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La géologie contre l’enfouissage en profondeur des déchets nucléaires

7 septembre 2005

Argumentaire contre l’Enfouissement des Déchets Nucléaires Point de vue d’un Géologue Pétrolier Alain MALLET - Ingénieur E.N.S.P.M.  Commission Energie des Verts



Pourquoi un pétrolier dans les déchets ?

Ayant assisté au débat « Quelles énergies pour le 21è siècle et au delà » à Paris le 30 janvier 2003 avec Hubert REEVES, (Astrophysicien bien connu) les pétroliers et les Nucléocrates, j’ai été très surpris de constater qu’il y avait collusion entre pétroliers, Partisans du nucléaire et des « Ecologistes » pour le nucléaire (je ne savais pas que cela pouvait exister, cela doit provenir d’une mutation par irradiation !).

Ces braves gens ont été d’accord, y compris H. REEVES, pour écarter d’entrée le problème des déchets car devant être résolu d’ici là par la recherche...

En conséquence en 2100 les consommations d’énergie seraient les suivantes : -35% pour les énergies fossiles -52% pour le nucléaire -13% pour les renouvelables.

Ce qui impliquera 10 000 réacteurs nucléaires dans le monde dont 150 en France.

Les économies d’énergie n’ont pas non plus été évoquées lors de la présentation.

Devant tant de mauvaise foi et d’irresponsabilité, il y a eu quelques réactions de personnes jeunes dans la salle. Eh oui, ils se sentent plus concernés que les sénateurs de l’énergie qui constituaient l’essentiel de l’assemblée. Le représentant de « Nature Environnement » qui participait théoriquement au débat s’est fait rappeler à l’ordre pour la longueur de son intervention après 1 minute et demie.

Quant à moi, je suis sorti perturbé par tant d’inconscience et de sérénité et quoique n’étant pas du tout spécialiste ni informé du problème des déchets nucléaires, une réflexion de mon épouse attirant mon attention sur le fait que dans la plupart des communes, le tri des déchets était effectué de façon fort citoyenne en vue de leur traitement et de leur élimination, je me suis demandé pourquoi l’industrie nucléaire entassait tout cela sous son lit depuis 40 ans !

Eh bien tout simplement parce qu’il n’y a PAS DE SOLUTION SATISFAISANTE ET QU’IL N’Y EN AURA PAS.

Le laboratoire de BURE

J’ai appris qu’un « Laboratoire souterrain » destiné au stockage des déchets était en cours de fonçage à BURE et qu’une loi de Déc 1991 avait fixé à 2006 la définition de la stratégie concernant ces déchets suivant trois axes à savoir :

1. Séparation et transmutation 2. Stockage géologique profond 3. Conditionnement et entreposage de longue durée

-  Le premier point équivalent à « O » déchet est un rêve scientifique du genre Impunité « O », « O » papier en informatique (+ 40% d’après les études les plus récentes) etc, Pour le moment, c’est pratiquement équivalent à « O » résultat pour beaucoup d’argent investi.

-  Le troisième correspond à ce qui se fait actuellement. Tout en surface sans savoir exactement de quoi il s’agit avec les risques que cela comporte : terrorisme international, chute d’avion gros porteur, etc

Le premier inventaire ! est attendu pour 2004 par la Commission Nationale d’Evaluation (C.N.E.) instituée par la loi du 30 Déc 91 mais l’ANDRA est confrontée à quelques difficultés.

Elle distingue actuellement :

42 familles de colis qui représenteraient 32000m3 auxquels il faut ajouter 21 000 m3 en vrac et ceci pour la seule catégorie des déchets M.A.L.V. (Moyenne Activité à Longue Vie).

On voit que dans ces conditions, il ne reste qu’une solution. On met ça dans un trou, on bouche et on n’en parle plus.

Dans son dernier rapport (n° 8 Sept 2002), la C.N.E. en prend conscience dans son introduction, je cite : « le stockage en formation géologique profonde de certains déchets sera, à son avis, nécessaire, quelle que soit la stratégie retenue ».

On se demande pourquoi il y a ensuite 110 pages de démonstrations hautement scientifiques !

En tant que Géologue Pétrolier, spécialiste des formations géologiques et des fluides contenus, rencontrées en profondeur jusqu’à 6500m environ, je ne puis rester indifférent et je me dois d’apporter un certain nombre d’éléments au débat.

Dès que l’on parle géologie pétrolière, le facteur « TEMPS » devient incontournable dans toute étude, et là, je me suis aperçu que nous étions dans une dimension analogue, voir nettement inférieure, à celle de la durée de vie des déchets.

-  Période de Plutonium 24 110 ans
-  Période de l’Uranium 235 0,7 milliard d’années
-  Période de l’Uranium 238 4,50 milliards d’années

Les physiciens considèrent qu’au bout de 10 fois cette période, la radioactivité de l’élément aura quasiment disparu soit pour le Plutonium 24.110 x 10 = 241 000 ans et 7 milliards d’années pour l’Uranium 235.

Quelques références géologiques.

Ê En 240 000 ans, nous avons vécu 2 glaciations majeures : le RISS et le WURM correspondant à des baisses de température supérieures à 10° et du niveau de la mer de 120 mètres.

Ê L’homme est apparu il y a 5 à 6 millions d’années et Homo Sapiens (nous !) il y a environ 40 000 ans. Le BIG-BANG (naissance de l’univers) a eu lieu il y a 15 milliards d’années (en attendant mieux !). La terre à 4,5 milliards d’années. La vie est apparue sur la terre entre 3,5 et 4 milliards d’années.

Ê La tectonique des Plaques a montré qu’il y a 150 millions d’années, l’Afrique et l’Amérique formaient un seul continent

Ê Les plaques se déplacent actuellement à des vitesses de 4,5 à 12 cm par an.

Ê L’Espagne (plaque ibérique) poussée par la plaque africaine passe actuellement sous la France en formant un bourrelet que l’on appelle les Pyrénées.

Ê Les dernières éruptions volcaniques dans le Massif Central ont moins de 10 000 ans.

Ê Un tremblement de terre de magnitude 5,4 sur l’échelle de RICHTER survenu récemment a surpris tout le monde par son intensité. Son épicentre était pourtant près de Strasbourg où sont suivis et étudiés les séismes du monde entier. Il n’a pu être enregistré correctement car l’amplitude des ondes dépassait l’échelle adoptée habituellement ! J’attends avec impatience le prochain exposé sur les prévisions sismiques fait par les partisans du nucléaire.

Ê Une carte géologique de la France : B.R.G.M. 1/1. 500 000è observée par un néophyte montre une grande complexité avec des failles partout d’où émergent 2 zones plus calmes avec des auréoles concentriques :le Bassin Parisien et le Bassin d’Aquitaine.

Ces 2 zones contiennent les aquifères déjà largement utilisés pour l’alimentation en eau potable, l’irrigation et la géothermie. Elles n’en sont pas pour autant à l’abri de tous mouvements et contiennent de nombreux pièges pétroliers formés récemment ou en cours de formation, donc, ça bouge.

Le stockage de BURE est implanté en bordure du Bassin de Paris et à sa verticale où à proximité des aquifères très importants du TRIAS, du DOGGER et de l’OX FORDIEN calcaire sont présents.

Examinons maintenant de plus près quelques éléments déterminants auxquels il sera impossible d’apporter une réponse résistant à la logique ou au rôle joué par le facteur temps.

Œ Le Rôle des Failles

Une polémique existe entre experts géophysicien. La C.N.E. a tranché en estimant qu’il ne serait pas significatif mais reconnaît l’existence des failles.

Les argiles du Callevo Oxfordien sont peu épaisses avec en épontes des niveaux carbonatés perméables. Les communications peuvent exister ou s’établir plus tard. Exemple : le récent tremblement de terre a fait rejouer un grand nombre de failles de la région.

Expérience pétrolière

-   Ni les géophysiciens, ni les structuralistes n’ont jamais pu détecter les failles « utiles » c’est-à-dire celles par où cheminent les fluides.

-   Des fermetures de gisements importants se font sur des failles peu apparentes,

-   Des « logs » de fracturation très sophistiquée sont fournis par les diagraphies enregistrées dans les forages. Elles permettent rarement de détecter « la fissure » qui fournira l’essentiel de la production du forage.

C’est finalement l’historique de production du gisement et la multiplication des forages qui fournit une image réelle du gisement. On ne connaît réellement l’extension et le fonctionnement d’un gisement qu’en fin d’exploitation.

Citons, pour mémoire, les stockages sous terrains de gaz qui se font dans des structures sélectionnées pour leur homogénéité et proches de la surface.

On y décèle au bout d’un certain temps des failles et le bilan fait apparaître des pertes de gaz. Si c’est du Méthane, ce n’est pas trop grave, s’il s’agit d’éléments radioactifs, c’est plus embêtant.

En résumé, il y a toujours polémique sur le rôle des failles car suivant les circonstances on leur attribue un rôle de drain ou de mur étanche.

L’imperméabilités des argiles

Les forages pétroliers sont des ouvrages qui ne sont pas pérennes, surtout les forages d’exploration, et malgré les recommandations et le contrôle exercés par l’Administration, les cimentations des tubes métalliques au terrain ne sont jamais parfaites.

Des phénomènes de corrosion dûs aux courants électriques circulant dans le sous sol (Potentiel spontané, effets de pile entre métaux différents dans une saumure) accélèrent le processus.

On peut donc considérer qu’au bout de quelques dizaines d’années (voir moins) un certain nombre de ces forages constituent de véritables drains. Ayant travaillé sur la récupération de forages pétroliers pour l’irrigation au SAHARA, j’ai pu constater sur un même forage une communication d’eau saturée salée du Trias avec de l’eau douce de l’Albien avec en plus une rupture de tubage due à un vissage défectueux. Nous avons en France un exemple de stockage en profondeur avec une historique sur 50 ans.

Il s’agit du gisement de Lacq où en fin d’exploitation la pression enregistrée dans certaines zones du gisement de pétrole de Lacq supérieur est plus forte qu’en début d’exploitation. Un réservoir inférieur théoriquement isolé par un imperméable a été utilisé entre temps pour injecter des eaux industrielles.

Malgré recherches, calculs et modélisations diverses, le problème d’étanchéité des couvertures n’a jamais été résolu et de nombreuses méthodes de détection d’accumulations d’Hydrocarbures sont basées sur la modification de paramètres au-dessus du gisement que l’on peut assimiler à un stockage de déchets.

Un certain nombre de colis sont par construction perméable aux gaz et à la température et d’autres le deviendront avec le temps.

Nous avons, un collègue et moi développé et utilisé sur de nombreux forages une méthode de détection basée sur les quantités de gaz et les modifications des rapports des constituants de ces gaz au-dessus des accumulations par étude du réseau micro poreux des déblais de forage récupérés en surface.

On constate, indépendamment de toute notion de perméabilité et de circulation par failles, l’importance des phénomènes de diffusion moléculaires qui permettent à certaines molécules gazeuses de diffuser vers la surface beaucoup plus vite que d’autres dans des séries considérées comme parfaitement imperméables.

CONCLUSION

En 1950, pour la première fois, le problème des déchets de l’industrie nucléaire est abordé mais on fait confiance à la recherche qui résoudra rapidement le problème.

En 1984, RADVANYI et BORDRY (la radioactivité naturelle et son histoire) dans un livre publié à l’ occasion du 50ème anniversaire de la découverte de la radioactivité déclarent : « les fragments de fission sont en général des noyaux radioactifs qui mettent un temps plus ou moins long à se transformer en isotopes stables. N’ayant pas encore trouvé le moyen de les utiliser, ni de les détruire artificiellement, on leur a donné le nom de DECHETS RADIOACTIFS. On a employé différentes méthodes pour entreposer ou se débarrasser de ces déchets. Des progrès doivent encore être faits dans ce domaine et de nombreuses discussions ont lieu à ce sujets ».

En 2003. On a ajouté le Plutonium et le MOX qui se promènent sur les routes (surtout en France) et considérablement augmenté le volume des déchets, mais on ne discute plus, on enfouit et on continue gaiement.

CE N’EST PLUS POSSIBLE.

J’ai lu attentivement le rapport de la Commission Nationale d’Evaluation n° 8 Septembre 2002. C’est un travail sérieux, fait par des gens compétents mais il lui manque 2 dimensions.

1 - Le pragmatisme et la déontologie

2 - Le paramètre temps qui devrait être essentiel n’est pas pris en compte et pour cause :

- On ne peut le faire sur les études de labo - Les modélisations en milieu naturel sont trop complexes.

Un pétrolier peut le faire.

On considère que 90% au moins des gisements d’hydrocarbures ont disparu par dysmigration en surface par le jeu des phénomènes géologiques et physico-chimiques.

Quel que soient les matériaux utilisés et les précautions prises, les phénomènes de corrosion et de diffusion auront raison des emballages et la radioactivité pourra cheminer insidieusement vers la surface en contaminant les aquifères.

Voilà ce que nous voulons laisser à Homo Sapiens que je voudrai bien voir vivre plus que quelques centaines d’années.

Avant de terminer, je voudrai dire quelques mots sur le stockage en massif granitique envisagé sur un certain nombre de sites. Un projet de géothermie profonde financé par l’Union Européenne, la France et l’Allemagne se déroule actuellement à Soultz-sous-Forêts en Alsace.

Les premiers essais ont permis d’établir des circulations de fluide dans du granite entre forages profonds (respectivement 3600 et 3800m ) distants de 400 mètres.

Voilà une utilisation du granite qui peut-être intéressante mais cela me rappelle l’histoire des failles et de l’argile. Un coup ça passe, un coup ça ne passe pas .Tout dépend ce que l’on veut en faire. Le granite étant naturellement radioactif et laissant échapper un gaz radioactif : le radon. Peut-être a-t-on pensé qu’un peu plus ou un peu moins ?

Je n’irai pas jusque là et j’espère que cette option n’est plus retenue pour la France qui à l’échelle géologique, la même que celle de la radioactivité, ne présente aucun site pour le stockage des DECHETS. Trop de déchets sont déjà entreposés et circulent de tous côtés en n’oubliant pas de prendre en compte ceux relatifs au démantèlement des 58 réacteurs français.

Le développement du terrorisme international et les problèmes techniques rencontrés donnent comme objectif immédiat à l’industrie nucléaire de proposer des solutions réalistes pour résoudre ce problème et jouer la transparence en fonction des difficultés rencontrées.

Ce n’est pas au parlement de prendre en catimini en 2006 des options concernant les générations futures (et pourquoi pas un 49.3 ?) alors que rien ne sera clair.

Un débat national sur ce sujet s’impose et j’espère que ce sera une des conclusions du débat actuel sur l’énergie. Les citoyens seront informés et pourront alors être partie prenante des scénari déjà existants pour sortir du nucléaire. Des évènements récents ont montré qu’ils savent se mobiliser sur les problèmes importants.

Les décisions à prendre sur le nucléaire ne sont pas réservées aux scientifiques dont la compétence n’est pas en cause mais sont désormais du ressort des politiques responsables et des citoyens.




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