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Note de cadrage, groupe V
Dans le cadre de la préparation du projet 2012
Parmi les politiques les plus choquantes mises en œuvre en France ces dernières années, la politique d’immigration de Nicolas Sarkozy a de bonnes chances d’émarger au palmarès. En tant que Ministre de l’Intérieur, puis dans son mandat de Président de la République, il a toujours porté une vision restrictive et radicale de la politique d’immigration. L’actualité a été couverte de renoncements à la justice et aux valeurs de la République, aux Droit de l’Homme ou aux conventions Internationales. La France terre d’accueil laisse place à une Europe forteresse, le discours « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » s’installe comme une idée partagée, la menace de « l’appel d’air » comme un rempart intellectuel infranchissable.
Chassant sciemment sur les terres du Front National, Nicolas Sarkozy associe sans complexe Immigration et Identité Nationale dans un ministère nouveau confié à Brice Hortefeux puis à Eric Besson. Transfuge du PS celui y amènera le co-développement, thème cher au PS qui le concevait comme une vision plus humaine d’une politique de fermeture des frontières. Le principe est simple : on renvoi dans leur pays les candidats à l’immigration mais on leur propose une maigre solution.
Ce ministère est contraint par des objectifs chiffrés, à commencer par les 25000 expulsions par an que préfets et politiques se targuent de dépasser, oubliant les vies déchirées derrière ces calculs indécents. Pour atteindre les objectifs, les méthodes employées par l’administration deviennent toujours plus amorales : la chasse aux sans papiers est ouverte. Partout dans la rue et les transports publiques, à la sortie des écoles, dans les hôpitaux, les maternités, sur les lieux de travail ou lors des mariages se met en place un système bien rôdé basé sur des contrôles systématiques, des arrestations immédiates, une industrialisation de la rétention et une justice expéditive (voire absente) pour arriver plus vite et plus souvent à l’expulsion. Le charter est devenu le symbole de ce schéma inhumain, à destination de pays en guerre (Corne de l’Afrique ou Afghanistan), déchirant les familles, poussant les hommes à préférer le suicide à un retour vers leur pays d’origine.
L’humanité s’efface doucement derrière le système implacable. Les discours d’intolérance, d’exclusion, de racisme deviennent ordinaires. Un ministre condamné par la justice pour avoir tenu des propos racistes est encore en fonction… au ministère de l’Intérieur. Face à ce constat qui consterne les forces de gauche et républicaine du pays la mobilisation est pourtant faible. Et notre pays, historiquement opposé à la délation, y revient progressivement : on a ainsi vu des banquiers, des agents des services de l’Etat ou simplement des voisins informer la police de la situation irrégulière d’une personne menant à son arrestation et à son expulsion.
Les grands objectifs s’affichent : limiter l’accès physique au territoire (contrôle des frontières), contraindre l’accès au droit d’asile, réduit les possibilités de régularisation, d’accès à la nationalité française, traquer le mariage blanc, le travail irrégulier. La communication se veut radicale, virile : comme lorsque Eric Besson rase la Jungle de Calais, rafle 250 jeunes migrants dont 120 mineurs et vient pavaner devant les buldozers.
La gauche n’est pas remise du traumatisme de 2002. L’ombre du FN planera sans aucun doute sur 2012, plus populiste et plus virulent encore, incarné par la fille du leader historique de l’extrême droite. L’erreur des forces de gauche c’est de croire que de parler d’immigration donne des voix au FN. Le FN mobilise son électorat sur l’immigration zéro. A ne pas en parler la gauche déçoit le sien.
Accueil, fraternité, humanité, partage, responsabilité. Une autre politique de l’immigration doit être affichée. Il ne faut pas courir derrière la droite ! Le rapport du collectif « cette France là » évalue à plus de deux milliards d’euros de coût de l’actuelle politique d’immigration. Que sommes-nous capable de proposer avec des moyens équivalents ? Le débat est actuellement ouvert au niveau européen sur la remise en cause des moyens accordés à FRONTEX (outils de contrôle des frontières) et son efficacité. La liberté de circulation est une option envisagée !
96% des migrations on lieu du sud vers le sud, la plupart en pays transfrontalier. L’appel d’air n’est qu’un mythe, un effet marginal. Quand les frontières européennes se sont ouvertes à des pays au différentiel de niveau de vie important (Espagne ou Portugal d’abord et plus récemment les pays de l’est), le raz de marée migratoire tant brandit par les opposants à Schengen n’est pas venu. Le débat doit s’ouvrir sur la liberté de circulation et d’installation.
C’est de notre vision des rapports Nord/Sud dont il est question, des systèmes actuels qui maintiennent ces pays dans la pauvreté et le faible développement. Françafrique, poids de la dette, néocolonialismes, impérialismes, changement climatique ou conflits diplomatiques, nul ne devrait avoir à prendre la route de l’exil. S’il y est contraint nous lui devons assistance.
Les Verts doivent se positionner clairement sur une régularisation de tous les sans papiers. Les régularisations au cas par cas impliquent l’arbitraire et laissent dans la précarité le plus grand nombre, soumis aux exploitations et aux trafics mafieux. Il est indispensable de veiller à l’application du droit d’asile dans l’esprit de la Convention de Genève : l’appliquer en particulier aux victimes de persécutions liées au genre (mariages forcés, violences et mutilations sexuelles…) ou à l’orientation sexuelle.
Nous devons appeler à l’accès pour les migrantes et migrants au droit commun et enfin dépénaliser le séjour irrégulier, notamment amnistier toutes les condamnations relatives au séjour irrégulier. Il faudra supprimer définitivement la double peine, aberration juridique et humaine.
Nous faisons face à l’industrialisation de la rétention : des centres de plus en plus grand sont construits comme celui du Mesnil-Amelot (240 places, ce qui est contraire au Droit Européen). Si Monsieur Besson s’en va que va-t-il en advenir ? Il faut définitivement renoncer aux centres de rétention et autres zones d’attente. Ces espaces pénitentiaires produisent les mêmse effets que nos prisons : violence, zones de non-droit et suicides en cascade.
Mais surtout nous devons retrouver le sens de l’accueil et de la solidarité en mettant en place une vraie politique d’accueil, de suivi et d’accompagnement des primo-arrivantEs : dans l’apprentissage de la langue, l’éducation, la santé ou le logement. La France doit signer, ratifier et appliquer la « Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille » et, en conséquence, aligner le droit à vivre en famille des étranger/es sur celui des Français/es. Egalité et vivre ensemble, c’est aussi offrir la citoyenneté de résidence par l’octroi du droit de vote et d’éligibilité à tou/tes les étranger/es à toutes les élections, faciliter l’accès à la nationalité française et lutter plus efficacement contre les discriminations.
Le monde bouge, si nous ne savons réagir aux défis actuels, comment envisager les enjeux de demain ? Ainsi nous participerons au développement d’un débat international sur les droits des réfugiés climatiques (élargissement de la Convention de Genève ou adoption d’une Convention spécifique).
La mise en œuvre de tous ces principes suppose une refonte totale du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui devra être faite par le prochain gouvernement soutenu par Les Verts et le rassemblement des écologistes.
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