logo
Commission Energie des Verts
Confédération écologiste - Parti écologiste
logo
ornement
 Sommaire | A la Une | Base de données | Clin d’oeil | Communiqués de Presse | Liens internet | Information ?
Recherche Google

DANS LA MEME RUBRIQUE :
- Proposition de loi relative aux tarifs réglementés du gaz et de l’électricité
- Interventions et Amendements des députéEs Verts
- comment EDF encourage la surconsommation d’électricité

Base de données > Archives > EDF-GDF >


notes de lecture "EDF chronique d’un désastre inéluctable"

Notes de lecture par A. DORANGE, commission énergie L’essentiel est dit dans le titre. L’idéologie libérale triomphante s’attaque aujourd’hui au secteur de l’énergie dont les spécificités réservent de très mauvaises surprises aux consommateurs, aux employés et au service public. Une conséquence non développée dans cet ouvrage est que la privatisation ruinerait définitivement la compétitivité de la filière électronucléaire qui n’a pu se mettre en place et se maintenir qu’avec le soutien de l’état et les traites sur l’avenir.

EDF, chronique d’un désastre inéluctable

par François SOULT Edité par Calmann-Lévy

Du monopole à la libéralisation.

Entre les années 1930 et 1960, partout dans le monde, c’est l’âge d’or des monopoles électriques avec l’intervention (régulation) des pouvoirs publics qui souhaitaient que l’électricité, moteur essentiel de développement, soit accessible à tous (investissement dans la production, électrification rurale) à des prix contrôlés. La forme de contrôle diffère d’un pays à l’autre et prend en France la forme d’une nationalisation en 1946. La production, le transport et la distribution du courant électrique se fait dans des entreprises intégrées à l’échelon national ou régional. En construisant des centrales de plus en plus importantes ces monopoles abaissent les coûts de production et stimulent la consommation et le développement.

Vers les années 1970 cette phase se termine. Il y a une limite à la taille des centrales, les gains de productivité se réduisent, on reproche aux électriciens leurs sureffectifs, leur lourdeur administrative et leur tendance à avoir des parcs de production largement surdimensionnés. Même chose pour les réseaux de transports considérés comme exagérément développés.

Leur statut de monopole et la capacité de fixer les tarifs avec une clientèle captive leur garantit en effet un retour sur investissement confortable. Dirigées par des ingénieurs, les entreprises électriques privilégient les réalisations techniquement prestigieuses (grands barrages de l’après guerre, centrales nucléaires).

La régulation que sont censés exercer les pouvoir publics est difficile alors que toute l’expertise dans le secteur est employée par le monopole lui même.

C’est entre les années 1970 et 1980 que cette tendance au surinvestissement a partout été marquée. L’exemple le plus fameux est le surdimensionnement du parc électronucléaire français justifié par l’idée (grossièrement fausse) que l’augmentation du PIB était proportionnelle à l’augmentation de la consommation énergétique. Ce sont les gros consommateurs industriels, clients captifs eux aussi, pour lesquels la facture énergétique représente une part importante des coûts de production qui ont les premiers réclamé la possibilité de choisir leur fournisseur et de faire jouer la concurrence pour faire chuter les prix. L’ouverture des marchés s’est faite tout d’abord pour eux et ils ont bien obtenu dans un premier temps le résultat escompté car la production était excédentaire et les producteurs devaient diminuer leurs prix pour garder leurs clients et en gagner d’autres. C’est la Grande Bretagne en juillet 1989 (nationalisée depuis 1948) suivie par les Etats Unis qui la première ouvre le marché de l’électricité à la concurrence et privatise le secteur production et le secteur de la distribution.

A partir de 1990 la Communauté Européenne s’engage a son tour dans la voie de la libéralisation avec la création d’un « marché intérieur ». Elle considère que la libéralisation du marché avec introduction de la concurrence garantit une meilleure efficacité et donc une baisse des coûts qui à son tour entraîne une amélioration de la compétitivité, une stimulation de l’innovation et des investissement dans des centrales plus propres et plus efficaces. L’énergie est considérée comme une marchandise ordinaire.

Cela aboutit le 19 décembre 1996 à une première directive ouvrant le marché de l’électricité à 30% en 2000 et 35% en 2003. les seuls bénéficiaires en sont les gros consommateurs dont les charges énergétiques se trouvent uniformisées. Le 25 novembre 2002, une seconde directive décide que l’ouverture du marché de l’électricité et du gaz devra être totale en 2007 (dès 2004 l’ouverture sera totale pour les clients non domestiques).

Comme il n’est pas question de créer des réseaux de transport pour chaque producteur, les réseaux nationaux restent des monopoles de fait mais qui doivent être séparés des producteurs. En fait cela se réduit à la tenue d’une comptabilité séparée avec l’ambition de permettre un accès aux réseaux de transport identique pour tous les producteurs. A terme cela entraîne d ’augmenter les interconnexions pour permettre de très larges échanges entre tous les pays de la communauté (condition pour avoir un vrai marché européen). Des commissions de régulation sont mises en place pour contrôler le respect des règles.

En France la loi dite de « modernisation et développement du service public de l’électricité » crée la RTE (Réseau transport électricité) et la CRE (commission de régulation électricité) pour répondre à ces deux exigences.

Etage supplémentaire au système, la création de « bourses » de l’électricité. Marchés sur lesquels des opérateurs (traders) peuvent acheter et revendre des « paquets de kWh ». EDF crée ainsi une officine (EDF-Trading).

De la libéralisation à la privatisation

Pour répondre à la mauvaise gestion de son secteur public, le gouvernement anglais propose dés 1989 la privatisation à travers l’ « electricity act » et l’éclatement du monopole public en 6 producteurs et 12 distributeurs. Le réseau est lui même une entreprise distincte qui sera côtée en bourse. 10 ans après les résultats sont là, les ententes et les manipulations de prix par les producteurs régulièrement dénoncées par la commission de contrôle anglaise (OFGEM) font augmenter les prix . En 2001 c’est un marché profondément réformé qui est mis en place. Curieuse libéralisation qui a entraîné une augmentation des prix et la nécessité d’une intervention permanente de la commission de régulation pour contrôler un marché incapable de se réguler.

Un marché qui ne marche pas

L’électricité a deux caractéristiques qui en font un bien à part :

1. c’est un bien vital, indispensable et le signal prix a peu d’effet sur le niveau de consommation.

2. C’est un bien non stock able qui doit être produit au moment même de sa consommation (exception pour les barrages hydroélectriques)

Cela signifie que ce sont les producteurs qui doivent ajuster l’offre à la demande et que les traders ne servent pas à grand chose (80% des traders énergie aux USA ont fait faillite).

Dans une situation limite (pic de consommation) les prix flambent (prix multiplié par 100 dans le récent épisode de canicule). Les opérateurs pour augmenter leurs profits ont intérêt à limiter leur capacité de production pour créer la rareté. Le risque de coupure devient alors plus important. La libéralisation menace la sécurité de l’approvisionnement. Actuellement les monopoles existants ont une large surcapacité de production mais que se passera-t-il lorsque les investisseurs devenus privés devront renouveler le parc de centrales très coûteuses (si nucléaires) avec un retour sur investissement très long ?

Si le défaut de production amène à couper l’électricité dans une région, tous les consommateurs seront coupés quel que soit le fournisseur qu’ils auront individuellement choisi. Le changement de fournisseur pour un particulier ne changera strictement rien dans la pratique. Il sera toujours alimenté par la centrale la plus proche et sera dans le noir si elle défaille. La qualité du service dépendra toujours du réseau. Cela fait une différence fondamentale avec d’autre libéralisations (téléphonie mobile par ex) dans lesquelles la qualité du service dépend de l’opérateur.

Les marchés sont cloisonnés géographiquement car les réseaux sont essentiellement nationaux. Un développement important des lignes HT transfrontalières serait nécessaire pour éviter les fluctuations de prix une régulation s’impose.

En pratique, dans les pays ou une ouverture totale du marché est réalisée, bien peu de petits consommateurs changent de fournisseur car les gains sont insignifiants. En fait seul les gros consommateurs ont le pouvoir de faire jouer la concurrence et d’obtenir des baisses de prix.

La lutte entre producteurs pour garder les gros consommateurs conduit finalement les producteurs à réaliser leurs bénéfices sur le dos des petits consommateurs.

L’ouverture du marché demande une restructuration importante des industries qui doivent se séparer (production, transport) et multiplier les frais de gestion sans parler du coût que pourrait représenter le changement des compteurs qui devront enregistrer le détail des consommations au fil de la journée.

La privatisation d’EDF, quelques remarques.

La privatisation eut se faire à plusieurs niveaux :

· Simple ouverture du capital aux capitaux privés, l’état restant majoritaire avec plus de 50% des parts. · La privatisation peut ne pas toucher la maison mère mais seulement des filiales. · L’état peut ne plus être majoritaire mais être l’actionnaire principal. · L’état peut être un actionnaire minoritaire . · L’état peut se désengager totalement. Divers niveaux de désengagement ont déjà été envisagés et acceptés (1 et 2 par le PS et la direction de la CGT) et le désengagement total par l’actuel gouvernement qui envisage de transformer EDF et GDF en SA.

Ce que cela implique

Il faut d’abord faire une estimation de la valeur d’EDF. Les actionnaires privés veulent évidemment savoir ce qu’ils achètent et les risques qu’ils prennent. Or si EDF a une valeur inestimable pour la collectivité sa valeur sur le marché risque d’être très faible :

Au bilan des actifs EDF représente 113 G€ (113 milliards d’euros) mais 1/3 de ces actifs (réseaux de distribution) appartient aux collectivités locales. Le bilan du passif comporte une masse énorme de provisions de l’ordre de 45 G€ (sont provisionnés actuellement 10 G€ pour le démantèlement, 17 G€ pour le traitement des déchets). Or sur ces provisions pèsent deux incertitudes : 1. Leur montant a été largement sous estimé (15% des coûts d’investissement pour le démantèlement) 2. Ces provisions ne sont pas sur des comptes bloqués mais ont été investies en particulier à l’étranger (Italie, Argentine) avec des prix d’achat largement surévalués. Quelle sera leur valeur lorsqu’il faudra les récupérer ?

Le risque d’un accident nucléaire ne peut être assuré par un opérateur privé sauf à payer des primes d’assurances énormes. Comment se fera le partage des risques entre les actionnaires privé et l’état qui devra assumer les conséquences d’un accident ?

A cela il faut ajouter les charges associées aux retraites des 300.000 retraités et actifs d’EDF et GDF. La privatisation oblige les entreprises à se plier aux normes comptables internationales et à inscrire en dette les droits acquis par les salariés. Cela représente entre 50 et 70 G€ . A ce stade, la conclusion s’impose, EDF-GDF est invendable, personne n’en voudra.

Pour éviter cela le gouvernement et la direction de la CGT ont passé un accord qui (en particulier) ne laisse à la charge des entreprises que la part qui correspond aux avantages spécifiques de la branche (1/3 environ). Accord rejeté par les personnels.

Les investissements dans le nucléaire sont très importants avec un retour sur investissement très lent. Qui sera en mesure d’assurer le renouvellement du parc lorsque cela sera nécessaire ? C’est l’état qui avait permis à EDF de réaliser les investissements au prix d’un endettement très important.

Depuis 1999 la situation financière d’EDF s’est fortement dégradée :

Le résultat courant de 2 G€ en 1999 passe à 1.1 G€ en 2000, 900 M€ en 2001, 500 M€ en 2002 et cela malgré un toilettage comptable sophistiqué. La réalité serait plus proche d’un déficit compris entre 2 et 3 G€.

De plus les résultats sont surtout faits dans le domaine du transport et de la distribution et non dans la production. Or c’est ce dernier domaine, moins régulé, qui intéresse les investisseurs privés.

Simultanément la dette passe de 22G€ en 2001 à plus de 27 G€ en 2003.

Les refus des gouvernements successifs d’autoriser des augmentations du prix de l’électricité ont largement contribué à réduire la rentabilité de l’entreprise (il faudrait une augmentation en 15 à 20% du prix de l’électricité pour retrouver la rentabilité de 1998). La conclusion s’impose. Pour un investisseur privé le risque est énorme, il voudra une rémunération au niveau de ce risque. Les victimes seront les consommateurs (augmentation de 15% du prix de l’électricité) et/ou les employés (réduction de personnel pour réduire les charges) comme l’ont montré les exemples des pays qui se sont déjà engagés dans cette voie.


IMPRIMER
Imprimer