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Le point de vue de la Commission énergie sur le Grenelle de l’environnement
2 - Le facteur 4 à l’agenda du Grenelle

Pour cinq ans au moins, l’agenda politique est envahi par les questions jumelles du climat et de l’énergie. La décision de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre de la France par le Parlement , est l’un des choix les plus structurants pour les prochains mandats politiques nationaux et européens. Choisir le Facteur Quatre, c’est accepter un chantier immense, moderniser l’habitat voire les villes elles-mêmes ; c’est changer nos véhicules routiers pour des engins sobres en pétrole, c’est transférer le transport des marchandises sur le rail, le fluvial et sur la mer ; c’est transformer notre fiscalité de fond en comble pour transformer notre économie depuis une conception de colonisateur ou de cow-boy à celle de l’économie entièrement recyclée d’un vaisseau spatial.

Mais il y a encore loin entre la parole et des actes. Un Président, ou même un « hyper-président » pourra être tenté de temporiser, de faire dans les demi-mesures, voire choisir des fausses pistes inopérantes. Cette hésitation pointe nettement chez Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy à la veille des plénières du Grenelle, tandis que François Fillon se tait. Il y a pourtant urgence.

L’urgence

L’« urgence climatique », fait depuis un an la « une » des journaux et a profondément changé le rapport de nos concitoyens avec l’Environnement [1]. Le film de Al Gore a secoué en profondeur une génération entière dans le monde, qui ne pourra plus jamais prendre le sujet à la légère. Avec le rapport Stern publié deux semaines plus tard, la dimension économique des évolutions du climat multiplie encore la dimension politique du problème. Enfin, le quatrième rapport du GIEC [2] oblige les gouvernements signataires de la Convention de Rio puisque leurs représentants ont dû en signer les conclusions à l’unanimité. Et celles-ci, même édulcorées par le style collectif et le caractère prudent des scientifiques, sont sans appel : le changement climatique est réel et dû à l’homme (Groupe 1), les conséquences sont pour la plupart négatives si l’on s’en tient à un réchauffement de 2°C en moyenne, et catastrophiques au-delà (Groupe 2), enfin, des solutions existent si l’on démarre dès la prochaine décennie et que l’on s’attaque à tous les secteurs (Groupe 3).

Proche du pouvoir, Le Figaro relaye ces évènements dans des termes semblables, en insistant sur le caractère somme toute modeste des solutions collectives (« 45 € par personne et par an » [3] ) par rapport aux crises majeures que Stern compare au Krach de 1929 et aux deux guerres mondiales... Ainsi, non seulement la question climatique devient centrale dans les choix politiques et économiques de notre pays, mais on peut parier que les hommes politiques qui l’ignoreraient le feraient à leur propre péril.

Pour les décideurs français, les mesures les plus déterminantes à prendre sont les mesures de modernisation systématique du parc de logements anciens, l’évolution accentuée des parcs d’automobile et de camion et leur taxation, et le redéploiement massif des infrastructures de transports vers les transports en commun urbains et le ferroutage. Ces mesures représentent des choix immédiat portant sur le long terme. La collectivité doit investir massivement, et aussi cesser d’encourager des gaspillages d’énergie et d’espace. En retour, elle propose une limitation voire une baisse des charges pesant sur les milieux modestes, une création d’emplois majoritairement en France, et un amortissement collectif de ces investissements qui limiteront sur le court terme l’impact des hausses du pétrole, et à long terme les chocs climatiques.

Pour les écologistes, cette urgence suppose aussi la responsabilité vis-à-vis du processus de décision à Paris ou à Bruxelles : on ne peut temporiser et attendre des lendemains qui chanteraient pour la gauche, ou jouer le pire. Ce que les écologistes font au niveau des régions et des villes où ils sont aux affaires, ils doivent l’exiger au niveau français et européen : ce sont les décisions prises dans les quelques prochaines années -limitées ou ambitieuses- qui déterminent l’avenir de la planète. Ici, le discours puéril sur « la droite » ou « les libéraux » qui ne sauraient congénitalement prendre aucune décision positive est inacceptable. Ce n’est pas être un opposant sérieux que de dénier à l’adversaire par avance toute légitimité pour agir. Le changement climatique devient un élément central des politiques, et donc il va bien exister des politiques climatiques de gauche et de droite, que l’on aura à départager sur leur efficacité environnementale et sur leurs coûts ou leurs bénéfices sociaux, leur capacité à encourager des modes de vie et une économie sobre en énergie, etc...

Une évolution spectaculaire

De façon intéressante, l’évolution des travaux initiés par l’Etat est frappante vers une action de plus en plus précoce. Ce débat atteint la France après avoir été tranché chez les économistes du GIEC [4].

C’est ainsi que la Commission de Boissieu sur le Facteur 4 note en tête de ses « premiers enseignements » l’exigence essentielle de démarrer tôt [5] : (...) « On risque, en se focalisant sur le « facteur 4 en 2050 » de renforcer la vision que, si l’on a les « bonnes » technologies en 2040, on pourrait aisément corriger le tir et ramener nos émissions globales en 2050 au niveau approprié, c’est-à-dire une division par quatre pour la France. Or, cette vision est erronée, sauf à supposer que cette technologie sera compétitive et s’imposera à tous sans coût excessif et sans inertie du capital mobilisé ». On ne saurait rejeter de façon plus explicite les scénarios de la DGEMP et du CEA basés sur la quatrième génération nucléaire voire sur la fusion.

C’est un résultat important à souligner : durant la période 2006-2007, la difficulté forte des écologistes à faire valoir leurs bilans régionaux ou nationaux a masqué ce résultat majeur -contenu notamment dans le rapport du GIEC et dans celui de Nicholas Stern- qui rend obsolètes les visions « tout nucléaire » d’une partie de la technocratie française. Le nucléaire sur ce point a perdu, même s’il ne le sait pas encore. Le cœur des politiques climat est désormais dans la Maîtrise de l’Energie [6] .

Le même rapport de Boissieu insiste sur les raisons purement physiques de cette exigence de démarrer tôt : « Pour réussir facteur quatre en 2050, on ne peut attendre 2040 pour agir. Le terme « Facteur 4 en 2050 » peut prêter à confusion : on risque, en se focalisant (sur ce titre), de renforcer la vision que, si l’on a « la » technologie en 2040, on pourra aisément corriger le tir et ramener nos émissions globales en 2050 au niveau approprié - une division par quatre pour nous.

Or on ne peut attendre 2040 ! En effet, le CO2, le N2O et certains gaz fluorés ont une durée de vie longue dans l’atmosphère (plus de 100 ans). Cela signifie qu’il faut consentir des réductions draconiennes des émissions de GES dans les 50 ans à venir. (...) En d’autres termes, les émissions de GES doivent atteindre leur point culminant en 2020 et la courbe doit commencer à s’infléchir à cet horizon. Comme il s’agit d’un effet cumulatif, plus nous agirons tard, plus il sera difficile de revenir à un niveau d’émissions absorbables par la biosphère, plus les concentrations atmosphériques seront élevées et plus les effets perturbateurs (le changement climatique) seront importants. 2050 est donc un problème de chemin où toutes les étapes sont essentielles et influencent les étapes suivantes. (...) »

1 - Un agenda politique chargé en énergie et en climat

On ne le dirait pas à entendre le Président français à la télévision, mais climat et énergie sont au cœur du présent mandat. Négociations climatiques, présidence française de l’Union, crises pétrolières, conseils européens, échéances industrielles sur l’électricité, échéances sociales sur la construction de logements, choix d’infrastructures de transport, voire surprises climatiques... une telle concentration d’évènements ne s’est pas produite depuis les années 70. Dans le Monde, en Europe, en France, l’agenda du Président de la République n’échappera pas à ces dominantes fortes.

En permanence durant les cinq prochaines années, le Gouvernement sera contraint par les évènements de l’énergie et du climat. Nos dirigeants ont le choix entre mettre en oeuvre un programme effectif pour mettre en marche la France vers l’objectif du Facteur Quatre, ou subir les évènements et faire semblant. Cet agenda énergie-climat, imposé aux politiques se retrouve avec une même acuité dans les niveaux international, européen et national.

Le cadre mondial géopolitique

L’énergie envahit la politique étrangère dans trois domaines au moins : 1. La crise pétrolière sera accentuée ou limitée dans ses effets, mais toujours présente. Elle entraîne avec elle la montée en puissance des détenteurs de pétroles non encore exploités (Iran..) et non-conventionnels ou encore de gaz (Russie, Venezuela, Canada). Les tensions resteront fortes voire inquiétantes.

2. La crise nucléaire iranienne (et dans une moindre mesure dans d’autres pays comme le Brésil ou les Corées) aura des conséquences sporadiques sur les marchés pétroliers. Cette crise mettra aussi en lumière la très grande difficulté pour le nucléaire civil à trouver un cadre international acceptable pour les pays émergents.

3. Le 4ème rapport du GIEC dramatise les enjeux des changements climatiques, de même que la perception des impacts. La tension entre pays en fort développement au Sud, pays OCDE, pays du refus (USA, Australie) et pays en développement lent va aller crescendo sur l’accord de suite post-2012 de Kyoto.

Au niveau européen

Certains évènements sont spécifiquement européens. En particulier les évènements liés à l’attitude de la Russie de Vladimir Poutine peuvent avoir un impact considérable sur les agendas européens. De même, l’existence de l’Union Européenne est dominée par les questions économiques, mais l’Union c’est aussi une zone de souveraineté sur la question des climats et de l’Environnement, dont le mandat est confié à l’Union depuis l’origine. La faible gouvernance mondiale pour les traités d’environnement est moins vraie en Europe, où les gouvernements ont délégué une partie de leur souveraineté sur ce point. Les pays qui prendraient des libertés avec l’application de Kyoto seraient au final punis par leurs pairs bien plus que par les sanctions prévues au Protocole.

Le récent ‘paquet énergie’ décidé au printemps 2007 contient trois 20%. Le 20% de renouvelables, qui a fait l’objet de toutes les oppositions des officiels français, est réputé « obligatoire ». Le 20% d’économie d’énergie, aussi important, revient à un mandat pour la Commission Européenne de lancer une série de directives (lois) sur ce thème, alors que l’initiative en revenait jusqu’à présent aux Etats. Enfin, le 20% unilatéral de baisse des émissions de l’Union (porté à 30% si les partenaires de l’Europe sont partants [7] ) représente une volonté de l’Union de poursuivre Kyoto et ses mécanismes quoi qu’il arrive, et donne à ces derniers une crédibilité et une visibilité.

L’Union a elle-même plusieurs échéances à considérer dans le domaine de l’énergie et du climat, en plus du « paquet Piebalgs » de 2007, qui marqueront les prochaines années en particulier la présidence française de la fin 2008 :

-  L’accord nécessaire sur un régime post-2012 du Protocole de Kyoto. Le processus de Kyoto est la plus aboutie des politiques extérieures communes de l’Union, où l’Europe a eu un rôle moteur. Un échec mondial aura des répercussions sur le processus européen lui-même tant l’Europe s’y est investie.

-  La fin de la politique agricole commune (PAC) à négocier entre partenaires européens à l’échéance 2009-2013. Parallèlement au nouveau régime à mettre en place, les bio-énergies agricoles et forestières pouvant être un enjeu majeur dans cette nouvelle donne. Côté positif, un gain fort en substitution du fioul et du charbon, une alternative au chauffage électrique, des revenus pour les agriculteurs des régions marginales. Côté obscur, la destruction des habitats naturels tropicaux, la contamination continue des sols, le gaspillage poursuivi dans les transports.

-  Les choix finaux sur les allocations de quotas industriels du système d’échange européen de quotas (ETS) ont montré que le système ne peut fonctionner qu’au niveau collectif européen. On ne peut plus les laisser au gouvernement et au MEDEF comme actuellement. Ceci vaut aussi sur l’intégration de l’aérien dans le système, qui n’aurait aucun sens dans le cadre laxiste actuel.

-  L’échéance de l’accord volontaire existant ACEE sur les émissions des automobiles a mis la Commission au pied du mur. L’échec de l’approche volontaire (dû en partie au cynisme des constructeurs) impose désormais le choix d’une législation européenne. Désormais, l’enjeu est pour partie la survie ou non de l’industrie automobile européenne.

-  Un cadre légal européen sur l’investissement en matière d’énergie peut éviter de gaspiller une part considérable des dépenses prévues en Europe (les « 1000 Mds d’€ » décrits par diverses sources), en particulier en donnant aux économies d’énergie et aux énergies décentralisées leur part, via une égalité de traitement ou une priorité dans les choix [8] . A l’inverse, une absence de cadre d’investissement dans les économies, le gaspillage financier et environnemental reprendrait ses droits [9] .

-  Les exigences européennes en matière d’aviation ou plutôt leur absence (taxation ou droits d’usages de l’atmosphère, arrêt des subventions, intégration dans l’ETS, normalisation des consommations et des sécurités) détermineront une partie non négligeable des émissions du continent. A l’inverse, l’absence de choix grignotera la légitimité des actions à entreprendre dans le réseau ferré. Une fois les transports dits « low-cost » établis durablement dans le paysage, les politiques auront de plus en plus de difficultés à faire payer le vrai coût de ces trajets ruineux pour la collectivité.

-  Les exigences européennes en matière de consommation et des normes sur les bateaux, qu’il s’agisse de cabotage intérieur ou de commerce extérieur, vont influencer ou non le régime futur de Kyoto après 2012. Ces choix ont aussi un lien avec la protection du continent contre les catastrophes maritimes.

-  Le nucléaire sera remis dans la discussion entre les partenaires européens, et menace les relations entre les représentants des états de politiques opposées. A l’inverse, une coopération sur la sûreté ou l’information et la démocratisation du secteur peut amener une amorce de consensus pour la rénovation du cadre de l’Euratom. Ceci avait été préconisé par plusieurs gouvernements dont l’Allemagne dans le cadre du débat du TCE.

La France

Quelques choix sont avant tout dépendant des pouvoirs publics français, souvent au moins dans la mise en œuvre des directives européennes. Leur absence obère fortement les objectifs de la France en matière de climat ou de stabilisation des consommations d’énergie :

-  La décision ou non de lancer une normalisation et un programme de rénovation obligatoire pour l’habitat ancien avec les moyens afférents. On peut dire que la présence d’un tel choix de longue durée sera le test ultime du sérieux d’un gouvernement dans les toutes prochaines années. Il s’agit aussi du choix le plus important en termes financiers et en terme d’emplois à créer. Le MEDAD est ici au pied du mur et on pourra dire sur ce plan que « le Grenelle a été un exercice sérieux » ; ou non.

-  La décision de mettre en œuvre sérieusement la réglementation thermique 2005 dans le logement neuf puis de la renforcer en 2010 de façon à être en ligne pour le Facteur 4 décidé aux niveaux français et européen. Diagnostics systématiques plus ou moins vérifiés, étiquettes énergie et valorisation financière des niveaux de consommations du logement sont déterminés durant les premières années du mandat. Une indication de sérieux -ou non- sera le choix ou non de mettre fin au scandale des logements financés par l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) sans obligation de respecter les dernières normes d’isolation thermique en vigueur [10] .

-  La décision de fermeture des premières centrales nucléaires PWR obsolètes ou des choix lourds de réhabilitation pour ces centrales. Ceci se pose pour les centrales 900 MW type CP0 et CP1 notamment. Durant le mandat se retrouve aussi la décision de lancer ou de stopper le programme EPR prévue par EDF. La France est probablement l’un des pays au monde où un réacteur supplémentaire aurait le moins d’impact sur les émissions de gaz carbonique.

-  Le choix par l’Etat d’une méthode de développement de la production off-shore (appel d’offre, quotas, tarifs) pour l’éolien voire les turbines « hydroliennes » basées dans les courants marins. Le choix de respecter ou non la directive sur les énergies renouvelables électriques en relançant des appels d’offre ou des tarifs incitatifs se posera également rapidement.

-  Le choix par l’Etat d’aller au bout de la libéralisation gaz-électricité pour les particuliers, de l’abandonner ou de mettre en œuvre des règles favorables au long terme (équité sociale, environnement, efficacité énergétique). Ici le gouvernement tergiverse, dans un système encore très incohérent (cf. le projet de loi Poniatowski en cours de débat au Parlement). En face, la Commission Européenne semble s’obstiner à pousser la séparation des réseaux de façon stérile, sans exiger des distributeurs de modifier leur organisation et leurs tarifs dans un sens soutenable.

-  Le choix d’une réforme partielle ou totale destinée à permettre aux compagnies de distribution d’énergie de fonctionner sans reposer sur une croissance des demandes physiques (certificats blancs renforcés, quotas d’économie, tarification adaptées, modifications des concessions...). Ce « changement culturel » n’est actuellement que partiellement amorcé. Il est même absent des débats sur la libéralisation de l’énergie.

-  Le choix de rachat par les réseaux d’énergie de la production décentralisée (biogaz, photovoltaïque, micro-cogénération) devra être complété par des décisions plus techniques permettant de faire face au changement technologique. Ces choix en France ou en Europe ouvriront ou non la voie à une décentralisation progressive de la production.

-  L’Etat devra également remettre à plat la gestion de la pointe électrique en se dotant de mécanisme incitatifs à tous les niveaux (production, transport, distribution) permettant de rémunérer les efforts de limitation ou de souplesse sur la pointe ou à l’inverse de pénaliser les excès. En limitant la croissance de la pointe on limite le risque d’une dégradation prolongée des performances du réseau et son économie.

-  La décentralisation des choix urbains de circulation (amendes de stationnement, péages urbains, taxations des carburants ou des cartes grises...), voire la possibilité d’imposer des choix de véhicules ou de modes dans les agglomérations sera un enjeu important de la prochaine législature.

-  La mise en place d’un cadre d’objectifs à portée contraignante des collectivités en matière de circulation, de consommation de l’habitat social, de leur parc propre sera un maillon important dans la voie du Facteur Quatre. A l’inverse, des engagements purement volontaires, sans décentralisation de l’autorité, condamnent la France à stagner [11] .

-  Le cadre légal et les choix de taxation des carburants alternatifs (biocarburants, huiles directes, gaz naturel comprimé, voire électricité des hybrides) aura une influence majeure sur les finances de l’état à court terme, mais aussi sur la structure des émissions des transports à moyenne échéance.

-  Le cadre de valorisation du bois énergie (contrats d’approvisionnement de long terme ou fonds de stabilisation, cadre pour les rémanents forestiers, valorisation imposée du débroussaillage et de l’élagage, investissements dans des réseaux de chaleur...) représente une opportunité de création d’activité ou à l’inverse du maintien de l’organisation insuffisante de la filière.

-  Le cadre de valorisation des déchets et du biogaz (échelle, tarifications, statuts légaux...) doit être mis à plat pour éviter la tendance actuelle à la production d’électricité simple sans récupération de chaleur pour le traitement des déchets.

-  Le financement des infrastructures durables (fret rail, tunnels...) sur le long terme sera au cœur d’un débat essentiel sur les choix d’aménagement et sur les financements publics.

2 - La recherche et le développement

Plusieurs choix concernent la recherche ou des développements encore limités mais pouvant avoir d’importantes conséquences :

-  La question des programmes les plus budgétivores comme le réacteur ITER dont la finalité est très au-delà de l’horizon du Facteur Quatre sera posée régulièrement et de façon lancinante. Ce programme capture en effet près de la moitié des financements publics de l’énergie ce qui fragilise l’ensemble des autres filières.

-  Une relance charbonnière privée ou publique posera rapidement la question des technologies d’enfouissement du carbone à l’exemple de la Norvège. La publicité -et les affirmations parfois contestables [12] - faite actuellement à ces technologies par les firmes concernées devraient rendre obligatoire leur adoption en cas de construction de nouvelle centrale. Ces expériences présentes d’enfouissement du CO2 doivent permettre d’interdire rapidement (et pas après 2020 comme le suggère la Commission Européenne) toute nouvelle centrale charbon. Les pouvoirs publics auront à choisir entre Kyoto et les emplois locaux charbonniers, sans échappatoire possible.

-  Le choix d’un type de réacteur de quatrième génération et de son financement, ou au contraire le choix d’autres filières notamment renouvelables. Ceci pose de redoutables questions internes à la filière nucléaire, qui aura à faire des choix. L’opinion n’acceptera pas toujours la répartition actuelle d’« un cheval du nucléaire pour une alouette de renouvelables ».

-  Le choix d’enfouissement des déchets nucléaires est soumis à des débats complexes entre scientifiques et ingénieurs, qui vont déborder dans la sphère politique durant les dix prochaines années.

Des budgets en baisse tendancielle

L’outil privilégié de l’Etat pour la lutte contre le changement climatique est l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME). Pour 2007, son budget était prévu en stagnation vis-à-vis de 2006 dans le projet de loi de finance, s’élève au total à 245 millions. Le budget de recherche de l’ADEME depuis dix ans se situe lui entre 20 et 28 millions d’Euro par an. A titre de comparaison, l’INSERM (recherche médicale) reçoit environ 500 millions par an.

Cette tendance à la baisse est commune aux pays de l’OCDE, comme le montre le graphe suivant :

(BMP)

La plus grosse partie des dépenses en vue du Facteur Quatre devrait être constituée de la recherche sur les énergies, même si les sciences de la vie ont un rôle à jouer ou encore l’industrie automobile, l’appareillage électrique... Pourtant, la dépense intérieure de R&D s’élève à 34 milliards d’Euro dont seulement 0,71 pour les industries de l’énergie (Total, EDF...) et un effectif de moins de 3000 chercheurs [13] .

Si l’on s’en tient aux énergies renouvelables, la France est alors fortement à la traîne. Une estimation du budget par tête est donnée par Ralph Sims, un professeur néo-zélandais qui a eu la responsabilité du chapitre « approvisionnement énergétique » du GIEC 4. Son estimation graphique vient des statistiques de l’AIE et présente les dépenses de R&D par habitant dans les énergies renouvelables, en parité de pouvoir d’achat, dans les pays développés. La France est... dans les profondeurs du classement.

(BMP)

Investir dans le Facteur Quatre : la France pas à l’échelle

L’échelle du problème est donnée notamment par le rapport Stern. Ce document estime qu’il faudra consacrer dès maintenant 1% du PIB à la lutte contre le changement climatique, sous peine de devoir nettement augmenter cette contribution dans le futur pour contrer les dommages. Cette estimation est recoupée par les derniers chiffres étudiés par le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Etude des Changements Climatique). Selon Bert Metz, co-président du Groupe de Travail sur l’économie et les politiques au GIEC, les estimations de coût d’ici à 2030 qui permettent de tenir les trajectoires de stabilisations sont de l’ordre de moins de 1% selon les modèles, et moins cher encore pour des trajectoires limitant la hausse à 650 ppmv CO2 equivalent (mais qui sont alors insuffisant pour limiter à 2°C la hausse mondiale).

Ce chiffre de 1% du PIB pourrait représenter pour la France une somme de l’ordre de 16 milliards d’Euros Selon [14], le PIB de la France est de 1648 Milliards d’Euro en 2004. . En face, une estimation très large des dépenses publiques consenties sur 2005 sur les économies d’énergie et sur les ENR s’élève à 1 milliard d’Euros [15] La pertinence de ces dépenses peut être critiquée, de même que leur efficacité, mais compte tenu du poids de l’Etat dans l’économie et de son rôle directeur dans les questions de recherche ou d’innovation, on peut estimer que le chiffre cité représente environ le dixième de l’effort nécessaire. A noter que la lutte contre la pollution en général, tous secteurs confondus, s’élève en France à 0,27% des dépenses du secteur public et 0,19% de celles des industries [16] .

En conclusion, M. Sarkozy, Mme Lagarde, M. Borloo... encore un effort.

Dans le dossier de la commission énergie consacré au Grenelle de l’environnelent, vous trouverez le dossier de la commission énergie consacré à la rénovation de l’habitat ancien, les 13 mesures proposées par les Verts, et le dossier Grenelle des Verts


[1] Le loi de programme du 13 juillet 2005 a posé les orientations de la politique énergétique de la France, fixant l’objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

[2] Sur www.ipcc.ch (le « FAR/IPCC » pour Fourth Assessement Report, Intergovernmental Panel on Climate Change.

[3] « La lutte contre le réchauffement climatique : une facture modeste, mais redoutable à répartir » par Jean-Pierre Robin, chroniqueur économique du Figaro le 18 novembre 2006.

[4] Durant les précédents rapports du GIEC, la question restait posée de choisir d’attendre pour agir, de façon à utiliser plus tard les technologies en développement (e.g. Nordhaus et al.). Depuis le consensus s’est déplacé, à la fois à cause des irréversibilités économiques (une fois la piste d’aéroport construite, va-t-on cesser de prendre l’avion ? Une fois les villes construites, peut-on les remettre en cause ?) mais aussi parce que la baisse des coûts des technologies économes vient de leur généralisation et pas seulement de la recherche. Seul Georges Bush prône encore un engagement uniquement basé sur les technologies « d’avenir », sans contrainte.

[5] Rapport du groupe de travail « Division par quatre des émissions de gaz à effet de serre de la France à l’horizon 2050 » page 11, sur www.industrie.gouv.fr/energie/facteur4.htm

[6] Rappelons que le nucléaire n’a contribué que pour la moitié environ des limitations de gaz à effet de serre après 1975 en France. Le reste provenait des économies d’énergie réalisées à la même époque sous l’impulsion des gouvernements Barre puis Mauroy. En 1987, les services du Ministère de l’Industrie estimaient à 325 PJ(*)les économies réalisées par la France, essentiellement du pétrole contre 221 pour le nucléaire. La même comparaison à la fin des années 90 après une décennie de stagnation des politiques d’économies d’énergie donne respectivement 422 PJ pour le nucléaire et 406 PJ pour les économies. [(*)Péta Joule, ou milliers de Terajoule, soit 277 GWh d’énergie finale] . Référence : « L’Energie, références et chiffres clé », édition 2004 p.164, tableau « économies d’énergie cumulées 1973 à 1990 » et « « 1990 à 2001 », conversion en énergie finale par l’auteur.

[7] Pour rappel, seul ce 30% est compatible avec les objectifs de 3% par an et du « Facteur Quatre » dans les pays industrialisés.

[8] Cet investissement est même estimé par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) à 16 000 milliards de dollars sur 30 ans dans le monde (Energy Investment Outlook 2004).

[9] Ainsi, par exemple, la surcapacité nucléaire en France est issue d’une situation similaire durant les années 70, et a été chiffrée à près de 50% : Bonduelle A. 2006, « La surcapacité nucléaire, quelle aurait pu être une stratégie d’équipement optimale ? » in Revue de l’Energie, N0569 Janv.-Fev.

[10] Le Ministre du MEDAD Borloo doit oser contredire le Ministre de la ville Borloo qui avait été au mieux indifférent au pire cynique dans ce dossier.

[11] Le volet institutionnel des rapports de commission du Grenelle contient un grand nombre de mesures visant à donner aux collectivités des pouvoirs réglementaires sur l’énergie dans leurs prescriptions d’urbanisme et d’habitat. Ces mesures ne sont pas aussi « visibles » que les autres choix à prendre. De plus les consensus semblent moins travaillés sur ces propositions, mais elles sont d’importance capitale.

[12] Le rapport spécial du GIEC « piégeage et stockage du dioxyde de carbone » de 2005 montre que des doutes subsistent sur la pertinence économique et écologique de ces technologies. Cela n’empêche pas les gouvernements européens de se comporter dans les négociations internationales comme si elles étaient déjà au point et bon marché.

[13] INSEE 2006 Annuaire Statistique de la France Edition Référence 2006.

[14] INSEE 2006, Annuaire Statistique de la France, Ch. I.01 Comptes Nationaux

[15] François Loos, 9/10/2006. Discours de clôture du colloque « Défi Climat pour la France : le Facteur 4 ». Le Ministre estime la contribution publique à :
-  200 M€ de défiscalisation sur les biocarburants
-  500 M€ de crédit d’impôts pour la chaleur dans le logement
-  200 M€ de tarifs garantis sur l’énergie renouvelable
-  120 M€ pour la recherche sur les nouvelles technologies de l’énergie .

[16] INSEE 2006 idem


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