponts, 240 ouvrages hydrauliques mais aussi la nécessité de réaliser 53 km de protections acoustiques. On le mesure les impacts environnementaux seront considérables. Douze zones Natura 2000 seront traversées ou touchées par la LGV Tours-Bordeaux, dont trois zones de protection spéciale dédiées à la préservation de l’outarde canepetière, Tetrax Tetrax de son nom scientifique. Nous devrions nous intéresser davantage à ce migrateur dont les mâles arborent lors de la période nuptiale, de remarquables motifs sur la tête et le cou, des colliers noirs et blancs qu’ils gonflent tout en se redressant. Chers collègues hommes, il me semble que nous en sommes bien incapables encore que nous gonfler d’importance parfois, nous savons faire …, chères collègues femmes je vous signale que la période nuptiale se termine en octobre, alors dépêchez-vous pour profiter du spectacle. Nous pourrions parler encore du gaillet boréal, qui non n’est pas un nom d’oiseau, mais une plante vivace rare présente en nombre.
Un peu de légèreté dans le propos, mais on comprendra aisément que de tels volumes de matériaux extraits, transportés, replacés ne peuvent être sans incidence sur la biodiversité. On parle de compensation, non cela n’existe pas. 750 hectares déboisés, 1200 replantés, il faudra le vérifier.
2010 était année de la Biodiversité, oui conjuguons au passé bien que l’année ne soit pas terminée. L’État par la voix de son ministre de l’écologie ne s’était-il pas engagé pour que dorénavant les analyses socio-économiques prévues par la loi d’orientation sur les transports intérieurs intègrent l’impact valorisé du projet sur la biodiversité ? Qu’en est-il ici, nous n’en savons rien, puisqu’elle ne nous a pas été communiquée. Gageons que si la valorisation des impacts sur la biodiversité, elle est un coût du projet qui affaiblit sa rentabilité socio-économique avait été réalisée, les Tam-Tam médiatiques se seraient fait entendre. Alors qu’à Nagoya, la conférence sur la biodiversité qui se tient en ce moment, nous invite à mesurer, pour mieux en tenir compte, les apports de la biodiversité, nous répondons par des comportements d’un autre temps.
Depuis le retrait par le Gouvernement, en début d’année, du projet de taxe carbone, parce que « L’environnement ça commence à bien faire », la lutte contre les gaz à effet de serre apparaît moins médiatique, voire plus à l’ordre du jour. Est-ce pour cela qu’aucune compensation carbone, liée à la construction de la LGV, n’est prévue ? Comment notre Région qui professe une exemplarité environnementale ne l’a-t-elle pas exigée, elle qui il y a peu mettait en avant, au moins médiatiquement, son investissement financier dans la compensation carbone de la construction de l’autoroute A 65 Langon-Pau ? Et pour l’A 63 Bordeaux-Bayonne qu’en est-il, et après demain pour la réalisation de GPSO, aucune compensation carbone ?
Pour être complet, il nous faut aborder le report des usagers de l’avion vers le train et celui du fret routier sur les trains.
- Bordeaux à 2H05 de Paris permettra un report de l’avion sur le train. C’est indéniable. Mais l’approche devra être globale. Or nous relevons avec inquiétude que certains, y compris dans cette assemblée, poussent aux soutiens de l’aérien, en prônant le subventionnement des Low-Cost ? Ce n’est pas raisonnable. Remarquons d’ailleurs que faire rouler des trains à des vitesses de près de 350 km/h entraine des consommations d’électricité exponentielle par rapport à une vitesse plus raisonnable.
- Sur le Fret, la situation est encore plus simple. Le fret ferroviaire, handicapé, par ses rigidités et ses coûts, s’écroule. Plus de 1 milliard de pertes en 2009 pour SNCF avec un chiffre d’affaires en baisse. SNCF ne s’y trompe pas, avec ses filiales Géodis et Calberson, elle est le premier transporteur routier de France. Sans contraintes sur le routier, euro-vignette, eco-taxe, taxe carbone, ou autre obligation d’emprunter les lignes ferroviaires pour le trafic de transit, alors les autoroutes ferroviaires sont condamnées à l’échec. Que voyons-nous ? Rien. Alors que la période 2012-2016 aurait pu être mise à profit pour aider les transporteurs routiers à se reconvertir ? Il n’en est rien. Oui, nous sommes pour la croissance du fret ferroviaire et la décroissance du fret routier.
Enfin, en matière d’aménagement du territoire, il est bien connu que les LGV privilégient les grandes métropoles au détriment des zones rurales.
Face aux impacts écologiques de sa construction, face à l’absence des conditions de réussite des reports de l’avion sur le train et de la route sur le fer, l’impact environnemental nous apparaît négatif.
V – Alors que proposons-nous ?
La grande vitesse pour tous les Aquitains.
L’Europe range en catégorie I de la Grande vitesse, la meilleure, les lignes classiques où les trains peuvent rouler à plus de 200 km/h et celles spécialement conçues où les trains peuvent circuler à plus de 250 km/h.
C’est un grand plan de régénération des lignes aquitaines que nous prônons. 842 millions d’euros, le montant apporté par les collectivités d’aquitaine à Tours-Bordeaux se sont plus de 600 km de lignes qui pourraient être totalement rénovées. Nos trains TER auraient un réseau enfin digne des matériels que nous achetons, où nous pourrions les faire rouler à la Grande Vitesse européenne, plus de 200km/h, avec un service de qualité dont bénéficierait la totalité des aquitains. Sachons reconnaître que malgré les efforts de la Région, le compte n’y est pas.
Il y a un vrai conflit d’intérêts. Les promesses du Grenelle sont déjà envolées. On préfère pousser quelques centaines de Km de lignes LGV qui ne seront jamais rentables au lieu d’investir massivement dans les milliers de kilomètres de lignes non entretenues par SNCF depuis longtemps. Certaines y compris, en aquitaine seront mêmes totalement supprimées.
Parce que le choix fait d’investir massivement dans Tours-Bordeaux, puis ultérieurement dans Bordeaux-Toulouse et dans Bordeaux-Espagne n’est pas compatible avec les objectifs du développement durables et donc une nécessaire et rapide conversion de l’Aquitaine à l’écologie, nous ne pouvons que nous opposer à ce projet.