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Les Régions Ultra-Périphériques20 avril 2009
Rappels sur la politique communautaire et notamment de la politique agricole commune:cas des Régions Ultra-Périphériques (RUP)
Dans la mesure où la politique agricole dépend essentiellement de l’Union Européenne, et secondairement des Etats membres, il convient d’abord de rappeler la situation juridique des différentes régions d’outre-mer, DOM et COM au regard de l’Union Européenne.
Les départements d’Outre-mer français ( DOM) font partie de l’Union Européenne, et sont qualifiés à cet égard de régions ultra-périphériques, ou RUP. A l’échelle européenne, ces RUP sont au nombre de 7 et bientôt 8 avec l’accès de Mayotte au statut de département : 4 en France (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion), deux au Portugal : Açores et Madère, et une en Espagne : Canaries.
Les collectivités d’outre-mer ou COM sont pour la France à la fois les Pays d’Outre-Mer (POM) et les Territoires d’Outre-mer (TOM). La Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont des POM, Wallis et Futuna, Saint Pierre et Miquelon sont des TOM, sans compter de nombreux autres Tom inhabités ou presques ( TAAF avec les Kerguelen et la Terre Adélie, Crozet, les Iles éparses de l’Océan Indien, Clipperton, etc..).
L’ensemble des COM ou aussi PTOM ne fait pas partie de l’Union Européenne, et sont considérés comme pays tiers. De ce fait, ils ne sont pas des RUP et ne bénéficient pas des politiques correspondantes, et notamment de la politique agricole commune.
Pour autant, et malgré cette différence très importante, l’ensemble des DOM ET COM « tropicaux » français présentent sur le plan agricole des caractéritiques communes qu’il convient d’évoquer :
Les situations agricoles sont très diverses, mais présentent néanmoins certaines similitudes :
L’insularité de ces régions à l’exception de la Guyane, leur climat tropical et leurs proximité avec les pays proches moins développés, sont autant d’obstacles pour leur développement. A l’exception de la Guyane, leurs densités de population sont très élevées. L’agriculture est essentielle pour l’équilibre économique et social de ces régions.Très dépendante des politiques de soutien, elle est en concurrence forte pour l’utilisation du sol avec les politiques d’habitat et d’aménagement.
− la situation agricole est étroitement liée à l’histoire coloniale passée de ces régions, avec la prégnance de cultures d’exportation liées à l’esclavage dans plusieurs régions, ou la mise en place de productions de type colonial.
− La situation est étroitement dépendante de la densité de population et de l’occupation de l’espace, avec des régions surpeuplées que sont les îles des Caraïbes, de l’Océan Indien et de Polynésie qui contrastent avec les territoires peu occupés de la Guyane ou de Nouvelle Calédonie.
− Les DOM et COM sont très peu auto-suffisants en matière alimentaire, avec une alimentation modelée par les schémas métropolitains importée à grandes subventions et néanmoins très chère, (produits laitiers, viande , céréales etc..), des productions d’exportation (crevettes, bananes, ananas, etc..) qui s’opposent à une agriculture d’auto-subsistance et de jardins très pratiquée notamment par les populations pauvres et tenues hors des circuits marchands
− enfin, les défauts de cette agriculture déterminée essentiellement de l’extérieur sont aggravés par une politique de soutien modelée depuis la métropole et selon les critères de celle-ci, alors que les situations locales sont extraordinairement différentes de celles de la métropole sur de nombreux plans. Cette situation est bien sûr à nuancer pour les pays d’outre-mer pour lesquels la politique agricole est de leur ressort.
Si on examine maintenant plus précisement la situation des DOM, considérés comme RUP sur le plan communautaire, il faut rappeler que la polititique communautaire est globale et s’articule sur 4 objectifs sur la période 2006/2013 :
− la réduction du déficit d’accessibilité et des cobtraintes particulières des RUP. Si cette action présente divers aspects positifs, en matière agricole, elle favorise une politique d’import/export vers les métropoles en ignorant le coût écologique de ces transports et au détriment des circuits courts et productions pour les besoins locaux.
− L’accroissement de la compétitivité des RUP. Là encore, cette politique liée à la stratégie de Lisbonne, c’est à dire à l’encouragement au développement de la mondialisation peut avoir des aspects positifs si elle contribue à la saitisfaction de besoins locaux,mais devient néfaste quand elle soutient un développement d’abord tourné vers l’extérieur. L’ensemble des actions conduites doivent donc être repensées et décidées localement.
− Le plan d’action pour le Grand Voisinage : cette politique est pertinente, qui vise à mieux insérer les DOM dans leur environnement géographique international proche, au lieu de privilégier la relation avec les métropoles.
− Le soutien à la compensation de handicaps : ce thème global s’applique à l’agriculture avec des taux d’aide et des volumes de cédits majorés au titre de l’objectif 1 des Fonds structurels. Pour l’agriculture , le FEAGA et le FEADER ; pour la pêche le FEP, pour les infrastructures le FEDER, pour le social et la formation le FSE, etc... L’Objectif 1 des Fonds structurels est la principale priorité de la politique de cohésion de l’Union européenne. Conformément au traité, l’Union agit pour " promouvoir un développement harmonieux " et vise en particulier " à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions ".
C’est pourquoi plus de 2/3 des crédits des Fonds structurels sont alloués au rattrapage des régions les plus défavorisées, éligibles à l’Objectif 1 en raison de leur produit intérieur brut (PIB) inférieur à 75% de la moyenne communautaire ; des régions très peu peuplées (moins de 8 habitants par km2) c’est le cas des régions ultrapériphériques comme les départements français d’Outre-mer, îles Canaries, Açores et Madère). Dans toutes ces régions de nombreux indicateurs économiques sont "dans le rouge" : faible niveau d’investissement ; taux de chômage plus élevé que la moyenne ; manque de services aux entreprises et aux personnes ; faible dotation en infrastructures de base. 70% des crédits des Fonds structurels leur sont réservés, soit plus de 135 milliards d’euros. Ils serviront à soutenir le décollage des activités économiques de ces régions en les dotant des équipements de base qui leur font encore défaut, en adaptant et en élevant le niveau de formation des ressources humaines, et en y favorisant les investissements dans les entreprises.
Dans ce cadre global qu’il est indispensable de rappeler, depuis plus de 40 ans, la politique agricole commune (PAC) est la politique commune la plus importante de l’Union européenne. Le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGEA) était le principal instrument financier permettant de mettre en œuvre la politique agricole commune. Il comprenait deux sections : la section Garantie qui finance principalement la politique des marchés et des prix (Organisations communes de marché), et la section Orientation qui encourage les investissements favorables au développement rural. Depuis 1é janvier 2007, le FEOGA n’existe plus en tant que tel, ses deux sections étant devenues autonomes à travers :
le FEAGA (Fonds européen agricole de garantie) pour la section garantie, qui finance les paiements directs aux agriculteurs et les mesures destinées à réguler les marchés agricoles, telles que les interventions et les restitutions à l’exportation,
et le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) pour la section orientation.
Enfin, si comme dans toute l’Europe pour l’agriculture, l’action communautaire est beaucoup plus importante que l’action nationale ( en France de 1 à 7), il ne faut pas négliger l’importance de cette politique nationale, et particulièrement pour les DOM où l’Etat intervient de manière forte de multiples façons ( octroi de mer, plans particuliers, etc...) soit seul, soit en cofinancement d’actions communautaires notamment sur les actions d’orientation du FEADER.
La réforme en cours de la PAC : pour une amélioration du projet de réforme
On relève un grand décalage entre la réforme globale de la PAC prévue pour 2013, avec un bilan à mi-parcours fait en 2008, applicable en 2010 et encore en discussion début 2009 pour les productions métropolitaines, et celle applicable dans les RUP à travers les programmes POSEI (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité), définis pour la période 2007/2013.
Les régions ultrapériphériques ne sont mentionnées ni dans l’exposé des motifs du projet de réforme ni dans les textes de règlement. Seules sont évoquées dans ce document les régions de l’objectif 1 en particulier dans les articles 13 à 19 du projet (chapitre V), dont les départements d’Outre-mer relèvent. Comme l’introduit le considérant correspondant : En effet, les départements d’Outre-mer relèvent des articles 13 à 19 du projet (chapitreV). Comme l’introduit le considérant correspondant : " le soutien aux zones défavorisées doit être un instrument de base du maintien et de la promotion des méthodes de culture à faible consommations intermédiaires ". Ainsi, les zones défavorisées sont de manière implicite les zones de montagne ou les zones en déprise mais aucunement une agriculture ultrapériphérique.Le plafonnement des aides compensatoires aux handicaps figurant en annexe du projet montre que le niveau de l’aide fixé à 200 écus/ha maximum ne correspond pas aux besoins des DOM mais s’adresse à une agriculture extensive, consommatrice d’espace. Ceci est d’autant plus vrai que l’article 53 du texte abroge l’article 21 du POSEIDOM agricole. Cet article permettait de déroger aux divers règlements structurels.
Ce texte ne répond donc pas aux attentes de ces régions. Il faut aussi organiser un débat global de bilan et de repositionnement des programmes en cours, avant de mettre en place un POSEIDOM III simultanément à la réforme de la PAC et dans lequel les productions de diversification et vivrières devront trouver une place privilégiée en laissant une large place à la subsidiarité. L’’article 21 du POSEIDOM doit être maintenu et conforté dans le projet de règlement du FEOGA. Il faut notamment rééquilibrer fortement les soutiens réservés aux productions d’exportation (banane, sucre, ananas, etc..) que l’Etat privilégie abusivement sous prétexte d’emploi, alors qu’elles sont en réalité beaucoup moins génératrices d’emploi et d’activité que les productions vivrières, surtout si elles sont conduites en agriculture biologique. La démarche engagée en 2009 de rééquilibrage des soutiens entre céréales, élevage, respect de l’environnement.. en métropole doit être engagée dans les DOM pour les POSEI sur les productions agricoles locales.
De multiples outils et moyens d’action existent, et il faut donc à la fois les défendre face à d’autres priorités éventuelles, mais aussi et surtout réorienter leur usage en le décidant localement et sur la base d’orientations claires.
L’agriculture des DOM, avec sa spécificité doit à la fois se défendre et s’adapter mais doit être reconnue par l’Europe.
Les RUP permettent à l’Union Européenne de détenir un territoire maritime très vaste, une économie très diversifiée par exemple en fournissant des produits agricoles comme le sucre, le rhum, la banane et autres fruits exotiques qui répondent à la demande des consommateurs Européens. Cependant comme on l’a vu plus haut l’agriculture et la pêche locales souffrent de graves difficultés.
D’où un certain nombre de principes politiques à mettre en oeuvre pour la mise en place d’une agriculture écologique et productive dans ces régions
1) Régionaliser systématiquement la définition et les moyens d’une politique agricole, l’Etat central ne devant plus intervenir qu’en apport de connaissances d’expertise et de soutien, mais pas en décideur.
2) Définir une politique résolument basée sur l’autosuffisance alimentaire locale ou au moins sur la satisfaction des principaux besoins alimentaires au contraire des cultures de rente et d’exportation
3) Dans les régions de surdensité ( Guadeloupe, Martinique, Réunion,), promouvoir les systèmes d’exploitation multi-productions complémentaires sous couvert et sur petites parcelles, facteurs de qualité, de diversité, de rentabilité et de respect de l’environnement, au rebours des monoproductions productivistes sur traitées et sur des grandes surfaces.
4) Exercer une vigilance spécifique sur les facteurs environnementaux de la production, engrais, produits de traitement, risque d’érosion etc..en édictant localement les règles adéquates avec la participation des différents acteurs concernés.
5) Pour ces territoires, des systèmes de production privilégiant la main d’oeuvre, ce qui suppose que soient couverts les coûts différentiels de celle-ci sur les marchés régionaux par opposition aux revenus très faibles des populations surexploitées des îles voisines (Comores, Barbade, Dominique, etc...)
6) En Guyane, mettre l’accent sur des productions extensives adaptées au milieu (races locales ou adaptées, cueillettes respectueuses de l’environnement, rotations gérées sur la durée, polyculture élevage, etc..) prioritairement destinées çà la couverture des besoins locaux, ou à l’exportation de produits identitaires de haute qualité. Au delà de la couverture des besoins alimentaires locaux qui doit être privilégiée, seuls de produits de haute qualité peuvent résister à la concurrence de zones voisines plus pauvres (Surinam, Brésil)
8) Mise en marché et qualité des produits : couverture prioritaire des marchés locaux, y compris l’exportation de voisinage et non des produits d’exportation vers la métropole, organisation des productions spécifiques, reconnaissance et promotion des signes d’identité /qualité ( AOP, labels, bio, etc...)
9) Reconnaissance des usages identitaires et développement des productions correspondantes (aliments locaux spécifiques, plantes aromatiques et médicinales, vannerie sparterie etc..)
10) Une politique foncière tenant compte des spécificités des régions :
Respecter les zonages agricoles établis dans les schémas d’aménagement régionaux (SAR) afin de sauvegarder le foncier agricole qui doit faire face à une croissance démographique plus ou moins rapide selon les départements et à des densités de populations élevées
Récupérer les terres en friches, qui représentent des surfaces importantes pour éviter leur déclassement pour opportunité de spéculation
Mise en place d’une politique foncière agricole d’acquisition-rétrocession afin de facili ter l’installation et l’agrandissement des petites exploitations
11) Actionner la structure recherche-formation-développement pour l’élaboration de référentiels technico-économiques adaptés. Ceci permettant de valoriser les ressources locales dans des systèmes de productions innovants (variétées et races locales sélectionnés pour leur qualité et performances). Les pôles de compétitivité comme l’agro-nutrition doivent devenir une réalité pour ces régions en s’associant avec les pôles agissant ailleurs sur les mêmes sujets.
12) Maintenir l’ensemble des aides communautaires, qu’elles s’inscrivent dans le cadre de la politique agricole commune ou dans POSEIDOM (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité des départements français d’outre-mer) en les réorientant comme indiqué plus haut.
13) enfin, il est impératif de mettre en place rapidement dans le cadre du FEADER un programme spécifique d’adaptation et de lutte face aux pollutions persistantes comme le chlordécone : soutien aux exploitations, dépollution, réorientation des productions sur les parcelles contaminées, reconversion des exploitations.
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