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Lettre de Yann Wehrling à François Hollande
du 24 octobre 2006

Le volet énergie, l’immigration et les rapports Nord-Sud

Cher François,

Dans un courrier daté du 10 octobre, tu réponds à un des points importants de discussions entre nos deux partis en vue d’un éventuel accord électoral et programmatique pour les élections législatives de l’an prochain : la proportionnelle aux élections législatives.

Je te remercie de cette réponse et je note que les réunions qui ont eu lieu à ce sujet ont permis d’avancer. Comme tu le sais, le point auquel nous tenons demeure le caractère correctif de la dose de proportionnelle dès lors que cette dernière ne concernerait qu’une centaine de siège sur la totalité d’une Assemblée qui resterait à 577 sièges.

Depuis quelques semaines, des discussions ont eu lieu entre les Verts et le PS sur d’autres points programmatiques. Je veux profiter de ce courrier pour te préciser les priorités programmatiques des Verts.

Je crois important que les Verts puissent clairement et publiquement faire état des réformes qu’ils voudraient voir mises en œuvre au cours de la prochaine mandature en cas de victoire d’une coalition de la gauche et des écologistes l’an prochain. Il nous appartiendra de pousser plus loin nos discussions et de clarifier l’état de nos convergences et de nos divergences.

D’ores et déjà, je souhaite te faire part des priorités qui sont les nôtres, sur 4 grands sujets, que je complète en fin de ce courrier par 3 sujets supplémentaires et un comparatif (en annexe) plus approfondi de nos projets respectifs.

La proportionnelle pour les législatives de 2012, adoptée sous la forme d’une loi électorale dès les 6 premiers mois de la mandature, est, comme je l’indiquais en début de ce courrier, un élément très important de nos revendications.

Notre approche de l’économie a pour but de réduire les précarités et de mettre en œuvre un véritable développement soutenable. La croissance économique ne fait pas partie des remèdes miracles que vous invoquez. Vous faites d’ailleurs vous-même référence à de nouveaux indicateurs tels que l’indice de développement humain. Mettre en œuvre cette idée de nouveaux indices appelle donc des concepts nouveaux. De plus, pour une économie très clairement contrainte par le développement soutenable, il faut oser organiser la décroissance de l’« empreinte écologique » de nos activités économiques.

Concrètement, parmi les principales mesures fiscales et économiques, nous voulons réhabiliter l’impôt comme outil de lutte contre les inégalités et nous proposons que les taux d’imposition sur le revenu soient rétablis à leur niveau de 2000. Nous plaidons pour une contribution spéciale payée par toute entreprise procédant à des licenciements collectifs alors qu’elle réalise des bénéfices. Enfin, nous proposons qu’une part de la taxe professionnelle soit assise sur l’empreinte écologique des entreprises et que les investissements pour réduire cette empreinte fassent l’objet d’exonérations dans le calcul de l’impôt sur les sociétés.

Nous croyons également aux bénéfices que pourraient apporter à la société française tout le secteur de l’économie sociale et solidaire et les petites entreprises. Par exemple, nous souhaitons que soit votée une loi-cadre permettant la transmission aux salariés des entreprises dont le responsable part en retraite.

Nous souhaitons également qu’une attention toute particulière soit apportée aux jeunes, les plus soumis à la précarité. Nous proposons une allocation d’autonomie pour les 18-25 ans. De même, nous souhaitons l’adoption rapide d’une loi encadrant et limitant l’usage des stagiaires.

La précarité, c’est aussi l’usage trop fréquent des temps partiels non choisis. Pour les limiter, nous proposons l’obligation pour l’employeur de verser une prime salariale pour les premières heures des contrats à temps partiels afin d’inciter les employeurs à signer des contrats d’au moins 20 heures. Ainsi, tout employé à mi-temps sera assuré de toucher au minimum les 2/3 du SMIC.

Le logement fait également partie d’une préoccupation majeure que doit prendre en main la gauche. Au delà d’un volet lié au respect des obligations en matière de logements sociaux, nous voulons, pour le moins, que le droit au logement soit inscrit dans la Constitution.

Enfin, nous pensons que les 22 milliards d’exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises doivent être éco-conditionnés. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, les exonérations doivent être conditionnées à la mise en place des 35 heures avec embauches compensatoires et au passage des temps partiels à des pleins temps. Pour toutes les autres entreprises, la conditionnalité devra porter sur une note sociale et environnementale obtenue par l’entreprise bénéficiant des aides, en commençant par les entreprises de plus de 1 000 salariés.

Sur le volet énergétique, la France doit répondre à 3 grandes questions : la réponse au choc pétrolier, le défi du changement climatique, et le renouvellement des centrales nucléaires de première génération. Le prochain quinquennat aura à gérer un agenda très lourd sur cette question de l’énergie. Pour relever ces défis, l’implication des Verts dans une coalition de gauche sera déterminante.

Depuis 6 ans, le prix du pétrole augmente. La société entière est frappée et l’Etat ne réagit pas dans une perspective de long terme. Les importations de pétrole et de gaz de la France en 2006 atteindront les 50 milliards d’euros, soit l’équivalent de 1 millions de salaires. À cela s’ajoute les pronostics de coûts du réchauffement climatique qui se chiffrent eux aussi en milliards d’euros. Dès lors, une politique de gauche qui tiendrait compte de la vision des Verts serait de réduire la dépendance énergétique de la France en la transformant en emplois. Sans quoi, nous continuerons la pente vers l’appauvrissement du pays qui sera négatif tant pour les ménages et notre tissu économique que pour l’emploi.

Réduire notre dépendance au pétrole est tout à fait cohérent avec une politique de division par 4 des rejets de gaz à effet de serre à mener au cours des prochaines décennies. Le protocole de Kyoto devra aboutir à une mise en œuvre réelle le 1er janvier 2008. La prochaine négociation pour un nouveau protocole international sera d’une ampleur plus grande avec l’objectif de raccrocher la Chine, l’Inde et les Etats-unis et envisager aujourd’hui bien plus qu’une simple stabilisation. Au plan national, aucun retard ne doit être pris. Nous plaidons pour que, dès 2007, soient engagés des politiques structurelles de long terme : plan national d’isolation thermique du logement ancien ; plan de remplacement des chauffages au fioul et au charbon pour des chauffages bois, géothermique, co-génération... ; maintien et augmentation des aides, crédits d’impôts et exonération fiscale pour toute action favorisant les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et l’usage d’ énergies renouvelables ; réengagement de l’Etat dans l’aide aux communes pour le développement de transports en commun et la promotion de déplacements alternatifs à la route ; abandon des projets autoroutiers et investissement massif dans la rénovation du réseau ferroviaire, notamment pour le fret.

Le récent rapport de la mission d’information parlementaire sur l’effet de serre, présidée par Jean-Yves Le Déaut, préconise des solutions qui vont plus loin que ce que contient le projet du Parti Socialiste. La reprise des propositions de ce rapport serait une impulsion nécessaire mais pas suffisante (les moyens financiers y sont absents).

Enfin, le renouvellement des réacteurs nucléaires de première génération sera à l’agenda du prochain gouvernement. Les choix pour la production électrique devront être fait d’ici 2012. Nous pensons que les investissements dans le nucléaire doivent cesser car ils grèvent les efforts considérables qui doivent être faits dans les économies d’énergie, l’efficacité énergétique, et le développement des énergies renouvelables. Les perspectives dans ces 3 domaines sont très encourageantes. L’EPR doit être abandonné, les engagements de développement des réacteurs de 4° génération également, ainsi que le site d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure. De même, nous voulons engager un projet de reconversion du site de la Hague.

L’immigration et les rapports Nord-Sud doivent faire l’objet d’une nouvelle orientation.
Nous pensons que le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers à toutes les élections est un outil fort de lutte contre les discriminations (à l’agenda de la gauche depuis 1981) et nous proposons son adoption dans l’année 2007 par voie référendaire, dans le cadre d’un référendum de modification de notre Constitution incluan, mais aussi...t également le cumul des mandats, la charte des langues minoritaires, la suppression de l’état d’urgence et du 49.3. De même, nous restons persuadés que la question des sans-papiers ne connaîtra d’autre issue que la régularisation. Il s’agira aussi, pour la France de ratifier la Convention du droit des migrants et de la citoyenneté européenne de résidence.
Cette question de l’immigration doit être traitée, selon nous, dans une vision de rapports nouveaux entre notre pays et les pays du Sud. En premier lieu, nous pensons que le ministère de l’intérieur ne doit plus avoir la tutelle sur les questions d’immigration, afin de sortir celle-ci d’une vision exclusivement policière. À l’époque des flux migratoires mondiaux, nous devons gérer cette question dans un cadre adapté : celui d’un ministère de la coopération, des migrations et de la mondialisation. De même, pour rompre avec la logique inégalitaire présidant aux rapports entre les pays du Nord et ceux du Sud, nous proposons que soit adoptée une loi sur la coopération solidaire qui contiendrait notamment l’abolition inconditionnelle de la dette des pays les plus pauvres, une réforme complète de l’Aide aux Pays en Développement qui devrait atteindre 0,7% du PIB et en contrôlerait mieux le contenu et l’efficacité.
Globalement, nous voulons que la France prenne l’initiative de proposer une réforme de l’ONU afin qu’un gouvernement mondial se mette enfin en place, avec la création d’un Conseil de sécurité économique, financière et sociale, et une Organisation mondiale de l’environnement.

Au delà de ces 4 grandes priorités thématiques, nous tenons également à ce que notre pays fasse des progrès substantiels dans les modes d’agriculture, de gestion de l’eau, et de préservation des espaces naturels et de la biodiversité.

Pour l’agriculture, donnons-nous l’objectif de conditionner fortement toutes les aides structurelles à des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et de la ruralité (suscitant notamment la réduction sensible de l’usage d’engrais chimiques, de pesticides et d’irrigation non printanière). Une politique incitative doit notamment soutenir l’agriculture biologique qui doit passer à 15% de la production d’ici 2012. Par ailleurs, nous demandons l’interdiction des essais en plein champs des OGM et l’amnistie pour tous les militants aujourd’hui poursuivis devant les tribunaux pour avoir commis des actions contre des essais d’OGM.

Une nouvelle loi sur l’eau doit enfin être appliquée avec un vrai principe de pollueur-payeur (pour l’agriculture, l’hydroélectricité, les eaux usées), une progressivité du prix en fonction de la consommation pour limiter les gabegies (accompagné d’une gestion sociale avec un accès gratuit des 40 premiers litres d’eau potable par jour et par habitant et la suppression de la part fixe), et une protection et une restauration des milieux aquatiques. L’exigence européenne d’un « bon état écologique » de l’eau pour 2015 doit être respectée en priorité grâce à une application volontariste de la Directive européenne. Les investissements dans la dépollution de l’eau destinée à la consommation doit être ré-orientée vers des soutiens à des mesures en amont tel que le soutien à l’agriculture biologique et à des pratiques agricoles qui réduisent les atteintes à la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines. Pour faire de la gestion de l’eau un vrai service public, la situation actuelle doit être clarifiée : L’Etat doit favoriser le retour à la régie directe des services d’eau par les communes sous contrôle des usagers en limitant les contrats de délégation à 9 ans avec possibilité d’avenants tous les 3 ans, avec instauration d’une commission de contrôle financier et un renforcement du contrôle démocratique avec la création d’un haut conseil de l’eau doté d’un pouvoir de contrôle et de sanction.

Pour la biodiversité et les espaces naturels, un re-examen de tous les projets destructeurs des espaces naturels doit être fait afin de programmer leur abandon (extensions lourdes, autoroutes). A contrario, les projets, même à petite échelle, de protection d’espaces naturels devront être aidés, notamment pas une réforme de la fiscalité locale qui devra devenir incitative auprès des communes agissant en ce sens. Les atteintes aux lois littoral et montagne seront abrogées. La réintroduction d’ours des Pyrénées sera poursuivie. Les tirs de loups seront arrêtés définitivement. L’Etat donnera à ses établissements publics de l’environnement les moyens financiers d’accomplir leurs missions (ONCFS, CSP, ONF, ...).

Les propositions des Verts sont évidemment plus nombreuses. Mais voici énoncées quelques unes des mesures sur lesquelles nous avons souhaité mettre l’accent car nous sommes convaincus qu’elles apporteront des réponses durables et nouvelles autant sur le plan écologique, que sur le plan social ou démocratique.

Il n’est par ailleurs pas nécessaire de rappeler ici que notre parti, au regard de notre poids politique, demeure aujourd’hui largement sous-représenté au Parlement du fait d’un mode de scrutin qui nous fait barrage, alors qu’aux autres échelons, européen et locaux, nous constituons, depuis plusieurs années maintenant, la seconde force de la gauche (la dernière partielle à Bordeaux le confirme d’ailleurs). Nous maintenons donc le souhait de pouvoir établir avec vous un accord, programmatique biensûr, mais également électoral qui nous permette de disposer d’un groupe parlementaire.

Je te prie d’agréer, cher François, l’expression de mes plus cordiales salutations.

Yann Wehrling


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