Intervention sur la reprise du centre de Latresne, le projet de création de l’Aérocampus Aquitaine et la convention constitutive relative à l’internat d’excellence

Par Martine Alcorta – Intervention en séance plénière du 20 décembre 2010

 

Monsieur le Président, mes cher/es collègues,

Ouvrir enfin un site aussi majestueux que le château de Latresne et le rendre accessible enfin aux regards de ses riverains est un événement dont on ne peut que se réjouir.

Sortir ce lieu de l’enfermement militaire dans lequel il était plongé voilà un fait qui nous ravit. Mais nous aurions souhaité que la reconversion du site prenne une autre direction que celle qui lui est assignée. Tout d’abord parce qu’elle ne rompt pas vraiment avec le militaire dont elle assurera encore des formations et ensuite parce que le site sera entièrement consacré à des métiers que certains considèrent comme des métiers d’avenir, ce qui n’est pas tout à fait notre point de vue.

On peut se demander en effet si avec les nécessités climatiques, l’aviation civile saura réduire ses impacts sur l’environnement comme elle s’y est engagée. Le 8 octobre 2010 à Montréal, l’OACI, l’Organisation l’aviation civile internationale, s’est engagée à ce que les émissions de CO2 soient stabilisées à partir de 2020 et qu’une norme sur les émissions de CO2 soit établie d’ici 2013.

Certes, on considère que les émissions que l’aviation ne participe qu’à hauteur de 2,5 % des émissions mondiales mais vu l’altitude à laquelle ces émissions sont émises, le GIEC les évalue à 5 %. Il faut aussi savoir qu’entre 1990 et 2005 dans l’UE où les émissions totales ont diminué de 5,5 % alors que celles de l’aviation ont augmenté de 87 %.

D’après plusieurs études, les émissions à 10-11 km au-dessus du sol contribuent de 3 à 4 fois plus au changement climatique qu’au sol. En pratique, cela signifierait qu’un passager qui effectue un vol aller-retour transatlantique (environ 12 000 km) contribue autant au changement climatique que s’il parcourait 36 000 km en voiture, soit 2 ou 3 ans d’utilisation moyenne d’une automobile.

L’avion vert est-il possible demain ? Dans le domaine de l’aviation de loisir, l’avion vert est peut-être réaliste, on voit évoluer déjà des prototypes d’avions solaires ou électriques mais l’affaire s’avèrera beaucoup plus compliquée dans le domaine commercial.

L’aviation commerciale est très dépendante du pétrole. Aucune alternative crédible au pétrole n’existe pour alimenter une flotte d’avions comparable à la flotte actuelle.

Lorsque le prix du pétrole atteindra un record d’augmentation parce que ses ressources accessibles facilement se raréfieront, parce que la demande des pays émergents va exploser, qu’en sera-t-il du transport aérien qui conditionne fortement le secteur industriel de l’aéronautique ? Il y a un risque à développer et soutenir avec des finances publiques un secteur qui peut montrer une certaine fragilité dans l’avenir. La mono formation sur laquelle s’oriente le centre nous pose question.

Quant à l’internat d’excellence, quelques remarques sur l’idéologie de l’excellence qui nous laisse avec de nombreuses interrogations. Grâce à l’emprunt national nous aurons donc des campus d’excellence, des pôles technologiques d’excellence, des laboratoires d’excellence… Innover est presque ringard. Il faut maintenant exceller.

Dans un contexte où les finances publiques sont à la baisse, on est en droit de se demander si le discours officiel sur l’excellence n’est pas la justification intellectuelle et morale d’une au détriment du plus grand nombre ? Le discours sur l’excellence ne deviendra-t-il pas un discours sur la rareté ? A moins que l’excellence ne soit au contraire une volonté politique de donner plus à ceux qui en ont eu moins.

Nous avons eu l’occasion d’évoquer par ailleurs lorsque nous proposions une école de la deuxième chance, que nous sommes favorables à donner mieux et plus à ceux qui n’ont pas eu les mêmes chances que d’autres de devenir « méritants ».

Le mérite n’est pas comme le laissent entendre certains discours trop libéraux une caractéristique de la personnalité indépendante des conditions sociales et culturelles de vie que les jeunes n’ont pas choisies.

On ne nait pas méritant, on le devient et il peut être intéressant que des politiques régionales puissent infléchir des trajectoires en offrant à des jeunes éloignés des conditions de réussite les cadres permettant une résilience de leurs comportements de démotivation.

L’internat d’excellence, s’il doit participer non pas à déshabiller Paul pour habiller Pierre, mais à redonner une chance à ceux qui par leur éloignement social et culturel n’ont pas eu les mêmes chances d’affronter les méandres de l’apprentissage, ne peut être qu’une excellente décision.

Monsieur le Président, mes cher/es collègues, je vous remercie de votre attention.

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