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Comment préparer au mieux la PAC du futur ?

10 septembre 2008

CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL

Bruxelles, le 28 juillet 2008

SN 3986/08

Objet : Réunion informelle des ministres de l’agriculture 21-23 septembre 2008

Comment préparer au mieux la PAC du futur ?

Alors que les négociations sur le bilan de santé sont bien engagées, il n’est pas trop tôt pour initier le débat sur l’avenir de la PAC. Il s’agit en effet d’ouvrir la discussion sur les grandes orientations de cette politique dans un contexte nouveau. C’est l’objet de la réflexion proposée pour ce Conseil informel.

1 – Le nouveau contexte : un constat à partager

- L’augmentation des cours de certaines matières première agricoles, notamment des céréales, des oléagineux, du beurre et de la poudre de lait depuis 2006 dessine un nouveau contexte. Il soulève des questions vis à vis des consommateurs par une pression sur les prix de l’alimentation, mais aussi au sein du secteur agricole par un renchérissement des coûts pour les productions animales.

Selon les experts, dont les analyses sont synthétisées dans le document « Perspectives agricoles 2008-2017 » publié conjointement en mai dernier par l’OCDE et la FAO, cette situation est la résultante de facteurs conjoncturels liés à la succession d’aléas climatiques défavorables dans les pays producteurs/exportateurs, mais aussi de modifications structurelles de l’évolution de la demande tenant à l’augmentation de la population, à la modification des comportements alimentaires ainsi qu’au développement des biocarburants.

Pour l’avenir, la question majeure pour construire une politique agricole est celle de la pérennité de cette nouvelle situation. L’augmentation de la productivité agricole, conjuguée à l’émergence de biocarburants de seconde génération moins concurrents des usages alimentaires, devrait permettre de desserrer les tensions sur les marchés de certaines matières premières. Cependant, l’agriculture devra probablement vivre, dans la prochaine décennie au moins, dans l’incertitude sur l’équilibre final entre offre et demande qui en résultera.

- Un large consensus dans les analyses se dégage sur une plus forte instabilité des prix tenant :

• à l’ouverture plus grande des marchés,

• au changement climatique qui va accroître la fréquence et l’amplitude des aléas naturels,

• à la recrudescence des crises sanitaires et à ses répercussions sur les marchés.

De plus, il faut tenir compte des stratégies des autres grandes zones productrices en terme de politiques agricoles ( Etats-Unis, Brésil ) et celles des grandes zones consommatrices en termes d’évolution et de couverture de la demande ( Chine, Inde ). Les décisions de ces partenaires majeurs seront susceptibles d’affecter les prix mondiaux sur le moyen-long terme. Certains d’entre eux ont déjà pris des options lourdes de conséquences, comme les Etats-Unis avec le nouveau Farm Bill ou le Brésil avec sa politique des biocarburants.

- Enfin, les modes de production en Europe, ou au moins certains d’entre eux, pourraient être fondamentalement remis en cause par plusieurs phénomènes déjà visibles.

Le contexte global de réchauffement de la planète concerne directement l’agriculture dans sa capacité à adapter ses pratiques et à apporter sa contribution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La concurrence sur l’utilisation de l’espace génère des conflits d’usage entre monde agricole et reste de la société. Il en va d’ailleurs de même sur le partage de la ressource en eau.

La hausse durable du coût de l’énergie, la rareté de la ressource en eau et l’épuisement des sols posent la question de la viabilité à long-terme de nos systèmes de production.

S’y ajoutent les interrogations croissantes sur l’impact de ces modes de productions sur la santé publique ou l’environnement.

Une réflexion ouverte est nécessaire pour déterminer dans quelle mesure la PAC d’aujourd’hui devra être adaptée pour répondre à un contexte aussi nouveau. Restons conscients néanmoins qu’une telle réflexion doit s’intégrer dans une démarche plus globale touchant à la gouvernance mondiale, car la PAC ne saurait à elle seule répondre à des problèmes tels que la faim dans le monde ou le changement climatique.

Ce constat sur les évolutions prévisibles et le besoin d’en tenir compte peut-il être partagé ?

2 – Les défis de la PAC du futur

L’agriculture est au cœur des enjeux économiques, écologiques et sociétaux de demain. Sa puissance économique porteuse d’emplois, son ancrage territorial, son arrimage à un secteur agroalimentaire dynamique, sa contribution à l’environnement en font un des secteurs majeurs de la stratégie de l’Europe.

La PAC pourra trouver une nouvelle légitimité si elle parvient à montrer qu’elle répond à ces besoins collectifs clairement identifiés et non contestés. Ces besoins correspondent en fait à trois grands défis auxquels est confrontée la société européenne.

• Le défi alimentaire

Au cours des dernières décennies, chacun a pu croire que l’approvisionnement alimentaire était assuré et que l’enjeu essentiel des politiques agricoles était de réduire l’offre, au moins dans les pays développés. Or, le contexte a changé avec une flambée des prix de certaines matières premières agricoles, des stocks mondiaux au plus bas.

Même si des facteurs conjoncturels ont pu jouer, la tension sur les marchés agricoles tient à des causes profondes appelées à durer. La croissance démographique se poursuit avec 9 milliards d’individus à horizon 2050. L’élévation rapide du niveau de vie dans les pays émergents conduit à une réorientation des comportements alimentaires au profit des protéines animales. Ces évolutions vont se traduire par un doublement de la demande alimentaire d’ici 2050.

Dans le même temps, la faim dans le monde n’a pas reculé et touche aujourd’hui plus de 800 millions de personnes. Les troubles sociaux liés à l’augmentation des prix alimentaires montrent que, au-delà d’une production en quantité suffisante, l’accès à l’alimentation est redevenu un enjeu stratégique.

Certes, des gains de productivité sont encore possibles. Mais la capacité d’augmenter la production est fortement menacée par des rendements décroissants dans certaines zones du monde, par le changement climatique et par la stérilisation des terres induite par l’urbanisation et les infrastructures.

Ces évolutions font du défi de la production, le premier auquel les agricultures dans le monde doivent répondre. L’Europe, avec son potentiel agricole avéré, doit y contribuer tout en veillant à limiter les possibles effets distorsifs de ses politiques. A cet égard, il faut souligner que l’Union européenne a largement réformé sa politique agricole en limitant ou en supprimant les outils à effet distorsif : elle a ainsi divisé par 2 ses restitutions en 15 ans, et elle a découplé les aides aux agriculteurs. De plus, l’Union européenne s’est engagée, dans le cadre de l’OMC, à supprimer les restitutions sous réserve d’un effort réciproque de ses partenaires.

A côté de ce défi quantitatif, la PAC devra davantage encore répondre à l’exigence de qualité et de diversité de l’alimentation. La sécurité sanitaire sera conçue par le consommateur de façon encore plus rigoureuse ; s’y ajouteront des considérations de santé publique liées à l’équilibre nutritionnel (problème de l’obésité).

Enfin, le défi alimentaire concerne aussi notre capacité à assurer aux plus démunis de nos concitoyens un accès à l’alimentation. Le programme européen qui leur est destiné est aujourd’hui fragilisé par la disparition progressive des stocks sur lesquels il reposait. Il a besoin d’être conforté et consolidé dans une Europe élargie

• Le défi environnemental

La demande de nos concitoyens va de plus en plus aller au-delà du simple respect par l’agriculture d’une réglementation environnementale pourtant très exigeante. Elle portera au moins autant sur la production de biens environnementaux. Il s’agit là d’une opportunité pour l’’agriculture, au cœur des grands équilibres écologiques de la planète. Elle est en effet un acteur incontournable de la préservation des ressources naturelles, de la biodiversité, de la lutte contre les pollutions, mais aussi de la réduction des gaz à effet de serre.

Pourtant, il ne faut pas se cacher que cet objectif ne va plus de soi dans un monde marqué par le retour de la rareté. Doubler à terme la production alimentaire impliquera d’augmenter fortement la productivité de l’agriculture, alors que la préservation de l’environnement peut au contraire nécessiter de freiner cette même productivité.

Après avoir répondu aux besoins alimentaires avec un niveau de sécurité et de qualité sanitaires élevé, l’agriculture devra donc désormais concilier performance économique et efficacité écologique dans une approche de développement durable. Cette nouvelle donne concerne toutes les agricultures du monde, elle conditionne leur pérennité et donc la capacité à nourrir une population mondiale en forte progression.

La politique agricole doit contribuer à répondre à l’augmentation de la demande mondiale et à construire une agriculture économe de ses intrants et créatrice de valeur générant des emplois. Elle doit également permettre de positionner l’agriculture comme producteur d’énergies renouvelables et de biomatériaux dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. La politique de l’environnement ne peut plus être considérée comme opposée, ni même comme séparée de la politique agricole. Cette nouvelle dimension non seulement constitue une nouvelle voie du développement de l’agriculture, mais elle est également une des conditions de la légitimité à long terme d’une politique agricole.

Pour cela, il faudra s’appuyer sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies, et donc accorder une place centrale à la recherche, à l’innovation et au conseil. Cette dimension s’inscrit dans la stratégie de Lisbonne.

• Le défi des territoires

La logique d’une économie mondialisée conduit à concentrer la production et l’emploi dans les zones les plus compétitives. La PAC devra au contraire permettre de maintenir une agriculture viable sur l’ensemble du territoire :

- parce qu’elle fait vivre des bassins de production dans un grand nombre de zones rurales aux alternatives limitées et génère un tissu de petites et moyennes entreprises ancrées dans les territoires ;

- parce qu’elle est porteuse de diversité des modes de production et d’alimentation ;

- parce qu’elle est à la base de la qualité des paysages, eux-mêmes créateurs de valeur (tourisme et attractivité) ;

- parce qu’elle contribue à la cohésion territoriale, composante majeure de la cohésion sociale dans une société largement urbanisée.

Ces différentes agricultures, pour autant qu’elles soient économiquement viables et écologiquement durables, doivent être préservées et consolidées par les évolutions de la PAC. Les Etats-membres les accompagnent dans le cadre des politiques rurales qu’ils conduisent. Le maintien d’une activité agricole par la présence d’agriculteurs nombreux dans tous les territoires, y compris les plus fragiles, dans lesquels elle constitue l’armature économique, participe de l’identité européenne.

Dans ce contexte, une politique agricole renouvelée devrait répondre à 4 objectifs :

• assurer la sécurité alimentaire de l’Union européenne y compris dans sa dimension sanitaire en lien avec la montée des risques sanitaires,

• contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux pour participer à la sécurité alimentaire mondiale et être présente sur les marchés de demain,

• préserver les équilibres des espaces ruraux pour maintenir une cohésion territoriale et une localisation de l’activité et des emplois,

• participer à la lutte contre le changement climatique et l’amélioration de l’environnement pour construire une agriculture qui concilie performance économique et efficacité écologique.

Ces objectifs correspondent en grande partie à ceux que fixaient déjà le Traité de Rome à la PAC, comme la sécurité des approvisionnements ou des prix raisonnables pour les consommateurs. La double dimension environnementale et territoriale est au cœur de diverses stratégies développées par l’Union européenne. Il est important que la PAC puisse l’intégrer davantage.

Pouvez-vous partager ces objectifs ?

3 – Quelques orientations à débattre pour la PAC du futur

Les exigences élevées qui sont imposées aux producteurs européens, à travers les normes sanitaires, environnementales et même les préférences collectives comme le bien-être animal, sont légitimes car elles répondent à des attentes sociétales, toutefois elles représentent pour les producteurs un coût élevé. Dans ces conditions, il convient de préserver la production européenne d’une distorsion, et rechercher un équilibre entre compétitivité et attentes sociétales.

L’Union européenne peut-elle renoncer à compenser pour son agriculture des exigences plus élevées qu’ailleurs et à les traduire dans des règles commerciales équitables ?

La volatilité des marchés et l’accroissement des risques sanitaires et climatiques sont des phénomènes appelés à s’accroître. La capacité à y faire face est déterminante pour préserver une base durable de production en Europe. Par ailleurs, se pose la question de légitimité d’aides totalement déconnectées de la situation réelle des marchés.

Les modes de soutiens actuels, basés essentiellement sur des soutiens individuels et fixes dans le temps, sont-ils adaptés à cet enjeu, ou convient-il de les compléter par des outils moins statiques dans le respect des règles internationales ?

Le recours à de nouvelles techniques permettra de résoudre la contradiction potentielle entre le besoin de produire plus et celui de produire mieux. Sur la base de ce constat, il serait logique de faire de la question de l’innovation une des dimensions de la PAC de demain afin que celle-ci soutienne une agriculture respectueuse de l’environnement. Comme cela a été le cas à l’origine de la PAC quand l’objectif était de moderniser l’agriculture européenne, il s’agirait cette fois d’inventer les instruments à même de diffuser le plus largement possible des techniques à la fois productives et durables pour un environnement préservé.

Convient-il d’intégrer effectivement dans la PAC des soutiens futurs à l’agriculture et à l’industrie agro-alimentaire, conçus pour encourager l’innovation intégrant le respect de l’environnement ?

L’agriculture européenne se caractérise par sa très forte diversité. Aujourd’hui, la PAC intègre surtout cette diversité dans le cadre du développement rural, à travers les aides aux zones défavorisées ou les mesures agri-environnementales, aides conçues sur la base de critères physiques. Le premier pilier de la PAC, quant à lui, est fondé sur le caractère uniforme de ses soutiens. L’uniformité des soutiens ne doit pas gommer la diversité européenne des territoires et des productions. Les plus fragiles d’entre eux et ceux qui intègrent totalement la dimension environnementale doivent sans doute bénéficier d’un soutien particulier.

L’efficacité de la PAC implique-t-elle de mieux prendre en compte à l’avenir la diversité des systèmes de production et de leurs besoins ?





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