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Revue ATC
Interview : tour d’horizon de nos positions
Octobre 201131 octobre 2011
Quel est votre projet politique et vos propositions pour l’agriculture et nos agriculteurs ? Quelles propositions pour relever qu’il incombe à notre agriculture de « nourrir nos concitoyens en répondant aux attentes sociétales » ?
Europe Ecologie Les Verts (Eelv) souhaite relever ce défi en renouvelant le pacte entre agriculture et société. Cette réorientation se fera avec le monde agricole, en tenant compte des aspirations de la société pour une alimentation saine et diversifiée, du changement climatique, de la nécessaire protection des ressources naturelles et du respect de la souveraineté alimentaire dans les différentes régions du monde.
La France s’obstine jusqu’ici à poursuivre un projet dépassé depuis au moins 30 ans, lequel a généré une artificialisation des milieux, la dégradation des ressources naturelles, une consommation croissante d’énergie fossile, la concentration des moyens et du capital financier de production, la disparition des agriculteurs et a contribué à paupériser l’agriculture des pays du Sud en inondant les marchés de ses excès de production subventionnés.
Ce modèle profite avant tout aux géants de l’agrochimie et de l’agroalimentaire et, seulement en apparence, au consommateur. Il est par contre très coûteux pour le contribuable en termes d’aides publiques agricoles, de santé et d’environnement. Il est urgent de fonder un nouveau projet porteur, pour ses acteurs, de sens et de fierté.
Celui-ci devra permettre de sortir de la surenchère énergétique et chimique, mais également privilégier la création d’emplois ruraux, de valeur ajoutée, de diversité, dans un contexte européen de chômage et de précarité. Cela passe d’abord par la garantie d’un revenu agricole décent et stable.
Il s’agit d’abandonner le modèle européen productiviste et industriel, tourné vers l’exportation sur des marchés mondiaux artificiels, perméables à la spéculation financière et destructeurs pour les économies paysannes des pays en développement. Ceci, pour passer à un modèle écologique productif (polyculture, techniques inspirées de l’agriculture biologique et de l’élevage non industriel...), conçu avec les paysans, par et pour les consommateurs européens.
Le nouveau projet nécessite aussi une politique nationale volontariste, ainsi qu’une PAC forte profondément renouvelée en termes d’objectifs et d’outils, défendant l’emploi, la diversité, l’environnement et le bien-être animal.
Au niveau européen et mondial, il faut :
une régulation des marchés par une gestion de l’offre (quotas...) et de la demande (protection aux frontières, stockage). Les règles actuelles de l’OMC doivent changer afin de constituer des marchés agricoles protégés à l’échelle des grandes régions mondiales ;
des critères environnementaux et sociaux forts pour accéder aux aides ;
une réglementation sur le statut des salariés agricoles pour réprimer la surexploitation et les distorsions de concurrence.
La souveraineté alimentaire mondiale suppose notamment un arrêt de l’invasion des marchés du Sud par nos produits excédentaires et subventionnés, une augmentation de l’autonomie, européenne et nationale, en protéines végétales et l’arrêt de l’encouragement à l’exportation de cultures vivrières dans les pays pauvres.
Au niveau national, il est essentiel de démocratiser et de régionaliser la politique agricole, de redéfinir les missions et les modes de fonctionnement des institutions chargées de l’enseignement, de la recherche, du développement vers l’agroécologie, de réorienter les objectifs économiques (soutien du bio, des circuits courts et des systèmes de transition vers l’agroécologie), de soutenir l’installation agricole et de gérer le foncier autrement .
Comment revaloriser le travail des agriculteurs tout en restant compétitif ?
On n’est pas « compétitif » dans l’absolu, mais plus ou moins compétitif que quelqu’un d’autre selon des critères donnés. Nous récusons la compétitivité par rapport au coût et au prix des produits agricoles, parce que le marché international actuel est un marché de surplus à des prix qui ruinent l’agriculture paysanne, et qui ne sont accessibles qu’aux plus riches, à coup de subventions, tandis que la réduction des coûts se fait au détriment des travailleurs et de l’environnement. Le projet que nous portons redonne du sens au métier d’agriculteur et préserve sa santé, tout en le rendant compétitif par rapport à l’agriculture conventionnelle sur les plans environnemental, de l’autonomie (ce qui est crucial face à l épuisement prochain des énergies fossiles) et sur le plan de la qualité de sa production.
Par ailleurs c’est un projet hautement compétitif en emplois puisqu’il consomme du travail plutôt que du capital et des intrants chimiques (en moyenne l’agriculture biologique par exemple emploie 30% de plus que l’agriculture conventionnelle).. . Les marchés les plus proches sont à privilégier, à un prix décent, plutôt qu’une compétition acharnée et ruineuse à l’exportation.En parallèle d’un développement de l’agroécologie, nous avons l’intention de stimuler ses débouchés aussi localement que possible (par exemple via la restauration collective, la réhabilitation de la filière luzerne, l’utilisation de chanvre dans le bâtiment, la transformation locale...).
Quel équilibre à trouver entre mondialisation et protectionnisme ? Nous ne sommes pas opposés à l’échange de certains produits typés ou transformés, et à des échanges entre régions, mais défendons le rétablissement de conditions justes et équilibrées d’échange, sachant que ces échanges ne sont pas un but prioritaire en soi. Les conditions d’échange que nous défendons passent par la régulation des marchés, la sauvegarde prioritaire de l’autonomie agricole et alimentaire par grande région du monde, et l’inclusion dans les conditions d’échange de conditions sociales et environnementales claires pour éviter le dumping international qui conduit à la dégradation de ces conditions. La pire forme de protectionnisme est bien celle des agricultures du Nord où le revenu est assuré par des subventions plutôt que par des prix rémunérateurs alors que les pays pauvres n’ont pas les moyens de ce type de soutien et que les institutions internationales leur refusent une protection efficace à l’importation, seul outil à leur portée.
Nous sommes favorables à une relocalisation des productions près des consommations, ce qui permettrait de restaurer une diversité nécessaire à l’agroécologie ainsi qu’un lien entre producteurs et consommateurs, et aussi de n’accepter le développement de productions d’exportation au Sud qu’à condition d’assurer d’abord l’auto-suffisance agricole et alimentaire et de prohiber la dégradation du milieu naturel (déforestation)
Comment réconcilier agriculture et société ?
Par la mise en œuvre de notre pacte évoqué plus haut, qui redonnera sens au métier d’agriculteur aux yeux de tous et impliquera agriculture et société dans ce nouveau projet, sur la base d’une nouvelle confiance.
Votre position par rapport aux biotechnologies ?
D’abord il faut sortir du dogme sans cesse rabâché du « Progrès » par la science. Comme toute action humaine, la science peut conduire au meilleur comme au pire, et c’est à la société de décider ce qu’il faut prendre et laisser des connaissances scientifiques, pas aux multinationales, au marché ou aux scientifiques eux-mêmes. Et donc les biotechnologies, qui ne sont pas de la science mais des technologies justement, c’est-à-dire une mise en œuvre, peuvent être une bonne ou une très mauvaise chose selon le sujet et le contexte. Avec le problème particulier qu’elles s’exercent sur la vie, les espèces et leur identité, y compris celle de l’homme. Aujourd’hui, le plus grand nombre des biotechnologies mises en œuvre, à part dans le domaine strictement médical, le sont dans de mauvaises conditions et pour de mauvaises raisons. Les OGM en agriculture et les recombinaisons génétiques provoquées n’apportent rien contrairement à tous les racontars, sauf aux firmes qui les commercialisent et leur dissémination sans contrôle en milieu naturel est une politique d’apprentis-sorciers. Le vivant ne peut et ne doit pas être breveté. Et l’action des sociétés de biotechnologies doit être strictement encadrée par des comités d’éthique.
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