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Prospection politique par courrier électronique
2 septembre 2006
Le 9 mai 2006 la CNIL a organisé une table ronde avec les partis politiques sur la « prospection politique par courrier électronique ». Voir le compte rendu publié par Frédéric Couchet, qui représentait les Verts à cette table ronde.
Lors de la table ronde la CNIL a indiqué qu’elle va procéder à l’actualisation de sa recommandation de 1996 relative à l’utilisation de fichiers à des fins politiques. Actualisation prévue pour fin juin ou début juillet 2006. La recommandation de 1996 : http://www.cnil.fr/index.php ?id=1368.
Note de synthèse sur la prospection politique par courriel.
prospection directe ou spamming ?
Définition du SPAM selon la CNIL : Le "spamming" ou "spam" est l’envoi massif, et parfois répété, de courriers électroniques non sollicités, à des personnes avec lesquelles [l’expéditeur n’a jamais eu de contact et dont il a capté l’adresse électronique de façon irrégulière.
Le préjudice causé par le SPAM est reconnu de tous, notamment : collecte et utilisation illégale de données personnelles (adresse email), intrusion dans la correspondance privée (réception de messages inopportuns), préjudice matériel (mobilisation de ressource informatiques), préjudice lié au traitement du spam et à la perte éventuelle de messages importants au milieu du spam.
Le site de la DDM liste des études sur le sujet.
Dans les faits, historiquement les SPAM provenaient du secteur commercial et pratiquement pas du secteur politique ou religieux.
La réglementation du spam est traditionnellement envisagée à travers deux approches : l’« opt-in » et l’« opt-out ». Le site de la DDM décrit ces deux approches :
L’approche « opt-in », littéralement « opter pour », est plutôt favorable à la protection des données personnelles : elle prévoit que l’envoi de messages ne peut se faire sans le consentement préalable des destinataires. Concrètement, cette approche oblige les prospecteurs à obtenir, préalablement à tout envoi, le consentement de l’internaute à recevoir des publicités dans sa boîte de courrier électronique. Le titulaire de l’adresse doit avoir la possibilité de donner ou non son accord, en cochant par exemple une case du type « je souhaite recevoir par courrier électronique des informations sur votre société ». Cette case ne peut être cochée par défaut.
L’approche « opt-out », littéralement « opter contre » est plutôt favorable aux prospecteurs : elle permet l’envoi de messages à toutes les personnes qui ne s’y opposent pas. Concrètement, l’internaute doit signifier son opposition auprès du prospecteur ou bien s’inscrire sur un registre d’opposition (liste de personnes qui ne souhaitent pas recevoir de messages publicitaires et commerciaux).
L’Europe a adopté, par la directive n° 2002/58/ du 12 juillet 2002 (relative à la vie privée et aux communications électroniques), l’approche « opt-in » qui pose le principe du consentement préalable. Les pays membres avaient jusqu’au 30 octobre 2003 pour transposer cette directive dans leur droit national. La transposition en droit français s’est effectuée avec la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004.
Mais seul le spamming d’origine commerciale a été réglementé par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).
LCEN
La loi pour la confiance dans l’économie numérique a été votée le 21 juin 2004. Le dossier législatif est disponible sur le site de l’assemblée nationale.
Notons que la LCEN définit le courrier électronique comme suit « On entend par courrier électronique tout message, sous forme de texte, de voix, de son ou d’image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire, jusqu’à ce que ce dernier le récupère. » Cette précision qui assure la « neutralité technologique » du dispositif soumet ainsi la prospection par SMS (« Short Message Service ») ou MMS (« Multimedia Messaging Services ») au recueil du consentement préalable.
L’article 22 du Chapitre II de la LCEN : ’La publicité par voie électronique’ modifie donc le code des postes et télécommunications (ainsi que le code de la consommation, de la même façon) :
L’article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications est ainsi rédigé : « Art. L. 33-4-1. - Est interdite la prospection directe au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen. « Pour l’application du présent article, on entend par consentement toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à fin de prospection directe. « Constitue une prospection directe l’envoi de tout message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services. »
Il faut noter que le problème de la restriction de cette interdiction aux seuls acteurs commerciaux avait été signalé dans le rapport des sénateurs Sido et Hérisson (n°232 du 3 mars 2004) : « Le troisième alinéa soulève en revanche des difficultés réelles. En effet, il donne une définition de la prospection directe restreinte aux activités commerciales. Cette position revient à exclure du champ du dispositif de lutte contre le spamming les autres courriers électroniques non sollicités. On s’explique difficilement cette distinction, dans la mesure où la nuisance de l’encombrement des boîtes à lettres électroniques n’est pas moindre lorsque le courrier non sollicité ne vise pas la promotion d’un produit ou d’un service. »
Lors des débats en séance (2ème lecture à l’Assemblée), le député Alain Gouriou déclarait :
« Il y a tout de même deux point sur lesquels je voudrais intervenir. Le premier est que le phénomène du spaming, du courrier non sollicité, concerne non seulement la promotion économique, mais toutes sortes d’autres messages, de quelque caractère que ce soit... ... par exemple, politiques et de propagande. Et je crains, mes chers collègues, qu’en période préélectorale, ou pis, électorale, un surcroît de messages non souhaités n’encombrent nos boîtes électroniques.
Mme la ministre déléguée à l’industrie et M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. C’est vrai !
M. Alain Gouriou. Il faudra donc élaborer sur ce point une réglementation spécifique, car le spam n’est pas seulement un phénomène de caractère économique, il pose un problème déontologique. »
La suppression de cette restriction par le Sénat, suivie de sa réintroduction par la commission mixte paritaire, sera ainsi commentée à l’assemblée le 6 mai 2004 par le ministre délégué à l’industrie :
« Sur le sujet épineux de la publicité par voie électronique, le spam, la commission mixte paritaire a souhaité limiter le champ de l’article12 à la prospection à caractère commercial. S’il est vrai que la directive vise les communications commerciales non sollicitées, il conviendra d’être attentif à ce que les internautes ne pâtissent pas exagérément des autres formes de communication non sollicitées et de procéder à une évaluation ultérieure de l’efficacité de ce dispositif de lutte contre le spam. »
Voir également l’article d’Halte au Spam.
Si effectivement la directive 2000/31 ne concernait que la prospection commerciale, les faits n’allaient pas tarder à donner raison aux opposants à cette restriction, avec, en septembre 2005, l’envoi particulièrement massif par l’UMP de mails non sollicités.
Envoi de mails par l’UMP en septembre 2005
Mardi 27 septembre 2005, l’UMP aurait envoyé 800.000 messages électroniques promotionnels. C’est opération sera rapidement décrite sous le terme de SarkoSPAM.
De nombreux internautes spammés réagissent, indiquant ne pas avoir donné leur accord préalable à un tel envoi. Le mail promotionnel de l’UMP serait aussi arrivé dans des boîtes aux lettres de mineurs.
Yves Jego, secrétaire national de l’UMP chargé des nouveaux adhérents, déclare alors à TF1.fr :
« Nous sommes le premier parti à faire des mailings politiques par internet, l’UMP doit être présente sur tous les supports de communication. L’objectif de cette campagne est 10.000 nouveaux adhérents. »
TF1 précise que le parti compte alors envoyer 3 millions de mails à des adresses collectées auprès de services commerciaux.
Le 30 septembre 2005, un internaute indique avoir déposé une plainte ; Le 13 février 2006, cet internaute publie la réponse du procureur :
« j’ai l’honneur de vous faire connaître que la plainte transmise au Parquet le 30 septembre 2005 a fait l’objet d’un classement sans suite. L’examen de cette procédure ne paraît pas en effet justifier de poursuite pénale. Je me permets de vous rappeler que le procureur de la République dispose de ce pouvoir de classement lorsqu’il considère que le préjudice est de peu de gravité. »
Pour cette campagne promotionnelle, la presse indique que l’UMP est passée par un prestataire qui utilise des fichiers constitués par des entreprises commerciales après que l’internaute a donné son consentement pour recevoir des mails promotionnels. La CNIL rappelle alors qu’ « On ne peut pas utiliser un fichier commercial à des fins politiques si on n’a pas dit aux internautes, à l’origine, c’est-à-dire au moment où ils ont donné leur consentement, que cela pourrait être utilisé à des fins politiques. »
L’un des prestataires de l’UMP a déjé été condamnée par la justice en juin 2004 pour collecte déloyale et détournement de finalité d’un traitement informatique suite à une plainte de la CNIL datant de 2002.
Problèmes posés
On pourrait éventuellement considérer que, pour un spam particulier, la victime ne subit qu’un petit préjudice. Le problème est de recevoir des centaines de spam par jour parce que les spammeurs agissent en quasi totale impunité.
Tout recepteur de spam subit un préjudice :
collecte et utilisation illégale de données personnelles (adresse email)
intrusion dans la correspondance privée (réception de messages inopportuns)
préjudice matériel (mobilisation de ressource informatiques)
préjudice lié au traitement du spam et à la perte éventuelle de messages importants au milieu du spam
Il nous est difficile d’agir directement contre les spammeurs étrangers, mais on peut au moins essayer de faire quelque chose contre les spammeurs français. Faudrait-il encore que des enquêtes soient diligentées : classement sans suite de plainte, manque de moyens de la CNIL. Les cas de condamnation pour SPAM sont très rares.
Notons que si le cas étudié dans cette note concerne la prospection politique le problème se pose de manière identique pour la prospection de type associatif, religieux ou caritatif.
Position du groupe « Cultures numériques » des Verts sur le sujet
« Le groupe « Cultures numériques » des Verts considèrent que le "spamming" ou "spam" [1] doit être interdit si le destinataire du message n’a pas donné son consentement préalable, conscient et volontaire à recevoir ce message nonobstant la nature du message (commercial, politique, religieux ou autre). Il faudrait donc supprimer la restriction aux acteurs commerciaux dans l’article 22 de la LCEN, et en conséquence modifier le code des postes et télécommunications ainsi que le code de la consommation. »
[1] défini selon la CNIL par "l’envoi massif, et parfois répété, de courriers électroniques non sollicités, à des personnes avec lesquelles l’expéditeur n’a jamais eu de contact et dont il a capté l’adresse électronique de façon irrégulière".
Revue de presse
La CNIL n’interdit pas le spamming politique
La CNIL ouvre sa table ronde sur la prospection politique
SarkoSpam : la CNIL fait une table ronde
La Cnil rappelle les règles du mail politique aux partis
Source - http://comm.cultures.lesverts.fr/article.php3?id_article=54 -