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urgence écologique planétaire
affronter le monde après HUBBERT

21 avril 2004

Pétrole ... la fête est finie... que faire dans la perspective de l’épuisement à court terme des réserves pétrolières ?



Lettre ouverte à tous les Verts

Affronter le monde après Hubbert

Quel est l’évènement le plus important qui adviendra, en France et dans le monde, dans quelques années ? Le franchissement du pic de Hubbert pétrolier. Les conseillers régionaux et généraux, les députés européens et les sénateurs de 2004, puis, en 2007, le président de la république française, le gouvernement et sa majorité, les députés, les conseils municipaux et les maires des communes, devront alors affronter une série de problèmes nouveaux et considérables. Cette note est destinée à tous les Verts afin qu’ils se persuadent que notre parti doit se saisir de cette question, en faire la première de nos priorités et se préparer aux échéances difficiles qu’elle annonce.

Give me back the Berlin wall
Give me Stalin and St Paul
I’ve seen the future, brother :
It is murder

Leonard Cohen
The Future (1992)

Qu’est-ce que le pic de Hubbert ?

C’est le début de la décroissance de la production mondiale de pétrole tandis que la demande deviendra structurellement supérieure à la production . Selon certains géologues patentés, cet évènement commencera avant la fin de cette décennie (mon estimation personnelle : vers 2007).

Que se passera-t-il alors sur le marché pétrolier mondial ? Un choc. La baisse géologique de la production de pétrole à bas coût d’extraction, concomitamment à l’excès structurel de la demande sur l’offre, provoquera une longue et définitive hausse des prix du baril. Peut-on estimer l’évolution de cette hausse entre les années 2005 et 2015 par exemple ? Non, bien sûr. Mais, certains géologues ou économistes que j’ai pu interroger ou lire évaluent le baril autour de 100 dollars dans moins de dix ans. Rappelons que, depuis trente ans, le baril est bon marché, oscillant entre 15 et 35 dollars. En revanche, à 100 dollars le baril, nous n’avons pas simplement affaire à un choc pétrolier, nous entrons dans un autre monde tant est vaste et profonde la dépendance du monde actuel au pétrole bon marché.

And now wheels of heaven stop
You feel the devil’s riding crop
Get ready for the future :
It is murder

LC

Quelques conséquences prévisibles

Examinons brièvement cette dépendance dans deux secteurs cruciaux : les transports et l’agriculture. L’économie matérielle mondialisée est basée sur l’hypothèse de transports bon marché à longue distance. Tant pour les biens (croissance du trafic de poids lourds, fruits exotiques sur nos marchés toute l’année, fringues fabriquées par les esclaves du Sud...), que pour les personnes (lastminute.com, opodo, low cost et autres charters...), le slogan qui résume la philosophie des transports actuels est : « plus vite, plus loin, plus souvent, et moins cher ». Dans moins de dix ans, ce sera nécessairement : « moins vite, moins loin, moins souvent, et plus cher ». Les pays de l’OCDE, susceptibles de payer cher et chèrement (la guerre !) la conservation de leur économie matérielle tenteront d’affronter le choc en important le pétrole dont ils sont dépendants et donc en exportant la famine pétrolière à l’extérieur de l’OCDE. Les pays pauvres, déjà fragiles, seront fortement déstabilisés au point, par exemple, de dissuader toute compagnie d’assurance de garantir quoi que ce soit sur ces territoires et d’inciter les entreprises transnationales à fuir ceux-ci dans un mouvement général de relocalisation des établissements au Nord. La mondialisation va se démondialiser. Effondrement du Sud.

L’agriculture et l’alimentation humaine sont très dépendantes du pétrole bon marché. On peut estimer que, dans l’Europe actuelle, il faut 10 kWh utilisés dans la production, le transport et la distribution agroalimentaire pour un kWh servi sur la table. Comptons qu’un européen moyen avale environ 1000 kWh de nourriture par an. Déduisons que cet européen réclame 10 000 kWh annuels pour s’alimenter. La composition de cette énergie est beaucoup de pétrole, un peu de gaz naturel et un peu d’électricité. L’agriculture productiviste européenne est très sensible au cours du brut.

Plus généralement, tous les secteurs de nos sociétés « modernes » sont plus ou moins dépendants du pétrole, donc plus ou moins vulnérables à son prix. Retenons la suite des cinq chiffres : 8, 8, 22, 22, 40, qui exprime la composition de la consommation mondiale d’énergie primaire : 8% de renouvelables (hydraulique), 8% d’uranium (nucléaire), 22% de charbon, 22% de gaz naturel, 40% de pétrole. Il faut des dizaines d’années pour modifier sensiblement une telle composition. Cette seule donnée numérique permet de saisir à quel point l’ordre du monde actuel dépend des fossiles (84%), notamment du pétrole. Nous ne changerons pas significativement cette composition en moins de dix ans. Il nous faut plus de temps pour nous désintoxiquer du pétrole. Seules la sobriété et l’efficacité énergétique nous donnent ce temps de la transition, en repoussant la date du pic, en diminuant les risques de guerre.

Give me Christ
Or give me Hiroshima
Destroy another fetus now
We don’t like children anyhow
I’ve seen the future, baby :
It is murder

LC

Changer le positionnement des Verts

Comme tous les partis politiques, Les Verts sont gradualistes et félicistes. Gradualistes au sens où ils espèrent que leurs actions avec les « mouvements sociaux » ainsi que celles de leurs élus dans les institutions parviendront progressivement à orienter la société vers le « développement durable ». Félicistes au sens où ils écrivent dans leurs tracts qu’en votant pour eux ça ira mieux demain. Bref, ce qu’on appelle redonner confiance à la population en réenchantant l’imaginaire collectif par un programme souriant.

J’ai été longtemps gradualiste et féliciste. Il est trop tard pour le demeurer désormais. Si le mouvement réel du monde de 2004 est dominé par l’avènement proche du pic de Hubbert, comme je le crois, alors soyons véridicistes : ça ira plus mal demain, mais nous pouvons atténuer le choc par une mobilisation de tous et dans tous les domaines - en commençant par l’agriculture et les transports - orientée vers la décarbonisation de nos modes de production et de consommation (ceci n’est en aucun cas une publicité masquée en faveur du nucléaire, bien sûr).

Je plaide pour la vérité, c’est-à-dire pour une posture churchillienne d’annonce de lendemains qui ne chanteront pas avant longtemps, pour la conception et la diffusion par les Verts de nouveaux projets Alter, c’est-à-dire de perspectives d’autosuffisance décentralisée, de minimisation des échanges de matières et d’énergie (nouveaux Agendas 21 à tous les échelons, si vous voulez), pour une mobilisation générale de la société autour d’une sorte d’économie de rationnement organisé et démocratique (une décroissance soutenable, si vous voulez). Dans cette économie nécessaire pour réduire les effets du choc, les rations de base étant calculées par personne et non plus laissées au pouvoir d’achat comme aujourd’hui, les inégalités sociales seraient fortement réduites. Bref, une triple responsabilité pour les Verts : l’annonce des difficultés, les scénarios Alter, la mobilisation générale.

Exercice collectif d’application : Réécrire l’ensemble des fiches de la récente AG programmatique des Verts à la lumière du pic de Hubbert.

Exercice individuel d’application : Méditer ce proverbe saoudien contemporain : « Mon père chevauchait un chameau. Je conduis une voiture. Mon fils vole en jet. Son fils chevauchera un chameau ».




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