|
|
Textes >
Motions >
Pour une autre politique de l’immigration
Motion adoptée par le CNIR le 20 juin 2010
Le 10 mars 2010, sur proposition du ministre de l’Immigration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, Eric Besson, le Conseil des ministres adoptait un projet de loi visant à durcir encore les conditions d’entrée et de séjour sur notre territoire et à favoriser les expulsions aux dépens du respect minimal des droits des personnes. Ce texte sera présenté en première lecture à l’Assemblée nationale à l’automne. S’appuyant sur un mouvement plus général visant à faire de l’Europe une véritable forteresse, ce projet renforcerait l’arsenal législatif qui éloigne chaque jour un peu plus la France de la terre d’accueil qu’elle devrait être.
Objectifs chiffrés d’expulsion, industrialisation de la rétention, non-respect du droit international, fichage systématique, traque jusque devant les écoles, dans les Préfectures, dans les hôpitaux ou les salles de mariage : face à cette politique, il est indispensable d’appeler au respect des droits humains et des valeurs humanistes de la République.
Se déplacer est le propre de l’être humain, de tout temps les migrations ont accompagné et construit l’Histoire. Contraints par l’esclavage, la colonisation, les guerres ou la famine, portés par l’espoir d’une vie meilleure, ou considérés comme un mode de vie à part entière, ces déplacements impactent autant les pays d’arrivée que les pays de départ.
Les migrations sont souvent un apport important pour les pays d’origine : davantage que toutes les aides internationales, les migrant/es contribuent au développement de leur pays par l’argent qu’ils y envoient. Ces sommes ont l’avantage d’arriver directement aux destinataires pour des projets familiaux et locaux et de ne pas alimenter la corruption et le gaspillage trop souvent liés aux aides d’Etat à Etat. Les migrant/es assurent également des transferts de compétence et de technologie en se formant, en créant des activités et des relations commerciales entre leurs deux pays d’attache, participant ainsi à un développement solidaire.
Les migrations sont tout autant une chance pour les pays d’accueil. Ils répondent à des nécessités économiques ; les migrant/es occupent des emplois insuffisamment pourvus dans des secteurs fortement demandeurs et non-délocalisables (restauration, hôpitaux, bâtiment, entretien…). Ils apportent également une richesse culturelle dans l’ouverture sur le monde qui ne peut être contestée.
Il est indispensable d’affirmer les valeurs essentielles d’accueil, d’échange et de partage, de déconstruire le mythe de « l’appel d’air » en rappelant que la plupart des migrations se font du Sud vers le Sud, entre pays voisins. La fermeture des frontières est meurtrière et inefficace. Elle entretient des réseaux de trafic d’êtres humains, de travail clandestin, des mafias qui vivent du désespoir de ceux qui fuient la misère ou leur pays en guerre. De plus, cette politique d’expulsion menée par le gouvernement coûte chaque année près de deux milliards d’euros à l’Etat. Ne pourraient-ils pas être mieux utilisés ?
Pour une démocratie, il n’y a pas d’alternative à la liberté de circulation et d’établissement. Le principe est simple : les frontières doivent être ouvertes pour permettre la circulation des personnes, selon leurs envies et les opportunités qui leurs sont proposées. Refusée aux esclaves, aux serfs, aux citoyen/nes des dictatures, la liberté d’aller et venir est un des droits fondamentaux des êtres humains. La Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 (article 13-1) reconnaît le droit de quitter son pays.
Le Cnir rappelle que Les Verts doivent porter le projet d’une autre politique européenne de l’immigration. Pour l’élaboration du projet pour 2012, les principes ci-dessous sont indispensables :
Régulariser tous les sans-papiers : à trois reprises en vingt ans, des régularisations nombreuses ont eu lieu en France. L’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Portugal ont procédé ces dernières années à des régularisations plus massives. Contrairement à ce que répète Nicolas Sarkozy, ces régularisations n’ont pas été des « appels d’air », le flux migratoire varie peu au gré des événements politiques, économiques ou climatiques. Les régularisations au cas par cas impliquent l’arbitraire et laissent dans la précarité le plus grand nombre, soumis aux exploitations et aux trafics mafieux.
Supprimer le Ministère de l’Immigration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire : il faut supprimer ce Ministère de « la chasse aux immigrés » pour construire sereinement d’autre approches de la problématique migratoire et des rapports Nord-Sud.
Faire bénéficier les migrantes et migrants du droit commun : dépénaliser le séjour irrégulier et amnistier toutes les condamnations relatives au séjour irrégulier ; supprimer définitivement la double peine ; renoncer aux centres de rétention et autres zones d’attente.
Signer, ratifier et appliquer la « Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille » et, en conséquence, aligner le droit à vivre en famille des étranger/es sur celui des Français/es.
Lutter contre les filières d’immigration mafieuses et les différentes formes d’exploitation de la situation précaire des immigré/es.
Mettre en place une politique d’accueil, de suivi et d’accompagnement des primo-arrivantEs : dans l’apprentissage de la langue, l’éducation, la santé, le logement….
Assurer le droit d’asile dans l’esprit de la Convention de Genève : l’appliquer en particulier aux victimes de persécutions liées au genre (mariages forcés, violences et mutilations sexuelles…) ou à l’orientation sexuelle.
Participer au développement d’un débat international sur les droits des réfugiés climatiques (élargissement de la Convention de Genève ou adoption d’une Convention spécifique).
Tendre au niveau européen vers la liberté de circulation, de travail et d’établissement permettant de valoriser les migrations au bénéfice de toutes et tous.
Délivrer uniquement des visas de long séjour à entrées multiples : pour défendre le droit d’entrée, motiver les refus de visas.
Réaliser la citoyenneté de résidence par l’octroi du droit de vote et d’éligibilité à tou/tes les étranger/es à toutes les élections, faciliter l’accès à la nationalité française et lutter plus efficacement contre les discriminations.
La mise en œuvre de ces principes suppose une refonte totale du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui devra être faite par le prochain gouvernement soutenu par Les Verts et le rassemblement des écologistes.
Dans l’immédiat, Les Verts appellent, en lien avec les associations, à se mobiliser contre le projet de loi Besson.
|