Œuvrer à l’accès à la culture, c’est promouvoir pour tous l’ouverture au monde, le sens critique, la capacité à penser ce qui nous entoure. C’est permettre à chacun d’éprouver des sentiments transcendés par l’art, c’est contribuer à éveiller tous les sens, à accéder à l’imaginaire, à comprendre le symbolique. La vie d’un être humain n’est pas fondée que sur des besoins primaires. Travailler à partager la culture, c’est refuser d’assigner les personnes à une place, un lieu. C’est émanciper. C’est partager et échanger des idées et des valeurs. C’est se souvenir ce qui fait humanité, communauté, citoyenneté. C’est enrichir sa propre identité, pétrie de cultures.
La culture, notre culture, nos cultures, sont pourtant inégalement partagées. Aux inégalités sociales s’ajoutent les déséquilibres territoriaux. Un seul chiffre : près 50 % du budget du ministère de la culture dédié au spectacle vivant est concentré sur Paris !
Depuis trop longtemps désormais, l’idéal de partage et l’ambition de décentralisation de la culture se sont effacés derrière le poids des institutions et l’objectif comptable du 1 % du budget de l’État pour la culture. Cette dernière nécessite des moyens, évidemment. Et les efforts récents sont à saluer. Mais leur distribution ne peut pas se faire qu’au seul bénéfice des grandes institutions parisiennes, fréquentées par une minorité. Il faut remettre du sens et repenser le maillage de notre territoire, à l’instar de ce que l’on fait en matière éducative par exemple. A défaut, l’État entretient le sentiment de délaissement et nourrit les replis mortifères.
Ainsi, je propose de créer, ou renforcer lorsqu’ils existent déjà en partie, dans tous les territoires des lieux dédiés à la diffusion, à la production et à la pratique culturelles. Des lieux qui brassent les arts, dans toute leur diversité : des esthétiques les plus classiques aux cultures urbaines et aux innovations technologiques, mais également l’inclusion des cultures venues des nouveaux arrivants. Il faut envisager une pluralité de fonctions : bibliothèque, cinéma, atelier d’artiste plasticien (parent pauvre de la culture), petite scène avec une programmation, école du spectateur/lecteur/visiteur, accompagnement des pratiques amateurs… A chaque fois, un projet culturel, construit au plus près des attentes et des besoins, viendrait consolider la démarche. Ces espaces pourraient aussi servir aux écoles dans les territoires ruraux pour certaines de leurs activités.
D’une certaine manière, on en revient à l’esprit originel des quelques maisons de la culture, dont le programme fut trop vite arrêté. Maisons de la culture devenues institutions, qui à leur tour ont, parfois, centralisé dans leur territoire. On en reviendrait au projet initial de certains lieux qui existent encore, mais qui sont fragilisés. Nous ne partons pas de rien.
Par ailleurs, continuer à négliger les dispositifs d’éducation populaire, sous prétexte que c’est ringard, c’est réserver la culture à ceux qui savent, c’est entretenir la division d’une société entre une élite (fantasmée ou non) et les autres. Ces lieux devront être irrigués par ces les structures d’éducation populaire.
L’État devra pouvoir s’appuyer sur les collectivités locales parce que c’est en local que les innovations s’observent, que l’émergence s’opère. Mais il est primordial de préserver un cadre national et les financements afférents (via des conventionnements pluriannuels). Comme pour l’éducation, c’est la garantie d’une égalité républicaine, c’est aussi la protection contre la tentation d’instrumentalisation idéologique de la culture que certaines communes peuvent avoir, en particulier lorsqu’elles basculent vers l’extrême-droite.