Je suis née à Paris, d’une mère turque et d’un père français.

Adolescente, j’ai commencé le bénévolat dans une association pour l’intégration des migrants de Turquie, Elele (main dans la main), fermée sous Sarkozy, où j’aidais les enfants primo-arrivants à faire leurs devoirs. Personne n’est stupide, personne n’est méchant, surtout pas les enfants. Seulement parfois, c’est plus compliqué de travailler pour l’école pour ceux qui dorment à 6 dans un studio ou une chambre d’hôtel. Puis il y a d’autres choses, comme le fait que les enfants kurdes apprennent plus vite parce que leur langue maternelle est aussi indo-européenne, tandis que les turcophones doivent apprendre une autre logique de décrire le monde.

J’ai fait mes études aux Langues Orientales à Paris, en Turc et en Haoussa. C’est durant cette période que le journaliste arménien Hrant Dink a été assassiné dans la rue en plein jour à Istanbul, devant le journal Agos qu’il avait créé. Quelques années plus tard, les militantes kurdes Sakine Cansız, Fidan Doğan et Leyla Şaylemez étaient aussi assassinées, mais à Paris cette fois-ci. Ces deux événements m’ont amenée à me questionner: comment peut-on assassiner en France ou en Turquie, des gens qui ne font que défendre leur identité, leur langue?

 

En 2008, étant binationale, j’ai emménagé en Turquie. J’ai écrit un mémoire sur les artistes africains vivants à Istanbul, sous l’angle des droits culturels des minorités.

Les droits culturels font partie des droits de l’humain, et ils ne se limitent pas au droit à accéder à la culture de la majorité hégémonique, il s’agit aussi d’avoir accès aux moyens de s’exprimer comme on veut, de pratiquer sa langue maternelle, de développer un esprit critique sur sa propre identité.

Je suis allée au Togo, où j’ai accompagné la création d’un réseau d’agriculteurs et consommateurs solidaires, pour une indépendance agro-écologique face aux vendeurs de semences et de pesticides.

De retour en Turquie, j’ai travaillé pendant deux ans dans l’agence des Nations Unies pour les migrations, l’OIM; au coeur des accords bi-latéraux, des politiques sécuritaires des frontières, des centres de détention avant la déportation des éxilé-es. Je travaillais dans un projet qui servait à former une plateforme pour l’expression artistiques des migrants, dans le but de montrer aux populations locales que des gens qui arrivent de par le monde ont forcément quelque chose de positif à apporter. Avec l’aide de peintres et photographes immigrés, nous avons monté un fond d’aide pour les victimes de la traite humaine.

C’est à cette période de ma vie qu’a commencé le mouvement de Gezi. Pour sauver quelques arbres, nous nous sommes soulevés et certains sont morts. Comme au barrage de Sivens où pour protéger la nature, Rémi Fraisse est mort, tué par une grenade de gendarme. Parce que nos vies valent apparemment moins que les bénéfices de quelques exploitants. Même si c’est souvent de façon moins violente, nous sommes tous exposés à ce même mécanisme qui est à l’œuvre lorsque la pollution de l’air, de l’eau et de la nourriture rendent malades.

 

Je suis ensuite partie en Arménie voisine, pour travailler pendant six mois dans une association féministe à utiliser la capoeira comme moyen d’autonomisation sociale pour les femmes, grâce à qui j’ai intériorisé le concept de solidarité féminine. Entre la Turquie et l’Arménie, la frontière est fermée, et les relations sont compliquées par le déni du génocide par les Turcs. Dans la vie courante, les rencontres difficiles entre Arméniens et Turcs reflètent parfaitement que nier la souffrance de l’autre ne fait qu’éloigner la réconciliation. Car nous souffrons nous-même de l’oppression et de l’injustice infligée aux autres.

 

 

 

De retour à Istanbul j’ai fondé, avec d’autres personnes engagées, BoMoVu (Association pour l’autonomisation sociale par le sport et le mouvement du corps). Notre association défend le droit fondamental qu’est l’intégrité physique, pour tous. Depuis 2015, nous travaillons à prévenir l’arrêt scolaire des enfants victimes de la destruction urbaine par des activités sportives. Avec l’appui de la maison Anne Frank à Amsterdam, nous avons développé un manuel des “Jeux de la Réconciliation”. En utilisant les jeux traditionnels, nous avons sensibilisé les enfants qui vivent sur la frontière sur leur dialogue avec les enfants du pays voisin. Par ailleurs, nous organisons pour les supporters de football, des ateliers de création d’insultes non-discriminatoire pour créer un autre langage de l’amour du sport. Nous donnons des cours de sport aux enfants en chaise roulante pour les renforcer dans leurs capacité à réclamer leurs droits de citoyens, et bien d’autres activités.

 

En 2017, avec votre soutien, j’espère pouvoir continuer à porter mes convictions à l’Assemblée Nationale en tant que députée de la 8ème circonscription des Français-es établi-e-s hors de France.