Le projet : Bien Vivre
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Sous la direction d’Alain Coulombel, chargé du projet, et de Marie Toussaint, déléguée à l’Europe, le projet « Bien vivre » est le résultat d’une réflexion collective issue des commissions thématiques d’Europe Écologie-Les Verts, menée sur plusieurs mois, et des propositions d’une plateforme participative ouverte à la société civile et qui a rassemblé plusieurs centaines de contributions. Il actualise le projet écologiste à l’aune des évolutions de l’environnement politique et économique de ces dernières années, tout en mettant l’accent sur les dimensions européennes et internationales.

Vers une société du bien-vivre
Autonomie, dignité, solidarités

 

Sommaire

Introduction

Première partie. Vers une société post-croissance

  1. Une économie résiliente au service de l’humain et du vivant dans le respect de leur environnement
  2. Réinventer le travail et lutter contre le chômage
  3. La réforme de l’entreprise autour du projet de création collective, de la promotion de l’entreprise citoyenne et de la lutte contre les discriminations
  4. Libérer l’économie de sa financiarisation
  5. Donner du sens à notre politique économique au service de la transition écologique et de la protection des citoyen.ne.s
  6. Un nouvel art de vivre au temps de l’Anthropocène

Deuxième partie. Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant

  1. Protéger et restaurer la nature et la biodiversité
  2. Respecter l’animal
  3. Une eau de qualité pour tou.te.s
  4. Une forêt mieux protégée et gérée durablement
  5. Donner des perspectives aux territoires ruraux : pour une agriculture écologique et paysanne
  6. Les enjeux maritimes et littoraux face au changement climatique
  7. Relier environnement et santé : un enjeu sanitaire et démocratique majeur

Troisième partie. Vers un nouveau pacte social alliant autonomie, solidarités et dignité

  1. Renforcer les droits actuels des plus démuni.e.s et lutter contre toutes les discriminations
  2. Élargir le pacte social à de nouveaux droits

Quatrième partie. Face à l’État d’urgence et aux menaces sur les libertés publiques : démocratie réinventée et égalité des territoires

  1. État d’urgence et démocratie
  2. Mettre l’humain au cœur de la politique de sécurité
  3. Lutter contre les discriminations et promouvoir une identité positive
  4. Écologie et égalité des territoires
  5. La 6e République pour la transformation écologique de la société

Cinquième partie. L’Europe dans le monde

  1. Refonder l’Europe : un plan politique de sortie de crise
  2. L’Europe que nous voulons

Sixième partie. Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale

  1. Pour une démocratie globale
  2. Pour une politique mondiale des communs et de la justice sociale et environnementale
  3. Contre le pouvoir prédateur des multinationales
  4. Des agricultures paysannes et une pêche familiale pour nourrir le monde
  5. Coopérer réellement pour le développement
  6. Pour une politique de résolution des conflits par la diplomatie
  7. Pour une planète pacifiée

Postface. Pour une politique à l’âge de l’Anthropocène

 

Introduction

« Comme les pièces dispersées au hasard d’un puzzle, les ferments premiers de la nouvelle civilisation travaillent ici et là, font ici et là lever la pâte nouvelle. Les besoins inconscients d’une autre vie commencent alors à passer à la conscience. Des oasis de convivialité, de vie nouvelle se sont créées. » Edgar Morin

Qu’est-ce que l’écologie politique ?

Une philosophie de réconciliation et de respect de l’environnement et des êtres humains. La volonté de replacer au centre des valeurs démocratiques la solidarité plutôt que l’individualisme, la coopération plutôt que la compétition, le temps long plutôt que les décisions à courte vue, l’intérêt général plutôt que la somme des intérêts particuliers, la démocratie citoyenne en lieu et place de la technocratie ou des populismes.

Un projet de transformation global portant sur l’environnement, l’économie, le contrat social.

Un chemin, celui de la conversion écologique de la société, pour développer de nouveaux secteurs économiques, réinvestir les territoires, créer des emplois et soutenir l’innovation créant de la valeur sociale et environnementale.

Les écologistes portent un projet de civilisation, réformiste et radical. Une autre manière d’habiter le monde. Une autre vision du collectif, avec le bien-vivre comme horizon, la confiance et la bienveillance…

Partout les crises sévissent – crises économiques, monétaires, financières, sociales, toutes en lien avec une crise écologique systémique. Partout prospèrent de fausses solutions : l’austérité, la déréglementation, le recul de la puissance publique ou la reproduction sans frein de l’ancien modèle de croissance infinie. Ces fausses solutions, portées comme des évidences année après année, nous conduisent dans le mur.

Le capitalisme, productiviste et consumériste, impose la marchandisation générale du vivant et du non-vivant. Depuis la fin de la guerre froide, jamais le monde n’avait semblé aussi menaçant et la paix aussi fragile. Les populismes ont le vent en poupe. Les faiseurs de guerre ; les intégrismes en tous genres. Tous ces signaux sont inquiétants et nécessitent de déconstruire l’imaginaire capitaliste qui domine la planète et impose sa « volonté de puissance », son rapport de prédation à la nature, ses choix économiques, sociaux, politiques…

Face à toutes ces menaces, il est urgent d’agir ! Il ne s’agit plus de prendre des décisions pour la durée d’un mandat électoral mais de s’interroger sur le long terme, de décider de l’avenir de notre planète en faisant des choix pour plusieurs générations :

  • soit nous continuons avec les croyances du passé, et nous préparons alors l’aggravation des maux qui nous accablent : épuisement écologique et désordres climatiques, pertes de biodiversité et conséquences sur l’eau, l’air, les forêts, les milieux naturels, l’alimentation et la santé humaine, accroissement de la pauvreté et de la précarité ;
  • soit nous changeons de modèle, nous faisons décroître notre empreinte écologique, nous promouvons de nouveaux droits et de nouvelles solidarités humaines, reconstruisons notre relation à la nature et aux animaux et préservons notre maison commune.

Il n’y a pas de fatalité. Notre programme d’action s’appuie sur les nombreuses alternatives de vie, les solutions technologiques nouvelles, les expérimentations réussies depuis des années sur tous les territoires, l’enthousiasme né de milliers d’initiatives qui démontrent que l’avancée vers une autre société est possible, et même qu’elle est déjà en marche.

Pour peu que la politique lui donne le coup d’accélérateur indispensable, pour peu qu’elle aide à lever les obstacles qui se dressent sur notre chemin, nous sommes prêt.e.s pour une société plus écologique et plus solidaire.

C’est ce que nous proposons…

Depuis 1974 et la candidature de René Dumont, nous n’avons cessé de porter dans l’espace public une approche différente des enjeux de notre époque.

Face à la crise du projet européen, nous avons choisi d’élargir l’horizon du débat politique français hors des frontières. Nous sommes convaincu.e.s que les institutions européennes, et particulièrement le Parlement européen, doivent devenir un lieu démocratique central de débats et de décision. La campagne qui s’ouvre doit être l’occasion de donner un sens nouveau au « rêve européen ».

Nous voulons que l’ouverture à la diversité des débats et au monde devienne partie intégrante des processus de décision nationaux. Nous entendons non seulement faire face aux urgences et réparer les conséquences des mauvaises décisions passées, mais avant tout aller aux causes, anticiper, prévoir.

  • Parce que nous devons dès aujourd’hui favoriser la transition écologique de l’économie ;
  • parce que nous devons lutter contre les inégalités qui minent la cohérence de nos sociétés et sapent les fondements de la démocratie ;
  • parce que nous voulons promouvoir la dignité, l’autonomie et les solidarités, mais aussi la non-violence, la responsabilité collective et individuelle ;
  • parce que l’Europe doit rester un pôle de stabilité dans le monde et parce que le monde est notre maison commune ;

notre programme d’action pour les années à venir s’organise autour de six grandes orientations :

  1. Écologie : vers une société post-croissance,
  2. Écologie : un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant
  3. Écologie : autonomie, solidarités et dignité. Lutter contre les inégalités.
  4. Écologie : démocratie réinventée et égalité des territoires.
  5. Écologie : l’Europe dans le monde.
  6. Écologie : vers un monde de paix, de justice sociale et environnementale

 

Première partie

Vers une société post-croissance

« La société écologiste pose les fondements d’une organisation économique et sociale d’un autre type : à la démesure, les écologistes opposent la conscience des limites ; aux mécanismes marchands, à la course au profit et aux gaspillages, la régulation par les écosystèmes et les besoins sociaux ; à la pulsion dominatrice sur la nature, la sanctuarisation du vivant et des équilibres naturels garantissant la diversité biologique ; au dogme de la croissance infinie, la décroissance des excès ; à la gloutonnerie en énergie et matières premières, la réparation, le recyclage, la réutilisation ; à la gabegie productiviste et avare d’emplois, la reconversion industrielle et agricole ; à la dictature du PIB, les indicateurs de bien être, d’égalité et d’émancipation ; au libre échange planétaire, la proximité et les circuits courts ; au talon de fer de la concurrence, le commerce équitable et la mutualisation ; au travailler toujours plus, la réduction et le partage du temps de travail ; à la sacralisation de la valeur travail, la gratuité des biens fondamentaux, la valorisation du temps libre et de l’autonomie ; au saupoudrage des minima sociaux, un revenu universel inconditionnel et personnalisé ; à la fuite en avant technologique et nucléaire, la réalisation de solutions concrètes, maîtrisables et décentralisées ; à la méthode répressive unique, l’effort de prévention ; aux dérives de l’endettement, la prudence du recours au crédit ; au règne de l’argent et de l’accumulation, la redistribution et le partage » (Manifeste pour une société écologiste).

L’évolution des chiffres du chômage, des finances publiques et des inégalités ne plaide pas en faveur de la politique économique conduite par le gouvernement depuis cinq ans. Le choix du gouvernement a été de favoriser l’offre et les entreprises plutôt que les ménages, en se concentrant sur la compétitivité-prix – via le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et le Pacte de responsabilité – et la restauration du taux de marge des entreprises. Conséquence de cette politique : le pouvoir d’achat par ménage en 2016 est inférieur de 350 euros par rapport à son niveau de 2010.

Quant au chômage, il a crû de manière dramatique (entre 2008 et 2012, le nombre de chômeurs a augmenté de 751 000 personnes ; entre 2012 et 2016, de 194 000 chômeurs supplémentaires). La politique de l’emploi du gouvernement est un échec, la France compterait fin 2016 plus de 6 millions de personnes fragilisées vis-à-vis de l’emploi (temps partiel subi, chômeurs découragés, personnes en sous-emploi etc.).

Face à cette situation, le gouvernement actuel – comme ses prédécesseurs depuis quarante ans – n’a cessé de miser sur le retour de la croissance. Or la croissance que nous avons connue durant les Trente Glorieuses, autour de 5 % par an, ne reviendra pas. Cela soulève de nombreux défis. Comment réduire le taux de chômage ou le niveau de la dette ? Mais aussi, comment améliorer l’utilité sociale et écologique de la production, comment créer des emplois, comment améliorer la qualité du travail ? Comment promouvoir un modèle de développement plus sobre et plus convivial ?

D’autre part, sur le plan climatique, ces dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Chacun sait aujourd’hui que ce réchauffement est lié aux activités humaines et à l’émission de gaz à effet de serre (GES). Les impacts de cette évolution sont déjà perceptibles sur notre territoire : sécheresses, déplacement de certaines espèces animales et végétales, inondations, etc. Notre modèle de développement épuise les ressources naturelles, relègue une partie de l’humanité dans les marges, augmente les pollutions et accélère le réchauffement. Nous devons en sortir au plus vite !

Pour lutter contre le réchauffement climatique et pour réduire le chômage de masse dans notre pays, pour éviter aux pays en voie de développement d’être durablement réduits au rôle d’« usines du monde », la relocalisation et la transition écologique de notre économie sont deux pistes majeures prônées par les écologistes. Mais il faut aussi examiner la place du travail et de l’activité dans notre société, face à l’automatisation et aux profondes transformations dans l’organisation du travail.

Enfin, dans le contexte des crises actuelles, les écologistes ne se reconnaissent pas dans le discours libéral sur la dette publique qui présente l’austérité et la réduction de la dépense publique comme les seules solutions pertinentes. Pour les écologistes, qui raisonnent sur le long terme, il est certes important de consolider nos finances et de maîtriser l’endettement privé. Mais pas à n’importe quel prix humain ni au détriment des plus faibles.

Pour transformer l’économie, réduire nos émissions de gaz à effet de serre, accompagner les changements sociaux, réduire la pauvreté et les inégalités ou encore protéger la biodiversité, il est indispensable de prévoir et de planifier. La réduction brutale de la dette paralyse toute capacité d’agir, d’influer sur le cours des choses. Une politique volontariste est nécessaire, un État stratège face aux lobbys et aux puissances financières qui refusent de prendre le virage d’une société post-croissance.

1. Une économie résiliente au service de l’humain et du vivant, dans le respect de leur environnement

« Une économie soutenable doit être capable de résister aux choix exogènes et d’éviter les contradictions internes qui engendrent le chaos durant les périodes de récession […]. Mais il faudra explicitement faire entrer en ligne de compte de nouvelles variables macroéconomiques, qui incluront presque certainement la dépendance de l’économie à l’énergie et aux ressources, ainsi que des plafonds en termes de carbone. Elles incluront peut-être également des variables qui refléteront la valeur des services écosystémiques ou des stocks de capital naturel. » Tim Jackson

Nous ne retrouverons plus les conditions économiques que nous avons connues après la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’entrée dans l’Anthropocène – à savoir le fait que l’humanité est devenue une force géologique susceptible de modifier le système-Terre – représente pour nos sociétés un défi difficilement imaginable jusque-là.

Cela nécessite de sortir des mesures d’ajustement à la marge. L’aveuglement dont font preuve sur ce point les différents gouvernants est coupable. Nous devons rendre notre économie résiliente.

Les conditions pour résister à des chocs exogènes (crise financière, catastrophe climatique, pic pétrolier, etc.) sont aujourd’hui connues : retour au local et au circuit court, économie low-tech (plutôt que high-tech), construction de petits systèmes résilients, réduction de la complexité, autonomie énergétique et alimentaire, économie circulaire, économie collaborative, transports doux et partagés, auto-construction, isolation et alternatives énergétiques, solidarités de proximité, recycleries-ressourceries, accorderies, monnaies locales, micro-crédit, agro-écologie et agriculture urbaine, etc.

À travers ces différentes expériences, des perspectives nouvelles se dessinent, qui pourraient préfigurer un nouveau modèle de société fondé sur la confiance, la commune humanité et la commune socialité.

I. Relocaliser l’économie

« Relocaliser, cela signifie avant tout “démondialiser”. Ce qu’on appelle la mondialisation n’est en fait qu’un jeu de massacre à l’échelle globale. Une compétition dans laquelle tous les peuples s’autodétruisent les uns les autres. » Serge Latouche

Une révolution industrielle est en cours. Elle a bouleversé l’organisation du travail en entreprise et entraîné l’éclatement mondial de la production. En France, tous les indicateurs signalent un déclin important de l’industrie : baisse du nombre d’emplois industriels, baisse de la part de l’industrie dans le PIB (12,4 % en 2014 contre 16,6 % en 2000). Cette désindustrialisation est marquée par une spécialisation en déclin, le choix de la compétitivité-prix poussant nos entreprises vers le moins-disant social (baisse des rémunérations, précarisation), la stagnation de nos efforts de recherche et développement (entre 2,1 % et 2,3 % du PIB), loin de ceux consentis dans d’autres pays. D’autre part, les entreprises françaises sont éclatées entre deux extrêmes : de grandes firmes concentrant de la haute technologie et de nombreuses PME/PMI positionnées majoritairement sur des secteurs à faible technologie (et donc à faible valeur ajoutée). 84 % des entreprises françaises comptent moins de dix salarié.e.s, contre 60,5 % en Allemagne. La pérennité de ces petites entreprises est notamment fragilisée par les problèmes d’accès au crédit et une relation de subordination entre les donneurs d’ordre et les fournisseurs. La France manque de PME/PMI de bonne taille et d’entreprises intermédiaires, qui sont des lieux d’innovation et d’adaptation.

Enfin, la stratégie des grands programmes de l’État a soutenu le développement d’entreprises publiques ou privées à partir de commandes régaliennes (le Rafale, l’EPR, etc.) qui – pour des raisons différentes – n’ont pas trouvé de marchés à l’étranger. Les programmes de coopération européenne (Airbus, Ariane) auront eu plus de succès. De plus, les exportations d’armement pèsent d’un poids bien discutable.

Si l’on ajoute à ces constats l’insuffisance du dialogue social et une fiscalité inadaptée aux enjeux écologiques, notre industrie nationale présente toutes les caractéristiques d’un « colosse aux pieds d’argile ».

Pourtant, la réindustrialisation de nos territoires est une nécessité pour lutter à la fois contre le changement climatique, la mise en concurrence internationale de salarié.e.s aux conditions de vie très différentes et le dumping social et environnemental pratiqué par certains pays.

Inverser la tendance, c’est relocaliser et créer des emplois nouveaux et de qualité. C’est réduire les transports de marchandises et de matières premières, c’est partir des savoir-faire et des ressources locales, c’est aussi rechercher la souveraineté alimentaire et énergétique. L’industrie du XXIe siècle sera celle d’un éco-développement. Elle dépassera le verdissement à la marge (greenwashing) des anciennes industries. Notre avenir industriel passe par une modernisation des entreprises, un effort de formation et d’innovation, et une évolution de notre appareil productif afin de l’adapter aux enjeux écologiques du XXIe siècle.

La transition écologique de l’économie, la réindustrialisation de nos territoires et la relocalisation ont besoin d’une planification écologique souple, capable d’organiser la programmation des investissements, de dégager les financements adaptés et de hiérarchiser les projets industriels. La gravité de la crise économique, sociale et écologique doit nous conduire vers la mise en place de moyens radicalement différents de ceux mis en œuvre en temps normal : définir strictement les secteurs dont la reconversion doit être engagée rapidement, définir les métiers et les qualifications dont nous avons besoin, définir les besoins sociaux prioritaires et allouer les capitaux en fonction de ces priorités.

Pour cela, il faudra :

  • s’appuyer davantage sur le réseau d’entreprises intermédiaires, sur l’innovation et les circuits courts, et revoir complètement le maillage industriel français ;
  • investir dans les ressources locales existantes : savoir-faire, appareil productif, présence de services ;
  • favoriser une gestion foncière régionale de zones industrielles en déshérence pour les affecter à des projets locaux de revitalisation territoriale ;
  • s’appuyer sur les salarié.e.s : leur participation active au recensement des compétences disponibles et à la définition des objectifs, des évolutions de l’appareil de production et des formations nécessaires ;
  • clarifier des compétences sur les territoires et renforcer le développement régional ;
  • soutenir la recherche et l’innovation, mais à travers d’autres dispositifs que le crédit d’impôt recherche (CIR).

Quels sont les grands secteurs stratégiques de la reconversion ?

  • L’agriculture, chaînon essentiel dans la conversion écologique de nos économies.
  • L’énergie : le plan de transition énergétique et la sortie du nucléaire entraîneront une grande politique industrielle dans la production de matériaux et de matériels, et d’investissements dans les énergies renouvelables.
  • La filière bois fournira une partie de la biomasse nécessaire. Elle est aujourd’hui déficitaire sur l’ensemble des postes de la balance commerciale alors que la forêt s’étend.
  • Les énergies renouvelables de haute technologie nécessitent une approche spécifique, tant la France a pris du retard dans ce domaine. Le développement de l’éolien doit pouvoir s’appuyer sur un réseau de PMI ancrées dans les territoires ;
  • Les transports collectifs et les mobilités du futur (voir « Un plan d’urgence pour les transports », p. xx).
  • Le bâtiment performant et les écomatériaux ;
  • La chimie verte, substitut au pétrole ;
  • L’économie du recyclage et de la réparation.

Plus globalement, il s’agit d’« écologiser » l’ensemble des secteurs de l’économie et d’intégrer en amont de tout projet la protection et la reconquête de la biodiversité.

II. Pour le climat, la santé et l’économie : une France « 100 % renouvelables » à l’horizon 2050

Les objectifs officiels sont connus :

  • réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et les diviser par quatre entre 1990 et 2050 ;
  • réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ;
  • réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012 ;
  • porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ;
  • réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025.

Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la France pourrait transformer sa production et sa consommation énergétiques pour atteindre les 100 % renouvelables à l’horizon 2050. Cette transition est urgente et elle représente des opportunités tant au niveau de l’emploi que des économies : 700 000 emplois pourraient être créés et 200 milliards d’euros économisés dans le seul domaine de la santé.

Trois grands principes guident notre démarche :

  • sortir de la dépendance aux énergies fossiles et au nucléaire en moins de vingt ans (2017-2035) ;
  • une France « 100 % renouvelables » en 2050 ;
  • la réduction de la consommation d’énergie par la sobriété et l’efficacité.
A. Sortir du nucléaire

La sortie du nucléaire s’impose pour trois raisons : le risque inacceptable d’un accident majeur, dont les conséquences catastrophiques ont été démontrées par Tchernobyl et Fukushima, la production de déchets radioactifs extrêmement dangereux pour des milliers d’années, l’utilisation et la diffusion de techniques permettant la prolifération des armes nucléaires. Plus récemment, une menace terroriste accrue bien que diffuse pourrait par ailleurs cibler nos centrales nucléaires.

À ces risques s’ajoutent des raisons économiques. En effet, la poursuite du programme nucléaire français bloque les politiques d’économie d’électricité, freine le développement des énergies renouvelables et empêche les mutations industrielles indispensables à la transition énergétique.

Les écologistes proposent :

  • En ce qui concerne les centrales et réacteurs nucléaires, l’arrêt définitif et le démantèlement des cinquante-huit réacteurs nucléaires français auront lieu de façon progressive, sur la base de trente années de fonctionnement par réacteur, en commençant par les installations les plus dangereuses. L’objectif visé est une sortie complète du nucléaire en 2035.
  • Les projets en cours de construction seront interrompus dès 2017 : la construction de l’EPR de Flamanville sera gelée, ainsi que le projet Astrid de réacteur au plutonium et la construction d’Iter.
  • Une filière de démantèlement des installations nucléaires sera créée en lien avec les organisations syndicales.
  • En ce qui concerne les combustibles nucléaires, nous visons l’arrêt immédiat de la production du plutonium, de la fabrication et de l’utilisation du combustible MOX qui en découle.
  • Le stockage en profondeur, comme à Bure, sera définitivement arrêté, et les combustibles irradiés seront stockés à sec en sub-surface.
  • Un renforcement massif des ressources humaines et du budget de l’Autorité pour la sûreté nucléaire, et l’autonomisation vis-à-vis d’EDF.
  • La construction rapide d’installations de stockage à sec en sub-surface pour les combustibles irradiés et pour les déchets de haute et moyenne activité, et la décontamination des sites nucléaires désaffectés (mines, anciennes usines et laboratoires etc.).
B. Une France « 100 % renouvelables » en 2050

Nous souhaitons parvenir à 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2050. De nombreuses initiatives de transition énergétique sont déjà mises en œuvre sur les territoires : des coopératives d’énergie citoyenne, de réduction des émissions, des plans climat-énergie locaux, etc. Il est urgent d’arrêter de subventionner les énergies fossiles et polluantes, de réorienter la production d’énergie par EDF et, enfin, de construire des régies locales de l’énergie pour engager ainsi la transition.

Les énergies renouvelables à plus fort potentiel de développement sont l’éolien et le solaire. Avec une politique volontariste, la France pourrait viser la création de 400 000 emplois directs dans les énergies renouvelables d’ici à 2023. Ce chiffre, ajouté aux créations d’emplois des programmes de rénovation énergétique des bâtiments, donne un volume de création nette d’emplois estimé à 500 000 à l’horizon 2020, 900 000 à l’horizon 2050 (scénario Ademe).

Les principales mesures pour faciliter le développement des énergies renouvelables sont :

  • un investissement massif dans le déploiement des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, géothermie, récupération d’énergie, etc.) ;
  • la simplification des procédures et du cadre réglementaire ;
  • la stabilité du cadre réglementaire et tarifaire des énergies renouvelables ainsi que son harmonisation européenne progressive sont des éléments essentiels au développement de filières françaises ;
  • l’insertion de clauses circulaires et renouvelables obligatoires dans les nouvelles constructions ;
  • l’élaboration, par les acteurs du territoire, de plans régionaux de développement des énergies renouvelables, en complémentarité avec les programmes et actions de sobriété et d’efficacité énergétique ;
  • le Réseau de transport de l’électricité (RTE) doit devenir une entreprise publique au capital détenu à 100 % par l’État, totalement indépendante d’EDF ; en ce qui concerne la distribution d’électricité, la réglementation devra assurer la transparence et l’équité des négociations de concession de distribution des énergies de réseau par les autorités concédantes ;
  • la recherche sur le stockage et l’efficacité énergétiques.
C. Consommer moins, consommer mieux

La politique de sobriété et d’efficacité énergétique dans tous les secteurs d’activité doit permettre de réduire la consommation d’énergie tout en assurant de meilleurs services à l’ensemble de la population. L’objectif est d’atteindre en 2030 une consommation énergétique finale inférieure de 30 % à sa valeur en 2012 et une consommation primaire de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) inférieure de 35 % à cette valeur et proche de zéro en 2050. Pour y parvenir, plusieurs cibles doivent être visées.

Le couple « produits pétroliers-transports » constitue la première cible de la politique d’efficacité énergétique. Le secteur du bâtiment fera l’objet d’un plan massif de rénovation énergétique. L’objectif principal est l’accroissement régulier du rythme annuel de rénovations.

Pour l’électricité, le potentiel d’économies est considérable. L’objectif visé est la réduction de la consommation finale d’électricité du même ordre que celle de la consommation finale énergétique, soit 30 % en 2030. Des mesures réglementaires et tarifaires permettront d’y parvenir :

  • abandon des compteurs communicants pour les particuliers et les petits consommateurs ;
  • mise en place d’outils permettant aux usagers de contrôler leur consommation d’énergie en temps réel, afin de leur donner la maîtrise et la connaissance de leur consommation ;
  • interdiction des usages inutiles et énergivores (panneaux publicitaires, notamment) ;
  • interdiction du chauffage électrique et sa substitution jusqu’à sa suppression dans l’ancien ;
  • réforme et renforcement des certificats d’économie d’énergie ;
  • tarification progressive de l’électricité consommée (les premiers kWh sont très peu chers et le prix augmente avec la consommation), afin de garantir à tou.te.s un accès aux services énergétiques, tout en décourageant les gaspillages ;
  • utilisation de sources renouvelables pour la production de chaleur et d’eau chaude.

Pour financer la transition énergétique, les écologistes proposent :

  • le renforcement des dispositifs existants pour la rénovation des bâtiments (éco-prêt à taux zéro, crédit d’impôt développement durable, TVA réduite, subventions ciblées pour les logements sociaux) ;
  • la mise en place de fonds de garantie et de systèmes assurantiels pour faciliter les investissements de long terme et l’émergence de nouveaux modèles économiques ;
  • une réorientation des recettes issues de la mise aux enchères des quotas de CO2 européens ;
  • une réforme de la contribution climat énergie (CCE) pour en faire une véritable taxe carbone appuyée sur trois assiettes : énergie primaire, gaz à effet de serre et risques environnementaux et sanitaires (dont nucléaire) ; le triple taux de la CCE évoluera selon des règles stables sur plusieurs décennies, afin d’offrir aux investisseurs et aux ménages la visibilité nécessaire pour anticiper les coûts futurs liés aux consommations d’énergie.

III. Un plan d’urgence pour les transports

La politique nationale des transports doit être cohérente et s’inscrire dans une politique d’aménagement globale qui contribue à l’équilibre des territoires. Pour ce faire, nous devons œuvrer au développement des réseaux de villes moyennes, afin de favoriser la transition urbaine, l’équilibre ville-campagne et les déplacements de proximité. Ainsi, au travers de la fiscalité et des priorités budgétaires, il faut donner la priorité au rail et à la voie d’eau plutôt qu’à la route et à l’aérien.

Pour cela, les écologistes proposent :

  • – La valorisation et l’amélioration des infrastructures, notamment ferroviaires, existantes. Le maillage de l’ensemble du territoire sera recherché.
  • – Une meilleure répartition des moyens sur l’ensemble du territoire et la fin de la politique de grands projets inutiles (ligne à grande vitesse Lyon-Turin, Canal Seine-Nord Europe, aéroport de Notre-Dame-des-Landes…).
  • – Un pilotage réel et efficace des établissements publics : SNCF, VNF (Voies navigables de France), Semca (Sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes), Aéroports de Paris… La dette du système ferroviaire est désastreuse pour la gestion de l’entreprise publique : il faut donc une reprise de cette dette par les pouvoirs publics.
  • – Au vu de ses conséquences écologiques et économiques, le développement du réseau autoroutier doit cesser, et les relations entre l’État et les sociétés d’exploitation des autoroutes doivent être clarifiées et transparentes. Nous refuserons toute nouvelle privatisation d’autoroutes. Enfin, nous instaurerons un moratoire sur tous les projets autoroutiers, notamment celui de l’A42 et le projet de contournement Grand-Ouest de Strasbourg (CGO).
  • – Le grand public et les associations d’usagers doivent être davantage impliqués dans l’élaboration des politiques de transport et d’aménagement avec les différents acteurs de ce domaine (élu.e.s, administrations, entreprises, etc.). Ils doivent être consultés en amont des décisions, durant leur mise en œuvre et pour donner leur avis sur les projets réalisés.
  • – La fin du diesel doit être programmée pour tous les types de véhicules, des automobiles aux navires. Cela passe par la mise en œuvre accélérée de la transition énergétique vers le gaz et les énergies renouvelables.
  • – Les dispositifs réglementaires (réduction des vitesses limite et de la puissance des véhicules, normes sur les émissions polluantes) doivent être renforcés et accompagnés d’incitations de type tarifaire (bonus-malus, fiscalité climat-énergie, etc.).
  • – La consommation de carburant doit être optimisée (objectif 2 litres aux 100 km en 2020) par une politique de reconversion industrielle favorisant la réduction du poids et de la puissance des véhicules et le développement des véhicules hybrides.
  • – La réduction des distances parcourues sera favorisée par des mesures sur l’urbanisme (PDU et PLU) et l’aménagement du territoire, mais aussi par la généralisation d’outils limitant le besoin de voiture individuelle (PDE).
  • – L’État et les collectivités doivent développer des solutions intermodales à moindre impact environnemental pour limiter le recours à la voiture et au camion. Les pouvoirs publics doivent inciter notamment au covoiturage, assurer la présence de transports en commun sur tout le territoire, concourir au maintien de l’emploi local, des services de proximité et du petit commerce, et encourager le télétravail organisé en espaces collectifs.
  • – Enfin, nous voulons des villes apaisées où il fait bon vivre. Pour cela, il faut développer massivement l’usage du vélo et la marche en ville. L’État et les collectivités doivent viser la réduction progressive des vitesses, et il faut mettre en œuvre un véritable code de la rue qui concerne l’ensemble des modes de déplacement.

IV. Économie circulaire, économie de la fonctionnalité, économie du partage

La relocalisation des activités doit s’accompagner de nouvelles formes d’organisation de la production. En lien avec les Régions, l’économie circulaire a pour objectif de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie. Il s’agit de déployer une nouvelle économie – circulaire et non plus linéaire –, fondée sur le principe de « refermer le cycle de vie » des produits, des services, des déchets, des matériaux, de l’eau et de l’énergie, de sorte à rapprocher nos écosystèmes industriels du fonctionnement des écosystèmes naturels.

D’après un rapport commandé par la Fondation Ellen-MacArthur (2013), la mise en place d’une telle économie pourrait générer 700 milliards de dollars d’économies nettes annuelles en matériaux au niveau européen, soit environ 1,1 point de PIB. Certaines industries, comme l’automobile et l’équipement, pourraient réaliser des économies importantes sur leurs coûts de production. Par ailleurs, l’Institut de l’économie circulaire, s’appuyant sur des études menées par la Commission européenne et l’Ademe, estime que les sept composantes opérationnelles sur lesquelles il est possible d’agir afin de pousser la transition (approvisionnement, écoconception, écologie industrielle et territoriale, économie de la fonctionnalité, consommation responsable, allongement de la durée de vie, recyclage et valorisation des déchets) permettraient de créer jusqu’à 400 000 emplois. Enfin, l’économie circulaire représente une condition de la préservation des ressources et de notre environnement.

Pour favoriser le développement de l’économie circulaire, les écologistes proposent :

  • un soutien à la recherche et à l’innovation pour développer des technologies efficaces en ressources (recyclage, extraction, etc.) et allonger la durée de vie de la matière ;
  • une réforme fiscale afin de mettre en place une TVA circulaire, sociale et environnementale, avec des taux différenciés selon le mode de production ;
  • un véritable plan d’investissement dans le déploiement de l’économie circulaire, notamment dans les secteurs de la réparation et du recyclage ;
  • le renforcement des règles et des conditions liées à l’écoconception des objets, à leur durée de vie (obsolescence programmée) et à leur capacité à être revalorisés-réparés-réemployés ;
  • des campagnes de communication et d’éducation afin d’induire des modifications dans le comportement des ménages ;
  • une réforme du code des marchés publics pour favoriser les entreprises locales, avec découpage des appels d’offres en lots pour permettre aux PME de concourir, notamment en se regroupant en groupement d’intérêt économique (GIE), ce que les collectivités ignorent trop souvent.

La relocalisation va de pair avec une économie dite de la « fonctionnalité », qui valorise autant l’usage d’un bien que sa possession et incite au partage et à l’invention de nouveaux rapports sociaux de coopération. Une évolution de la fiscalité sera nécessaire, afin d’adapter les règles relatives à l’investissement ou au fonctionnement en matière de fournitures et d’équipements. Les services publics s’appuieront de manière croissante sur l’économie de la fonctionnalité, notamment dans le domaine des transports ou pour des objets quotidiens.

Enfin, l’économie du partage (phénomène économique et social combinant l’économie de pair-à-pair, la consommation et l’économie collaboratives, le capitalisme de plateforme, l’économie circulaire, l’économie de location ou d’abonnement, le mouvement des « makers » et l’économie du don), fondée sur la production en commun, représente un mode de production et de consommation émergent au potentiel émancipateur encourageant, à condition que son sens ne soit pas détourné par le capitalisme. En effet, plusieurs courants coexistent aujourd’hui, qui vont de plateformes commerciales comme Uber ou Airbnb, exploitant des algorithmes dont elles ont la maîtrise, à des initiatives centrées sur le partage, le don, l’échange non marchand ou le troc : éco-agriculteurs créant une plateforme de création d’outils agricoles en open source, création de tiers-lieux, etc.

Face à ces évolutions, le rôle de l’État et des pouvoirs publics est de construire un cadre économique et réglementaire favorable aux modèles « vertueux », tourné vers les plateformes permettant les échanges gratuits entre particuliers, les initiatives locales ou celles relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS). L’État doit aussi accompagner les nouvelles formes de travail par une protection accrue des auto-entrepreneurs, l’accès aux droits et aux devoirs des indépendants, et le rééquilibrage des rapports de force entre donneurs d’ordre et travailleurs indépendants.

Les écologistes proposent :

  • des règles de protection des travailleurs en fonction de la part de dépendance économique des auto-entrepreneurs envers les plateformes ;
  • un accès à la retraite, au chômage et, d’une manière générale, à la protection sociale pour les travailleurs indépendants et les auto-entrepreneurs ;
  • la protection des pratiques de partage en instituant une démarcation nette entre ces pratiques et celles de nature professionnelle (en fonction de la part du revenu) ;
  • des règles strictes concernant la collecte, le partage et la protection des données, qui doivent correspondre à un partenariat entre les pouvoirs publics et les plateformes sur leurs territoires d’activité ;
  • la facilitation des pratiques collaboratives des coopératives et des entreprises issues de l’économie sociale et solidaire.

Face aux pratiques prédatrices, la collaboration et la coopération peuvent à la fois constituer des innovations sociales, économiques et environnementales, et devenir des atouts majeurs pour le bien-vivre. Cela concerne également le savoir et les connaissances partagées, l’open source, les creative commons, etc.

Notons que le partage et la collaboration restent toutefois largement répandus hors du cadre des plateformes numériques : le troc, la seconde main et les fab labs constituent encore plus de 70 % de l’économie collaborative.

Les écologistes proposent :

  • des financements publics et la mise en place d’incubateurs pour des projets innovants, mais aussi des petits projets territoriaux de déploiement du troc, du partage, du réemploi des objets, ou encore des plateformes et des réseaux de voisinage aidant à retisser un lien au cœur de nos territoires et améliorant ainsi leur résilience sociale ;
  • des appels à projets locaux ou nationaux (la région Aquitaine, par exemple, a lancé en 2015 un appel à projets de plus de 500 000 euros visant à « développer des projets innovants relevant de l’économie collaborative, à vocation sociale, environnementale ou citoyenne, s’appuyant sur les technologies et usages numériques ») ;
  • une aide à la communication, car les développeurs de plateformes ont besoin de communiquer auprès du grand public pour atteindre la masse critique d’utilisateurs et faire fonctionner leur service (les pouvoirs publics, nationaux ou locaux, disposent d’outils de communication grand public qu’ils peuvent utiliser au profit de l’économie du partage).

 

D’importants enjeux fiscaux

Lorsqu’on fait appel à un particulier pour louer une chambre via le site Internet Airbnb ou pour rentrer de soirée via la plate-forme UberPop, les professionnels de ces secteurs – hôteliers et chauffeurs de taxi – s’estiment lésés : eux doivent en effet s’acquitter d’un impôt sur les sociétés, verser des cotisations sociales et collecter la TVA. Ils dénoncent donc une concurrence déloyale. De fait, les particuliers qui proposent des biens ou des services peuvent être soumis à différents régimes fiscaux, que ce soit par le biais des chèques emploi-service ou du régime d’auto-entrepreneur.

En France , la location via Airbnb est en principe soumise aux règles de la location saisonnière qui imposent selon les cas une déclaration préalable à la mairie et la collecte d’une taxe de séjour ; la sous-location reste, là encore, en principe interdite. Si les réglementations existent, l’obstacle à leur mise en oeuvre vient de ce qu’elles se prêtent mal à la souplesse des plates-formes de l’économie du partage. Le système fiscal n’a pas été créé pour cette économie. Plus largement, l’économie collaborative pose la question des réglementations, qu’il s’agisse de la sécurité des consommateurs ou de la lutte contre le dumping social.

V. Les déchets sont une ressource : une trajectoire zéro déchet pour la France !

Certaines collectivités dans le monde se sont engagées dans le « zéro déchet » avec des résultats spectaculaires en quelques années. La dynamique associe une réduction drastique des déchets et la création d’activités visant la fin du gaspillage ainsi que la récupération et la transformation de toutes sortes de résidus. Le modèle linéaire mondial (extraction/production/vente/déchet/élimination) est transformé en un modèle circulaire induisant une relocalisation de l’activité et une valorisation de chacun de nos déchets.

Les déchets organiques ne sont pas des déchets comme les autres, et ils n’ont pas vocation à disparaître, car ils sont le reflet de notre alimentation. Ils ne doivent pas être mélangés aux autres résidus mais traités à part, selon une économie circulaire de retour vers les terres vivrières. C’est une nécessité vitale pour combattre l’appauvrissement biologique des terres agricoles et la surconsommation d’engrais chimiques.

C’est pourquoi, les écologistes proposent :

  • dans les cuisines, de donner les moyens et l’habitude de ranger les fermentescibles dans un espace à part ;
  • de composter au plus près ou au plus rationnel selon le territoire ;
  • de promouvoir des normes européennes de qualité et de valorisation économique du compost ;
  • de prohiber les systèmes de tri mécano-biologique après collecte en mélange et de s’opposer à la construction de nouveaux incinérateurs.

Pour les écologistes, la production de biogaz n’est pas seulement une question énergétique, elle doit assurer la qualité du compost final. Elle suppose une coopération des différents secteurs économiques du bois, de l’agriculture, de l’épuration des eaux et de l’agroalimentaire, mais toujours avec l’objectif de qualité agronomique du compost fini.

Pour les autres déchets, l’objectif des écologistes est de tendre vers le zéro déchet en développant une politique :

  • de lutte contre la publicité agressive ;
  • favorisant l’écoconception (logique du cycle de vie) et décourageant l’obsolescence programmée via la responsabilité élargie du producteur ;
  • qui incite à la réparation et à la réutilisation locale (ressourceries, fab labs) ;
  • qui affiche les vrais coûts en généralisant le paiement du service (redevance incitative) et le paiement intégral du coût global de recyclage des emballages par Éco-emballage, répercuté sur les producteurs.

Quant aux activités industrielles et artisanales qui génèrent des « matières secondaires », d’autres fabricants peuvent s’en emparer comme composants de leurs propres fabrications sans passer par la case « déchets ».

La politique des écologistes vise à :

  • généraliser l’économie circulaire des matières secondaires ;
  • organiser des bourses publiques de matières secondaires gérées dans le cadre des plans régionaux ;
  • prévoir des possibilités de stockage réversible de matières pré-triées et susceptibles de retrouver un débouché industriel ou artisanal, à brève ou moyenne échéance.

Pour les combustibles, l’incinération des déchets en mélange est un gaspillage de ressources nécessitant des investissements lourds et inutiles, dès lors que la logique d’économie circulaire devient dominante. Le regroupement horizontal des différents gisements, dont ceux issus des déchets ménagers, permet de re-manufacturer un produit commercialisable à fort pouvoir calorifique, assorti d’une norme de combustibilité (européenne de préférence) garantissant une pollution minimale.

Enfin, les écologistes sont attachés à la qualité du service public et à la maîtrise des coûts. En cela, ils développent une politique visant à :

  • créer des pôles de compétence « déchets » au sein des services régionaux ;
  • généraliser la vérité des coûts et la redevance incitative ;
  • privilégier l’investissement public dans le cadre des marchés publics, à l’exclusion des partenariats public/privé ;
  • privilégier la gestion en régie ou par contrats de délégation à durée courte ;
  • accompagner les initiatives citoyennes locales dans la recherche de solutions de réduction des flux ;
  • limiter les flux de déchets en volume et en distance par une territorialisation des équipements par bassin de collecte.

VI. Démocratiser l’économie, pour une économie porteuse de sens social et environnemental

Le capitalisme globalisé a pour conséquence de concentrer le pouvoir économique dans les mains de quelques-uns : banquiers, rentiers, multinationales ou poignée d’actionnaires milliardaires. Les inégalités se renforcent, les accords de libre-échange adossés à des tribunaux d’arbitrage privés se multiplient. Face à cette perte de pouvoir citoyen, nous devons démocratiser l’économie. Or, l’économie sociale et solidaire, qui réunit les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, ainsi que de nouvelles formes d’entrepreneuriat social telles que des sociétés commerciales poursuivant un objectif d’utilité social ou environnemental, nous permet d’envisager une nouvelle gestion des communs environnementaux et des savoirs pour développer des services publics coopératifs adaptés aux enjeux du siècle.

Les écologistes proposent :

  • une démocratisation des services publics en s’appuyant sur les connaissances issues de l’usage ;
  • la poursuite de la dynamique engagée par la loi ESS de 2014, en accroissant l’ouverture des marchés publics aux entreprises agréées « entreprise solidaire d’utilité sociale » (Esus) ;
  • une réorganisation des politiques d’insertion afin que l’accès aux postes soit plus souple et intègre la nécessité de structurer les postes en insertion vers des emplois d’avenir et les filières écologiques ;
  • l’aide à la création et à la reprise d’entreprises solidaires via un nouveau droit de préemption sur les terrains en friches ou locaux industriels désaffectés ;
  • des incitations fiscales spécifiques pour les entreprises qui respectent le principe « une personne, une voix », le partage des bénéfices avec les salarié.e.s et la limitation du salaire des dirigeant.e.s ;
  • la transformation des chambres consulaires en chambres de l’économie plurielle intégrant les Cress actuelles (chambres régionales de l’économie sociale et solidaire) et autres plateformes ou regroupements régionaux ;
  • la création de fonds souverains régionaux dédiés aux projets d’économie sociale et solidaire sur les territoires ;
  • une amplification des outils de l’épargne solidaire (livret d’épargne, carte bleue solidaire, etc.) ;
  • le soutien à la mise en œuvre d’une certification publique européenne reconnaissant les produits du commerce équitable ;
  • le déploiement de systèmes économiques de la gratuité et du troc ;
  • le développement des monnaies locales, notamment en desserrant la contrainte des autorités monétaires.

 

VERS UNE ÉCONOMIE DU PRENDRE SOIN

La lutte contre le chômage de masse passe aussi par le développement des services liés au bien-vivre permettant la satisfaction de besoins sociaux de moins en moins pris en compte : éducation, services destinés à la petite enfance, aux personnes âgées, aux handicapés…Comme l’indique Jean Gadrey : « Il ne s’agit pas de « faire de l’emploi » pour faire de l’emploi : tout doit partir d’une réflexion sur les besoins d’activité contribuant au « bien-vivre » individuel et collectif en respectant les contraintes d’un environnement vivable à long terme ». Il faut développer ou améliorer certains services, qui permettrait de créer des millions d’emplois durables avec de vraies qualifications et de bonnes conventions collectives.

Sur un plan factuel et dans un contexte peu favorable sur le plan des financements publics, l’emploi dans l’économie sociale et associative, qui est essentiellement une économie de services (recoupant partiellement celle des services à la personne), a néanmoins progressé de 15% depuis 2000 et représente 10% de l’emploi total, plus très loin de l’industrie avec ses 12%.

VII. Renforcer et rénover les services publics

Face à la dégradation de la qualité des services publics, il est impératif que la puissance publique s’engage à renforcer les moyens des hôpitaux, de l’éducation (en particulier dans les quartiers prioritaires), de la recherche, du logement social, etc. En effet, les compétences et périmètres d’action des services publics ne peuvent se limiter aux fonctions régaliennes de l’État (administration, finances publiques, police, justice, etc.). Les services publics doivent être de qualité et accessibles à tous, sans discrimination aucune, partout sur le territoire.

D’autre part, la qualité des infrastructures publiques (en particulier du transport ferroviaire), de la formation des salarié.e.s et des centres de recherche participe à la définition d’un écosystème favorable à la compétitivité des entreprises (en particulier la compétitivité hors prix). Les entreprises ont besoin de services publics performants.

En tant qu’écologistes, nous avons conscience de la nécessité de préserver et d’utiliser équitablement l’air, l’eau, les sols et la biodiversité, ces biens communs fondamentaux nécessaires à la vie. De la même manière, les biens sociaux fondamentaux, visant à satisfaire un besoin d’intérêt général, doivent relever de la compétence de la collectivité publique afin d’être préservés et utilisés équitablement. Par conséquent, des activités comme l’éducation, la santé, la protection de la nature et de l’environnement, la culture, les transports, l’énergie ou les télécommunications doivent demeurer sous maîtrise d’ouvrage publique et pouvoir déroger à l’exigence de rentabilité financière. Les services publics sont une richesse et non un coût pour la collectivité !

Dans cette perspective, plusieurs mesures sont prioritaires :

  • créer un bouclier de services publics essentiels permettant d’assurer une égalité d’accès aux services publics sur tout le territoire, sans discrimination d’aucune sorte, à travers les guichets de la poste, les centres de santé, les services d’urgence, les gares, etc. ;
  • créer des emplois dans les services de la justice, de la police, de l’éducation, etc. et rompre avec la logique « du tout-plateforme » et du traitement numérique, car la présence humaine est indispensable ;
  • réexaminer la politique d’externalisation des missions de service public et renforcer les capacités de contrôle sur les partenariats public/privé ;
  • résorber la précarité des emplois ;
  • créer de nouveaux dispositifs de participation citoyenne au fonctionnement des services publics.
A. La poste, service public pour tou.te.s

Les évolutions du service public postal impulsées par le groupe La Poste sont préoccupantes et même inacceptables. Il en est ainsi des fermetures de bureaux de poste, de la réduction des horaires d’ouverture, de la suppression de tournées de facteurs, du transfert d’activités postales dans des commerces, des pratiques de management humiliantes, de la réduction du nombre d’agents. Ces évolutions se traduisent simultanément par une dégradation importante du service rendu aux usagers et des conditions de travail des agents.

Les écologistes proposent :

  • un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ;
  • que les CDPPT (commissions départementales de présence postale et territoriale) soient élargies aux associations d’usagers et aux organisations syndicales représentatives du personnel et qu’elles soient consultées sur les évolutions en cours ou sur les réorganisations de services ;
  • d’augmenter sensiblement les ressources du fonds de péréquation en faveur du maintien et de la rénovation des bureaux de poste ;
  • de maintenir et de renforcer le maillage des services publics dans les territoires suburbains et ruraux, d’agir pour leur réimplantation avec une gestion démocratique et participative associant direction, usagers, élu.e.s et représentant.e.s des personnels tout en les dotant de moyens financiers et humains suffisants pour assurer l’intégralité de leurs missions.
B. Santé : stop à la grande braderie d’un bien commun !

Les hôpitaux sont en train de se déshumaniser, ne prenant plus en charge des patient.e.s mais gérant des client.e.s, et sont livrés à des managers chargés de trouver les économies de 1,5 milliard d’euros réclamées par le gouvernement. Et, pour les patient.e.s, on ne parle plus de bien-être, mais de prise en charge ambulatoire, de télémédecine ou d’hospitalisation à domicile pour réduire les coûts et les durées d’hospitalisation. Cette situation s’accompagne du malaise grandissant des personnels soignants, qui voient leurs conditions de travail se dégrader.

D’autre part, la désertification médicale de territoires entiers, la disparition des hôpitaux de proximité, la suppression de journées d’hospitalisation pour les personnes isolées, sans voiture et sans revenu décent, créent angoisse et sentiment d’abandon en milieu rural, retardent la prise en charge hospitalière et génèrent des situations à haut risque.

Les écologistes proposent :

  • de mettre en place un plan d’urgence de revalorisation pour les soignants (salaires, conditions de travail et effectifs) et de renforcer les moyens de l’hôpital à la hauteur des besoins de la population ;
  • de lancer un moratoire sur les fermetures et les restructurations d’hôpitaux ou établissements sanitaires ; de garantir un maillage de l’offre de soins sur tout le territoire et de mettre un terme aux concentrations dans les grandes agglomérations ou métropoles ;
  • de tourner le dos à la pure logique de rentabilité et d’engager une véritable concertation et une réflexion prospective, afin de mettre en adéquation l’offre de soins et les besoins actuels et futurs de la population ;
  • de rééquilibrer les moyens du public par rapport au privé, des hôpitaux vis-à-vis des cliniques ;
  • de revoir, voire de supprimer, les numerus clausus, générateurs d’inégalités d’accès aux soins, d’injustice, de sélection absurde en faculté de médecine ; en outre, la formation des étudiant.e.s doit être renforcée en santé publique et environnementale, prévention, droit des patient.e.s et soins aux publics vulnérables ;
  • pour faire face au naufrage de certaines spécialités, de prendre les mesures nécessaires pour pallier les déficits dans certaines branches médicales (psychiatrie et gynécologie, entre autres), en augmentant le nombre de places pour ces spécialités et en envisageant des mesures incitatives comme l’aide à l’installation dans les territoires sous-dotés.

 

Les gares et bistrots de pays, points d’accroche des services publics ?

Une gare ne pourrait-elle pas devenir un point-relais pour le retrait de marchandises, un dépôt de pain, un point de vente de produits postaux, voire un relais bancaire, un lieu de permanence de Pôle Emploi, de la Caisse d’Allocations Familiales ?

Une multitude d’exemples existent en France et ailleurs de cette possible mutualisation des services, qui ne demandent qu’à être multipliés, dont les points d’information multi-services (PIMMS) et autres bistrots de pays, initiatives précisément portées par les « pays » en territoire rural. Plutôt que de regarder disparaître les services publics, tant en milieu rural que dans les zones périurbaines ou les quartiers dits défavorisés, l’heure est à la mobilisation des acteurs locaux pour, ensemble, imaginer et mettre en œuvre les conditions d’un accueil mutualisé des services répondant au mieux aux besoins des populations (résidents et visiteurs) dans des lieux judicieusement choisis. Les gares, ferroviaires ou routières, constituent des lieux privilégiés d’accueil de ces services mutualisés. Aux régions, aux territoires, de se rendre gestionnaires (ou même propriétaires) et occupants de ces lieux, souvent emblématiques de notre patrimoine !

2. Réinventer le travail et lutter contre le chômage

Depuis plus de trente ans, nous subissons le discours néolibéral sur la nécessité de flexibiliser le marché du travail. Malgré l’échec de ces politiques, on persévère dans la même direction. En inversant la hiérarchie des normes, la loi travail adoptée en 2016 représente une étape supplémentaire dans l’affaiblissement des protections des salarié.e.s. Aujourd’hui, la réduction du temps de travail est devenue un enjeu politique déterminant, car nous savons que l’évolution spontanée de l’économie ne permettra pas de faire reculer le chômage à un rythme suffisant pour éviter les risques d’explosion sociale. D’autre part, l’augmentation de la productivité du capital-travail, l’automatisation et la numérisation changent profondément la nature du travail et fragilisent son cadre juridique, via le développement, par exemple, de l’auto-entrepreneuriat.

Contre celles et ceux qui préconisent de « travailler toujours plus », les écologistes souhaitent redonner du sens au travail afin de mieux répondre aux attentes des Français.e.s, ce qui suppose une rupture avec l’économisme et le productivisme actuels.

I. Travailler tout.te.s

Le chômage reste pour nos concitoyen.ne.s une des préoccupations majeures. Pour des millions de personnes, la précarité, le chômage et le sous-emploi sont devenus une réalité difficilement surmontable. Or cette situation est une catastrophe pour l’équilibre de notre démocratie et pour la vitalité de notre société. En effet, le chômage et la précarité gangrènent toute la société. Ils sont la première cause de l’échec scolaire des enfants ou de leur décrochage, la première cause de la délinquance ou des difficultés d’intégration… Mais, alors que, depuis plus de trente ans, nos politiques de l’emploi (actives ou passives) ont échoué, nous continuons à miser sur la relance de la croissance ou la réduction de la dette.

Dès lors que nous ne croyons plus à un taux de croissance élevé, comment peut-on vaincre le chômage de masse, de surcroît avec des entreprises ayant fait le choix de délocaliser ?

Pour travailler tou.te.s, les écologistes proposent :

– la réorientation de l’investissement vers la transformation écologique de l’économie, permettant la création d’1 million d’emplois sur la durée de la mandature ;

– une relance de la négociation sur la réduction du temps de travail tout au long de la vie, avec comme objectif d’encourager les entreprises et les salarié.e.s à aller vers les 32 heures lissables sur une année ou plus (avec le compte épargne-temps), ou de développer la semaine de quatre jours, les congés sabbatiques, etc.

– la garantie, à nouveau, d’un droit au départ à la retraite à 60 ans sans décote ni surcote, tout en repensant le pacte de solidarité intergénérationnel avec la prise en compte de la pénibilité au travail, l’égalité femmes/hommes et les parcours de vie.

La réforme du temps de travail est aussi un moyen de rééquilibrer les temps de vie familiaux et professionnels entre les hommes et les femmes. Elle s’inscrit dans notre volonté de bâtir une société de plein-emploi et de pleine activité, qui puisse concilier la vie personnelle, la vie professionnelle, une citoyenneté active et le plaisir de la culture, du sport ou des loisirs.

Retraites : repenser le pacte de solidarité intergénérationnel

Depuis une vingtaine d’années, notre système de retraite a connu une succession de réformes conduisant à l’allongement de la durée de cotisation et à une diminution des droits dont bénéficient les retraités. Pour autant, ces réformes n’ont pas permis de stabiliser notre modèle de financement des retraites, à telle enseigne que la plupart des formations politiques continue à préconiser l’allongement de l’âge de départ à la retraite (65 ans, voire 67 ans) et l’alignement entre les régimes public et privé.

Pour les écologistes, toute réforme acceptable des retraites doit impérativement contenir les éléments suivants :

  • la prise en compte de la pénibilité au travail. Certaines conditions de travail (travail de nuit, exposition à des produits cancérigènes, port de charges lourdes, postures pénibles, gestes répétitifs, bruit) ont un impact négatif sur l’espérance de vie ou sur la qualité de vie à la retraite. C’est pourquoi la durée de cotisation doit pouvoir être modulée en fonction de la pénibilité. Nous proposons de retenir le barème de compensation suivant : 10 ans d’exposition donneraient lieu à 1 année de départ anticipé.

  • l’égalité femmes/hommes. Faire de la bonification de 10% des pensions données aux personnes ayant trois enfants, une bonification forfaitaire dès le premier enfant (100 euros pour le premier enfant et 70 euros pour les suivants). Prendre en compte le temps partiel dans le mode de calcul pour la validation de trimestres.

  • la prise en compte du parcours de vie : stages et apprentissages, durée des études, rupture dans le parcours professionnel…

Pour les écologistes, la question du financement doit partir d’hypothèses de croissance réaliste et conduire à revoir notre politique de l’emploi. Nous ne pouvons construire un modèle durable pour nos retraites en continuant à nous accrocher à l’illusion d’une croissance forte. La réduction du chômage par la création d’emplois liée à la transition écologique de l’économie et par la réduction du temps de travail, participe de la solution.

Nous refusons l’augmentation de la durée de cotisation ainsi que le recul de l’âge légal aujourd’hui fixé pour les personnes nées avant 1955 entre 60 et 62 ans. Ces mesures sont économiquement inefficaces et socialement injustes.

Nous souhaitons la convergence par le haut des régimes de retraite du privé et du public (ainsi que l’ensemble des dispositifs de protection sociale).

II. Travailler mieux : lutter contre l’intensification du travail

Ces vingt dernières années, le travail a été l’objet de discours paradoxaux. D’un côté, on a continué d’accorder à la « valeur travail » une place centrale, tant au niveau collectif qu’individuel, comme vecteur d’épanouissement et d’intégration ; de l’autre, le travail n’a cessé d’être dévalorisé, pressuré. Le nombre de personnes subissant des expositions fortes à des produits nocifs dans le cadre de leur emploi est passé de 14 à 17 %. Le phénomène marquant de ces dernières décennies est l’intensification du travail, liée à l’augmentation des contraintes de temps (horaires décalés comprenant le travail de nuit ou tôt le matin ou le dimanche), à la pression exercée par la production en flux tendus ou le lean management, à la pression sur les coûts et sur les effectifs.

Le pourcentage de salarié.e.s devant respecter des normes ou des délais de production inférieurs à l’heure est passé de 5 à 25 % en une vingtaine d’années. On a assisté à l’explosion des troubles musculo-squelettiques (TMS), devenus, avec plus de 40 000 cas reconnus par an, la première cause de maladies professionnelles indemnisées.

Chasse aux effectifs, pressions pour diminuer la masse salariale en poussant à la démission, sur-individualisation des rémunérations et de l’évaluation des performances, multiplication des contraintes, suppression des temps « improductifs », organisation du travail en « juste-à-temps », prescription de modes opératoires standardisés : tous ces phénomènes existent dans la plupart des secteurs de l’économie et des fonctions publiques. Le travail est donc de moins en moins une source d’épanouissement mais un facteur d’épuisement physique et psychique.

Pour travailler mieux, les écologistes proposent :

– d’engager un véritable plan de lutte contre la dégradation des conditions de travail entraînant des troubles musculo-squelettiques ou des dépressions ;

– d’établir un plan « antistress » national en coordonnant les politiques et les services de santé publique et de santé au travail, et d’intégrer la problématique du burn-out dans la politique d’aide aux entreprises en favorisant celles qui améliorent les conditions de travail, notamment en prévenant les risques psychosociaux ;

– d’étendre les missions des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) à la prévention en santé globale (bien-être au travail et dans la vie quotidienne) et à la protection de l’environnement ;

– de réduire les risques du travail dans la sous-traitance en rendant les donneurs d’ordre coresponsables des accidents du travail et des maladies professionnelles et en renforçant la coopération entre les CHSCT de l’entreprise donneuse d’ordre et de l’entreprise sous-traitante ;

– d’augmenter le nombre de médecins et d’inspecteurs du travail ;

– d’étendre la liste des maladies professionnelles et de simplifier les démarches en cas de maladies professionnelles ;

– de rendre la fonction publique exemplaire.

III. Lutter conte l’ubérisation et le travailleur low cost

Depuis plusieurs années, on constate la forte progression aux États-Unis et en Europe de l’économie du service à la demande autour des plateformes Internet qui proposent des services (aide à domicile, livraison, nettoyage, etc.) sans avoir à salarier leur main-d’œuvre. En mettant en contact des demandeurs et des offreurs de services, ces plateformes permettent de mobiliser le travail d’autrui à leur profit sans assumer les responsabilités attachées normalement à l’employeur. Cette « ubérisation » du travail soulève de nombreux problèmes. En particulier, dans ce système, l’ensemble des risques (santé, chômage, etc.) est à la charge du prestataire, qui n’est ni un salarié ni un entrepreneur, puisqu’il doit, pour pouvoir accéder à la plateforme, remplir un grand nombre d’obligations qui l’éloignent du statut d’indépendant.

Les écologistes proposent :

– de favoriser le développement des coopératives d’activités et d’emploi (CAE), qui regroupent des entrepreneurs et des micro-entrepreneurs qu’elles salarient et qui deviennent dès lors sociétaires ;

– d’instaurer une vraie protection pour les nouveaux statuts : auto-entrepreneurs, vrais/ faux salarié.e.s de type Uber, etc. Aujourd’hui, ce modèle économique est inopérant, car il ne contribue pas au financement de la protection sociale. Ces travailleur.se.s, comme les autres, doivent être protégés en cas d’accidents du travail, de maladie ou de licenciement ;

– d’assurer la contribution des plateformes aux charges publiques en France en luttant contre les montages fiscaux permettant d’échapper à l’impôt ;

– de mobiliser le compte personnel d’activité (CPA) pour instaurer une véritable portabilité des droits ;

– de définir les conditions de rupture des relations avec le prestataire.

IV. Du revenu d’existence au revenu maximum acceptable

Parce que la place du travail dans nos sociétés doit être réinterrogée, parce que la croissance ne résout ni le chômage de masse ni la précarité, parce que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » (article 25-1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948), nous défendons l’instauration d’un revenu d’existence consistant à garantir à chaque citoyen.n.e un revenu de base. Celui-ci est :

– inconditionnel : il est versé sans contrepartie de travail ni d’engagement à chercher un emploi ;

– universel : chaque membre de la société en est bénéficiaire ;

– individuel : il est versé à chaque personne du foyer, et son montant ne dépend ni du revenu global du ménage ni de sa composition ;

– permanent : chaque bénéficiaire le perçoit sans interruption du début jusqu’à la fin de sa vie ;

– inaliénable : il ne peut être saisi, le bénéficiaire ne peut en être dépossédé ;

– cumulable : il s’additionne avec toute forme de salaire issu d’un emploi déjà existant et de toute autre forme de revenus.

Ce revenu doit être suffisant et représenter un revenu primaire qui ne se substitue pas aux dispositifs de protection sociale. Face au raccourcissement général des cycles d’emploi, à la multiplication des dispositifs temporaires, intermittents, d’auto-entrepreneuriat ou plus informels – comme le travail gratuit –, face à l’augmentation de la pauvreté en France (depuis plusieurs années autour de 14 %), le revenu inconditionnel doit constituer une base de revenu garantissant un niveau de vie suffisant pour accéder aux biens et aux services essentiels. Par ailleurs, le revenu de base permet de simplifier notre régime de prestation sociale, extrêmement complexe. Le taux de non-recours aux prestations sociales, considérablement élevé (plus de 30 % pour le RSA), doit nous alerter. Le revenu d’existence permet de régler ce problème.

Les écologistes proposent que le revenu d’existence vienne se substituer aux actuels minima sociaux existants (si le montant de cette prestation est supérieur au revenu de base instauré, le différentiel serait naturellement préservé). Cette simplification, associée à la fin du contrôle des allocataires, aura également pour effet de diminuer les frais de gestion, pour les remobiliser vers d’autres missions.

Le revenu d’existence présente un autre avantage. Cumulable avec tout type de revenu, il supprime « les trappes à inactivité » créées par le RSA et ses effets de seuil. Aujourd’hui, face à l’incertitude que représente le calcul de son montant de RSA, face au découragement que provoque l’idée de devoir recommencer toutes les fastidieuses et humiliantes démarches administratives nécessaires à son obtention, de nombreuses personnes refusent des contrats courts ou des contrats à temps partiel.

Le revenu d’existence, cumulable avec tout type de revenu du travail, met un terme à cette situation. Loin de « désinciter » au travail, comme on l’entend beaucoup trop souvent, le revenu d’existence serait, de fait, beaucoup plus efficace que l’actuel RSA pour favoriser le retour vers l’emploi des chômeurs.

Le revenu d’existence s’inscrit dans une logique de dépassement du capitalisme en déclinant le principe d’un droit d’existence en dehors du salariat et de son lien de subordination. Il repose sur la distinction entre travail contraint et activité libre, grâce à des transitions vers des activités choisies, une formation, une reconversion ou encore une activité d’utilité sociale. Pour autant, le revenu d’existence seul, n’est pas suffisant, il doit s’intégrer à d’autres dispositifs, comme les monnaies complémentaires, pour jouer pleinement son rôle d’émancipation des individus d’un point de vue financier.

Au regard de tous les bénéfices évoqués, nous défendons la mise en œuvre progressive d’une allocation universelle, après qu’un vaste débat aura été engagé avec l’ensemble de la population et les corps intermédiaires sur le montant du revenu d’existence et les modalités de son financement.

Dans un premier temps, nous retenons le scénario progressif suivant :

– étendre le RSA aux 18-25 ans (aujourd’hui exclus du dispositif) ;

– l’individualiser (aujourd’hui, un couple touche 1,5 RSA et non pas 2) ;

– supprimer la conditionnalité (recherche d’emploi) du RSA et automatiser son versement ;

D’autre part, il n’y a pas de changement écologique possible dans une société minée par l’explosion des inégalités et par des écarts extravagants de revenus. Ainsi, les 2 000 foyers les plus riches disposent de revenus 50 à 60 fois plus élevés que la moyenne. Et 5 % de la population détient près du tiers du patrimoine total. Les écologistes militent pour la réduction de ces écarts.

Dans ce cadre, l’augmentation des minima sociaux, du Smic et des plus bas salaires, la lutte contre la précarité et le temps partiel subi visent à redistribuer du pouvoir d’achat et à récupérer la part de la richesse du capital accumulée au détriment du travail depuis trente ans.

Notre souci est aussi d’articuler réduction des dépenses contraintes et augmentation des salaires, afin d’éviter que les revenus supplémentaires obtenus par les salarié.e.s n’aillent directement alimenter les rentes énergétiques et locatives.

Les écologistes proposent :

– la mise en place d’un revenu maximum acceptable (RMA) ; la fixation d’un seuil pour les très hauts revenus sera fixée à vingt fois le Smic ; au-delà, le taux d’imposition sera d’au moins 80 % ;

– l’interdiction des parachutes dorés et des retraites chapeaux ;

– la réduction massive du travail précaire par l’introduction d’une prime salariale majorée pour toute heure travaillée dans le cadre d’un contrat inférieur à un mi-temps.

3. La réforme de l’entreprise autour du projet de création collective, de la promotion de l’entreprise citoyenne et de la lutte contre les discriminations

Les entreprises sont au centre du système productif et des rapports sociaux. Depuis les années 1980, la gouvernance des grandes entreprises a profondément changé, modifiant leur fonctionnement et les relations entre les petites et les grandes entreprises, via le développement des stratégies d’impartition.

De nos jours, règne l’image de l’entreprise comme projet d’investissement financier pour des actionnaires, reléguant au second plan le projet industriel et le progrès collectif. Le poids des actionnaires dans les choix stratégiques et managériaux devient prépondérant, et la « Corporate Governance » s’impose en désignant l’ensemble des dispositifs susceptibles d’encadrer les pouvoirs des dirigeant.e.s (stock-options, par exemple). L’entreprise n’est plus qu’un assemblage d’actifs valorisables sur le marché, et le « court-termisme » de la performance actionnariale l’emporte sur le développement de l’entreprise et ses capacités collectives d’investissement. Face à cette situation, dans quelles directions engager les réformes de l’entreprise ? Comment passer d’une logique court-termiste à une vision de long terme ? Réformer les rapports de pouvoir dans l’entreprise ? Passer d’une logique actionnariale à une logique de projet de création collective, où l’entreprise n’est plus organisée autour de la maximisation du profit mais du développement des compétences individuelles et collectives, de l’innovation et de la prise en compte de l’écologie ? Quels sont les autres modèles disponibles et comment aider au développement de la cogestion ou de la cosurveillance, des Scop et des coopératives ?

Refonder l’entreprise passe par une organisation nouvelle, une autre organisation des pouvoirs, de nouveaux principes de management :

Refonder le droit des sociétés et créer de nouveaux supports juridiques autour de l’entreprise comme institution collective et sociale structurée autour des apports de capitaux, des salarié.e.s, des cadres, des clients, des fournisseurs, des collectivités locales, etc.

Refonder les critères de gestion en tenant compte de la gestion des ressources (bilan environnemental, audit, comptabilité verte…). Des incitations fiscales pourraient être envisagées afin de favoriser les entreprises « durables ». Le code des marchés publics pourrait privilégier les entreprises en fonction de leur gouvernance et/ou des écarts de salaires internes.

Refonder le droit des salarié.e.s, en particulier leur présence dans les conseils d’administration, et favoriser le rachat de leur entreprise par les salarié.e.s.

À cet égard, la démocratie sociale doit être renforcée, le rôle des syndicats et des représentant.e.s du personnel reconnu dans la grande comme dans la petite entreprise. Pour ce faire :

– Nous abrogerons la loi travail actuelle et nous élaborerons une loi fondée sur la protection des salarié.e.s et leur participation aux décisions.

– Nous renforcerons les effectifs de l’inspection du travail afin que les décisions administratives soient appliquées.

– Nous instaurerons une véritable démocratie d’entreprise, en redonnant du pouvoir d’agir aux salarié.e.s. Cela passe par la restauration de la légitimité syndicale dans les entreprises, quelle que soit leur taille, et auprès des travailleurs eux-mêmes. Les représentant.e.s des salarié.e.s, des associations et des collectivités territoriales doivent être associé.e.s largement à la décision dans les conseils d’administration des grandes entreprises, avec des droits à l’information et à l’expertise indépendantes.

– Nous réactiverons le droit à l’expression directe et collective sur les alternatives économiques portées par les salarié.e.s, le contenu du travail, les conditions de son exercice et son organisation.

– Nous renforcerons le pouvoir des institutions représentatives du personnel et des comités d’entreprise.

– Nous faciliterons la reprise des entreprises par leurs salarié.e.s.

Quant à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) – définie comme la manière dont les entreprises intègrent, sur une base volontaire, des préoccupations sociales, environnementales et éthiques dans leurs activités économiques comme dans leurs interactions avec toutes les parties prenantes –, à peine plus d’un quart des entreprises françaises de plus de neuf salarié.e.s déclare s’y impliquer réellement. Face à cette situation, nous devons aider en priorité les petites entreprises à s’engager dans des démarches favorables à la RSE par :

– la création de plateformes territoriales multi-acteurs pour accompagner les PME-TPE dans leurs démarches RSE ;

– le soutien à la certification et la labellisation RSE à destination des TPE et des PME ;

– la mise en place d’un processus permettant de passer de la soft law (mesures incitatives) à la hard law (mesures contraignantes) et d’accompagner les entreprises dans leur progression afin d’inscrire dans le dur de la loi les progrès réalisés.

POUR UN NOUVEAU CADRE NORMATIF ET COMPTABLE

« Dans les nouvelles conventions comptables, l’unité de mesure principale pourrait ne plus être la monnaie et la valeur « ajoutée » libellée en unité monétaire mais le kilogramme ou la tonne d’EGES (émissions de gaz à effet de serre). Comme pour les quotas de carbone mais sans possibilité d’échange, chaque « unité » pourrait se voir fixer des quotas d’émission, qui seraient calculés à partir d’une dotation nationale. La production serait réalisée sous contrainte du respect de ces normes, sans qu’il soit possible d’opérer une substitution sur le travail en intensifiant celui-ci » (Dominique Méda)

Il faut donner un caractère normatif à la prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans l’analyse financière et dans l’investissement et former les analystes financiers à leur intégration.

Introduire en comptabilité des données sociales, environnementales et sociétales.
Affecter le travail de normalisation comptable non pas à un organisme privé comme l’IASB (bureau international des normes comptables) mais à un organisme placé sous la tutelle de l’Union européenne.

4 Libérer l’économie de sa financiarisation

L’économie contemporaine est engagée dans un vaste mouvement de financiarisation à l’échelle mondiale, processus engagé dans les années 1980 à travers une triple évolution marquée par la déréglementation, la désintermédiation bancaire et le décloisonnement. Ce mouvement, soutenu et accompagné par les gouvernements de droite comme de gauche, a engendré une très forte instabilité du système monétaire et financier international, ainsi qu’une succession de crises bancaires, boursières et de change. Avec la forte augmentation des flux de capitaux à l’échelle mondiale (40 milliards d’euros de biens et services échangés par jour contre plus de 4 000 milliards de capitaux), la déconnexion des flux réels et financiers révèle l’ampleur des transactions purement spéculatives, qui ont de nouveau atteint des sommets alors que l’endettement mondial a progressé entre 2007 et 2014 de 57 000 milliards de dollars. Aucune leçon n’a été tirée de la crise des subprimes de 2008 !

Il est impératif de remettre l’économie sur ses pieds et de combattre le capitalisme financier. Appliquer de nouvelles règles et contraintes à la finance est une priorité urgente. Car, utile quand elle est au service du financement de l’économie réelle, elle devient nuisible et prédatrice quand elle met l’économie réelle à son service. Les écologistes agissent d’abord dans ce domaine à l’échelle mondiale, en particulier par la taxation des transactions financières. Mais ils n’ignorent pas que notre pays doit aussi balayer devant sa propre porte.

Aujourd’hui les banques dictent leur loi aux politiques. Elles réussissent à bloquer les projets de réorganisation de leurs activités ou de leur contrôle : toute évolution passe donc d’abord par une réelle volonté politique. Indifférentes aux impacts des projets qu’elles financent, elles ont comme seul objectif de garantir le maximum de retour sur investissement.

Nos priorités sont :

– D’orienter le financement bancaire vers des projets soutenables. Pour ce faire, une politique sélective du crédit doit être mise en place avec des taux d’intérêt plus bas pour les projets écologiques et un encadrement quantitatif pour les autres crédits. Cela passe par une forte remise en cause des critères imposés par la Banque centrale européenne (BCE) et les agences de notation. L’intégration de critères sociaux et environnementaux à côté des critères financiers dans l’analyse de la solvabilité des entreprises avance trop lentement.

– De séparer les activités de crédit des activités sur les marchés financiers. Ces dernières doivent être plus réglementées pour stopper la fuite en avant actuelle, à base de produits de plus en plus sophistiqués et d’algorithmes visant à la maximisation des profits.

– De plafonner la rémunération des traders.

– D’interdire l’ensemble des opérations de « trading à haute fréquence » (THF), qui permettent l’exécution à grande vitesse de transactions financières générées par des algorithmes informatiques. Les produits traités peuvent être des actions, mais aussi des obligations ou des produits dérivés. Ces opérateurs de marché virtuels peuvent exécuter des opérations sur les marchés financiers en un temps calculé en microsecondes. Or, le THF présente des risques systémiques importants, car il suffit d’un petit dysfonctionnement (qui pourrait, par exemple, empêcher certains ordres d’être annulés) pour entraîner les prix de marchés dans des mouvements complètement erratiques.

– De lutter contre les paradis fiscaux par l’adoption en France de l’équivalent de la loi Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act), votée aux États-Unis en 2010, qui obligerait toutes les institutions financières ouvrant un compte à un.e citoyen.ne français.e ou à une entreprise à capitaux majoritairement français de le déclarer au fisc.

– De revoir la place de la BCE dans la définition de la politique monétaire de l’UE et lui fixer des objectifs autres que la stabilité des prix.

– D’étendre l’épargne solidaire : les dispositions permettant de diriger une fraction de l’épargne salariale vers l’épargne solidaire seront généralisées à tous les types de supports de placement collectifs.

LES MONNAIES LOCALES OU COMPLÉMENTAIRES

« Avoir le choix de sa monnaie pour payer son boulanger, son pharmacien ou son plombier. Privilégier, selon le territoire, l’eusko, la Pêche ou la Bou’Sol à l’euro pour faire ses courses. Utopique au premier abord, cette liberté de choisir sa monnaie devient réalité grâce à l’émergence progressive des monnaies locales complémentaires. » (Le Monde, 22/05/2015).

Ainsi, les monnaies locales complémentaires et citoyennes (MLCC) fleurissent en France et en Europe depuis la crise économique de 2007-2008. Elles sont aujourd’hui une trentaine en France et plus de 10 000 dans le monde entier. Ces monnaies lancées par les citoyens, soutenues par des collectivités locales ou par des fondations, répondent à plusieurs objectifs :

  • relocaliser l’économie puisqu’avec une monnaie locale on ne peut acheter que dans les entreprises locales ;

  • orienter la consommation puisqu’il faut être adhérents, consommateurs ou prestataires, et partager la charte des valeurs sociales et écologistes ;

  • créer de la richesse et de l’emploi local par une monnaie non épargnée et qui circule trois fois plus vite que l’Euro….

Mais comme toute bonne idée il faut se méfier des contrefaçons : le Bitcoin spéculatif ou certaines monnaies de réseaux commerciaux qui échappent aux citoyens.

5. Donner du sens à notre politique économique au service de la transition écologique et de la protection des citoyen.ne.s

La politique économique de la France doit être au service de la transition écologique et se défaire de tout dogmatisme.

La grande réforme fiscale n’a pas eu lieu, et le gouvernement a gaspillé ses marges de manœuvre. Entre 2012 et 2013, la hausse des recettes fiscales de 13 milliards d’euros s’est accompagnée de la fin des exonérations sur les heures supplémentaires, de l’abrogation de la TVA sociale et de la surtaxe sur l’ISF (impôt sur la fortune), puis, dans la loi de finances pour 2013, de la création d’une tranche d’impôt à 45 % et de la baisse du quotient familial. Le gel du barème de l’impôt sur le revenu (IR) est maintenu, ce qui touche tous les contribuables. Ajoutons à cela l’instauration du CICE, financé par une hausse de la TVA. En 2014, le gouvernement revient sur le gel du barème de l’IR, l’indexation étant accompagnée d’une décote pour les contribuables les plus modestes. Par ailleurs, la baisse du quotient familial se poursuit et la réduction d’impôts pour frais de scolarité est supprimée, etc.

Avec le CICE, le gouvernement s’engage à réduire sur trois ans les prélèvements sur les entreprises de 41 milliards d’euros, et à des baisses d’impôt sur les ménages bénéficiant à plus de 8 millions de contribuables. Sur la durée du quinquennat, les entreprises auront bénéficié de 20,6 milliards d’euros d’allégements, tandis que les ménages auront connu une augmentation de 35 milliards d’euros de prélèvements. Quant à la fiscalité écologiste, aucune réforme d’envergure n’a été engagée.

I. Les propositions fiscales des écologistes

La fiscalité est donc, pour les écologistes, un outil de transformation écologique de notre mode de production et de consommation, un outil de solidarité et de redistribution équitable des revenus et le moyen de garantir le meilleur niveau de service public.

Les écologistes proposent :

– la suppression du CICE, qui n’a rien apporté en termes d’emploi ;

– un impôt sur le revenu rénové, basé sur le principe que tout revenu est imposable et que tout impôt doit être progressif, et sur l’individualisation de l’impôt (l’État devant rester neutre face aux modes de vie choisis par ses concitoyen.ne.s) ;

– la fusion de la contribution sociale généralisée et de l’impôt sur le revenu ;

– le renforcement de l’ISF ;

– la suppression du quotient conjugal, allant de pair avec la suppression du quotient familial, qui bénéficie en majorité aux plus aisés ; il sera remplacé, à coût constant pour les finances publiques, par une allocation forfaitaire et individuelle, attribuée dès le premier enfant ; sa mise en place sera progressive, sans favoriser ni pénaliser les familles plus nombreuses ;

– la restauration de l’universalité des allocations familiales, en faisant bénéficier des mêmes montants les foyers avec un enfant ou deux enfants ;

– des cotisations sociales calculées sur d’autres assiettes que le travail : les machines, les logiciels, les écrans, les pollutions, etc. ;

– la suppression de toutes les niches fiscales injustes socialement, coûteuses et inutiles (les niches fiscales représentent un manque à gagner annuel de 100 milliards d’euros pour l’État) ;

– la lutte contre l’évasion et la fraude : les paradis fiscaux représentent chaque année un manque à gagner compris entre 60 et 80 milliards d’euros ;

– des impôts locaux respectant l’égalité territoriale : renforcement des systèmes de péréquation entre territoires et révision des bases locatives de 1970 servant au calcul des impôts locaux.

II. Pour une fiscalité écologique ambitieuse

En 2014, les taxes environnementales représentaient 44 milliards d’euros en France, soit 2,1 % du PIB et 4,5 % de l’ensemble des prélèvements obligatoires (contre 2,5 % du PIB en moyenne dans l’UE). La fiscalité verte française est assise aux trois-quarts sur la consommation d’énergie, comme dans la plupart des pays européens. Mais, alors que de nombreux pays européens ont relancé leur fiscalité environnementale, la France reste en retard.

C’est pourquoi la fiscalité écologique doit être conçue dans le cadre d’une réforme fiscale plus large, dans un sens incitatif, redistributif et de lutte contre les inégalités. Elle doit devenir un puissant levier de modification des comportements individuels et collectifs grâce à de multiples outils comme les taxes, le marché des droits à polluer, les dispositifs de tarification, etc. Cependant, la fiscalité écologique peut susciter de nombreuses résistances et conduire à des reculs dommageables, d’où la nécessité de négocier au préalable un planning de mise en place permettant aux différents acteurs concernés d’amorcer leur changement productif et/ou de consommation, de mettre en place des solutions de remplacement (infrastructures, approvisionnement, etc.) et de compenser la mise en place d’une fiscalité écologique par la baisse d’autres impôts.

Enfin, nous savons que le problème le plus difficile auquel se heurte une véritable fiscalité écologique est l’évaluation financière de ce que l’on appelle les externalités (que celles-ci soient négatives ou positives). Comment, par exemple, évaluer les services rendus par la nature ?

Les écologistes proposent :

– d’instaurer une fiscalité et des mécanismes financiers favorables à la biodiversité en expérimentant la bio-conditionnalité des aides publiques ou en intégrant des critères environnementaux dans le calcul d’une partie de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les collectivités disposant d’espaces naturels ;

– de taxer le diesel au même taux que l’essence, car il est temps de mettre fin à cet avantage pour des raisons de santé publique : les particules fines émises par les moteurs diesel seraient responsables du décès prématuré de 42 000 personnes par an ;

– de mettre fin aux avantages fiscaux du transport aérien, l’avion étant le moyen de transport le plus polluant (la défiscalisation du kérosène coûte 1,3 milliard d’euros par an à l’État rien que sur les vols intérieurs) ;

– de supprimer toutes les autres niches énergétiques anti-écologiques (agrocarburants, gazole non routier dans l’agriculture ou le BTP, etc.) ;

– de soutenir les éco-organismes qui sont chargés de la collecte et du recyclage des déchets ;

– d’approfondir la fiscalité carbone via la contribution « climat énergie », la question centrale étant le prix de la tonne de CO2 (22 euros en 2016). Pour les écologistes, ce prix est insuffisant et doit être rapidement augmenté pour atteindre 100 euros la tonne d’ici à 2030 ;

– de rétablir la taxe poids lourds – ou « pollutaxe » – et de laisser aux régions le droit d’aménager celle-ci.

III. Dette et déficit : réhabiliter la dépense publique

On entend souvent dire que la dépense publique est improductive ou qu’il faut la réduire. Mais de quoi parle-t-on précisément ? La dépense publique représente certes environ 57 % du PIB en 2015, chiffre relativement stable depuis 2012, mais ce sont les prestations sociales qui forment une grande part de cette dépense : le financement de la retraite, les allocations familiales, le coût du chômage, les remboursements de médicaments, etc. Doit-on considérer ces dépenses comme inutiles alors qu’elles sont sources de justice et d’efficacité ? Ne jouent-elles pas un rôle dans la cohésion sociale et la réduction des inégalités ?

C’est pourquoi nous considérons que la dette publique n’est pas un mal en soi. Elle permet de financer les investissements publics, de soutenir la conversion écologique de l’économie et d’éviter les effets récessifs des politiques austéritaires – comme celles imposées aux Grecs et aux Portugais –, qui creusent finalement un peu plus la dette publique.

La question de la dette doit donc être inscrite dans une évaluation plus globale du patrimoine commun, de la richesse véritablement produite dans la société et de sa répartition présente et à venir. Les cadeaux fiscaux octroyés depuis vingt ans par les gouvernements tant de droite que de gauche sont si élevés (CICE, niches Copé, énergies fossiles subventionnées, crédit impôt-recherche…) qu’il nous paraît possible de mener une politique de restriction de la dette sans politique austéritaire.

Pour cela, les écologistes proposent :

– un audit de la dette publique française et de toutes les niches fiscales pour évaluer la part qui relève des manques à gagner liés aux cadeaux fiscaux faits aux plus riches et des dépenses inutiles dans lesquelles il sera possible et juste de tailler ;

– que cet audit soit également mené au niveau européen, en visant une mutualisation des dettes et des taux d’intérêt afin d’assurer la solidarité et la solidité de la zone euro.

Conclusion : politique de l’offre ou politique de la demande ?

La primauté donnée durant le quinquennat de François Hollande à la production au détriment de la répartition a cristallisé le débat politico-économique de ces dernières années sur les mérites comparés des politiques de l’offre et de la demande. D’un côté, les partisans de la compétitivité-prix des entreprises (réduction du coût du travail) ; de l’autre, les partisans du soutien de la demande des ménages.

Cette opposition n’est guère pertinente, non seulement parce qu’elle fait fi du rythme propre de l’économie (à court terme, les politiques de la demande ont un fort impact immédiat, mais celui-ci décroît et réclame donc d’être soutenu dans le temps), mais aussi parce qu’il faut à la fois soutenir et accompagner l’investissement des entreprises vers la transition écologique de l’économie et relancer la demande.

Selon les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), trois conditions étaient nécessaires pour que le « choc d’offre » que devait provoquer le CICE ait un effet positif sur la croissance et l’emploi : que les entreprises françaises fassent le choix de répercuter les baisses de cotisations et d’impôts dans leurs prix (au lieu de gagner en marges), que la politique de nos partenaires ne soit pas identique à la nôtre et que la croissance en Europe soit suffisante pour compenser sur les marchés extérieurs la baisse de consommation interne liée à la contraction de la demande. Or ces conditions n’ont pas été remplies. Pour être efficace, la politique de l’offre a besoin de mesures en faveur de la demande, de moins d’allégements de charges en faveur des entreprises et de moins de coupes dans les dépenses.

6. Un nouvel art de vivre au temps de l’Anthropocène

« La machine infernale d’une croissance économique aveuglément quantitative, sans souci des incidences humaines et écologiques, et placée sous l’égide exclusive de l’économie de profit et du néolibéralisme, doit laisser place à un nouveau type de développement qualitatif, réhabilitant la singularité et la complexité des objets du désir humain. » Félix Guattari

Se diriger vers une société post-croissance ne saurait se limiter à favoriser la transition écologique de l’économie. Il faut aussi changer de logique sociale et de système de valeurs, qui enferment les gens dans le consumérisme, le « toujours plus », les effets délétères de la compétition et la recherche de la puissance.

Nous souhaitons sortir du modèle de développement tourné vers le profit, l’accumulation illimitée et la multiplication des besoins matériels inutiles, et donc nous tourner vers d’autres modalités du vivre-ensemble, vers un nouvel art de vivre. « Il nous faut faire, déclare Patrick Viveret, de la question de l’art de vivre et de la sagesse un enjeu politique et pas seulement individuel. » Sagesse fondée sur l’attention à autrui et à soi-même, sur la sobriété volontaire, sur la simplicité et la fragilité, sur le refus de la violence et du pouvoir. Nous voulons en finir avec cette foi quasi religieuse dans le progrès ; nous voulons en finir avec la manipulation du vivant ; nous devons réapprendre la nature, élargir les espaces de la gratuité, réinvestir le temps long et redécouvrir les vertus de la lenteur. La période que nous traversons peut être aussi, comme toutes les périodes de transition, l’occasion d’un saut qualitatif qui nous permette de sortir de l’économisme et de réinventer une société bienveillante.

De nombreuses expériences à travers le monde cherchent à décliner ce nouvel art de vivre : réseau des villes lentes ou des villes en transition, slow food, slow science, slow management… Nos politiques publiques doivent renforcer, mutualiser, soutenir ces initiatives qui sont des « petites pierres » vers une société de confiance.

LA PUBLICITÉ REMISE À SA PLACE :

S’attaquer au consumérisme et à la société du spectacle.

Le rôle de la publicité a toujours été critiqué par les écologistes. Le plus souvent, elle prône la surconsommation, l’individualisme, l’immédiateté, l’apparence ou le gaspillage.

Sur la forme, elle s’impose à nous, s’incruste dans tous les aspects de la vie collective et pervertit le fonctionnement démocratique. Bien au-delà des enjeux environnementaux liés au modèle productiviste, la publicité façonne des pans entiers de notre société, de la femme objet au culte de la vitesse et de l’apparence, en passant par un déséquilibre entre l’intérêt général et les Lobbies.

Les écologistes proposent :

– la diminution drastique des formats et densités de l’affichage publicitaire par la révision complète du Code de l’environnement sur ce sujet ;
– l’obligation de recueillir le consentement explicite préalable des individus pour la distribution de prospectus (autocollant sur la boîte aux lettres), pour la création de cookies lors de la navigation sur Internet, pour le démarchage téléphonique et pour l’envoi de messages sur les téléphones portables ou par courrier électronique ;

  • l’indépendance et la neutralité des services publics : le financement de services publics par la publicité est une aberration. Sous couvert de gratuité, elle abuse les élus pour proposer toujours plus de services en échange d’espaces de diffusion.

  • la suppression totale de la publicité sur le service public de l’audiovisuel.

  • l’interdiction de la publicité dans et autour des établissements scolaires ainsi que du bâchage par des marques privées des bâtiments publics ou des monuments.

  • l’interdiction de la publicité aux alcooliers et marques de tabac, actions de prévention santé, notamment auprès des publics jeunes et des femmes enceintes.

  • la réduction drastique de l’affichage publicitaire dans les transports en commun;

  • l’encadrement des procédés publicitaires (écoblanchiment, stéréotypes sexistes, marchandisation du corps…) et la création d’une autorité indépendante chargée de la régulation pour tous les supports composée de représentants de l’État, des ONG, des associations de consommateurs, des professionnels du secteur ;

  • la prévention des internautes lorsqu’il y a collecte et conservation de données personnelles. Traçabilité de l’utilisation qui est faite des données.

Deuxième partie

Un nouveau rapport à la nature, à l’animal et au vivant

Sur le plan de la lutte pour la protection de l’environnement, les années 2012-2017 n’ont pas été à la hauteur des enjeux, malgré plusieurs conférences environnementales et plusieurs lois sur le sujet. Les constats sont accablants : on déplore 48 000 morts prématurées chaque année du fait de la pollution de l’air ; seulement 43 % des eaux de surface peuvent être qualifiées de bonnes et 32 % des eaux souterraines sont dans un état médiocre (chiffres de 2013), du fait principalement de l’activité agricole. La proportion de déchets recyclés reste encore très faible et la part du transport ferroviaire de marchandises (12 % en 2014) n’a cessé de baisser depuis le début du siècle…

Au regard des enjeux climatiques et environnementaux, les objectifs inscrits dans la loi de transition énergétique sont insuffisants ; la France peine à imaginer un projet global et des politiques d’amélioration structurelles.

1. Protéger et restaurer la nature et la biodiversité

« En économie, la bonne santé de la planète ou la place de la nature ont toujours été considérées comme négligeables. La nature non exploitée recèle une valeur nulle. On reconnaît dans cette position anthropocentrique, centrée sur l’être humain, le pendant économique de la conception cartésienne du dualisme entre les humains et la nature. » Michel Sourrouille

Alors que la perte de nature et les dégâts causés aux écosystèmes sont pour la plupart irréversibles, nous vivons la sixième grande crise d’extinction des espèces. Les populations de vertébrés ont chuté de 58 % entre 1970 et 2012. Les causes de cette évolution sont connues : la dégradation des habitats, sous l’effet conjugué de l’agriculture, de l’exploitation forestière et de l’urbanisation, la surexploitation des espèces (chasse, pêche, braconnage) et la pollution.

La nature rend pourtant gratuitement un nombre considérable de services : pollinisation, épuration, paysages, protection contre de nombreux risques, etc. 40 % de l’économie mondiale repose sur ces services et 60 % d’entre eux sont en déclin. La France possède un capital naturel exceptionnel, notamment en outre-mer. Or, elle est au huitième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées. Il y a donc urgence.

Nous sommes une espèce parmi d’autres. Notre existence, l’air que nous respirons, ce que nous mangeons, l’eau que nous buvons et notre santé dépendent de la richesse et de la santé des écosystèmes dans lesquels nous évoluons. Notre sort est lié à celui de toutes les espèces vivantes.

C’est pourquoi préserver l’environnement, la qualité de l’air, de l’eau et des sols et la biodiversité devrait être notre priorité. Il est vital de redéfinir nos priorités. L’économie et la croissance ne sont pas des valeurs auxquelles il est légitime de tout sacrifier, d’autant qu’il est possible de créer des emplois sans contribuer à la destruction irréversible des milieux naturels et à la pollution de notre environnement. À l’opposé d’une vision purement utilitariste de la nature, en France comme ailleurs, l’humain doit redéfinir sa place dans l’équilibre du monde vivant.

Les écologistes proposent :

– d’inscrire dans nos lois fondamentales (Constitution, traités européens) une règle de protection des communs environnementaux (air, eau, sols, biodiversité, climat…) pour en finir avec les pratiques actuelles de capitalisation des bénéfices économiques, basées sur l’exploitation de la nature et la socialisation des coûts des dommages qui lui sont causés ;

– d’intégrer la protection et la restauration de la nature et de la biodiversité en amont de toutes les politiques publiques, afin de permettre une gestion transversale via l’internalisation des coûts, la fiscalité écologique, l’éco-conditionnalité des aides, l’évaluation écologique de l’économie, le contrôle sérieux des usages et la juste réparation des dommages ;

– d’adopter, au niveau national et régional, des objectifs de préservation et de restauration des sols, afin de garantir leur capacité globale de stockage du carbone et leur rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique ;

– de dégager un budget dédié au service de protection-restauration de la nature ;

– de mettre en place le service de protection et de restauration de la biodiversité, en mobilisant et en coordonnant l’activité des offices et des agences nationales ;

– de rendre opposables les schémas d’aménagement et de protection de la nature.

2. Respecter l’animal

 

Les animaux restent soumis à la législation sur les biens, et les quelques outils législatifs censés améliorer leur « bien-être » sont insuffisamment mobilisés par la puissance publique. Il est nécessaire de transformer le rapport humain/animal en une coopération respectueuse de chacun, et non plus une exploitation productiviste. Les conditions d’élevage ou de détention des animaux doivent respecter leurs besoins élémentaires en termes d’espaces, d’alimentation, d’habitat, de vie sociale et de santé, et leur garantir une absence de souffrance et de stress.

L’urgence climatique et environnementale impose d’engager le pays dans la transition alimentaire vers une consommation majoritairement végétale, durable, saine, respectueuse de l’environnement, des animaux et des humains. Si le végétarisme relève d’une décision personnelle, permettre une consommation non quotidienne de produits animaux doit être un choix de société. Cela passe par le développement de l’offre végétarienne, notamment auprès des enfants.

L’expérimentation animale doit être progressivement remplacée par des méthodes de recherche non animales, dans l’intérêt de la santé humaine et animale. Celles-ci doivent être promues et subventionnées.

Les écologistes proposent :

– De créer un secrétariat d’État à la condition animale. Son rôle sera de mettre en place une politique intersectorielle afin de faire disparaître les pratiques violentes et cruelles à l’égard des animaux.

– De créer une brigade nationale pour la protection animale. Leur rôle sera d’enquêter et de sanctionner toute infraction quels que soient le lieu et les conditions dans lesquelles des animaux (domestiques, d’élevage ou sauvages) sont détenus, transportés et/ou utilisés.

– De créer un comité d’éthique national sur la condition animale. Sa mission sera d’établir et de publier le bilan annuel des infractions au bien-être animal (alertes, plaintes et sanctions effectives).

– De créer une agence nationale des méthodes alternatives. Sa vocation sera d’accompagner la transition de la recherche expérimentale vers des procédures n’utilisant pas d’animaux.

– De constituer un code animal. Son objectif sera de regrouper dans un même corpus juridique l’ensemble de la réglementation applicable aux animaux (dispositions pénales, civiles, sociales, etc.) et d’encadrer les conditions dans lesquelles les animaux pourront être utilisés dans les activités économiques.

– De renforcer la lutte contre les abandons des animaux de compagnie en améliorant les contrôles de l’identification de ces animaux et en développant des incitations à la stérilisation des chiens et des chats, avant d’appliquer, dans un délai de 3 à 5 ans, une taxe aux détenteurs d’animaux non stérilisés (dont le produit alimentera un fonds d’aide à la stérilisation et aux refuges).

– D’interdire les spectacles avec des animaux sauvages, y compris les combats impliquant des animaux (corridas, combats de coq…) et toute détention ne respectant pas leur condition de vie naturelle (mammifères marins, notamment).

– De soutenir des dispensaires pour animaux dans un but d’intérêt social et sanitaire : leurs missions seraient de fournir des soins aux animaux ou d’effectuer des stérilisations, à un coût indexé sur les revenus des propriétaires.

– D’éduquer dès l’enfance au respect des animaux dans les écoles primaires, puis de oursuivre à tous les niveaux scolaires et de ne pas confier d’interventions en milieu scolaire aux associations de chasse.

– D’engager le pays dans la transition alimentaire vers une alimentation durable, respectueuse de l’environnement, de l’humain et de l’animal. Cela passe par une incitation à réduire la consommation de produits d’origine animale au profit des produits d’origine végétale, via l’information, la formation et la pédagogie.

– D’améliorer l’information auprès des consommateur.trice.s sur l’origine de la production de leur alimentation, en termes d’impact environnemental et de bien-être animal, via la mise en place d’un étiquetage approprié ;

– De promouvoir et de subventionner la transition de l’élevage industriel vers celui en plein air.

– De créer un groupe de travail sur l’ensemble du secteur de la viande pour étudier l’aspect économique de cette filière (rentabilité, coût social, environnemental, subventions, etc.).

– De mettre en œuvre les 65 mesures préconisées par la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.

– De créer une commission d’enquête sur les conditions d’élevage et d’abattage des volailles et des lapins.

– De faire évoluer notre rapport à la faune sauvage afin de mettre un terme aux usages fondés sur la violence. Cela passe par un encadrement strict de la chasse et l’abolition des pratiques les plus cruelles (déterrage, piégeage), ainsi que le développement d’espaces apaisés permettant de tester de nouveaux rapports avec la faune sauvage.

– D’instaurer le dimanche sans chasse.

– De faire respecter les directives européennes sur la biodiversité et de faire cesser tout acte de chasse sur les animaux protégés.

– D’étendre le statut juridique de l’animal à la faune sauvage.

Le trafic d’animaux sauvages est le troisième trafic le plus lucratif au monde. Il est dévastateur pour les espèces et source de grandes souffrances pour les animaux. Il s’appuie souvent sur l’ignorance des personnes et la cupidité des trafiquants. Il est indispensable de renforcer l’information des citoyen.ne.s et de se donner les moyens, notamment législatifs, de supprimer les trafics.

Afin de rendre effective la règle des « 3R » (réduire, raffiner, remplacer) en matière d’expérimentation animale, il est indispensable de créer des structures d’évaluation impartiales et transparentes, de produire une information régulière, d’encadrer et de contrôler aussi bien les éleveurs que les projets de recherches, et de développer les méthodes de substitution.

3. Une eau de qualité pour tou.te.s

Dans les six grands bassins hydrographiques de France métropolitaine, le bilan de l’état des eaux, superficielles et souterraines, en 2013 n’est pas bon. Il est peu différent de celui établir dix ans plus tôt, malgré une diminution des pollutions domestiques et industrielles en général et une certaine résorption des masses d’eau les plus dégradées sur certains bassins. Et ce ne sont pas les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) pour 2016-2021 qui relèveront le défi, car ces schémas, qui fixent les orientations et les mesures à prendre sur chaque bassin, n’ont été qu’un toilettage et une actualisation des précédents, sans réel engagement de s’attaquer aux causes.

Le bon état des eaux ne sera pas atteint car on ne s’attaque pas aux causes : la pression croissante des pollutions diffuses (azote, pesticides et eaux pluviales), l’excès des prélèvements (irrigation) et l’artificialisation des lits mineurs et des zones humides. Ces trois facteurs handicapent lourdement la résilience des milieux aquatiques face à l’adversité, notamment climatique.

Le tout dans un contexte de retrait de l’État, au nom de la décentralisation et du renvoi sur les collectivités locales, techniquement dépassées ou culturellement inféodées aux lobbys. Un État déficient en matière de connaissance des usages et d’évaluation des impacts et des mesures adoptées. Un État absent en matière de police administrative (soutien et autorisation de projets néfastes pour l’eau – voir Sivens ou Notre-Dame-des-Landes) et judiciaire (sanctions nulles ou faibles). Un État en retrait dans la planification : pas de jugement sur l’opportunité des actions, sur leur faisabilité et leur équité financière, retrait du champ technique, cantonnement à un formalisme juridique tatillon, etc.

On doit s’interroger en outre sur le système des agences de l’eau, sur leur efficience technique et financière comme sur leur pertinence administrative et politique. Il apparaît clairement que les budgets dépensés n’ont pas les résultats escomptés – ce qui est d’autant plus inquiétant que le prix de l’eau est élevé – et que le processus de décision est opaque et insatisfaisant.

Face à cette situation, les écologistes défendent une nouvelle loi sur l’eau et les milieux aquatiques afin :

– d’annuler les dispositions contraires à la protection-restauration introduites par la droite en 2006 dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (Lema) et non corrigées par la gauche sous la présidence de François Hollande ;

– d’asseoir le financement de la politique de l’eau sur des bases saines : réviser les règles d’attribution des aides, les conditionner au respect de la nature, à l’action préventive et à l’équité sociale, les rendre sélectives et publiques, les contrôler ; établir les redevances sur les usages en fonction de leur désutilité pour l’environnement ; rééquilibrer les contributions des ménages, des industriels et des agriculteurs ; fixer des taux planchers (et non plafonds) et renforcer la taxation des pollutions agricoles ;

– de modifier la gouvernance des agences, de mettre fin aux conflits d’intérêts chez les membres des instances, de démocratiser leur administration et leur direction, de diminuer le collège État et de créer un collège experts et personnels (ceux-ci étant les experts de leur établissement et de leurs métiers) ainsi qu’un collège des protecteurs et consommateurs différent de celui des autres usagers (agriculteurs et industriels) et d’assurer la juste représentation de tous les collèges dans les commissions et groupes de travail ;

– d’évaluer les mesures prises au double niveau écologique et économique, en parallèle de l’évaluation des usages et des milieux/espèces confiée à l’Onema (Office national de l’eau et des milieux aquatiques).

4. Une forêt mieux protégée et gérée durablement

La forêt française recouvre 30 % du territoire. Elle constitue le tiers des espaces classés Natura 2000 et une grosse partie du stock national de biomasse. Elle joue un rôle écologique essentiel de stockage de carbone, de protection des sols, d’écrêtage des crues, de retenue des avalanches, de filtration de l’air et des eaux. C’est par ailleurs un poumon social irremplaçable avec 440 000 emplois dans la filière.

La forêt fait l’objet de convoitises des industriels, en particulier pour l’utilisation énergétique. Pourtant, c’est le parent pauvre des politiques agricoles, et les orientations gouvernementales menacent directement son équilibre à moyen et à long terme (surexploitation, artificialisation, enrésinement, arbres OGM).

Aussi, les écologistes proposent :

– D’augmenter la capacité de stockage de carbone des peuplements et surtout des sols (maintien dans chaque forêt d’au moins 25 % de la production biologique annuelle), afin de lutter contre le changement climatique.

– De maintenir et de renforcer les équilibres écologiques, la diversité, les sols et les paysages forestiers.

– De produire du bois de qualité permettant de mieux valoriser financièrement les produits pour le propriétaire, de créer plus d’emplois et d’augmenter la diversité et la richesse biologiques de la forêt.

– De renforcer l’ingénierie forestière française (changement climatique, biodiversité et durabilité des peuplements, aide aux pays en développement).

– La fiscalité forestière doit encourager le maintien des peuplements (fiscalité des transmissions), la durabilité de la gestion (fiscalité sylvicole) et leur capacité à répondre aux objectifs ci-dessus (taxe carbone, documents de gestion, TVA sur les produits bois, etc.).

– Les aides publiques à la forêt doivent financer directement les apports environnementaux et sociaux de la forêt (stockage de CO2, eau, air, stabilisation des sols, qualité de la sylviculture et de la biodiversité forestière, etc.).

– L’Office national des forêts (ONF), gestionnaire des forêts publiques, doit être recentré sur ses missions de base, dont celles de protection et de restauration de la nature, financées directement par l’État, rompant avec sa dérive commerciale (les produits du domaine et les ventes de bois ne doivent plus faire partie des ressources de l’ONF).

– Les stratégies industrielles de la filière doivent viser la valorisation maximale des produits nationaux actuels, afin de limiter le déficit de la balance commerciale.

– Le bois énergie, au centre des objectifs gouvernementaux et industriels, doit faire l’objet d’un suivi statistique et scientifique indépendant (bilan carbone forêt par forêt, réalité des bassins d’approvisionnement, traçabilité des bois).

5. Donner des perspectives aux territoires ruraux : pour une agriculture écologique et paysanne

Le modèle de développement agricole actuel est totalement dépassé, inadapté et inefficace à tous points de vue : environnemental, économique et social. L’agriculture n’est pas un secteur d’activité comme les autres. La vision néolibérale qui s’est imposée condamne une grande majorité de paysan.ne.s de tous les pays à une guerre économique sans fin qui profite avant tout aux géants de l’agrochimie et de l’agroalimentaire. En outre, ce modèle est coûteux pour les contribuables en termes d’aides publiques, par ses coûts de réparation sanitaires et environnementaux et par ses destructions d’emplois. Face à ce constat, notre projet s’organise autour de quatre axes et de trois leviers.

I. Nos quatre axes

A. Placer l’alimentation au cœur des politiques publiques

Les politiques agricoles des dernières décennies ont progressivement abandonné la question de l’alimentation à l’industrie agroalimentaire. Le temps est venu de se réapproprier cette question et de poser les fondements d’une politique alimentaire ambitieuse, car notre santé est (aussi) dans notre assiette. Pour cela, il faut :

– limiter les surplus de production alimentaire et en finir avec le gaspillage ;

– développer une offre alimentaire au plus près des bassins de vie grâce à une relocalisation des productions ;

– défendre l’étiquetage dit des cinq couleurs, qui met en garde les consommateur.trice.s sur les dangers d’une alimentation déséquilibrée.

B. Conforter et créer des emplois en agriculture, et encourager les initiatives

Le nombre d’actifs du secteur agricole est passé de 957 000 en 2000 à 716 000 en 2015. Mais, pour les écologistes, la diminution du nombre d’agriculteurs est loin d’être une fatalité :

– Pour enrayer le phénomène d’agrandissement des exploitations et celui des fermes-usines, il est primordial de remplacer les agriculteurs qui partent à la retraite.

– Assurer une activité pérenne, économiquement viable et humainement vivable est la condition pour susciter de nouvelles vocations.

– Les cadres de l’installation ont largement été pensés par et pour les personnes issues du monde agricole : ils s’avèrent inadaptés pour celles et ceux qui désirent s’installer sur de plus petites structures, plus légères en capitaux, et de manière progressive, commercialiser en circuits courts et créer des activités nouvelles grâce au numérique.

– Il est temps de se doter de cadres institutionnels et réglementaires favorables à une politique offensive d’activités en milieu rural.

C. Préserver la biodiversité, les sols et lutter contre le dérèglement climatique grâce à des modèles plus économes et intelligents basés sur l’agroécologie

La transition vers des systèmes en agroécologie doit devenir une réalité dans toutes les fermes.

D. Accompagner la transition écologique dans les territoires ruraux

Les conditions d’existence se sont dégradées dans beaucoup de zones rurales. Un sentiment d’abandon se développe, qui s’exprime de plus en plus par des votes d’extrême droite. Une défiance s’est installée entre l’État et le monde rural. Les politiques publiques apparaissent cloisonnées, illisibles, dispersées et pensées surtout pour les grandes villes et les métropoles. Engager la transition écologique et l’accompagner, c’est permettre aux territoires ruraux de valoriser leurs ressources locales, d’apparaître comme des lieux où il est possible de concrétiser des projets professionnels et de vivre mieux. Mais, pour cela, plusieurs préalables sont indispensables :

– redéfinir le rôle de l’État, qui doit porter une vision globale de l’aménagement du territoire et être le garant de la cohésion sociale, donc du maintien des services publics ;

– garantir l’égalité d’accès aux transports et aux services publics et de santé ;

– instaurer les aides à la structuration des circuits courts dans chaque bassin de vie ;

– soutenir l’innovation sociale et sociétale en matière de coopération, de transport et de création d’activités économiques ;

– inciter à l’installation de médecins ;

– développer des structures de télétravail pour éviter une fuite vers les villes ;

– mettre en place un schéma de développement urbain et rural pour développer les complémentarités.

II. Nos trois leviers

A. Des financements à légitimer et à réorienter de l’Europe aux régions

Plus de 10 milliards d’euros d’aides européennes sont distribués chaque année en France. Cela représente une contribution de 150 euros par habitant.e. Mais combien d’agriculteur.trice.s en profitent ? Seule une vraie réforme de la politique agricole commune au service de l’emploi, de la souveraineté alimentaire et du développement rural permettra de réorienter ces aides importantes. Un redéploiement sera nécessaire pour sécuriser les systèmes en agroécologie, conforter les aides au maintien en agriculture biologique et mieux prendre en compte les effets positifs de ces deux approches pour la société

B. Une politique foncière audacieuse inscrite dans une loi spécifique

Force est de constater la faible efficacité de l’ensemble des législations : l’artificialisation continue, le prix des terres agricoles augmente, l’accès au foncier pour de nouveaux agriculteurs est quasi impossible, et un phénomène d’accaparement des terres s’installe dans tous les pays de l’Union européenne. La préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers doit constituer un impératif national, avec :

– une grande loi foncière pour ne pas laisser faire la loi du marché ;

– un renforcement des objectifs de protection et de gestion de l’environnement et des paysages au sein des espaces agricoles et ruraux ;

– l’introduction d’une taxe sur l’urbanisation des terres agricoles.

C. Une politique de formation-recherche-développement réorientée

Les changements ne se feront pas du jour au lendemain, et ils ne se décrètent pas d’en haut. Aussi, l’ensemble des établissements et structures qui interviennent dans le champ de la formation, de la recherche publique, du développement et de l’ingénierie ont un rôle essentiel : aider et faciliter les changements de pratiques en associant tous les acteurs. Pour cela, il nous faut :

– renforcer l’accompagnement des producteurs et leur structuration collective autour de valeurs mutualistes et coopératives, pour peser face à l’aval, que ce soit en circuit court ou en circuit long ;

– ré-ancrer le développement des filières agricoles au sein de relations commerciales équilibrées et équitables entre les parties prenantes, à l’échelle de territoires de projet ;

– former les jeunes agriculteurs aux techniques agricoles biologiques, en mettant celles-ci au cœur de l’enseignement agricole.

6. Les enjeux maritimes et littoraux face au changement climatique

Les conséquences du réchauffement climatique sur les mers et les océans sont importantes. En effet, au cours du XXe siècle, le niveau des mers s’est élevé en moyenne de 20 cm, et il pourrait s’élever de 50 à 80 cm d’ici la fin du XXIe siècle. La variation de la température de la mer et de l’air entraînera des modifications notables en termes de biodiversité, d’érosion des côtes ou de comblement des marais maritimes, et l’augmentation des précipitations peut entraîner l’effondrement des falaises ou le recul des terrains littoraux. D’autre part, 50 % de la population mondiale vivant dans la zone littorale, des pressions énormes s’exercent sur les habitats naturels et les ressources côtières, renforcées par le tourisme littoral. Aussi, l’État et les collectivités locales souhaitant anticiper l’impact du réchauffement climatique sur le littoral doivent travailler sur les hypothèses de remontée du niveau de la mer et arrêter l’urbanisation des zones à risques. La prévention des risques naturels liés à la mer doit être prise en compte dans les documents de prospective et d’aménagement du territoire.

Les écologistes proposent :

– de créer des réserves foncières en zones rétro-littorales accueillant les habitant.e.s et de régionaliser la politique du littoral pour plus de cohérence ;

– de renforcer les compétences des collectivités territoriales à l’égard de la mer et du littoral ;

– de relier aménagement du territoire et politique du littoral en ajoutant des volets marins aux schémas de cohérence territoriale (Scot) ;

– de soutenir des loisirs respectueux du littoral ;

– de limiter l’impact de la pêche à pied sur la biodiversité ;

– de développer les expériences de sciences participatives en milieu marin et de soutenir les associations d’éducation à l’environnement marin.

D’autre part, l’embellie actuelle de la filière de pêche française est conjoncturelle et ne doit pas masquer le fait que la surexploitation de certaines espèces, la pollution croissante des mers et le réchauffement de la mer compromettent son avenir.

Les écologistes proposent :

– d’amplifier des démarches participatives et concertées associant tous les acteurs de la mer et du littoral, de créer des espaces de dialogue et d’écoute entre professionnel.le.s, associations et collectivités territoriales, de mettre en place des politiques co-construites, efficaces et adaptées grâce à une approche de gestion intégrée de la zone côtière (GIZC) visant à en faire un espace de vie et de travail, mais aussi un territoire où l’environnement (biodiversité, paysage) est préservé ; suivant en cela l’exemple de la charte sur les espaces côtiers bretons, il s’agit de créer des « centres de ressources » pour la mer et le littoral ;

– de promouvoir une pêche et une aquaculture durables plus sélectives, plus respectueuses des écosystèmes et de la biodiversité, et de soutenir la pêche artisanale ;

– de gérer et de protéger la ressource, de créer des zones de protection et de reproduction et de lutter contre la pêche illégale (surtout dans les DOM-TOM) ;

– d’interdire les techniques de pêche les plus néfastes pour l’environnement.

Dans un contexte d’échanges commerciaux globalisés, les ports se développent fortement, ce qui n’est pas sans impact sur le milieu naturel et l’environnement urbain.

Les écologistes proposent :

– de veiller à ce que les ports soient respectueux de l’environnement, économes en foncier et intégrés aux villes ; l’État doit interdire tout rejet en mer des boues de dragage et soutenir la création de filières de traitement de ces boues à terre ;

– de soutenir une filière de déconstruction navale dans les ports français les plus adaptés ;

– de transformer les ports en hubs en termes d’intermodalité et d’accès aux transports décarbonés de marchandises.

Enfin, la mer est un espace très convoité et soumis à beaucoup de pressions qui justifient la mise en place d’une protection des sites et des espèces sensibles, la conservation de la biodiversité, une gestion rigoureuse des ressources marines exploitables, le maintien de la qualité de l’eau et la poursuite des actions destinées à en finir avec la mer-poubelle.

Les écologistes proposent :

– de veiller à la cohérence terre-mer dans les projets de parcs marins portés par l’État et d’associer tous les acteurs de la zone côtière : c’est l’occasion de tester un développement durable des activités maritimes sans pour autant créer de sanctuaires ;

– d’étendre les aires marines protégées, qui jouent un rôle majeur en matière de protection de la biodiversité ;

– d’intensifier la lutte contre les pollutions marines et terrestres (renforcer la surveillance et le contrôle des navires, sanctionner sévèrement les négligences et les tricheries, collecter et traiter les déchets liés à l’activité maritime et à la pêche).

7. Relier environnement et santé : un enjeu sanitaire et démocratique majeur

Aujourd’hui, les avancées scientifiques et médicales démontrent que nous ne pouvons plus ignorer l’influence de notre environnement sur notre santé. L’augmentation des maladies chroniques non infectieuses, liée aux facteurs environnementaux et aux modes de vie, est reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un défi majeur pour les systèmes de santé et les économies mondiales.

La France n’échappe pas à ce diagnostic : problèmes respiratoires dus à la pollution de l’air extérieur et intérieur, affections générées par les perturbateurs endocriniens. Nous devons avoir pour objectif la diminution de 25 % des maladies chroniques à l’horizon 2025. Or, la politique de santé actuelle s’inscrit principalement dans une logique curative. La majorité des crédits est centrée sur les soins et le dépistage, ce qui laisse peu de place à la prévention. Pour cette raison, il est urgent :

– de promouvoir les médecines alternatives ;

– de réduire les inégalités territoriales, environnementales et sociales, et de garantir l’accès de tou.te.s à la santé ;

– de former les professionnel.le.s de santé et de prévention aux liens environnement-travail-santé.

Pour renforcer la démocratie sanitaire, les écologistes proposent :

– de créer un secrétariat d’État à la prévention santé-sécurité-environnement et une mission interministérielle en charge d’élaborer une grande loi pour développer la prévention en termes de santé, de sécurité, de bien-être et d’environnement au travail ;

– de créer un institut de veille environnementale chargé notamment de lancer un grand plan national d’analyse et de recherche en santé-environnement ;

– de donner à la prévention la même importance qu’aux soins dans les agences régionales de santé ;

– de protéger les citoyen.ne.s de la surexposition aux champs électromagnétiques (CEM) et des émissions sonores

de lutter contre les déserts médicaux par la multiplication des maisons de santé pluri-professionnelles et des maisons de naissance.

– de susciter une mobilisation de grande ampleur, particulièrement en direction des femmes enceintes et des parents de jeunes enfants, sur les dangers des substances chimiques toxiques, notamment les perturbateurs endocriniens.

– d’agir en faveur de la santé mentale (prévention et soin) en lançant une campagne de « déstigmatisation » des malades mentaux (dont les statistiques montrent qu’ils sont plus souvent victimes qu’auteurs de violence) et en redonnant aux secteurs de psychiatrie pour enfants, adolescents et adultes la place qu’ils méritent dans le dispositif de soins, en luttant contre l’hospitalo-centrisme.

de garantir l’accessibilité financière des soins :

  • en augmentant la part de l’assurance maladie dans le financement des soins de santé, donc en diminuant la part des assurances complémentaires, afin de tendre vers l’équité entre assurés sociaux ;

  • en mettant en place un principe de cofinancement d’une mutuelle en partenariat régions-collectivités et en permettant une meilleure couverture des soins dentaires et oculaires ;

  • en baissant les prix des médicaments ;

  • en luttant contre les déserts médicaux par le développement des maisons de santé pluri-professionnelles et des maisons de naissance ;

  • en conditionnant les aides à l’installation au respect du conventionnement en secteur 1 ;

– d’agir contre les lobbys en développant le rôle de l’expertise citoyenne et en défendant les lanceur.se.s d’alerte ;

– d’élargir par la loi le périmètre de l’action de groupe (loi relative à la consommation, dite loi Hamon) aux domaines de la santé et de l’environnement (responsabilité), avec prise en compte des dommages corporels et du préjudice écologique et moral ;

– de mettre en place une politique de prévention des dépendances, en sus des soins et des accompagnements adaptés, car l’usager de drogues n’est pas un délinquant ; concernant la lutte contre le cannabis : constat de l’inefficacité de la prohibition, légalisation de la vente aux majeurs, prise en charge publique de la régulation commerciale et du contrôle qualité ;

– de reprendre la lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le VIH/SIDA (prévention, recherche, accès aux soins) et d’assurer l’accompagnement des personnes touchées ;

– d’améliorer les conditions de fin de vie en rendant les directives anticipées opposables et de donner le choix aux patient.e.s en dépénalisant l’aide active à mourir ;

– d’organiser des actions de prévention du mal-être en direction des jeunes en recherche par rapport à leur sexualité et leur identité de genre – les personnes lesbiennes, gays, bi et trans se suicident en moyenne quatre fois plus que le reste de la population, d’où l’importance de mettre en place une politique spécifique de prévention du suicide auprès d’elles.

La crise sanitaire en quelques chiffres

En France, en 2015, environ 15 millions de personnes, soit près de 20% de la population, sont atteints de maladies chroniques :

– doublement des diagnostics de cancers depuis 30 ans ;
– progression depuis 10 ans des AVC, de l’insuffisance cardiaque ;

– augmentation du diabète ;
– l’obésité a plus que doublé chez l’adulte ;
– forte progression des maladies d’Alzheimer et de Parkinson, de maladies émergentes

(maladies chroniques caractérisées par un ensemble de symptômes communs) ;

– augmentation fulgurante des risques psycho-sociaux ;
– apparition de maladies infectieuses inhabituelles sous nos climats ;

– pubertés précoces de plus en plus fréquentes ;

– questionnement posé de l’influence de l’environnement sur la fertilité humaine ;

– la pollution atmosphérique est responsable de 6 mois d’espérance de vie en moins et cause 48000 décès par an. Ainsi les particules fines, liées notamment au diesel, constituent un des risques sanitaires les plus graves qui occasionnent un cout social, économique et financier considérable (coût estimé, par un rapport sénatorial de 2015, à plus de 100 milliards par an). l’acte le plus vital qui soit, respirer, doit cesser d’être potentiellement dangereux. Pour cela, nous devons :

  • réduire le niveau global de pollution et non gérer les pics de pollution ;

  • prendre les mesures automatiques en cas de risque ou de pic de pollution ;

  • résorber les inégalités environnementales et sociales ;

  • agir contre la pollution de l’air intérieur.

Conclusion : un nouveau rapport à la nature et au vivant

Avec les débats récents sur l’Anthropocène et le réchauffement climatique, la Terre et la nature redeviennent des thèmes politiques en tant que tels. Si toute la période industrielle a cru pouvoir se libérer des contraintes physiques et des déterminations naturelles, l’humanité redécouvre la fragilité de la planète. L’idée d’une histoire commune entre les sociétés humaines et les processus naturels desquels nous dépendons se matérialise dans le concept d’Anthropocène. Les écologistes tiennent compte de cette fragilité consubstantielle à la Terre et aux vivants. Les impacts de l’action humaine sur la trajectoire géologique de notre planète, avec le risque de la rendre inhabitable pour les générations futures, nécessitent que nous changions fondamentalement nos relations à la nature et que nous prenions soin du vivant sous toutes ses formes.

Troisième partie

Vers un nouveau pacte social alliant autonomie, solidarités et dignité

Depuis la dernière élection présidentielle, la société française a continué de se déliter pan après pan. Les fractures qui la traversent sont de tous ordres : sociales, avec la montée des inégalités et l’inaction des pouvoirs publics face au chômage de masse ; territoriales, avec les écarts grandissants entre les métropoles et leur périphérie, les espaces ruraux et les petites communes périurbaines ; mais aussi générationnelles symboliques, culturelles, politiques… Les jeunes, les ouvriers et employés, les femmes, la main-d’œuvre peu qualifiée dans les petites entreprises du secteur privé et les immigré.e.s en sont les premières victimes.

Parmi les plus riches, les revenus ont continué de progresser entre 2008 et 2012 : 500 euros mensuels de plus pour les 10 % les plus aisés. A contrario, parmi les 40 % du bas de la hiérarchie sociale, ils ont diminué durant la même période de 300 à 500 euros. Quant à la classe moyenne, elle a vu sa situation stagner. Depuis 2012, les plus pauvres se sont encore appauvris et les plus riches enrichis. Ce décrochage de la « France d’en bas » est lié à un chômage qui touche particulièrement les jeunes sans qualification issus des catégories modestes (la moitié des décrocheurs ont un père ouvrier, 5 % seulement un père cadre ; 54 % des enfants en retard en troisième ont des parents non diplômés, 14 % des parents diplômés du supérieur). Enfin, selon le rapport de l’Observatoire des inégalités, la pauvreté et les inégalités se concentrent dans les grandes villes : les deux tiers des pauvres vivent au cœur des grandes aires urbaines. Le taux de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian atteint son maximum – 18 % – dans les villes de 100 000 à 200 000 habitants. Dans les communes des banlieues défavorisées ou les quartiers populaires des grandes villes, le taux de pauvreté dépasse souvent 40 %.

Retrouver le ciment nécessaire à la construction du vivre-ensemble passe non seulement par la lutte contre les inégalités et la pauvreté de masse, mais aussi par la définition de nouveaux droits sociaux qui ne soient plus assis sur le travail et le mythe des richesses créées et redistribuées par la croissance. Les écologistes veulent renforcer les droits de chacun.e à vivre dignement et ouvrir le pacte social à de nouveaux droits.

1. renforcer les droits actuels des plus démuni.e.s et lutter contre toutes les discriminations

Assurer l’accès de tou.te.s aux droits fondamentaux et aux biens de première nécessité, cela passe par une adresse, une alimentation saine et régulière, l’augmentation du niveau de prise en charge des soins par l’assurance maladie, la gratuité d’une première tranche de consommation d’eau et d’électricité, l’augmentation du budget de l’aide juridictionnelle, l’accès à la culture et à un service public de transports, en particulier dans les territoires ruraux ou urbains défavorisés (bus, transports à la demande, covoiturage, taxis collectifs…). Nous voulons mettre fin à la misère.

I. Vers une société d’égalité entre les femmes et les hommes

Dans la vie privée, au travail ou dans la sphère publique, le constat est le même et il est amer : l’inégalité femmes-hommes perdure. Chaque année, 216 000 femmes sont encore victimes de violences conjugales. Les hommes gagnent 23,5 % de plus que leurs homologues féminines, et 84 % des maires sont des hommes. Certes, les droits ont progressé et quelques avancées ont émaillé les cinq dernières années, mais les progrès sont lents et d’autres politiques publiques viennent souvent les contrecarrer. Les écologistes ne se résignent pas à penser que la domination masculine, parce que millénaire, serait inéluctable. C’est tout simplement une question de priorité dans les choix et de moyens, notamment budgétaires.

Les écologistes proposent :

– Une politique publique à part entière dotée d’un budget multiplié par dix et la création d’un ministère de plein exercice avec pour mission de défendre et de faire appliquer les droits acquis et de fixer et faire respecter la politique publique d’égalité.

– Un renforcement du Haut Conseil à l’égalité femmes-hommes, avec des moyens humains et financiers en adéquation avec les missions qui lui sont confiées.

– Une loi-cadre contre les violences faites aux femmes, à la hauteur de l’enjeu, axée autour de la prévention (campagnes nationales bisannuelles), de la formation obligatoire (des élu.e.s, des services de santé, des éducateur.trice.s et psychologues, de la police et de la justice), de l’accompagnement et de l’écoute des victimes.

– La fin de l’impunité (allongement des délais de prescription, juges et tribunaux spécialisés dans les violences faites aux femmes, etc.).

– Ni répression ni stigmatisation des prostitué.e.s : suppression de la conditionnalité de l’aide aux prostitué.e.s à l’arrêt de la prostitution, garantie d’un droit au séjour pour les prostitué.e.s migrant.e.s, en particulier celles et ceux qui sont victimes de la traite des êtres humains, arrêt de la pénalisation des prostitué.e.s par les arrêtés municipaux.

– Un renforcement des dispositifs de parité en harmonisant l’ensemble par le haut pour limiter les stratégies de contournement qui les accompagnent habituellement ; augmentation des pénalités pour les partis politiques ne respectant pas ces règles, jusqu’à un arrêt total des financements publics pour ceux qui ne présenteraient pas 50 % de candidates. Enfin, parce que la parité ne se limite pas à un objectif de 50/50, nous interrogerons la distribution sexuée des responsabilités entre les femmes et les hommes.

– Une priorité donnée à la lutte contre la précarité des femmes : une attention particulière sera portée à l’augmentation du Smic, à la lutte contre les temps partiels subis et au recours abusif à ce type de contrats.

– Les entreprises seront tenues pour responsables de l’inégalité de salaires entre femmes et hommes. La liste des entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle et, à ce titre, ne bénéficiant pas des marchés publics, sera rendue publique et mise à jour chaque année. Les règles permettant l’accès aux marchés publics seront renforcées et les rapports de situation comparée réhabilités et rendus plus complets.

D’autre part, un nombre grandissant d’enfants vit aujourd’hui dans la pauvreté. Les familles nombreuses et les familles monoparentales sont les plus touchées : le taux de pauvreté est de 22,7 % pour les ménages composés d’un couple avec au moins trois enfants et de 32,2 % pour les familles monoparentales. Dans les familles monoparentales, les familles constituées d’une femme seule avec un ou plusieurs enfants sont prépondérantes. Ces familles ont d’autant plus de probabilités de tomber dans la pauvreté que 80 % des salarié.e.s qui vivent avec 750 euros par mois ou moins sont des femmes. Les femmes sont encore trop sur-représentées dans les emplois précaires : 85 % des plus de 4,5 millions d’employés travaillant à temps partiel sont en fait des employées. Les secteurs d’emplois considérés comme « féminins » sont souvent dévalorisés et précaires.

Les écologistes proposent :

– d’assurer des emplois de qualité, notamment pour les femmes, afin de sortir les familles de la précarité ;

– de développer une culture de l’égalité via une politique éducative de lutte contre les stéréotypes ;

– d’instaurer des congés de parentalité réellement partagés : nous réformerons le congé de maternité au profit d’un congé prénatal et postnatal pour la mère complété d’un congé d’accueil de l’enfant réparti entre chaque parent ; le congé parental sera transformé en un crédit temps de trois ans indemnisé à 80 %, à utiliser jusqu’à la majorité de l’enfant et réparti à parts égales entre les parents ; ces congés devront être comptabilisés dans le calcul des retraites de manière rétroactive ;

– de rendre le congé paternité obligatoire en fixant une interdiction légale de travail d’une semaine pour les pères, à l’instar de celle qui est prévue pour les mères.

Dans le monde, la part des femmes

Dans l’ensemble des pays du monde, les femmes sont les premières touchées par le dérèglement climatique et la pauvreté car, partout, elles ont la charge de la vie quotidienne et donc de la survie de leur entourage. Dans les pays du Sud, 60 à 80 % de la production alimentaire est le fruit du travail des femmes et des filles. Ce sont elles qui s’occupent de l’alimentation, nourrissent la communauté, collectent l’eau et le bois pour les foyers en milieu rural​ pourtant, elles représentent 60% des personnes qui souffrent de faim chronique.

Les femmes et les filles sont ainsi les plus pauvres des êtres humains (70% des pauvres de la planète), les plus dénutries, les moins éduquées ​et les moins protégées. Elles sont, à travers leurs activités agricoles, les premières victimes du changement climatique, les premières à mourir dans les catastrophes naturelles ou des épidémies comme Ebola​. Les dérèglements climatiques, l’accaparement des terres cultivables, la monétarisation et ​la privatisation de l’accès à l’eau, à l’énergie ​et aux semences, l’évasion fiscale qui les prive de services publics de base, impactent directement leur quotidien. De plus, leur corps, les violences qu’elles subissent, sont de plus en plus instrumentalisés dans les conflits armés et l’accaparement des ressources.

Mais être victimes n’est pas synonyme de passivité ! Les femmes luttent pour survivre et permettre la survie de leur communauté.

Elles sont engagées dans les luttes sociales et contre les discriminations, au sud comme au nord, participent à d’autres manières de gérer collectivement les biens communs locaux et mettent en place des solidarités et des initiatives concrètes. Elles sont également, au quotidien, un puissant vecteur social dans la diffusion des savoirs traditionnels et des bonnes pratiques environnementales et sont les « gardiennes » de la biodiversité et des écosystèmes.

Comme le défendait R.Dumont dans son dernier livre sur l’Afrique, « sans services de base efficaces et démocratiquement gérés et sans partage des tâches, ​le changement de système indispensable ne pourra avoir lieu ». Sujets rarement mis à l’ordre du jour de l’agenda international.

La participation des femmes aux propositions socio-politiques, la parité dans les institutions, comme dans les instances politiques et les négociations internationales, la prise en compte de leur force de mobilisation et de leurs solutions éprouvées sont aussi un préalable dans l’élaboration et la mise en œuvre d’alternatives globales au système mortifère et inégalitaire dans lequel nous vivons. La reconnaissance de leur travail non salarié, socialement utile, et son partage équitable entre femmes et hommes en sont un autre.

En conséquence, tout programme ou politique publique devra avoir comme préoccupation transversale l’égalité de genre et prévoir financement et indicateurs sexo-spécifiques.

II. Faire des jeunes des citoyen.ne.s à part entière

Malgré les promesses du candidat Hollande en 2012, la situation sociale et économique des jeunes s’est aggravée. Pire, la confiance en la démocratie et ses représentant.e.s s’est étiolée. Les jeunes Français.e.s seraient à la source de tous les maux – insécurité, paresse et donc affaiblissement économique –, assisté.e.s et donc responsable d’un gaspillage de l’argent public… Pourtant la jeunesse n’a jamais été aussi éduquée, connectée, entreprenante ! Il est temps de changer notre regard.

La jeunesse française est ultra-connectée, souple, éprise de valeurs et non-résignée, elle peut être un véritable moteur du changement social.

A. Citoyen.ne.s d’abord !

La France et plus largement les démocraties occidentales souffrent d’un accaparement du pouvoir de représentation et peinent à faire de la place aux générations nées après les Trente Glorieuses. Le constat est frappant : 70 % des jeunes ne font plus confiance aux médias, 70 % des jeunes Européen.ne.s s’abstiennent aux élections, nombre d’entre eux préfèrent voter pour un.e candidat.e « hors système » que pour les candidat.e.s issu.e.s des partis politiques traditionnels.

Les écologistes proposent :

– le droit de vote dès 16 ans ;

– la fin du cumul des mandats dans la vie politique, mais également dans la sphère économique et sociale ;

– la mise en place de dispositifs facilitant la place des jeunes dans les instances représentatives de la société civile ;

– la généralisation des dispositifs de démocratie participative, basés notamment sur le numérique, au sein des établissements scolaires (de la primaire au lycée) et des budgets participatifs d’établissements ;

– le soutien accru aux structures d’éducation populaire ;

– l’instauration d’un droit de saisine parlementaire pour les organisations représentatives de la jeunesse, voire d’un droit de proposition législative ;

– un accroissement des démarches d’éducation au numérique tout au long du cursus scolaire et à travers l’éducation populaire.

B. Une proposition phare : la représentation réelle des jeunes dans les institutions.

Les 16-30 ans représentent 20 % de la population française, ils et elles doivent pouvoir contribuer au débat parlementaire selon la même proportion : les écologistes proposent de sanctionner les partis qui ne présenteraient pas au moins 20 % de candidat.e.s de cette classe d’âge à chaque élection.

C. Vers l’autonomie : intégration au système général et revenu d’existence

La précarité financière atteint des proportions alarmantes : le taux de pauvreté est de 21,9 % chez les jeunes de moins de 25 ans, et 23 % des jeunes actif.ve.s sont au chômage. Quant à celles et ceux qui travaillent, près d’un tiers ont un CDD (contre 8,4 % dans la population totale). Les jeunes salarié.e.s sont généralement les plus exposé.e.s aux licenciements et aux aléas de la flexibilité des entreprises.

L’accès au logement devient également de plus en plus difficile : on estime qu’il y a aujourd’hui 240 000 jeunes de 18 ans et plus (hors étudiant.e.s) qui n’ont pas les moyens financiers d’accéder à un logement autonome. Non bénéficiaires des minima sociaux, les jeunes se retrouvent ainsi sans ressources, et en grand risque de subir la misère et l’exclusion.

Les écologistes proposent :

– la fin du système spécial pour les jeunes, en termes d’accès au RSA comme aux autres minima sociaux, et notamment les mutuelles étudiantes ;

– l’instauration d’un revenu d’autonomie : les écologistes proposent de faire des jeunes les premiers bénéficiaires de l’instauration d’un revenu universel. Cette avancée doit être accompagnée des mesures permettant à tous les jeunes de disposer de l’ensemble des outils d’autonomie : accès au logement, accès aux soins et lutte contre le travail précaire.

D. Mettre fin au chômage des jeunes : un pari d’avenir

Le principal frein à l’emploi des jeunes reste le verrouillage du système : des difficultés de reprise des terres pour les jeunes agriculteur.trice.s au taux de chômage dans le monde du travail, sans réelles perspectives, en passant par le manque de reconnaissance des compétences acquises.

Les écologistes proposent :

– De soutenir l’engagement associatif et d’ouvrir/simplifier la validation des acquis de l’expérience (VAE) aux activités associatives, afin que soient reconnues les compétences développées dans ce cadre.

– De favoriser et de mieux reconnaître le service civique. L’ouvrir à toutes et à tous sans limite d’âge constituera un outil de valorisation de ce service civique. Plutôt que de le rendre obligatoire, nous devons nous donner les moyens d’accueillir l’ensemble des volontaires actuels. Le service civique ne peut en aucun cas constituer un emploi déguisé ! Tout comme les stages, les services civiques doivent être mieux encadrés et contrôlés.

– D’améliorer la reconnaissance des acquis de l’expérience hors système scolaire et de changer de regard : en normalisant, généralisant, accompagnant et sécurisant les années de césure, et en passant des accords avec des structures d’accueil.

– D’investir dans la création d’entreprises par des jeunes et de les accompagner, notamment lorsque le projet relève des économies solidaires, coopératives et collaboratives.

– La lutte contre l’emploi précaire chez les jeunes doit être une priorité. Il faut donc soutenir les initiatives favorisant l’emploi de jeunes actif.ve.s en CDI, tels les emplois tremplins. Par contre, les stages post-formation doivent être strictement encadrés, en abaissant le plafond de 10 % du nombre de stagiaires par entreprise ou par administration. Il est également nécessaire de renforcer le suivi des stages, tant par le tuteur entreprise que par le tuteur université, pour assurer leur apport pédagogique.

– En attendant la mise en œuvre du revenu d’existence, il faut augmenter l’indemnité minimum des stages et renforcer la formation des tuteurs en entreprise.

– Les périodes de stage et d’insertion professionnelle s’allongeant, il faut prendre en compte les périodes de formation initiale et de stages dans le calcul de la retraite.

– Les aides financières pour le logement des stagiaires, le service civique et les précaires doivent être majorées.

– Un enseignement du droit social doit être délivré dès le lycée, toutes catégories confondues, afin de mieux préparer chaque jeune à entrer sur le marché du travail en pleine connaissance de ses droits.

– L’apprentissage doit être renforcé et sécurisé. Il faudra le déployer dans tous les domaines et à destination de tou.te.s.

E. Accès aux droits : un logement, la mobilité et la santé pour tou.te.s !

Nous devons investir massivement dans les résidences étudiantes en réhabilitant les 70 000 places existantes et en construisant 50 000 nouvelles chambres. Nous devons également faciliter l’accès au logement pérenne en construisant 12 000 logements sociaux neufs par an pour les jeunes et développer les aides à l’installation. Enfin, il est nécessaire de soutenir l’offre développée par les foyers de jeunes travailleur.se.s. Cette offre doit notamment être mobilisée en direction des personnes sortant de l’aide sociale à l’enfance ou en rupture familiale, qui ne bénéficient pas des moyens financiers ou du soutien familial nécessaires. Enfin, l’encadrement des loyers doit être étendu.

Trop de jeunes sont encore contraint.e.s par les difficultés d’accès à la mobilité : outre le nécessaire développement des transports en commun, nous mettrons en place un « pass jeunes » pour les transports et une aide budgétaire à l’achat d’un vélo ou autres moyens de déplacement peu consommateurs d’énergie fossile.

De même, nous devons faciliter l’accès aux soins. Du fait de la multiplication des maladies longues, comme les cancers, et des diverses pollutions, la courbe d’espérance de vie se renverse. Or, dans le même temps, l’accès aux soins est de plus en plus difficile. Le baromètre de la jeunesse montre d’ailleurs que la priorité absolue d’intervention pour les jeunes est un meilleur remboursement des soins et une meilleure répartition des médecins sur le territoire. Nous proposons donc la création d’un « chèque santé » de 200 euros par an pour les 16-25 ans et le renforcement de la médecine universitaire grâce à la création de maisons de santé étudiantes, avec un système de tiers payant systématique. Parce que près de 30 % des jeunes renoncent à des soins pour des raisons financières, nous souhaitons également simplifier l’accès à la CMU complémentaire et à l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS).

Les écologistes proposent également :

– de créer un « pass contraception » pour tous les jeunes ;

– d’encourager les municipalités à développer des actions de sensibilisation sur la santé dans les temps périscolaires ;

– de créer un appel à projets écocitoyens (en milieu scolaire, dans les associations de quartier, les missions locales, etc.) et de contribuer au « basculement culturel » par une politique volontariste d’éducation à l’environnement et au développement durable, comme le fait l’association Génération cobayes ;

– d’expérimenter une démarche participative de gestion de la qualité de l’air intérieur dans les lycées, avec des réunions d’information à destination des professionnels de santé, la création de supports de communication (dépliants, vidéos…) et la diffusion d’informations sur les perturbateurs endocriniens ;

– d’encourager tous les projets d’éducation des jeunes à la santé – y compris sexuelle et reproductive ;

– de soutenir la création de centres de prévention jeunesse (d’accès gratuit et à l’anonymat préservé), pour favoriser l’écoute sur les questions liées à la sexualité, aux drogues, au mal-être et à la violence ;

– d’intégrer dans les enseignements, dès l’école maternelle et primaire, les connaissances et les comportements de prévention des risques pour l’être humain et son environnement, grâce à des « préventeurs » agréés pour intervenir en milieu scolaire, à l’instar des intervenants en musique ;

– d’intégrer dans les projets pédagogiques l’axe prévention-santé-environnement ;

– de réactiver dans les collèges et les lycées les commissions d’éducation à la santé et à la citoyenneté, animées par un « préventeur » santé-sécurité-environnement.

III. Ouvrir des choix à nos ainé.e.s

Aujourd’hui, près d’un quart de la population française a plus de 60 ans, et l’espérance de vie augmente régulièrement. La situation des personnes âgées est marquée par de fortes disparités sociales, qui placent les unes dans l’opulence extrême et les autres dans une grande pauvreté, aggravée par la stagnation et la réforme des pensions.

Les aîné.e.s ne sont pas, comme l’instillent certains discours, une charge pour la société, mais un maillon important de la transmission de l’expérience collective et de la cohésion sociale. Ils et elles méritent mieux que le paternalisme et le clientélisme des petits cadeaux de certaines municipalités, qui entretiennent leur séparation d’avec la société et leur solitude.

Les écologistes proposent :

– de favoriser l’activité bénévole et les lieux d’échanges intergénérationnels par la création d’agences intercommunales pour le travail bénévole et l’incitation fiscale au moyen de réductions d’impôts ; le soutien aux clubs de seniors, aux universités et aux lieux de formation dits du troisième âge ; l’encouragement à la mixité des générations dans la construction des logements neufs ;

– de sécuriser les revenus et l’accès aux soins des plus fragiles par l’augmentation du minimum vieillesse selon les mêmes critères que les autres revenus sociaux, et de revaloriser les retraites à partir des salaires et non de l’indice des prix ;

– d’instaurer la garantie d’une visite médicale annuelle gratuite à toutes les personnes de plus de 65 ans et la suppression des franchises médicales ;

– de permettre un choix réellement ouvert quant au mode d’hébergement, par la création de logements adaptés, l’hébergement en structure collective ou autogérée ou le maintien à domicile ;

– d’augmenter le nombre de places en EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) public, de sorte qu’il soit au moins égal au nombre de places dans le secteur privé, avec une adaptation des équipements ;

– d’offrir aux travailleur.se.s immigré.e.s âgé.e.s et à leurs conjoint.e.s un dispositif spécifique d’hébergement, d’écoute, d’amélioration et de suivi des droits à la pension ;

– de soutenir et d’améliorer les emplois de service ; la puissance publique doit contrôler le développement de ce secteur pour améliorer les conditions d’emploi et la qualité du service en visant trois objectifs : limiter la place du gré à gré et favoriser l’économie sociale et solidaire, poursuivre la professionnalisation, simplifier et assouplir les outils de paiement et de gestion ;

– de financer la perte d’autonomie et la prise en charge de la dépendance : outre les recettes fiscales ordinaires, les retraité.e.s les plus prospères doivent être mis à contribution par une taxation des patrimoines les plus élevés (hors habitation principale), par l’alignement de leur CSG sur celle des actifs avec un taux progressif, et par la suppression de l’abattement de 10 % des frais professionnels pour le versement de l’impôt ;

– de rendre possible une formation en alternance pour les aidants informels à la personne en perte d’autonomie, entrant dans le cursus de la formation aide-soignant.e sous forme de spécialité ;

– d’organiser les soins palliatifs et le choix de mourir dans la dignité au moment et à l’endroit où la personne le souhaite ; cela implique l’installation dans chaque département d’une unité de soins palliatifs assurant aussi la logistique des réseaux à domicile et dans les résidences de personnes âgées.

IV. Lutter contre la pauvreté et la précarité : une urgence !

Selon l’Insee : « En 2013, le seuil de pauvreté, qui correspond à 60 % du niveau de vie médian de la population, s’établit à 1 000 euros mensuels. La pauvreté concerne 8,6 millions de personnes, soit 14 % de la population. Cette proportion diminue légèrement en 2012 et 2013 (- 0,4 puis – 0,3 point), mais, sur cinq ans, la pauvreté a augmenté de 0,7 point, en rupture avec sa tendance précédente à la baisse. Cette hausse de la pauvreté, plus modérée qu’ailleurs en Europe, touche surtout les ménages actifs, notamment les ouvriers, les familles monoparentales et les familles nombreuses. »

Nous savons qu’il faut agir sur différents leviers. Les causes de la pauvreté et des inégalités sont nombreuses et se cumulent : état de santé, logement, isolement social, emploi et formation doivent être traités ensemble. L’accès de tou.te.s aux droits fondamentaux et aux biens de première nécessité doit être assuré : donner à chacun.e la possibilité de posséder une adresse et de se nourrir sainement et régulièrement, assurer l’accès aux soins, augmenter le niveau de prise en charge par l’assurance maladie, supprimer les franchises, assurer la gratuité d’une première tranche de consommation énergétique répondant aux besoins essentiels (boire, se laver, se chauffer, cuisiner), avec une augmentation graduée des tarifs pour les consommations supérieures à ce seuil, augmenter le budget de l’aide juridictionnelle, assurer à chacun.e l’accès à un service public de transport.

Les écologistes proposent :

– de porter le Smic à 1 800 euros bruts dans la législature avec une augmentation immédiate de 10 %, soit 150 euros brut ;

– de revaloriser les minima sociaux de 50 % durant la mandature ;

– de développer l’offre de logement très social et de faire baisser les loyers du parc social ;

– de poursuivre l’expérimentation de l’encadrement des loyers et de réguler les loyers du parc privé ;

– concentrer la garantie des loyers sur les jeunes et les plus précaires, et de réfléchir à son extension aux chômeur.se.s de longue durée ;

– de renforcer la prévention des expulsions locatives ;

– de limiter le recours aux nuitées hôtelières et de développer des solutions alternatives ;

– de favoriser la scolarisation précoce des enfants de familles modestes, en particulier dans les territoires d’éducation prioritaire ;

– de créer un service public de la petite enfance et 400 000 places d’accueil : chaque enfant doit pouvoir être accueilli dans une structure (petite enfance, périscolaire, extrascolaire) du choix des parents, même si ceux-ci sont sans emploi ;

– d’augmenter le nombre de crèches : crèches d’entreprise, d’université, associatives et coopératives, en horaires décalés ; afin de freiner les stéréotypes de genre, le personnel sera davantage paritaire, grâce à des mesures incitant les jeunes hommes à s’orienter vers les métiers de la petite enfance, les approches pédagogiques non-violentes et émancipatrices devront y être appliquées ;

– de soutenir davantage les structures de l’économie sociale et solidaire ayant trait à l’aide à la parentalité ;

– concernant les personnes les plus éloignées de l’emploi, de renforcer les moyens de Pôle emploi afin de proposer un accompagnement personnalisé aux bénéficiaires du RSA, et de soutenir le secteur de l’insertion par l’activité économique.

V. Pour une politique du handicap inclusive

Qu’elle soit d’origine mentale, psychique, sensorielle, cognitive, physique, plurielle ou simplement due à l’avancée en âge, la situation de handicap entrave la vie de millions de personnes, souvent laissées pour compte par les politiques publiques prônant la performance. Les réponses apportées sont insuffisantes, et la loi du 11 février 2005, qui se voulait fondamentale pour la politique du handicap, reste peu connue et mal appliquée. Politique de compassion et de mise en scène : les écologistes disent stop ! Les multiples rapports et les lois mal appliquées laissent un goût amer aux personnes en situation de handicap.

Une politique écologiste du handicap est fondée sur les principes de solidarité nationale, d’accessibilité et d’autonomie pour tou.te.s, de lutte contre les discriminations liées au handicap, de promotion et d’application des droits. La politique écologiste du handicap est une politique « d’irrigation » de toutes les composantes publiques. Elle s’oppose à la distinction et au stéréotype et se comprend comme une politique inclusive. Elle s’inscrit dans un contexte international par l’engagement d’appliquer la Convention internationale des droits des personnes handicapées, et par son évaluation publique annuelle.

Notre société doit ainsi garantir aux personnes en situation de handicap les conditions de l’exercice plein et entier de la citoyenneté. L’administration publique sera paramétrée pour répondre à cet impératif politique.

La politique écologiste du handicap est une politique participative, où le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et ses instances régionales auront un pouvoir reconnu de décision, de mise en œuvre et d’évaluation.

Les écologistes proposent :

– De manière globale, nous assurerons plus de cohérence dans les politiques liées au handicap, notamment avec la création d’un ministère du Handicap et de l’Autonomie.

– Une agence nationale de la citoyenneté et de l’autonomie sera créée. Elle fusionnera l’ensemble des agences nationales et des observatoires du secteur social et médico-social.

– Nous créerons une organisation régionale au service des établissements et une organisation départementale au service des personnes. Il importe de faire évoluer les agences régionales de santé (ARS) en agences régionales de la santé et de la cohésion sociale, pour une prise en compte explicite de l’accompagnement social des personnes en situation de handicap, en transférant les compétences de gestion des départements vers les nouvelles agences régionales.

– Il nous faut penser l’accessibilité universelle, l’accessibilité pour tou.te.s, et pas seulement pour les personnes en situation de handicap : garantir l’accessibilité de tous les services publics, généraliser les traductions en Falc (français facile à lire et à comprendre) ainsi que les repères visuels et sensoriels, créer l’Agence nationale de l’accessibilité universelle (Anau).

– La vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap ne peut être niée ou volontairement passée sous silence, comme c’est le cas actuellement. Les écologistes proposeront un débat, puis une loi, pour encadrer l’activité d’accompagnement sexuel.

– Les personnels soignants, médecins, infirmier.ère.s, aide-soignant.e.s, notamment, recevront une formation liée à la vie sexuelle des personnes en situation de handicap dans leur cursus initial.

VI. Un logement pour chacun.e

Il manque aujourd’hui plus de 900 000 logements en France. 3,8 millions de personnes sont mal logées ou sans logis, dont 600 000 enfants. L’habitat est devenu un facteur majeur de précarisation, du fait de la hausse incontrôlée des prix et du renchérissement du coût de l’énergie.

La logique du « tous propriétaires » est un leurre qui endette les ménages, creuse les inégalités et aggrave l’étalement urbain. Les écologistes prônent un habitat choisi, où chacun.e, selon ses aspirations et son parcours, puisse devenir propriétaire ou locataire.

Face à l’urgence, nous revendiquons l’accueil inconditionnel dans les structures d’hébergement, en maintenant les capacités d’accueil tout au long de l’année. La suppression des places d’hébergement ne doit se faire qu’au rythme de l’extinction de la demande. Nous ne laisserons personne à la rue. Nous interdirons les expulsions sans relogement. Nous développerons « l’intermédiation locative » à grande échelle, c’est-à-dire au prix du marché si nécessaire, aboutissant impérativement à la mise en œuvre d’une solution de logement durable (sans remise à la rue). Nous logerons les plus de 59 000 personnes prioritaires au Dalo (Droit au logement opposable), par la construction de logements très sociaux et la captation de logements dans le parc privé.

Nous éradiquerons l’habitat indigne et mobiliserons le parc vacant en faisant adopter à l’échelle communale un plan d’éradication de l’habitat indigne et en renforçant les crédits de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Nous appliquerons systématiquement la loi de réquisition. Face à la pénurie, nous construirons 500 000 logements par an, dont 160 000 logements sociaux. La priorité sera donnée aux logements les plus sociaux, avec la construction d’au moins 30 000 PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration) familiaux et en limitant les agréments PLS (prêt locatif social) à 10 %. Nous renforcerons la transparence et l’égalité des demandes de logement via des dossiers anonymes et la généralisation des systèmes de cotation des dossiers. Nous développerons le modèle londonien du « scoring », basé sur le classement automatisé des demandes.

Dans les zones tendues, nous étendrons, l’encadrement des loyers en suivant l’exemple de Paris. Nous sécuriserons la location par l’instauration d’une véritable garantie des risques locatifs généralisée, et non réservée aux plus aisés. Nous renforcerons la loi SRU (solidarité et renouvellement urbains) en passant l’obligation de construction à 25 % de logements sociaux (30 % en Île-de-France) et en augmentant les sanctions financières pour les communes récalcitrantes. Nous enrayerons la spéculation immobilière. Nous préviendrons les situations de surendettement et les pièges du crédit facile. Nous limiterons la durée des crédits immobiliers à vingt-cinq ans et renforcerons les règles de prudence bancaire.

VII. Éduquer, un outil fondamental de la transition écologique

« Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde. » Paulo Freire

La transition écologique doit être aussi une transition éducative pour vivre ensemble en harmonie avec les autres êtres vivants et en équilibre avec les richesses de cette planète. Construit sur la séparation entre savoirs académiques et pratiques professionnelles, le système scolaire est inadapté aux besoins des élèves et des familles ainsi qu’aux enjeux de notre temps, et l’école de la République, élitiste, creuse les inégalités. Les dispositifs se succèdent pour remédier au décrochage et à l’échec scolaire, sans succès. Alors que l’école devrait souder notre nation, elle contribue à exclure et ne prépare pas aux défis planétaires du XXIe siècle.

La société actuelle incite à produire et à consommer toujours plus, contribuant ainsi à une indifférence croissante à l’autre, à la nature et au monde. « Produire, consommer, jeter » n’est pas notre devise ! Au moment où nous vivons la sixième grande extinction des espèces, l’avenir nécessite une prise de conscience qui commence par l’éducation. Nous avons besoin d’une éducation pour et par la liberté, l’égalité et la fraternité, et l’indispensable préservation de la biodiversité naturelle et culturelle doit en faire partie.

Nous voulons une éducation qui répare les inégalités. Nous voulons une école ouverte et inclusive. Nous voulons que, tout au long de la vie, chacun.e puisse donner le meilleur de soi-même selon ses aspirations.

A. Une éducation pour tou.te.s, avec tou.te.s

– Contrer les inégalités en créant une dotation progressive des établissements : sur le modèle de la loi SRU, la dotation consolidée des établissements sera progressive. Tous les établissements, publics et privés, auront comme objectif d’atteindre une mixité réelle et seront évalués et financés selon ce critère.

– Faire de la carte scolaire un outil de mixité sociale en la transposant à l’échelle des bassins de vie. Elle sera réévaluée tous les cinq ans par une instance indépendante composée à parité de représentant.e.s des familles, de l’Éducation nationale et d’élu.e.s locaux.

– Affecter des moyens humains supplémentaires à la lutte contre le décrochage scolaire et réduire le nombre d’élèves par classe dans les établissements en difficulté.

– Promouvoir une véritable démocratie scolaire grâce à des conseils dotés de véritables pouvoirs, à la pratique régulière du débat dans les établissements et à la mise en place de budgets participatifs gérés par les élèves. Encourager la coopération en apprenant dès le plus jeune âge à résoudre les désaccords et les conflits par la non-violence.

– Affirmer le caractère inclusif de l’école, accueillir dignement les enfants à besoins particuliers (situation de handicap, précocité, etc.), grâce à une formation spécifique des professeurs et à la professionnalisation du métier d’auxiliaire de vie scolaire.

B. Faire confiance aux acteurs de l’éducation, donner de l’autonomie aux établissements

– Des rythmes scolaires adaptés aux besoins des élèves, moins d’élèves par professeur.e : possibilité donnée aux établissements de moduler les horaires en fonction de leurs choix et de leurs projets pédagogiques.

– Créer un statut unique d’enseignant.e du primaire et du secondaire : cela implique une égalité de traitement et de service à tous les niveaux d’enseignement.

– Réformer le système d’évaluation par la généralisation de l’évaluation positive ; remplacer le brevet des collèges et le baccalauréat par des certifications raisonnablement exigeantes et davantage fondées sur les compétences.

– Créer une base nationale de ressources pédagogiques libres de droits pour que les équipes puissent élaborer un projet d’établissement adapté aux besoins de leurs élèves, pour que chacun.e puisse avoir accès à un enseignement gratuit et certifié quand il ou elle le souhaite.

C. Accompagner les parents dès la naissance de leur enfant

– Créer un congé de parentalité paritaire couvrant la première année de l’enfant, ouvrir 400 000 places en crèche publique, organiser une participation des parents (par exemple cinq demi-journées annuelles) à l’animation des crèches publiques.

– Proposer des ateliers d’accompagnement à la parentalité à tous les parents et à chaque étape de la vie de leur enfant.

– Promouvoir l’ouverture de l’école publique aux parents en leur permettant de participer régulièrement aux tâches et aux projets scolaires.

D. Éduquer autrement et tout au long de la vie

– Populariser l’accès à la pratique artistique en offrant à chaque jeune une année de pratique artistique gratuite dans un conservatoire, une école d’art ou une association.

– Créer des associations de pratique artistique dans les collèges et les lycées, encadrées par des professeur.e.s et des professionnel.le.s sur le modèle du fonctionnement des associations sportives encadrées par les professeur.e.s d’EPS.

– Créer un dispositif interministériel (Culture et Éducation nationale) pour soutenir et favoriser dans les établissements scolaires l’intervention d’artistes, la résidence d’écrivains et d’artistes du spectacle vivant, des arts plastiques et de l’audiovisuel, et la tenue d’événements culturels (spectacle, exposition…) sur temps scolaire, accessibles à tou.te.s hors temps scolaire.

– Développer des contenus pédagogiques numériques gratuits, conçus si possible avec des élèves, grâce à des partenariats entre l’Éducation nationale et les acteur.trice.s de la culture.

– Généraliser le bio, proposer des produits locaux de saison toute l’année, et servir au moins un repas végétarien hebdomadaire dans la restauration collective (crèches, cantines scolaires, etc.).

– Enseigner l’économie domestique (gestion de la maison, cuisine), l’agriculture, la menuiserie, etc., dans un souci d’économie de l’énergie et des ressources.

– Encourager tous les projets d’éducation des jeunes à la prévention santé et environnement.

– Réactiver dans les collèges et les lycées les commissions d’éducation à la santé et à la citoyenneté.

– Taxer à 1 % les dépenses publicitaires des médias à destination des jeunes publics pour financer des initiatives d’enfants et de jeunes dans les territoires.

– Donner à chaque jeune, quelle que soit sa situation, la possibilité de passer six mois dans un autre pays européen au cours de sa scolarité.

– Instaurer un service civique universel : que chaque citoyen.ne puisse consacrer une semaine par an ou une année à un engagement indemnisé en faveur de la collectivité dans le domaine de son choix.

– Créer des « maisons des savoirs et de la formation populaire » ouvertes à tous les âges, en s’appuyant sur les missions locales, les écoles de la seconde chance et l’Éducation nationale.

– Éduquer sur le droit à une sexualité libre, consentie et épanouissante.

VIII. Pour un véritable service public de l’enseignement supérieur

Malgré une avalanche de réformes, les faiblesses historiques de l’enseignement supérieur français perdurent, quand elles ne se sont pas accrues : clivage entre écoles et universités, manque global de moyens et fortes inégalités entre filières et disciplines, orientation par défaut vers l’université, qui aboutit trop souvent à l’échec. La loi du 22 juillet 2013 n’a pas répondu aux vrais enjeux de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) : au contraire, elle a contribué à amplifier la polarisation des moyens vers les pôles de prestige, via la poursuite du « plan Campus », l’autonomie des universités et leur mise en concurrence (à travers les appels à projets devenus systématiques et les critères internationaux quantitatifs de publication et d’évaluation des labos) et les pôles d’excellence, qui accroissent la compétition et alourdissent les charges administratives des équipes de recherche, sans moyens supplémentaires.

Les écologistes réaffirment que la possibilité pour chacun.e de se former au meilleur niveau, le développement de l’esprit critique et la diffusion des connaissances et des savoir-faire, y compris les plus récents, sont indispensables à un développement soutenable. Cela implique de faire de l’investissement dans l’intelligence collective une vraie priorité.

A. Autonomiser les étudiant.e.s pour les rendre acteur.trice.s de leur parcours

La paupérisation des jeunes est une réalité qui conduit pour la première fois au recul du taux de poursuite d’études après le bac. Il faut à la fois assurer aux étudiant.e.s des conditions de vie et d’études correctes et faciliter les parcours non linéaires (année de césure, validation des acquis, reprise d’études).

Les écologistes proposent :

– de mettre en place, en attendant la mise en œuvre du revenu universel, une allocation de formation sous la forme de seize semestres de revenu, utilisable tout au long de la vie, en formation initiale ou continue ;

– de reconnaître et d’encourager les multiples formes d’engagement dans la vie citoyenne des étudiant.e.s ;

– d’améliorer le financement des thèses pour obtenir à terme qu’elles soient toutes financées, avec un système souple de trois années équivalent temps plein, de créer un statut pour les doctorant.e.s incluant la charte des thèses et la possibilité de monitorat, et de reconnaître le titre de docteur.e dans les grilles de la fonction publique et dans les conventions collectives.

B. Donner une véritable ambition à l’orientation et à la formation

Le système de formation supérieure français reste appuyé sur une logique de hiérarchie entre les filières et de sélection par l’échec. Le défi est d’accompagner chacun.e dans la construction de son projet, en permettant à tous les jeunes de trouver une formation qui leur corresponde.

Pour cela, les écologistes proposent :

– d’inclure la formation pédagogique dans le service des enseignant.e.s du supérieur ;

– d’instituer des dispositifs d’évaluation qualitative des enseignements ;

– d’accélérer le rapprochement entre les grandes écoles et les universités au sein de pôles territoriaux et de développer le recrutement sur dossier anonyme dans les écoles ;

– de substituer progressivement aux classes préparatoires des parcours renforcés de licence ;

– d’améliorer l’accueil des étudiant.e.s étranger.ère.s ou réfugié.e.s et de renforcer les échanges avec les universités étrangères.

C. Un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, des régions à l’Europe

L’enseignement supérieur est une mission à part entière de la collectivité : il doit donc disposer des moyens nécessaires à l’exécution de ses missions, et peut en retour être appelé à jouer un rôle clé dans la transition écologique et la structuration des territoires.

Les écologistes proposent :

– de donner à un ministère de l’ESR de plein exercice la tutelle de l’ensemble des formations post-bac, en lien étroit avec les régions ;

– de faire de l’immobilier universitaire un levier de la transition écologique par le développement d’éco-campus : plan général de rénovation du bâti universitaire, amélioration de l’offre de transports en commun, 70 000 rénovations et 50 000 nouvelles chambres éco-conçues, alimentation bio et équitable, centres de santé, crèches, etc. ;

– de développer l’emploi scientifique et de résorber progressivement la précarité en créant chaque année 5 000 postes statutaires.

D’autre part, la transition écologique suppose de faire le pari de l’intelligence collective. Cela passe non seulement par une recherche publique indépendante des intérêts économiques, mais également par un lien renforcé avec la société, qui est aujourd’hui capable de créer ou de co-créer de la connaissance dans de nombreux domaines. Cela suppose de retrouver un juste équilibre entre confiance et contrôle des laboratoires, afin de remettre ceux-ci en situation de coopération plutôt que de concurrence. La multiplication des guichets de financement et des procédures d’évaluation depuis dix ans a fait perdre beaucoup de temps et d’énergie.

D. Rendre à la recherche les moyens de son indépendance

Une loi de programmation budgétaire est indispensable. Elle s’articulera autour d’une augmentation d’un milliard d’euros par an, financée par le plafonnement progressif du crédit impôt recherche (CIR). Nous avons pour objectif qu’1 % du PIB soit consacré à la recherche publique civile à l’issue de la mandature (contre 0,8 % aujourd’hui).

Les écologistes proposent :

– de rééquilibrer les financements au profit des crédits de base, notamment par la réintégration des crédits extrabudgétaires, comme les investissements d’avenir, et de préciser les missions de l’Agence nationale de la recherche (ANR) en ciblant mieux ses appels, de manière à élever le taux de succès ;

– d’encadrer les recours aux CDD et aux heures complémentaires, notamment pour les chargé.e.s de cours, en supprimant l’obligation de réaliser 960 heures de travail, afin de lutter contre les abus et de favoriser l’emploi pérenne, de revaloriser les contrats à durée déterminée en fonction de l’expérience des chercheurs ;

– de cibler le financement de l’innovation vers les PME, seul moyen de progresser concrètement vers l’objectif de 3 % du PIB pour la recherche et le développement ;

– de développer une coopération juste et équilibrée avec les pays du Sud, en y soutenant la recherche par des moyens financiers et logistiques.

E. Des orientations prises dans la transparence

L’indépendance de la recherche publique doit être garantie. Si certains axes méritent d’être particulièrement soutenus, la décision doit faire l’objet d’un large débat associant l’ensemble de la société.

Les écologistes proposent :

– de mettre en place un office national indépendant chargé de mettre en débat public les grands choix en matière scientifique ;

– d’élaborer davantage de « projets blancs » dans le cadre de l’ANR, c’est-à-dire non fléchés sur des thématiques imposées, pour permettre l’émergence de sujets de recherche indépendants des lobbys ou des orientations ministérielles ;

– de réviser les processus d’évaluation pour que celle-ci soit strictement qualitative et automatiquement déléguée aux instances majoritairement élues ;

– de garantir une expertise publique autonome et contradictoire en créant une Haute Autorité de l’alerte et de l’expertise, et de mettre en place un statut véritablement protecteur des lanceur.se.s d’alerte.

F. Ouvrir la recherche à la société

Face au défi de la transition écologique, il faut mettre en place une véritable démocratie scientifique. Les pratiques d’« open science » et la participation citoyenne bénéficient autant aux chercheur.se.s qu’à la société ; elles doivent être encouragées et développées partout où elles font sens.

Les écologistes proposent :

– de développer les recherches fondées sur une collaboration entre les laboratoires de recherche publics et les organisations de la société civile ;

– de développer l’accès libre aux biens publics par la numérisation du patrimoine et la mise en place d’exceptions aux droits de propriété intellectuelle tenant compte de l’intérêt général ; d’imposer l’open access et de renforcer l’open science, qui permettent d’accélérer la recherche, d’augmenter la transparence, de décloisonner les secteurs (public, privé et citoyen) et les filières, et de soutenir tous les types de recherche, notamment en sciences humaines.

IX. Les droits culturels : un autre modèle de société, d’autres pratiques

Les « droits culturels » sont au cœur de notre conception d’une politique culturelle durable et solidaire, facteur de liberté, d’égalité et de fraternité entre les personnes et les peuples. Ils se déclinent dans toutes les politiques publiques comme principe d’émancipation, d’épanouissement des personnes, d’accès aux savoirs et d’exercice de la démocratie. Ainsi, chacune des politiques publiques devra intégrer la dimension culturelle dans sa mise en œuvre, entendue au sens anthropologique des échanges symboliques, de la circulation d’objets et de pratiques interculturelles, qui font le ciment de toute société, favorisent l’interconnaissance et la commune humanité. Qu’il s’agisse de l’art dans l’espace public et l’aménagement du territoire, de l’éducation, de la santé et du « prendre soin », de l’habitat, de l’environnement, des sciences et techniques, de l’artisanat, de l’économie, du social ou encore de la coopération internationale, les « droits culturels » doivent être visibles et défendus.

Aujourd’hui, la non-reconnaissance de certaines expressions culturelles par les institutions publiques, la marchandisation des biens et des services culturels au détriment de l’équilibre entre service public et marché privé, l’ingérence des pouvoirs politiques dans la programmation artistique, ou le renoncement à leur responsabilité en matière culturelle, ainsi que le fondamentalisme religieux menacent la vie culturelle et artistique ainsi que son rôle essentiel dans la cohésion sociale et le « faire société ».

Nous, écologistes, souhaitons au contraire accorder à la culture un rôle primordial dans la construction durable du « bien-vivre ensemble ». Les lieux culturels doivent s’appréhender comme des espaces de liberté de création, de partage et de transmission, de débat et de reconnaissance des personnes et de leurs expressions, accessibles par tou.te.s.

À l’heure des replis identitaires, de l’intolérance et de la peur de l’autre, les écologistes souhaitent faire de la culture une source de cohésion sociale, d’expression de la diversité et de la créativité, d’expérience de l’altérité, de partage des biens communs, de convivialité, de désir et de plaisir.

Les écologistes proposent :

– d’instaurer une gouvernance partagée des politiques culturelles : l’inscription des « droits culturels » dans la loi confère aux pouvoirs publics l’obligation de développer des modes de concertation et de participation, en particulier pour les personnes les plus défavorisées en raison de leur situation sociale ou de leur appartenance à une minorité ;

– de promouvoir la diversité culturelle et la participation de tou.te.s à la vie culturelle ;

– de co-élaborer des plans locaux d’éducation artistique et culturelle, aux différentes échelles territoriales, avec la communauté éducative et les acteurs culturels et sociaux ;

– de redéployer les financements publics pour atteindre les objectifs d’une politique culturelle ambitieuse : trouver de nouveaux équilibres entre les outils existants et de nouveaux dispositifs plus équitables, entre des acteurs reconnus et d’autres émergents, entre institutions, acteurs associatifs et « tiers-secteur », entre zones urbaines et zones rurales ;

– de réaffirmer et de faire appliquer les objectifs du 1 % culture du budget de l’État et du 1 % artistique dans les constructions publiques ;

– de créer un fonds de développement du tiers-secteur culturel (ESS) et de mettre à disposition des moyens mutualisés pour permettre aux artistes et aux artisans d’art d’accéder à des locaux ou terrains vacants et à des services partagés ;

– de soutenir le développement de « tiers-lieux » pour favoriser les périodes de recherche et d’expérimentation des artistes et stimuler le dialogue avec la population ;

– de consolider et de développer l’offre légale sur Internet, de supprimer les lois DAVDSI et Hadopi, qui criminalisent les utilisateur.trice.s, et co-élaborer de nouveaux dispositifs afin d’assurer le financement de la production artistique numérique ;

– de libérer les données publiques open data en formats accessibles aux citoyen.ne.s afin de permettre la création de nouveaux services et le développement d’une économie culturelle de partage ;

– de consolider l’accord de 2016 du régime de l’intermittence et de réexaminer ses sources de financement, et de promouvoir un statut de « pluriactif culturel » conjuguant revenus de transfert et revenus d’activité, pour une garantie de revenus ;

– de développer les droits sociaux des artistes plasticien.ne.s et des intervenant.e.s culturel.le.s ;

– de soutenir les librairies, les disquaires, les labels et les cinémas indépendants.

X. Droit à l’information et à l’indépendance des médias : défendre la liberté d’informer et soutenir la création audiovisuelle

Le rôle des médias dans la construction et la transmission de l’information, dans l’éducation et la formation, voire dans le « formatage » de notre imaginaire social, n’est plus à démontrer. Les médias ayant acquis un poids décisif dans la formation de l’opinion, il est vital pour nos démocraties que leur indépendance soit assurée par la puissance publique. Or, ce que nous observons depuis des années est inquiétant : concentration des opérateurs privés et mainmise de puissants groupes financiers ou industriels, connivences politico-médiatiques, recherche du profit et homogénéisation des productions. Le métier de journaliste indépendant.e est de plus en plus difficile à exercer, et la profession se précarise. Il y a urgence à rétablir l’indépendance des médias et à permettre l’exercice du métier de journaliste en toute liberté.

Les écologistes proposent :

– d’assurer l’indépendance financière et stratégique des grandes entreprises de l’audiovisuel public, qui ont un rôle central à jouer dans le numérique, notamment pour une information indépendante et vérifiée ;

– de garantir que la nomination des dirigeant.e.s de ces entreprises ne relèvera pas d’un arbitraire politique mais se fera en concertation avec les professionnels et les usagers, et de repenser la composition de leurs conseils d’administration, pour que les représentant.e.s de l’État y soient minoritaires et ceux des professionnels et des usagers majoritaires ;

– de supprimer la publicité sur France Télévisions ;

– de renforcer et de redéfinir les missions des Web-Cosip (dispositif visant à accompagner le développement et la production d’œuvres patrimoniales audiovisuelles sur Internet) et du Dicréam (dispositif pour la création artistique multimédias et numérique) afin d’encourager les nouvelles formes de création audiovisuelle, numérique et transmédias par un soutien en amont à la création ;

– de réexaminer et de clarifier les missions des sociétés collectives de gestion de droits (auteurs, interprètes, producteurs, distributeurs, etc.) et d’assurer une meilleure représentativité aux multiples ayants droit issus des mutations technologiques ;

– d’assurer un large soutien interministériel aux pôles territoriaux de développement économique dédiés aux thématiques numériques transversales : éducation, tourisme, artisanat, écologie ou citoyenneté ;

– de faciliter la présence d’une presse indépendante d’information en ligne, notamment en lui accordant les mêmes droits qu’à la presse papier (taux de TVA, annonces légales) ;

– d’encourager l’émergence de médias indépendants par la création d’un statut de fondation (et donc de fonds de dotation) et d’un organisme indépendant équivalent au Centre national du cinéma (CNC), avec des taxes prélevées sur les « tuyaux » de communication télécoms et autres opérateurs Internet ; ce fonds serait redistribué aux projets de médias indépendants, avec des sommes allouées suffisantes pour faire tourner une équipe de journalistes.

De plus nous défendrons :

– une directive européenne pour empêcher les gros industriels de faire main basse sur des médias indépendants en en devenant les principaux actionnaires ;

– une exonération de taxes (ou du moins une taxation très faible) pendant trois ans, le temps pour un jeune média d’atteindre sa vitesse de croisière ;

– la protection des lanceur.se.s d’alerte et du secret des sources des journalistes ;

– la défiscalisation des dons aux médias ;

– le retrait de la directive sur le secret des affaires, etc.

Le pluralisme des médias sera garanti. Il faut abroger la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et redonner au CSA ses prérogatives. Le mode de nomination et de désignation du CSA permettra d’assurer la représentativité de l’ensemble de la société civile.

AUTOUR DES COMMUNS

Le commun désigne ce qui unifie des pratiques humaines et des choix collectifs autour desquelles se construit une civilisation du bien commun et de l’échange. Ce commun est essentiel et c’est cette fabrique du commun qu’il faut valoriser. Cela passe par :

. numériser et rendre librement réutilisable les archives du domaine public, les fonds de bibliothèque ou de musées et encourager l’extension des communs volontaires ;

. faire le choix d’une politique publique du logiciel libre ;

. encourager la production et l’usage de ressources éducatives libres, les sciences ouvertes et citoyennes ;

. accompagner les démarches de communs : jardins partagés, habitat participatif et groupé, etc. ;

. mailler le territoire de « tiers-lieux » et accompagner les nouvelles formes de travail, de formation en commun, de pratiques culturelles et artistiques : espaces de co-working (travail partagé), télétravail, maisons de l’ESS, fablabs (partage libre de machines, d’espaces, de compétences et de savoirs), bibliothèques ouvertes… ;

. soutenir l’émergence des monnaies complémentaires et des réseaux d’échange.

2. Élargir le pacte social à de nouveaux droits

Le contrat social que nous connaissons est issu, dans ses grands principes, du programme du Conseil national de la Résistance. Fondé sur le volontarisme de l’État social, il a permis d’installer un socle de droits favorable à une plus grande cohésion sociale. Pourtant, face au chômage de masse, aux difficultés de la jeunesse et aux inégalités persistantes, de nouveaux droits et solidarités sont à inventer.

I. Pour la reconnaissance de toutes les familles

– Réformer le système d’adoption (plus de transparence).

– Réformer la filiation afin de la faire reposer sur le projet parental et non sur la biologie : un parent d’intention doit pouvoir être reconnu comme parent sans avoir à adopter son propre enfant.

– Assurer un véritable statut aux parents sociaux, à égalité avec les parents biologiques. En effet, la cellule familiale a évolué ; les familles recomposées, homoparentales, la coparentalité etc. doivent être prises en compte afin que chacun.e puisse trouver sa place dans la famille et dans la société et puisse être protégé.e de manière égale, quelle que soit la forme du foyer.

– Sécuriser et reconnaître toutes les familles, notamment celles dont un enfant est né par PMA (procréation médicalement assistée) ou par GPA (gestation pour autrui) légale à l’étranger. Il est inadmissible que des enfants pâtissent des choix faits par leurs parents pour leur conception.

– Régler la question du mariage des couples binationaux en réaffirmant que le mariage pour tou.te.s les concerne également.

– Ouvrir la PMA à toutes les femmes.

– Ouvrir un débat contradictoire sur la GPA.

II. Le droit d’être soi : renforcer la lutte contre les discriminations de genre

– Donner de vrais droits aux personnes trans : changement de sexe libre, gratuit et déclaratif.

– Renforcer la lutte contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie dans toute la vie scolaire, le monde sportif et le monde du travail, par la sensibilisation de tou.te.s les acteur.trice.s.

– Prévoir un aménagement favorisant la mixité de genre dans tous les espaces publics de jeux et sportifs.

– Former les personnels de la fonction publique à l’accueil des personnes LGBT.

III. Le droit à une justice équitable, accessible et efficace

La France est la cinquième puissance mondiale et, en tant que « pays des droits de l’homme », on s’attendrait à ce qu’elle soit exemplaire quant à l’importance de la part de son budget dédiée à la justice. Or, il n’en est rien. Bien qu’elle compte parmi les pays les plus riches du monde, la part de son budget public annuel allouée au système judiciaire représente 0,197 % de son PIB. En 2016, la France a consacré un budget total à la justice de 8,04 milliards d’euros. Ce budget est en augmentation de 1,3 % par rapport à 2015, mais il reste en deçà de la moyenne européenne.

Parallèlement, la situation des personnels de la justice – greffiers, magistrats – ne s’est pas améliorée. L’institution judiciaire est exsangue, les délais de jugement continuent de s’allonger, les comparutions immédiates augmentent et entraînent 70 % des peines d’emprisonnement. Outre la garantie de son indépendance, il est nécessaire d’améliorer l’efficacité de la justice, de la rendre plus accessible et plus respectueuse des droits de tou.te.s.

Les écologistes proposent :

– D’augmenter le budget de la justice. Une loi d’orientation et de programmation sera discutée au Parlement. Elle évaluera les besoins matériels et humains de la politique judiciaire, ainsi que ses objectifs sur cinq ans.

– Une justice équitable. Un véritable habeas corpus à la française sera proposé. La Cour de justice de la République sera supprimée. La comparution immédiate sera mieux encadrée, son utilisation restreinte et la durée des audiences limitée.

– Une réforme de la justice antiterroriste, qui souffre de dérives nombreuses. Les peines planchers et la rétention de sûreté seront abrogées. Afin de désengorger les tribunaux, certains délits seront dépénalisés.

– Une augmentation du budget de l’aide juridictionnelle et l’expérimentation d’un dispositif innovant de pro bono. En concertation avec les professionnels du droit, une nouvelle carte judiciaire sera élaborée, afin que toute personne puisse bénéficier d’une juridiction accessible à proximité de chez elle.

– Afin de lutter contre les délits environnementaux, la création d’un pôle environnemental, auquel seront affecté.e.s des magistrat.e.s spécialisé.e.s. Le code de l’environnement sera revu et les recours seront simplifiés. Les catastrophes industrielles pourront relever de la faute inexcusable.

– De préserver la spécificité des lois pénales spéciales, notamment la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Par ailleurs, la France a été un modèle en matière de justice des mineurs au lendemain de la Libération : l’ordonnance du 2 février 1945 a posé le principe essentiel de la primauté de l’éducatif sur le répressif. Or, ces principes ont été largement remis en cause par les politiques mises en place depuis quinze ans, notamment par les gouvernements de droite, souvent, hélas, avec l’accord tacite de la gauche. Nous sommes passés de l’enfant victime de son milieu de vie, qui a besoin d’éducation, d’aide sociale, de compréhension psychologique, à l’enfant coupable, qui a choisi la délinquance et doit être sanctionné, la sanction étant considérée comme éducative.

Le choix des moyens alloués à la justice des mineurs détermine sa politique en la matière. Quelles que soient les mesures prises à l’égard des enfants, la préservation de ses droits doit rester au cœur de tous les dispositifs mis en place pour sa prise en charge. L’évolution des politiques publiques en direction de l’enfance et de la jeunesse doit se faire dans le respect des textes internationaux et du droit européen en la matière, qui tient compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Des mesures s’imposent pour éviter la mise à l’écart des mineurs et leur redonner une place au sein du corps social :

– privilégier les mesures éducatives en milieu ouvert et favoriser les alternatives à l’enfermement ;

– engager une véritable politique pénale dans le cadre d’une justice réparatrice ;

– promouvoir au sein de l’école les questions de justice (droits et devoirs) ;

– renforcer la Protection judiciaire de la jeunesse en sa qualité de service public et de ses missions, à la fois au civil et au pénal ;

– renforcer les moyens en matière d’équipements et de personnels : étoffer les services en équipes pluridisciplinaires : psychologues, assistant.e.s sociaux.ales, éducateur.trice.s ;

– réhabiliter les services d’insertion professionnelle ;

– créer une brigade des mineur.e.s en charge des affaires au pénal.

Enfin, l’état des prisons françaises constitue un véritable scandale dans une démocratie moderne. Au 1er avril 2016, on comptait 68 361 personnes détenues pour 58 659 places, et 1 645 détenus dormaient sur des matelas par terre… Dans l’ensemble des maisons d’arrêt, le taux de surpopulation carcérale est de 137 %. Certains établissements atteignent même des taux records de 200 % ! Régulièrement, les prisons françaises font l’objet de critiques, que ce soit au niveau national ou international. Les rapports parlementaires sur les prisons sont unanimes sur les conditions de vie des détenus : la surpopulation, l’insalubrité et le manque chronique de personnel sont dénoncés sans que les pouvoirs publics ne réagissent.

Les écologistes proposent :

– un plan d’urgence pour les prisons à partir des recommandations de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ;

– une véritable réflexion sur l’échelle des peines et le renforcement des mesures alternatives à l’emprisonnement ;

– l’augmentation des effectifs de l’administration pénitentiaire (il manquait 1 500 agent.e.s en 2016) ;

– la mise en œuvre effective du principe de l’encellulement individuel, avec prise en compte par les juridictions des capacités d’accueil des établissements, et particulièrement dans les cahiers des charges de gestion privée des prisons.

IV. Une politique des migrations respectueuse des droits

Alors que le monde traverse sa plus grande crise des réfugié.e.s depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec plus de 21 millions de réfugié.e.s en 2016, depuis trente ans, le discours faisant de l’immigré.e le bouc émissaire de la crise de l’emploi, de la crise sociale, de la « crise des banlieues », des déficits des budgets sociaux ou des comptes de l’État est passé de l’extrême droite au sommet de l’État. Depuis 2002, nous assistons à une avalanche de textes répressifs et de pratiques attentatoires aux droits humains : objectifs chiffrés d’expulsions, accroissement du contrôle social et politique, développement et croisement des fichiers, y compris biométriques…

Le projet écologiste réaffirme une vision mondiale de la question et prône une politique d’immigration ouverte et humaniste, permettant une autre approche des rapports Nord-Sud que la guerre aux migrant.e.s menée actuellement par l’Union européenne à travers l’agence Frontex. En effet, la mission principale de cette agence consiste à maintenir et à agrandir les camps éloignés de l’Europe (Libye, Égypte, Maghreb, Niger…), de manière à bloquer l’arrivée des réfugié.e.s et migrant.e.s dans l’espace Schengen.

Le « droit à la mobilité », qui figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (article 13), est un élément fondamental de la liberté de chaque être humain. Il sera précédé d’une mesure d’apurement des situations créées ces quinze dernières années.

D’autre part, le droit de solliciter l’asile est un principe de valeur constitutionnelle.

Les écologistes proposent :

– L’application des conventions internationales signées par la France (convention de Genève sur le droit d’asile, Convention européenne des droits de l’homme, Convention des droits de l’enfant…) et la ratification par la France de la convention de l’ONU sur les droits des travailleur.se.s migrant.e.s et des membres de leur famille.

– La mise en œuvre d’une politique d’accueil des réfugié.e.s qui respecte leurs droits et leur dignité. La France doit accueillir un nombre plus important de personnes réfugiées venues directement d’un premier pays d’asile, et retirer les clauses migratoires des accords bilatéraux.

– Le respect des droits fondamentaux des étranger.e.s comme des nationaux, avec l’encadrement des contrôles d’identité et la fin de la mainmise du ministère de l’Intérieur sur les directions ministérielles les concernant (travail, visas, nationalité, etc.).

– L’affectation des moyens nécessaires au service en charge de l’enregistrement des demandes d’asile pour que le délai de trois jours soit respecté sur l’ensemble du territoire français.

– La dépénalisation du séjour irrégulier.

– Le caractère suspensif des recours pour toute décision relative au séjour.

– La fermeture des prisons administratives que sont les centres de rétention et les zones d’attente.

– L’abrogation du délit de solidarité.

– La lutte contre les filières mafieuses et toutes les formes d’exploitation de la précarité, en particulier des immigré.e.s, dont de nombreux mineurs et jeunes non accompagnés.

– La réaffirmation de la nécessité de procéder en continu à la régularisation de la situation administrative des étranger.ère.s présent.e.s sur notre territoire, et de ne pas accepter l’arbitraire et les disparités de pratiques entre les préfectures.

– La solidarité avec les Roms. Persécuté.e.s dans leurs pays d’origine et soumis.e.s à des réglementations discriminatoires bien que citoyen.ne.s européen.ne.s, les Roms ont en outre fait l’objet d’attaques particulièrement odieuses de la part du gouvernement français.

– La mise en place d’une véritable politique positive de résorption des bidonvilles par l’insertion et l’accès aux droits, et la suspension de toute évacuation de bidonville qui ne s’accompagne pas de propositions d’hébergement.

– La présence de correspondant.e.s d’asile et d’orientation aux frontières et aux gares, et la mise en place de centres d’accueil de taille humaine et de proximité sur tout le territoire pour les personnes qui arrivent de pays en guerre ou gouvernés par des dictatures sanguinaires.

– La suspension du renvoi des demandeur.se.s d’asile dans le pays de première entrée dans l’Union européenne, prévu par les accords de Dublin.

– Une réécriture du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), qui prévoit le rétablissement du droit de circulation avec l’unification des visas.

– La suppression des restrictions au droit à vivre en famille, à la vie privée et aux soins.

– Une garantie de protection sur le long terme des mineur.e.s isolé.e.s, d’autant que leur nombre est en augmentation exponentielle.

V. Outre-Mer : en finir avec la République postcoloniale, vers la responsabilité et le développement durable

Les départements, régions et territoires ultramarins (Drom-Com) représentent 4 % de la population nationale (soit 2,7 millions de personnes en 2016), près de 17,9 % du territoire national et 97 % de l’espace maritime (zone économique exclusive, ZEE).

Les Outre-Mer procurent effectivement à la France 97 % des 11 millions de kilomètres carrés de sa ZEE, incluant 55 000 km² de récifs coralliens et de lagons, soit environ 10 % de la superficie mondiale. C’est donc grâce aux Outre-Mer que la France possède aujourd’hui le deuxième espace maritime du monde.

Ces régions et territoires concentrent aujourd’hui abondamment ressources, défis et inégalités. S’ils constituent l’une des plus grandes réserves de biodiversité au monde, ils confrontent aussi nos compatriotes aux plus grands défis économiques et sociaux. Les conséquences cumulées de l’esclavage, du colonialisme, de l’économie de comptoir et du déséquilibre des échanges ont engendré une situation de dépendance, transformant à bien des égards, mais à des degrés divers, ces régions et territoires en colonies d’hyperconsommation, souffrant d’un retard de développement économique et social structurel.

Ces territoires sont notamment menacés par le dérèglement climatique, avec la montée des eaux et l’érosion de leur littoral, par la déforestation, l’extractivisme et la destruction de leurs écosystèmes, du fait d’un développement reposant sur le modèle productiviste, qui fait une large part au tout-automobile. Quelques grands groupes y maîtrisent l’ensemble des échanges commerciaux, bloquent toute politique de développement local et imposent sur place leur modèle de consommation et des prix exorbitants (y compris sur des produits de première nécessité). Enfin, le chômage ainsi que les très grandes inégalités dans l’accès aux droits et la pauvreté font des ravages, entraînant des problèmes croissants d’insécurité. Pourtant, les ressources et les potentiels de développement soutenable ne manquent pas.

La mer, notamment, présente de réelles opportunités pour les Outre-Mer en termes de ressources alimentaires (ressources halieutiques), biologiques (pharmacie, santé), commerciales (relais des routes maritimes et pôles de distribution), énergétiques (pôle de développement des énergies marines renouvelables) et touristiques. La biodiversité, la possibilité de développer massivement les énergies renouvelables, l’agriculture, la pêche et les petites entreprises (unités de transformation, commerces, artisanat local) doivent être encouragés.

Pourtant, depuis 1946, les gouvernements successifs n’ont cessé d’osciller entre effets d’annonce et menace d’abandon de ces territoires, en lieu et place d’une politique audacieuse. L’absence d’une politique volontariste contribue à faire de ces Drom-Com des lieux d’inégalités sociales, de chômage et de pauvreté : les richesses demeurent concentrées aux mains de quelques-un.e.s, le chômage est plus élevé que dans l’Hexagone, le nombre d’allocataires du RSA explose, l’illettrisme et les détresses individuelles et sociales sont visibles, les questions des transports et de la pollution sont une préoccupation généralisée et constante, tout comme l’étalement urbain et l’aménagement des territoires, etc.

De telles réalités constituent des freins pour faire face aux défis auxquels sont confrontés les Outre-Mer. Parmi ceux-ci : la croissance démographique et ses conséquences en matière de logements, d’infrastructures publiques, de sécurité alimentaire et énergétique, de gestion de l’eau et des déchets sans recours à l’incinération, notamment, et les crises climatiques, avec la raréfaction des ressources naturelles. Le modèle de développement productiviste importé et imposé aux territoires ultramarins a fait la preuve de son échec.

C’est pourquoi, les écologistes proposent un plan de rattrapage qui doit s’exprimer à travers des politiques spécifiques, par une péréquation permettant de promouvoir un développement soutenable et par une reconnaissance prenant en compte la spécificité et le potentiel de chaque territoire. Chacun pourra alors progressivement réduire sa dépendance à l’Hexagone, en accédant à un modèle de développement plus autonome, privilégiant ainsi les circuits courts et centrés sur sa zone géographique.

A. Un développement soutenable et local

– Dans le domaine du commerce et de l’industrie : orienter les investissements vers le développement local ; favoriser l’accès des PME et des TPE aux financements bancaires et aux fonds européens.

– Dans le domaine de l’agriculture : viser la souveraineté alimentaire au moyen d’une réforme foncière permettant de restituer le foncier aux communes et aux collectivités qui en ont la gestion ; repenser le schéma de développement agricole ; réhabiliter des sols qui ont été pollués dans le silence de l’État, afin d’aider et d’encadrer le développement d’une filière bio sur tous les territoires des Outre-Mer, et favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.trice.s bio.

– Dans le domaine de l’énergie : substituer les énergies propres aux énergies fossiles au terme de la mandature ; atteindre l’autosuffisance énergétique grâce aux énergies renouvelables, notamment par l’accompagnement des investisseurs publics et privés dans des programmes de développement des énergies solaires, éoliennes et géothermiques ; s’assurer que les financements destinés à la biomasse ne servent pas indirectement à solvabiliser la déforestation ou la « défriche agricole ».

– Dans le domaine de l’environnement : protéger la biodiversité des territoires, entre autres par un contrôle accru de l’exploitation des milieux naturels (exploitations minières, forestières…) et des bassins de reproduction des espèces endémiques (mangroves, notamment). La sauvegarde des parcs nationaux est une priorité.

– Dans le domaine du tourisme : établir un schéma de développement touristique en cohérence avec les bassins géographiques.

– Dans le domaine du transport : développer les infrastructures de transport en commun et de modes de déplacement doux ; créer des autorités territoriales uniques organisatrices de la mobilité (AOM) dans chaque territoire.

B. L’émergence d’une société plus juste

– En matière de fracture numérique : assurer le déploiement des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’ensemble des territoires.

– En matière de continuité territoriale : garantir le droit à la mobilité des Ultramarin.e.s et des ressortissant.e.s des Outre-Mer en favorisant la réduction des coûts de transport entre l’Hexagone et les territoires des Outre-Mer, mais aussi entre les différents territoires.

– En matière de logement social : mettre en place un plan de résorption de l’habitat insalubre sur l’ensemble des territoires et un plan de construction de logements sociaux, en prenant en compte les besoins des familles et la réalité climatique.

– En matière de réparations : opérer une réelle indemnisation du préjudice subi par les victimes des essais nucléaires et par les pêcheur.se.s et agriculteur.trice.s impactés par la pollution des sols et des eaux par le chlordécone et autres pesticides, avec la complicité de l’État.

– En matière de protection de l’enfance : renforcer les structures d’accueil et d’accompagnement des mineur.e.s et des jeunes adultes rencontrant des difficultés sociales.

– En matière de lutte contre la délinquance : développer les structures de prévention de la délinquance des mineur.e.s ; lutter contre la déscolarisation ; développer les écoles de la parentalité.

– En matière de mémoire, nous défendons la création dans l’Hexagone d’un musée de la Traite transatlantique (dans une des villes têtes de pont du commerce triangulaire).

– En matière de fiscalité : une réforme de la fiscalité dans les Outre-Mer devra faire l’objet d’une réflexion associant l’État mais aussi les collectivités.

– En matière de droit, il est indispensable de redonner aux peuples autochtones des Outre-Mer et aux minorités leurs droits fonciers culturels ; de mettre en pratique les obligations que nous confère le protocole de Nagoya, que nous avons signé en septembre 2011, en accord avec la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, signée en 2007 ; de signer la convention 169 de l’OIT sur la reconnaissance des peuples autochtones présents dans les Outre-Mer.

C. L’adaptation des structures institutionnelles aux réalités des territoires

– Permettre à chaque territoire de choisir sa structure administrative.

– En matière de coopération régionale : doter les collectivités majeures, dans le respect de la hiérarchie des institutions, de pouvoirs de décision concernant l’articulation de leurs relations avec les pays de leur zone géographique.

VI. Une autre politique pour les Français.e.s établi.e.s hors de France

La population des Français.e.s de l’étranger est en forte croissance et représente environ 3,5 millions de personnes, dont près de la moitié sont binationales, se répartissant entre celles résidant dans l´Union européenne et celles habitant dans le reste du monde. Ces personnes sont représentatives de toutes les couches sociales et affrontent, comme sur le territoire national, les crises quelles qu’elles soient, dans un contexte où l’État s’est déresponsabilisé de ses tâches primordiales.

Que ce soit en matière de citoyenneté et de sécurité, d’éducation, de culture, de recherche, de protection sociale et de fiscalité, de droits environnementaux, de politique étrangère ou de développement, les écologistes proposent :

– de mener une politique réellement progressiste, inclusive et solidaire dans le domaine de l’éducation : garantir un accès équitable à une éducation française, et notamment au réseau des écoles et des lycées français (augmentation des dotations et révision à la hausse des barèmes de bourses, extension de la capacité d’accueil des établissements là où c’est nécessaire, maîtrise de l’augmentation des frais de scolarité des établissements de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger) ;

– de soutenir l’action culturelle et linguistique à l’extérieur : rétablir la couverture du réseau culturel français à l’étranger ;

– de faciliter la mobilité internationale des Français.e.s ainsi que leur retour en France : renforcement du réseau consulaire et des services apportés aux Français.e.s établi.e.s hors de France (aide à l’insertion professionnelle, réseautage…), amélioration de la prise en compte des années travaillées à l’extérieur dans le calcul de la retraite (annuités, transferts de droits là où c’est possible), aide à la mobilité étudiante en créant des opportunités de financement des études à l’étranger ;

– de renforcer les droits civiques des Français.e.s de l’étranger : finaliser la réforme de leur représentation en transformant l’Assemblée des Français de l’étranger en une véritable collectivité publique, élue à la proportionnelle directe, en charge des politiques publiques à destination des Français.e.s de l’étranger.

Quatrième partie

Face à l’état d’urgence et aux menaces sur les libertés publiques : démocratie réinventée et égalité des territoires

« J’essaie de voir comment on peut redonner une chance à la démocratie. » Achille Mbembe

Les démocraties européennes sont à un tournant. Soit elles se réinventent profondément et placent la citoyenneté active au centre de leurs dispositifs institutionnels, soit elles plient et disparaissent sous la pression des oligarchies, du chaos géopolitique et de la montée des intégrismes. La montée des dispositifs sécuritaires et liberticides face aux attentats doit nous alerter, comme doivent nous alerter la crise de la représentation politique, le sentiment du « tous pourris » partagé par une partie de l’opinion et l’inertie ou l’impuissance du corps politique face à l’urgence écologique. Parallèlement, un désir profond de transformation se manifeste ici et là à travers le monde, par le réveil de l’esprit démocratique. Des Indignés espagnols à Occupy Wall Street, des occupations de places à Nuit debout, l’expérimentation de pratiques de démocratie directe est une dimension forte de la période actuelle : tirage au sort, vote à main levée, jury citoyen, etc.

Il est donc urgent de réinventer et de proposer de nouvelles formes d’exercice de la démocratie ou de « nouveaux modes d’action pour agir sur les affaires communes » (Kristin Ross). La refondation de la démocratie passe-t-elle par la réforme des institutions territoriales ? Par davantage de fédéralisme ? Comment passer de l’État-nation à des institutions supranationales ? Et comment décliner autrement, dès lors, la souveraineté populaire ? Comment exercer une citoyenneté active à l’échelle du territoire ?

1. État d’urgence et démocratie

« Les nouveaux défis du XXIe siècle montrent que la compréhension des causes et l’explication des raisons sont la seule façon de déterminer et de décider comment combattre le terrorisme. » Alain Fuchs, CNRS

Depuis les attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan, dans plusieurs cafés parisiens et à Saint-Denis, le gouvernement a introduit « un état d’urgence glissant, un régime d’exception durable » (Jacques Toubon, Défenseur des droits), tout en multipliant les lois antiterroristes. En permettant de perquisitionner de jour comme de nuit sans l’autorisation du juge ou d’assigner à résidence une personne sur le vague critère de « raisons sérieuses suggérant une atteinte possible à l’ordre public », l’état d’urgence peut entraîner une privation de liberté sous le contrôle du seul juge administratif. Pire encore, la loi de juin 2016 permet de retenir une personne pendant quatre heures sans avocat, au vu de simples soupçons d’activités terroristes, de poser des écoutes téléphoniques, de réaliser des perquisitions de nuit, des vidéosurveillances, etc. En juillet 2015, le comité des droits de l’homme de l’ONU s’inquiétait « des pouvoirs excessivement larges de surveillance très intrusive donnés aux services de renseignements sur la base d’objectifs vastes et peu définis, sans autorisation préalable d’un juge et sans mécanisme de contrôle adéquat et indépendant ».

Nous sommes entrés dans un régime d’exception permanent qui heurte les principes de la démocratie et de la séparation des pouvoirs. Or, nous devons lutter contre le terrorisme, non par tous les moyens mais dans le cadre de l’État de droit. Nous devons donc répondre au besoin de sécurité qui s’exprime dans la société française tout en préservant nos institutions et la Constitution. À cet égard, l’évolution vers une justice préemptive est préoccupante, puisqu’il s’agit de condamner des « suspects » avant qu’ils n’aient agi, sur la simple observation de supposés signes précurseurs. La virtualité du passage à l’acte se substitue alors à la matérialité du fait, et la gestion du risque au modèle légaliste de l’État de droit.

Or, pour les écologistes, le terrorisme ne se combat ni en restreignant les droits et les libertés individuelles ni en désignant des boucs émissaires.

Les écologistes déplorent qu’à un travail de fond sur la sécurité aient été préférées l’agitation médiatique et la facilité d’un état d’urgence que tout le monde s’accorde à qualifier d’inutile. Ceux qui instrumentalisent nos peurs mentent, il n’y a pas à choisir entre guerre civile et aventure extrémiste : la riposte démocratique est possible si nous avons le courage d’œuvrer à développer la cohésion sociale. Par ailleurs, la question du terrorisme percute d’autres problématiques posées à la société française depuis plusieurs années, comme celles de la laïcité, de l’autorité, de l’identité et de la place de l’Islam.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas aborder la lutte contre le terrorisme et le radicalisme violent uniquement travers des mesures sécuritaires ou policières. Opposer sécurité et prévention, c’est se condamner à l’échec.

Nous constatons qu’il n’y a pas de profils sociaux type des candidats à la radicalisation : d’un côté, nous retrouvons des jeunes « désaffiliés » issus de milieux défavorisés ; de l’autre, des jeunes radicalisés issus des classes moyennes et récemment convertis, ou des personnalités fragiles. Les facteurs économiques et sociaux peuvent être mis en avant, ainsi que des facteurs politiques comme la disparition des utopies, le rôle d’Internet, le malaise identitaire ou la recherche d’un cadre normatif, voire une forme de nihilisme générationnel qu’exprimerait le comportement suicidaire de certains jeunes…

C’est pourquoi, dans l’arsenal des réponses apportées au terrorisme, en dehors de la dimension sécuritaire indispensable, les écologistes privilégient les politiques de prévention et d’éducation, des politiques culturelles et des réponses structurelles de long terme. Il faut articuler les moyens de la justice avec les politiques de prévention, de même qu’il faut prioritairement renforcer la police de proximité et les moyens alloués aux travailleurs sociaux.

I. Lutter contre le terrorisme dans le respect des droits humains

– Réviser la loi de novembre 2014 afin de rendre le délit d’apologie du terrorisme conforme au droit international, en limitant sa définition à tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse et constituant une incitation directe à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence.

– Engager une évaluation approfondie, indépendante et transparente des politiques de lutte contre le terrorisme et de leur impact sur les droits fondamentaux.

– Réinstaurer le contrôle a priori du juge avant de prendre toute mesure restrictive des droits et libertés.

– S’assurer que les personnes s’estimant visées par des mesures arbitraires ou discriminatoires puissent avoir un recours effectif en justice et obtenir réparation (les recours sont de plus en plus difficiles).

II. Respect du droit à la vie privée

– Revenir sur la loi renseignement de juillet 2015 et la loi de surveillance des communications électroniques internationales de novembre 2015.

– Interdire toute technique de surveillance de masse.

– Garantir l’exercice d’un contrôle judiciaire préalable à toute demande de mise sous surveillance.

– S’abstenir d’adopter toute loi ou tout décret fragilisant le chiffrement des communications en ligne.

III. Respect de la liberté d’expression et de réunion

Garantir le droit de réunion, en restreignant les interdictions de manifestation aux seuls rassemblements visant, dans leur but déclaré, une propagande en faveur de la guerre ou un appel à la haine nationale, raciale ou religieuse (l’interdiction de manifester ne peut être qu’exceptionnelle et dûment justifiée).

IV. Renforcer les moyens de prévention

– Il est urgent d’engager des éducateur.trice.s de rue aux profils diversifiés et de renforcer les moyens accordés aux associations et aux structures qui œuvrent dans les quartiers dits « sensibles » ;

– d’accompagner les familles touchées par le départ d’un.e proche dans les zones de conflit au Moyen-Orient ;

– de concevoir une politique ambitieuse du soin, en particulier psychiatrique, et d’interrompre le démantèlement des services de psychiatrie.

V. Favoriser un islam de France

Combattre l’influence religieuse de l’Arabie Saoudite et stopper tout soutien aux monarchies pétrolières (ni ventes d’armes ni financements de mosquées par ces pays).

2. Mettre l’humain au cœur de la politique de sécurité

La fin de l’année 2106 a mis en évidence le malaise de la police – parallèle à celui de l’institution judiciaire. Ce malaise est lié à plusieurs facteurs qui s’entretiennent et se renforcent mutuellement : la dégradation des conditions de travail, l’augmentation du nombre d’interventions depuis les attentats, une mauvaise organisation du travail, des procédures judiciaires trop lourdes et chronophages…

Face à cette situation, les revendications des policier.ère.s sont de plusieurs ordres. Certaines sont justifiées et relèvent de dimensions matérielles (locaux vétustes, matériel informatique hors d’usage ou véhicules et protections inadaptés), quand d’autres sont problématiques, voire dangereuses, comme la réforme de la légitime défense ou la fin de la mention des noms des policier.ère.s dans les procédures judiciaires, par la mise en place de la « non-identification ». D’autre part, la critique de l’institution judiciaire, jugée trop laxiste (en particulier concernant les agresseurs de policier.ère.s), ne correspond pas à la réalité et aux évolutions concernant la réponse pénale : le nombre de personnes incarcérées a atteint un nouveau record en 2016 (soit 69 375 personnes incarcérées et une augmentation de 19 % entre 1995 et 2016), et les peines n’ont jamais été aussi lourdes (la moyenne de la durée des incarcérations est passée de 8,5 mois à 11,5 mois entre 2007 et 2015).

Pour les écologistes, il faut prendre au sérieux cette situation, qui reflète un « climat » caractérisé par le sentiment, justifié ou non, d’insécurité et d’une montée des violences de tous ordres : attentats, agressions contre la police et violences policières, violence sociale et fractures entre les territoires, violence des banlieues, etc. L’amélioration des rapports entre la police et les citoyen.ne.s est une clé pour l’efficacité de la politique de sécurité et pour lutter contre le terrorisme. Face à ce constat, les solutions ne peuvent être que multifactorielles.

Les écologistes proposent :

– De déconcentrer l’action de la police et de la gendarmerie. Nous mettrons en place une police territorialisée s’appuyant sur la connaissance de son terrain. Nous voulons une police au plus près de la population et qui produit de la confiance (sur le modèle de la police de voisinage anglaise).

– À cet égard, les contrôles d’identité doivent être justes et ne pas cibler une catégorie de la population (contrôle au faciès constaté par certaines études, qui accentue la distance entre la population et la police). Nous favoriserons l’identification des policier.ère.s et l’introduction d’un système d’enregistrement des pratiques, via par exemple le récépissé.

– De renforcer les liens avec les collectivités territoriales et les différents partenaires œuvrant sur le terrain.

– D’améliorer les dispositifs de formation, fortement affaiblis, en y intégrant des modules portant sur la non-violence et la gestion relationnelle ; les formations continues et par les pairs seront renforcées.

– Le code de déontologie de la police doit faire l’objet d’une appropriation et d’un vote citoyen : il doit faire l’objet d’une loi et non d’un décret.

– De développer des critères objectifs d’évolution de carrière.

– De sortir de la « politique du chiffre », notamment en matière de délinquance ou de recherche des sans-papiers : celles-ci conduisent trop souvent à des interpellations de personnes issues de l’immigration ou en situation de pauvreté, et mettent ainsi en péril le vivre-ensemble.

– D’améliorer l’efficacité des forces de police. Nous recruterons du personnel pour améliorer la prise en charge dans les commissariats et répartirons mieux les effectifs sur le territoire. Pour que les conditions de garde à vue, d’accueil et de travail soient dignes, un grand plan d’investissements (locaux et matériels) sera lancé.

– Les gendarmes disposeront du droit d’expression collective.

– Afin de réprimer l’ensemble des délinquances, la brigade financière sera renforcée, et nous créerons une police environnementale adossée à un pôle environnemental. La police judiciaire sera placée sous l’autorité d’un procureur général de l’État.

– Le contrôle des armes sera renforcé, les armes seront reclassifiées et les saisies facilitées. Les Flash-Ball, grenades, pratiques d’asphyxie posturale ou encore courses-poursuites seront interdits, et l’usage de l’ensemble des armes par les forces de sécurité sera revu. Nous procéderons à un encadrement strict des drones, qu’ils soient civils ou militaires. Nous imposerons un moratoire national sur la vidéosurveillance de voie publique et doterons la Cnil de pouvoirs accrus. Une autorité indépendante de la sécurité privée sera chargée du contrôle des entreprises du secteur. Les citoyen.ne.s pourront faire appel à une autorité administrative indépendante concernant l’action des forces de sécurité, sur le modèle du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

– Le rapprochement gendarmerie-police sera poursuivi. Le ministère de l’Intérieur sera réformé et le Secrétariat général à l’immigration supprimé. Le corps préfectoral sera rattaché aux services du Premier ministre et la préfecture de police de Paris sera supprimée pour faire revenir la métropole parisienne dans le droit commun.

3. Lutter contre les discriminations et promouvoir une identité positive

– Les discriminations en tout genre, le sentiment d’être rejeté et l’absence de perspectives peuvent constituer un terreau favorable à la réception des discours radicaux.

– Il faut lutter contre le racisme et l’islamophobie ; l’État doit donner l’exemple avec une fonction publique et une police ouvertes à la diversité culturelle.

– Nous devons renforcer la lutte contre tous les messages de haine, en particulier à travers les réseaux sociaux (via la responsabilité des hébergeurs).

– Nous devons faire de l’école un lieu stratégique de prévention du radicalisme et agir sur les inégalités scolaires. Le rôle de l’enseignement et de l’école est fondamental dans l’apprentissage de la distinction entre le registre du savoir et celui de la foi. L’école doit « désintriquer sans cesse, dans l’acte d’enseigner lui-même, ce qui relève du savoir stabilisé […] des croyances religieuses, qui relèvent du domaine privé et ne doivent pas empiéter sur la sphère publique » (Philippe Meirieu).

– Nous devons mettre un terme aux contrôles au faciès et introduire la délivrance, par les forces de police, d’un récépissé aux personnes contrôlées.

– En garde à vue : présence obligatoire d’un avocat, d’un interprète, et d’un médecin pour les 16-18 ans.

4. Écologie et égalité des territoires

Les écologistes s’engagent sur une vision globale des transformations nécessaires à l’adéquation entre les territoires et leurs habitants. Soutenus par de fortes dynamiques locales citoyennes, les écologistes portent des mesures productrices d’emplois, socialement et écologiquement innovantes, fondées sur le respect des communs environnementaux et visant à faire système.

L’écologie des territoires recouvre la nécessité d’agir pour la maîtrise de la transformation des espaces, des paysages et des villes au service des Français.e.s, grâce à une politique d’aménagement aussi ambitieuse en qualité qu’économe en ressources pour l’égalité des territoires et le bien-être des habitant.e.s. Aller plus loin dans les engagements de la France pour le climat, la biodiversité et la transition énergétique permet à l’écologie des territoires d’être source d’innovation et d’emplois, porteuse de projets utiles et partagés, respectueuse des milieux naturels, attachée au développement de villes et de territoires intelligents, denses et accueillants.

La gestion écologique des territoires s’oppose à une gestion concurrentielle et spécialisée, en mettant en œuvre une répartition harmonieuse des activités et des résidences humaines, en fonction des caractéristiques géographiques et topographiques des espaces, ainsi que des habitats des espèces animales et végétales. Dans un territoire sillonné de réseaux d’énergie, de transports, de flux de communications informationnelles, il est moins question de développement que de rationalisation et d’optimisation de l’existant. La gestion écologique des espaces s’intéresse au bilan carbone et au bilan énergétique de la population qui y habite et y travaille. En cela, l’urbanité et la ruralité forment un continuum et non une bipolarité dont les termes s’opposent.

Le mouvement d’hyperconcentration des activités et des services au sein et autour des villes, qui s’étalent, est facteur de gaspillage et de déséquilibres. Il conduit au mitage des terres agricoles, à la désertification des territoires ruraux et à la précarisation de leurs habitant.e.s, en même temps qu’il provoque la thrombose des centres urbains, l’abandon des quartiers périurbains, l’uniformisation des emplois et des commerces et l’épuisement des citadin.e.s. À l’heure où les Français.e.s recherchent un mode de vie apaisé, exempt de nuisances et de pollutions, inventent des solutions locales, revendiquent des mobilités diversifiées, développent des réseaux et activités connectées et collaboratives, plébiscitent une alimentation saine issue d’une agriculture bio de proximité, etc., les écologistes s’engagent pour une politique de solidarité et de complémentarité intelligente entre les territoires urbains, périurbains et ruraux, source de développement local, d’innovation sociale et d’économie des ressources. Il est grand temps de réguler les processus cumulatifs, dont la spéculation foncière, pour « ménager » les territoires et en prendre soin.

I. Organisation du territoire

Issues de législations inachevées, les nouvelles régions agrandies et la création des métropoles appellent la redéfinition des relations entre collectivités pour une plus grande complémentarité, une meilleure répartition des compétences pour davantage d’efficacité au service des citoyen.ne.s, une plus grande part d’innovation publique, une plus grande solidarité entre les collectivités, une fiscalité équitable, une meilleure gestion des compétences environnementales (air, eau, énergie, sols) et une nouvelle démocratie directe.

A. Des régions fortes pour :

– garantir l’équilibre, la solidarité et la dynamique entre territoires urbains et ruraux ;

– favoriser la cohésion sociale et l’égalité des territoires ;

– garantir la fonction redistributive entre collectivités par une péréquation fiscale forte ;

– planifier l’organisation régionale des territoires, le développement des économies nouvelles, des entreprises et de l’activité commerciale ;

– renforcer le rôle et les compétences des intercommunalités.

B. Des métropoles apaisées et…

– démocratiques : reconnaissance des métropoles comme collectivités et élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains ;

– écologiques : affirmation des compétences environnementales liées à leur densité (qualité de l’air et de l’eau et énergie – consommation, énergies renouvelables [EnR] et distribution), gestion des syndicats techniques interdépartementaux, élaboration de Scot cohérents et ambitieux ;

– solidaires : fiscalité garantissant la péréquation interdépartementale de solidarité.

C. Repenser l’urbanité

– Créer les conditions légales de l’urbanisme provisoire.

– Favoriser le maintien, voire l’accroissement, de la nature en ville.

– Soutenir le développement des transports en commun non polluants.

– Généraliser les ratios emplois/logement dans les documents d’urbanisme pour favoriser l’emploi de proximité.

– Évolution des codes de l’urbanisme et de la construction pour incitation à la conception de bâtiments biodégradables/recyclables, création d’indicateurs de métabolisme urbain, mesure anti-imperméabilisation des sols, introduction de la qualité agronomique des terres dans le choix des zones à urbaniser (ZAU), soutien au développement des productions vivrières urbaines.

D. Ville et ruralité : un nouveau contrat social et écologique territorial

– Soutien aux unités de production et de transformation (énergétique, agricole, élevage) pour l’approvisionnement en circuits courts et leur mise en réseau.

– Obligation d’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU) intercommunaux.

– Création de nouvelles fonctions dans les règlements d’urbanisme : PLU-Énergie (prescriptions énergétiques renforcées, économie de la consommation et production d’EnR) et PLU-Circulaire (implantation des activités et écologie industrielle, gestion des déchets, etc.), visant à respecter les limites planétaires et le rythme de renouvellement des ressources.

E. Associer les citoyen.ne.s aux projets d’urbanisme

– Soutien aux réseaux et start-up favorisant la contribution citoyenne aux projets d’aménagement et d’urbanisme.

– Reconnaissance des nouveaux outils de contribution des citoyen.ne.s dans les documents d’urbanisme.

– Développement des formations initiales et professionnelles sur les métiers de la ville durable et intelligente (urbanistes, architectes, ingénieurs, génie urbain).

II. Pour l’égalité des territoires

Onze ans après les émeutes de 2005, les mesures mises en place pour améliorer le sort des habitant.e.s des quartiers défavorisés sont un échec. Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), le taux de chômage est supérieur à 23 %, les revenus décrochent et le niveau de qualification diminue. Les habitant.e.s de ces quartiers, notamment les jeunes, subissent une double injustice : ségrégation dans le logement et l’emploi, insécurité dans la vie au quotidien…

Donner à chaque territoire, à ses habitant.e.s et ses acteur.trice.s, dans leur diversité, les moyens d’un développement équilibré et durable, c’est permettre à chacun.e l’accès aux droits, à l’emploi, à la santé, à l’éducation, à la mobilité, à la formation et au numérique, quel que soit son lieu de vie. Il s’agit de donner à chaque territoire des capacités de développement propres en rapport avec ses atouts et ses spécificités, pour sortir d’une logique de compétition et aller vers une logique de solidarité et de complémentarité. L’égalité des territoires nécessite de porter une attention particulière aux conditions de vie dans les espaces ruraux précarisés et les quartiers périurbains les plus défavorisés, pour permettre la création de nouvelles dynamiques qui leur soient propres, et dans tous les domaines.

A. Services publics et commerces

– Coup d’arrêt à la construction de nouveaux centres commerciaux aux portes des villes.

– Réappropriation de l’aménagement commercial en ville à travers la généralisation des managers de centre-ville et le changement de la loi, afin de permettre des préemptions automatiques des communes aux fins de vitalisation commerciale, notamment en faveur de l’économie de proximité contre les chaînes mondiales.

– Intégration complète de l’aménagement commercial dans le code de l’urbanisme.

– Création du schéma régional d’implantation des surfaces commerciales (répartition et développement) et de l’Observatoire régional de l’activité commerciale.

– Soumission des centres commerciaux à la taxe générale sur les activités polluantes en fonction de leurs efforts d’intégration dans les plans de déplacements urbains (PDU) et des réductions de places de stationnement ;

– Généralisation des maisons de services au public dans les bourgs et les villages.

B. Mobilités

– Amélioration du maillage des dessertes secondaires en chemin de fer.

– Soutien au développement des mobilités bas carbone et innovantes.

– Couverture en très haut débit de la totalité du territoire afin de lutter contre la fracture numérique, tout en y aménageant des zones blanches.

C. Des banlieues vertes

La réforme de la politique de la ville de 2014 porte lentement quelques maigres fruits, sans atteindre ses ambitions. Les outils et les financements tardent, pendant qu’augmentent chômage, précarité et discriminations. Sans attendre, les écologistes veulent agir en innovant, en partant du dynamisme, des énergies et des atouts locaux, en accompagnant les habitant.e.s et les acteur.trice.s pour développer leurs propres projets et favoriser les initiatives citoyennes. Les deux transitions à l’œuvre dans nos sociétés – numérique et écologique – sont aujourd’hui les ressorts de la créativité et du potentiel à développer.

D. Rétablir l’égalité et s’appuyer sur la richesse des territoires

– Créer un fonds pour une démocratie d’initiative citoyenne.

– Mettre en œuvre la coconstruction de politiques de transition écologique avec les habitant.e.s et les conseils citoyens.

– Accroître le soutien aux tissus associatifs locaux à travers notamment un fonds de soutien à l’emploi associatif.

– Miser sur l’entrepreneuriat, avec la création d’un label « Banlieues vertes » visant à soutenir les initiatives d’entrepreneuriat socialement et écologiquement innovant, doté d’un fonds alloué, administré par les structures issues des banlieues et accompagné d’un parcours d’accompagnement à la création d’entreprise.

5. La 6e République pour la transformation écologique de la société

En temps de crise, la tentation d’un gouvernement autoritaire est forte. Certain.e.s seraient prêt.e.s à sacrifier la démocratie pour préserver leurs privilèges ou leur mode de vie actuel. Notre réponse, en tant qu’écologistes, est différente : nous proposons de refonder profondément nos institutions, à tous les niveaux, pour affronter démocratiquement les temps qui viennent et bâtir ensemble une nouvelle société.

I. La crise de la Ve

Depuis son adoption en 1958, la constitution de la Ve République, conçue à l’origine pour asseoir l’autorité du général de Gaulle et répondre à l’instabilité de la IVe République, a connu de nombreuses retouches, dont la réduction du septennat à un quinquennat et l’inversion du calendrier électoral. Les différentes réformes de la Constitution n’ont fait que renforcer la présidentialisation du régime au détriment du rôle du Parlement comme de la séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, ce régime est en crise.

 

II. Restaurer la confiance dans les institutions

C’est en se libérant de la direction et du travail gouvernementaux que le président de la République pourra acquérir une nouvelle légitimité : il ne contrôlera plus les tâches de gouvernement, ne soumettra aucun texte à référendum, ne nommera aucun fonctionnaire, n’assurera aucun arbitrage budgétaire, ne participera pas à la négociation des traités internationaux, ne représentera pas la France dans les instances internationales ou européennes – toutes choses qui, dans les démocraties parlementaires de l’Union européenne, relèvent du Premier ministre.

Véritable héritage de la monarchie et outil de possible dérive vers une dictature, l’article 16, qui donne les pleins pouvoirs au Président, en cas de crise grave, sera supprimé. Il sera également mis fin à l’immunité civile et pénale du Président, qui redeviendra un justiciable ordinaire, tout comme les membres du gouvernement. Engendrant une justice d’exception, la Cour de justice de la République, censée juger les ministres pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, sera supprimée.

Nous proposons :

– Toujours élu au suffrage universel, le Président nommera le Premier ministre, issu de la majorité du Parlement.

– Il devient le garant du bien commun et, en particulier, de la prise en compte par le gouvernement et le Parlement des exigences du long terme.

– Il sera un protecteur de l’indépendance du pouvoir : l’exécutif, le législatif et la justice, ainsi que des droits fondamentaux définis par la Constitution et les traités internationaux.

– Il aura le pouvoir de solliciter tous les autres pouvoirs constitués (gouvernement, Parlement, Cour constitutionnelle, Conseil supérieur de la magistrature, Procureur général de la nation) et jouera un rôle d’arbitre en conservant le droit de dissolution, en cas de crise entre l’Assemblée nationale et le gouvernement.

III. Le Parlement libre de légiférer

La séparation des pouvoirs doit redevenir le pilier de notre démocratie. Le législatif doit trouver la quiétude pour remplir sa mission en toute indépendance.

Nous proposons :

– Le Parlement maîtrisera son ordre du jour sans intervention du gouvernement.

– Les procédures d’adoption de textes sans vote, comme l’article 49.3, véritables dénis de démocratie, seront supprimées.

– Le Parlement, organe de délibération, développera ses moyens d’évaluation des politiques publiques, en renforçant son contrôle sur la législation d’origine européenne et en limitant l’usage de la procédure des ordonnances pour transposer les directives européennes.

– L’opposition parlementaire sera renforcée dans sa fonction d’interpellation du pouvoir exécutif, dans sa capacité à mobiliser des instruments de contrôle et d’investigation : création de commissions d’enquête, saisine de la Cour des comptes, nomination de contre-rapporteurs. Elle interviendra dans la maîtrise du temps de travail parlementaire, en interdisant par exemple au gouvernement d’utiliser des procédures d’urgence sans l’accord d’une majorité qualifiée des parlementaires.

IV. Enfin une réforme du Sénat !

Le Sénat, dont la réforme fut voulue par nombre de présidents depuis l’instauration de la Ve République, ne doit plus être un supplétif de l’Assemblée nationale.

Nous proposons :

– Transformé en chambre des Régions, le Sénat sera le gardien du principe de subsidiarité, c’est-à-dire que chaque territoire obtiendra la liberté de gérer ce qui le concerne, sans intervention centralisatrice.

– Il disposera de pouvoirs législatifs et de contrôles spécifiques relatifs à l’organisation territoriale de la République, s’agissant à la fois des règles régissant les compétences des collectivités territoriales, des conditions de leur autonomie normative et financière et de l’organisation de la solidarité financière entre territoires.

V. Des instances de contrôle de la République indépendantes du pouvoir

– La séparation des pouvoirs passe aussi par les moyens de contrôler la République.

Nous proposons :

– Le Conseil constitutionnel évoluera vers une Cour constitutionnelle garante des droits fondamentaux. Elle n’inclura pas les anciens présidents de la République. Ses membres seront élu.e.s par une majorité qualifiée de parlementaires sur proposition des président.e.s des assemblées.

– Les juges constitutionnels auront le droit de produire des « opinions dissidentes » annexées à chacune des décisions : celles-ci y gagneront en qualité et en légitimité.

VI. Réforme des modes de scrutin

On ne peut diriger un pays moderne avec des règles qui datent du temps où la stabilité de la République était incertaine. Nos modes de scrutin sont les héritiers de notre histoire tourmentée depuis la Ire République. Nous devons les réviser et permettre une représentativité politique réelle.

Nous proposons :

– L’extension de la proportionnelle à tous les scrutins.

– Pour les élections locales, une élection à deux tours avec une prime majoritaire de 25 % pour la liste arrivée en tête au second tour.

– Pour l’élection des député.e.s, une moitié élue dans les circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours et la moitié restante sur une liste nationale compensatoire permettant de rétablir la proportionnelle sur la base des résultats du premier tour de la liste nationale.

– Le suffrage universel direct pour élire les membres du Sénat en même temps que les élections régionales, sur une liste régionale complémentaire, sur un seul tour.

– La reconnaissance du vote blanc.

VII. Limitation des cumuls de mandats

La confiscation du pouvoir dans le temps et l’espace par une poignée d’élu.e.s a généré des potentats locaux ou régionaux ; le cumul est également un frein à la représentation équitable des femmes et au renouveau du personnel politique.

Nous proposons :

– Les parlementaires nationaux et européens, les président.e.s d’exécutifs locaux, excepté les maires des communes de moins de 3 500 habitants, ne pourront détenir plus d’un mandat.

– Les membres du gouvernement devront abandonner leur mandat local durant l’exercice de leurs fonctions ministérielles.

– Limiter dans le temps l’occupation d’un mandat permettra une véritable rotation des responsabilités et le renouvellement du personnel politique.

VIII. Transparence de la vie politique

Nous proposons :

– De réduire certains avantages aux élu.e.s : voiture et logement de fonction supprimés, frais de mission plafonnés, réserve parlementaire justifiée du point de vue comptable, suppression des indemnités post-mandat, etc.

– D’instaurer la transparence totale sur les rémunérations des élu.e.s.

– De contrôler les situations de potentiels conflits d’intérêts entre fonction élective et professionnelle.

IX. Une juste représentativité de tou.te.s

La parité de genre, la diversité dans la représentation, le droit de vote des étranger.ère.s non communautaires aux élections locales : toutes les promesses faites en ce sens lors des élections – mais vite oubliées après la victoire – doivent enfin être appliquées.

Nous proposons :

– Tout parti qui ne présentera pas 50 % de femmes candidates aux élections verra son financement public entièrement suspendu, y compris pour les têtes de liste pour les élections proportionnelles. Pour aller vers une parité de résultat, tout parti qui n’aura pas au moins 40 % de femmes parmi ses représentant.e.s élu.e.s verra son financement public diminué. Ces pénalités seront proportionnelles au manquement à l’obligation légale.

– Un véritable statut de l’élu.e permettra de mieux concilier activité professionnelle et exercice d’un mandat. Il permettra aux élu.e.s de retrouver un emploi, d’offrir des niveaux d’indemnité suffisants pour, le cas échéant, un investissement à temps plein dans le mandat, et de favoriser la formation des nouveaux et nouvelles élu.e.s ;

– Le vote blanc sera reconnu, mais également comptabilisé dans les résultats d’un scrutin, ce qui lui donnera une véritable représentation.

– Le droit de vote aux élections locales pour les résident.e.s étranger.ère.s présent.e.s depuis cinq ans sur le territoire national sera enfin unifié.

X. La démocratie participative : citoyen.ne.s au plus près du pouvoir

L’élection ne doit plus être la seule expression de la démocratie : des outils participatifs et délibératifs (outre les budgets participatifs, les jurys citoyens et les conférences de consensus) seront largement diffusés, et la coélaboration des politiques publiques sera encouragée. La démocratie directe et délibérative sera donc enrichie.

Nous proposons notamment :

– L’initiative référendaire populaire et les procédures de débat public et de conférences de consensus seront simplifiées et, surtout, deviendront décisionnelles ;

– Un groupe de citoyen.ne.s représentant 1 % de la population pourra réclamer un référendum. Parallèlement, sera instauré un droit d’interpellation populaire qui ouvrira la possibilité à une fraction de la population de faire inscrire par pétition une question à l’ordre du jour des assemblées délibératives (du conseil municipal à l’Assemblée nationale).

XI. Décentraliser autrement : vers un fédéralisme différencié

En 2012, nous demandions déjà que les régions soient redéfinies et leurs pouvoirs renforcés. Notre demande prenait en compte plusieurs facteurs : les échanges territoriaux, les bassins d’activités, les continuités naturelles, les cultures et sentiments d’appartenance régionaux. La loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République), cependant, l’a malheureusement ignorée. Le résultat est un découpage sur la base d’une organisation dépassée : le département, créé à la Révolution, est désormais inutile.

Nous proposons :

– Les moyens et compétences des régions seront augmentés pour devenir comparables à ceux de nos voisins européens.

– Le conseil départemental sera supprimé. Ses compétences, notamment sociales, seront redistribuées entre la région, l’intercommunalité et les communes.

– Les intercommunalités seront transformées en collectivités de plein exercice, et leurs membres élu.e.s au suffrage universel direct par scrutins de listes proportionnelles.

– Seront renforcés les conseils de développement, issus de la loi Voynet, et les CESR (conseils économiques et sociaux régionaux), notamment en matière de budget participatif.

– Une réflexion sera menée sur le fonctionnement des collectivités territoriales, afin de repenser le pouvoir des président.e.s d’exécutifs, de diminuer la prime majoritaire et de redéfinir les droits des élu.e.s minoritaires.

– Les langues régionales et minoritaires : depuis 2008, l’article 75-1 de la Constitution reconnaît certes l’existence des langues régionales, mais seulement en tant que patrimoine, et il n’a débouché sur aucune modification législative. Nous, écologistes, revendiquons la possibilité du bilinguisme dans tous les secteurs et dans les régions historiquement concernées. Il s’agit, d’autre part, de permettre aux langues parlées par des populations migrantes d’être transmises en toute dignité à leur descendance. Après la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires inscrite dans la Constitution, une loi sera votée, établissant un statut stable et ambitieux assurant l’utilisation des langues régionales dans l’enseignement, les médias, etc.

– Nous soutiendrons une langue neutre internationale telle que l’espéranto.

– Nous généraliserons les conventions de citoyen.ne.s pour aider aux décisions majeures de politique publique.

– Nous inscrirons la protection de notre environnement et des générations futures dans le marbre.

Une Charte des communs et du long terme contraignante sera élaborée. Elle permettra de disposer d’un socle plus ambitieux et plus complet de droits fondamentaux relatifs à l’environnement que ceux prévus actuellement par la Charte de l’environnement.

Cinquième partie

L’Europe dans le monde

Il ne sert à rien de regarder ailleurs : l’Union européenne est en crise. Responsable de ne pas avoir su répondre aux attentes de ses citoyen.ne.s, elle a déçu et affaibli le désir d’un projet européen construit sur l’union dans la diversité, la convergence des consciences européennes et la paix. Nous assistons aujourd’hui à la résurgence des frontières (suspension de Schengen et construction de murs au sein même de l’Union) et observons des tensions renouvelées. Sous l’effet de la « crise des dettes » européennes et de l’incapacité de construire une réponse commune ambitieuse au défi migratoire et à l’arrivée de réfugié.e.s fuyant des pays en guerre, l’Union se disloque entre nationalismes exacerbés et antieuropéens, de droite comme de gauche, partisans d’un statu quo intenable, et celles et ceux qui, comme nous, espèrent ouvrir une autre voie pour l’Europe.

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ainsi que l’arrêt des négociations avec la Turquie, suite aux dérives du président Erdogan, constituent un coup fort porté au projet européen : d’une part car le précédent britannique déterminera l’avenir de l’Union, d’autre part car les nouvelles orientations politiques turques mettent en évidence la perte d’influence et l’affaissement des valeurs de l’Union.

Pour les écologistes, l’Union européenne, et plus largement l’Europe, est le bon cadre pour faire face au capitalisme mondial financiarisé, au dumping social et environnemental, au dérèglement climatique, à la perte de biodiversité et à la surconsommation des ressources. En somme, pour promouvoir la démocratie, la paix, le respect des droits humains et la protection de l’environnement.

Changer l’Europe est urgent ! Nous, écologistes, avons des propositions pour une sortie de crise, défendons un modèle social et écologique européen, et souhaitons faire de l’Europe une force motrice dans un monde de paix.

1. Refonder l’Europe : un plan politique de sortie de crise

Refonder l’Europe ? C’est possible et urgent. Les écologistes souhaitent une profonde réforme des traités, dans un vaste mouvement de démocratisation : au-delà des institutions, une démocratisation des droits ! Mais nous pouvons déjà agir dans le cadre des traités actuels. C’est notre première ambition. Nous devons tracer une feuille de route précise, permettant de répondre à la fois au besoin criant de solidarité au sein de l’Union, à la nécessaire transition écologique et à la crise démocratique.

Dans un premier temps, dès 2017, les écologistes proposent une grande Convention pour l’Union européenne. Cette Convention, qui pourrait être sollicitée par la France, permettrait d’engager de profondes réformes sans attendre une refonte des traités, afin de mettre fin à la paralysie ds vetos, d’améliorer l’engagement des citoyens et de permettre à l’Union d’agir dans un certain nombre de domaines essentiels.

Dans un second temps, nous devons répondre à la crise des dettes européennes et créer les moyens d’une véritable solidarité, notamment au sein de la zone euro et entre les citoyen.ne.s. Enfin, nous appelons à faire des élections européennes de 2019 une Constituante européenne, visant à faire de l’Union un véritable projet politique reposant sur la démocratie, l’écologie et la solidarité, plutôt qu’un projet seulement économique.

I. Une Convention pour résoudre le blocage institutionnel et la défaillance démocratique

Le retour des nationalismes et des égoïsmes, la résurgence des murs aux frontières ainsi que le repli nationaliste et les politiques liberticides des pays d’Europe centrale mettent en péril le projet européen. Nous devons débloquer l’Union en lui redonnant les moyens de faire vraiment de la politique.

Dans le cadre des traités actuels, les écologistes proposent :

– Une démocratie accrue : mise en œuvre du droit d’enquête du Parlement européen, révision et ouverture de l’initiative citoyenne européenne, mise en place d’un carton vert pour les Parlements nationaux, examen par le Parlement français de toute prise de position française lors de ses négociations avec la Commission européenne.

– Contre les conflits d’intérêts : encadrer le pantouflage des commissaires et des eurodéputé.e.s ; protéger les lanceur.se.s d’alerte ; instaurer une obligation de déclaration vérifiable d’intérêts financiers, associée à la création de codes déontologiques et de comités d’éthique pouvant avoir recours à des sanctions ; interdire le cumul des postes d’eurodéputé.e et de lobbyiste ; et rendre contraignant et transparent le registre des lobbys au sein de toutes les institutions européennes.

– La fin de l’unanimité pour tous les sujets hors questions militaires, en utilisant l’article 48-7 du traité sur l’Union européenne, qui prévoit explicitement cette possibilité.

– Les traités actuels dictent des objectifs et des orientations politiques qui condamnent notre capacité à agir politiquement. Les écologistes appellent à l’utilisation de l’article 352 (qui permet de légiférer sans base légale si nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Union), afin de prendre un certain nombre d’initiatives législatives essentielles.

– L’élargissement du rôle du Parlement européen et la transparence dans la gouvernance économique de l’Union : les orientations économiques dela Commmission européenne doivent être débattues et adoptées par le Parlement européen, qui doit être associé à chaque étape de la construction des semestres européens (cycles de coordination des politiques économiques), en particulier dans le cadre de l’adoption des recommandations par pays, des programmes de partenariat économique, des plans d’action corrective et des sanctions. Les rencontres de l’Eurogroupe et du Mécanisme de stabilité doivent être rendues publiques et présentées devant le Parlement européen.

– Faire du président de l’Eurogroupe le président du Conseil pour les affaires économiques et financières (Ecofin) et le vice-président de la Commission européenne, reconnectant ainsi les décisions prises au sein de l’Eurogroupe avec le Parlement européen et la représentation des citoyen.ne.s. Ce président serait élu par les ministres des Finances des pays membres, mais redevable devant le Parlement européen et destituable par celui-ci.

– Mettre fin aux accords de libre-échange, qui donnent le pouvoir aux multinationales plutôt qu’aux citoyen.ne.s en permettant à ces firmes de recourir à des règles instaurées par des tribunaux d’arbitrage privés. Si ces accords sont adoptés et mis en œuvre, ils nuiront aux réglementations sociales, fiscales et environnementales. Il est grand temps de mettre fin aux traités Tafta, Ceta et Tisa avec les États-Unis et le Canada sur les biens et les services.

II. Sortir de l’austérité : placer l’humain et la planète au cœur des mécanismes de solidarité et de contrôle

La crise des dettes européennes depuis 2007, le taux de chômage élevé en Europe, notamment chez les jeunes, l’écroulement économique des pays du sud de l’Europe, dont le plus critique est la Grèce, l’accaparement de la démocratie par la Troïka (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission européenne) et les banques obligent l’Union européenne à réviser de fond en comble sa politique économique et monétaire.

Les écologistes proposent :

– Une conférence pour répondre aux conséquences économiques, sociales et environnementales de la crise des dettes, un audit et une mutualisation progressive des dettes publiques et des taux d’intérêt. Il ne suffit pas de sauver les banques : nous devons amorcer une véritable solidarité au niveau européen, rejeter la mise en concurrence des budgets publics et des salarié.e.s. Une Conférence pour les dettes sera organisée, qui aura notamment pour but de restructurer urgemment la dette grecque, voire d’en annuler une partie « non légitime et odieuse », et de modifier les critères du semestre européen.

– De faire valoir la solidarité, les droits humains et les exigences environnementales au sein du semestre européen. La procédure de contrôle et de surveillance des équilibres macroéconomiques de l’Union, intégrée aux réunions du semestre européen, doit être réformée pour intégrer de nouveaux indicateurs relatifs au revenu des ménages, aux taux de pauvreté et de chômage des jeunes, au développement durable et à l’innovation. L’Agence européenne de l’environnement et l’Agence européenne des droits fondamentaux devront être associées aux processus ex-ante et ex-post. Enfin, des volets sur l’emploi et le chômage doivent être intégrés aux rapports annuels par pays produits par la Commission européenne

– Un budget pour agir : l’Union européenne manque encore d’un budget propre. L’instauration d’une taxe sur les transactions financières, d’une taxe carbone aux frontières et le relèvement du plafond du budget européen sont trois premières initiatives pouvant être prises à traités constants, qui permettront à l’Union de mettre en place des politiques de protection des citoyen.ne.s les plus exclu.e.s, d’accueillir les réfugié.e.s et de relancer l’investissement dans la transition écologique en Europe. Nous devons mobiliser le Plan Juncker vers une priorité : la transition énergétique et la promotion des renouvelables. En parallèle, devra être créée une taxe carbone et devront cesser les investissements carbone. La politique monétaire de Quantitative Easing (rachat massif de dettes) menée par la BCE devra être réorientée vers le financement de la transition écologique et sociale.

– La mise au pas de la finance : l’arrêt, donc l’interdiction, des spéculations sur les produits dérivés et la vente à découvert, l’augmentation des fonds propres par augmentation de capital sans pondération, la taxation spécifique des dividendes bancaires, une taxe sur les transactions financières qui deviendrait l’un des pans des ressources propres pour l’Europe et pourrait financer la transition écologique.

– Un véritable fédéralisme économique, à travers la création des institutions manquantes, comme un Trésor public européen ayant la capacité d’émettre et de gérer une dette publique européenne, et une agence européenne des banques pour coordonner leurs activités et réduire les risques de stress systémique et de faillites bancaires.

– Lancer l’harmonisation fiscale pour une politique sociale plus juste. Sans convergence et transparence fiscales, la concurrence entre les États membres ne cessera pas. Les écologistes appellent donc à la mise en place d’une assiette consolidée pour l’impôt des sociétés, avec progressivement une convergence des taux. Dans le même temps, nous demandons une réelle transparence fiscale, c’est-à-dire un reporting public pays par pays de toutes les entreprises opérant en Europe, afin que nous sachions exactement où sont réalisés les chiffres d’affaires, où sont déclarés les bénéfices et où sont payés les impôts.

– Lutter contre le dumping social : renforcer la protection sociale européenne, notamment en augmentant considérablement les sommes allouées au Fonds européen pour les plus démuni.e.s, travailler avec les partenaires sociaux à la convergence des salaires et à l’instauration d’un salaire minimum ; lutter contre le dumping environnemental : établir une taxation harmonisée, améliorer les règles civiles et pénales et promouvoir des investissements verts.

– Améliorer la mobilité professionnelle en Europe, notamment en améliorant la reconnaissance des qualifications et en favorisant le recours aux protections sociales européennes.

– Sanctionner les États membres refusant d’accueillir des réfugié.e.s. Les pays du sud et de l’est de l’Europe, zones frontières, sont à l’heure actuelle les territoires d’arrivée des flux de réfugié.e.s. Tandis que l’Est se protège en bâtissant des murs, le Sud en appelle à la solidarité européenne pour mieux répartir les arrivants, répartition nécessaire à l’octroi de conditions de vie acceptables pour ces personnes, dans le respect de la Convention de Genève. Le refus de certains pays d’accueillir les quotas de réfugié.e.s adoptés par l’Union européenne doit être sanctionné par une réduction des fonds structurels européens.

III. 2019, une Constituante pour refonder les traités sur un triptyque constitutionnel : démocratie, droits humains et environnement

En dehors des modifications qui peuvent être apportées immédiatement, nous souhaitons l’élection d’une Assemblée constituante pour une refondation complète du cadre institutionnel actuel. La logique de cette refondation ne doit pas reposer sur un discours axé sur « plus d’Europe » (expression qui n’a pas beaucoup de sens) mais sur « plus de démocratie ».

Nous avons besoin de refonder les traités ! Nous revendiquons pour l’Europe une Constitution basée sur trois piliers majeurs : démocratie, droits humains et environnement. Notre démocratie doit désormais intégrer pleinement la responsabilité de l’humain vis-à-vis de la nature, et considérer cette dernière comme un véritable partenaire. Ainsi :

– Une Assemblée constituante sera élue en 2019 pour rédiger un traité qui devra être validé par référendum européen avec un résultat à la double majorité qualifiée des citoyens et des États membres. Cette Constitution devra être un texte relativement court qui se cantonne à déterminer les pouvoirs et les compétences des différentes institutions et les modalités décisionnelles. Toutes les dispositions relevant des politiques de l’Union devront faire l’objet de textes de loi (lois organiques, par exemple). La Constituante devra avoir pour mandat d’organiser la séparation des pouvoirs, d’introduire dans le corpus constitutionnel les droits et libertés fondamentales et d’édicter les objectifs de l’Union.

– Refonder les traités : l’Union européenne a fait fausse route en érigeant des politiques économiques au rang de règles fondamentales. Les écologistes demandent à mettre fin au traité de Lisbonne et souhaitent que la nouvelle Constitution européenne intègre trois socles de droits et de règles de fonctionnement, concernant la démocratie et les droits politiques, les droits humains et sociaux, et un traité environnemental garantissant le respect et la protection de l’environnement et des écosystèmes. Ce traité environnemental, qui remplacera le pacte de stabilité et de croissance ainsi que les critères de Maastricht, qui encadrent aujourd’hui l’économie européenne, engagera l’Union sur l’objectif de la conversion écologique de notre économie et de la protection de l’environnement, et sur sa transformation sociale. La nouvelle Union européenne disposera alors de nouveaux objectifs financiers, complétés par des critères sociaux et environnementaux : réduction de l’empreinte écologique, emploi pour tou.te.s, lutte contre le réchauffement climatique, diminution du taux de pauvreté, indicateur de développement humain, aide publique au développement, etc.

– En 2019, des élections vraiment européennes : un tiers des député.e.s européen.ne.s devront être élu.e.s sur la base de listes transnationales, dont les têtes de liste correspondraient aux candidat.e.s des partis européens à la présidence de la Commission. Dans l’attente d’un accord européen sur cette réforme, la France devra supprimer le système d’élection par eurorégions et revenir à un mode de scrutin national. Les commissaires européens seront élu.e.s parmi les député.e.s européen.ne.s, qui pourront également les destituer. Les parlementaires européen.ne.s auront le droit de porter des initiatives et des projets de loi pour l’Union européenne.

2. LEurope que nous voulons

L’Europe que nous désirons est démocratique, écologique, solidaire, innovante. Un plan de sortie de crise est aujourd’hui indispensable afin d’éviter la dislocation de l’Union européenne.

I. Une Europe inclusive

Notre Europe est profondément inclusive. Elle refuse le nivellement des conditions de vie par le bas. Face à la crise du chômage dans plusieurs États membres, notamment dans les pays du Sud, face à l’aggravation de la pauvreté, y compris dans les pays les plus riches, face au délitement des libertés dans certains États, les écologistes promeuvent :

– Un socle de protection sociale européen. Pour répondre à la promesse de prospérité partagée, l’UE doit se doter de mécanismes efficaces pour combattre les inégalités socio-économiques. Pour ce faire, les écologistes soutiennent la mise en place d’une assurance chômage européenne en plusieurs phases. Tout d’abord, l’établissement d’un socle de protection visant à garantir un niveau minimal de protection dans tous les États, puis, à terme, au travers de la création d’un véritable instrument budgétaire de la zone euro, une assurance chômage organisée à l’échelle de la zone euro. Seront également réalisés : la convergence des salaires, avec mise en place d’un revenu minimum européen et d’un revenu maximum ; la convergence des protections sociales, avec notamment la mise en place d’un accompagnement à l’emploi pour chaque citoyen européen ; un socle commun de droits sociaux ; un moratoire sur toute nouvelle libéralisation des services publics ou d’intérêt général ; ainsi qu’une clause de non-régression sociale permettant une harmonisation sociale par le haut. Ces revenus minimums européens seraient fixés en fonction des revenus moyens nationaux, par exemple 60 % du salaire moyen pour le salaire minimum ou pour les retraites, etc.

– Une politique commune de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et le renforcement par la loi de la vérification du respect des engagements pris par les entreprises européennes. La consolidation progressive par la loi des avancées en matière sociale et environnementale de ces entreprises sera également un gage d’amélioration des pratiques, d’éthique et de transformation des processus de production au sein et en dehors de l’Union.

– L’initiative citoyenne européenne, pensée comme un véritable outil de participation. Son introduction dans le traité de Lisbonne était une grande avancée. Malheureusement, aucune initiative citoyenne européenne ayant réuni le nombre de signatures nécessaires n’a abouti à une proposition législative. Dès lors, les citoyen.ne.s se sont détourné.e.s de cet outil. Il faut donc réviser son règlement, notamment en introduisant une obligation pour la Commission européenne d’agir lorsqu’une initiative atteint le nombre requis de signatures.

II. Une Europe fédérale

Les écologistes appellent à la transformation de l’Union pour une véritable démocratie parlementaire et fédérale, seule à même de garantir l’intérêt général de tou.te.s les citoyen.ne.s européen.ne.s tout en respectant les réalités locales et régionales. Nous prônons une élaboration démocratique de la future Constitution de l’Europe à travers une Constituante élue dès 2019. Lors de cette Constituante, nous défendrons une Europe fédérale avec les préconisations suivantes :

– Un régime parlementaire et bicaméral. Le Conseil de l’Union européenne (dit « des ministres ») sera redéfini comme une véritable seconde chambre représentant les États (ou des ensembles infra-nationaux en fonction de l’organisation propre des différentes régions de l’Union), ses membres devant être des personnes identifiables par les citoyen.ne.s, dédiées exclusivement à cette mission et siégeant à temps plein. Chaque État détermine le mode de désignation de ses membres. En outre, la réunion des chefs d’État et de gouvernement, dont les décisions sont bridées par la règle de l’unanimité, doit revenir à son rôle d’instance de débat, d’analyse et de prospective. Le Conseil européen disparaît ainsi pour devenir éventuellement une émanation temporaire du Conseil, une formation spéciale, tout comme l’Eurogroupe disparaît.

– Le pouvoir exécutif européen devra être confié, sans ambiguïté, à la Commission, rebaptisée Gouvernement européen et élue par le Parlement européen sur une majorité politique claire et respectant le principe de la parité femmes-hommes, les commissaires étant proposés par le président de la Commission dans une démarche de constitution d’un gouvernement, sur la seule base de leurs compétences, sans considération de leur origine nationale. Le nombre de commissaires n’est pas fixe mais dépend des choix politiques effectués. Le président est désigné par le Parlement et le collège est approuvé à la suite d’un processus d’audition. La Commission devra aussi être dotée d’une véritable administration de terrain, agissant dans les régions et pas uniquement au niveau fédéral. Le Parlement peut voter une motion de censure pour dissoudre le gouvernement (majorité similaire à celle de l’approbation), et le Gouvernement peut aussi dissoudre le Parlement (principe d’équilibre caractéristique d’un régime parlementaire).

– La codécision généralisée : un rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, qui doivent être dotés de forces de décision et d’initiative identiques. La saisine de la Cour sera ouverte à un nombre fixe de parlementaires, tandis qu’un contrôle de constitutionnalité sera créé.

– Les deux comités consultatifs européens verront leur légitimité renforcée : les membres du Comité des régions (CDR) seront désignés au sein des associations nationales d’élu.e.s régionaux, tandis que les membres du Comité économique et social européen (CESE) seront désignés par les grandes fédérations européennes syndicales, professionnelles et associatives.

– Le parquet européen devra faire respecter sur l’ensemble du territoire de l’Union la protection de l’environnement et les droits et libertés garantis au niveau européen. Ce pôle de justice sera accompagné d’un contrôle démocratique et citoyen de l’ensemble des organes de coopération de police et de justice, afin de vérifier que ceux-ci respectent bien les libertés publiques et ne contribuent pas à construire une Europe forteresse.

– Certaines compétences relèveront exclusivement de l’Union, d’autres exclusivement des États, le reste sera partagé. Les formulations ne devront pas être trop rigides, de sorte à permettre une certaine souplesse d’application. Le partage de compétences pourra évoluer.

– Des coopérations renforcées plutôt qu’une Europe à la carte : nous rejetons l’idée d’une Europe où chacun pourrait venir faire son shopping, sans pour autant rejeter l’idée que des territoires puissent mettre en place des expérimentations, encadrées et organisées constitutionnellement, sur des sujets d’intérêt général qui ne recueillent pas encore la majorité au Conseil. Nous proposons une procédure de type coopération renforcée pour permettre la mise en place de « projets pilotes » ayant vocation par la suite à s’appliquer dans toute l’Union, et l’établissement d’un statut spécial pour les États hors UE souhaitant y être associés.

III. Un budget, des ressources propres et une gouvernance financière assainie pour l’Europe

L’Europe que nous voulons est une Europe au service du développement humain et de la protection de l’environnement. C’est une Europe des peuples, dont les citoyen.ne.s sont libres de circuler et d’échanger. La fiscalité que nous voulons ne sert pas seulement à faire entrer de l’argent dans les caisses de l’UE, elle sert aussi à orienter les choix des acteurs économiques vers le non-gaspillage des ressources, à réduire les inégalités et à limiter la concentration des pouvoirs au profit de quelques entités (groupes bancaires, industriels ou commerciaux) qui sont devenues plus puissantes que les États.

Les écologistes proposent :

– Un budget pour de véritables politiques : il faut relever le plafonnement du budget européen de 1,24 % à 5 % du RNB. Par ailleurs, nous appelons à la mise en place d’un système réel de financement du budget par des ressources propres, qui devront remplacer le système actuel, majoritairement fondé sur les contributions nationales, qui ne fait qu’accentuer le caractère intergouvernemental des négociations budgétaires au détriment de l’intérêt général. Parmi les ressources propres que nous appelons de nos vœux, figurent une TVA européenne, une taxe carbone aux frontières et une taxe sur les transactions financières.

– Un impôt pour financer la solidarité fédérale, accompagné d’une harmonisation fiscale européenne, rendue possible par l’application du mécanisme de codécision, en remplacement de l’unanimité actuellement requise en la matière. Il viendra en substitution de l’essentiel des contributions nationales et aura pour assiette les bénéfices des sociétés multinationales, les revenus financiers, les transactions financières et les activités polluantes (taxe carbone, taxe sur les déchets, y compris nucléaires, etc.). Le processus budgétaire devra être rendu transparent et démocratique, associant pleinement le Parlement, notamment en lui donnant le pouvoir de codécider des recettes. Nous agissons aussi pour l’introduction d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, afin de réduire la concurrence fiscale entre les États membres. Il s’agit, pour chaque entreprise présente dans plusieurs États membres, de se conformer à un seul régime fiscal au sein de l’UE pour calculer son résultat imposable, plutôt qu’aux différents régimes propres à chacun des États membres dans lesquels l’activité est exercée.

– Sauf accords particuliers, une préférence sociale et environnementale aux frontières de l’Europe sera instaurée. Les produits entrants seront taxés à hauteur de ce qu’ils auraient coûté s’ils avaient respecté les clauses environnementales des accords multilatéraux sur l’environnement et les accords de l’Organisation internationale du travail. Par ailleurs, une TVA à 0 % sera mise en place sur les produits alimentaires de première nécessité et élaborés dans la proximité.

– Une union monétaire intégrée, dotée de politiques communes et de mécanismes automatiques de stabilisation au sein de l’Eurozone. Les dettes souveraines seront transmises au niveau communautaire, nécessitant une modification des traités actuels ainsi que de certaines constitutions nationales.

– Un mécanisme de mutualisation pour faire face aux chocs affectant l’union monétaire (crise financière) ou des chocs asymétriques (catastrophe naturelle, éclatement d’une bulle spécifique, etc.), plutôt qu’un ajustement reposant uniquement sur les taux de dévaluation.

IV. Un Green New Deal et la relocalisation européenne : des investissements pour l’innovation, l’écologie et l’emploi

L’Union européenne ne peut vivre sans investissements tournés vers l’avenir : harmonisation des conditions de vie, construction des infrastructures et des emplois de demain, transition énergétique et écologique visant à la protection des ressources et à la solidarité.

Les écologistes ont accueilli avec prudence le plan Juncker d’investissements, qui visait, dans un premier temps, à réunir 315 milliards d’euros au sein du Fonds européen pour les investissements stratégiques. Face à la crise européenne, Jean-Claude Juncker a annoncé en septembre 2016 qu’il souhaitait doubler le montant et la durée prévus pour ce plan.

Les écologistes proposent :

– Un Green New Deal de 600 milliards d’euros d’investissements sur deux ans, afin de financer la transition écologique et sociale de l’Union. Cette somme proviendra pour un tiers du secteur public et pour deux tiers du secteur privé, à travers l’activation de crédits d’impôts différés et la mise en place d’un fonds d’épargne énergétique. Elle financera en priorité la mise en place d’une Union énergétique écologiste (efficacité énergétique et renouvelables), la relocalisation de l’économie, l’innovation sociale et écologique. Les investissements mobilisés dans ces domaines permettront aux États membres de s’approcher des objectifs (emploi, inclusion sociale, éducation, R & D, énergie/climat) adoptés dans le cadre de la Stratégie UE 2020. Ils permettront de créer un million d’emplois. Les rendements attendus sont tels qu’à terme le pouvoir d’achat des citoyen.ne.s sera augmenté et l’assainissement des finances publiques accéléré, voire consolidé. Les publics prioritaires ciblés par ce fonds seront : les Européen.ne.s en situation de précarité énergétique (actuellement 10 à 11 %), les PME (la Commission estime que l’Europe peut réduire sa consommation des ressources de 17 %, soit 23 milliards d’euros d’économie par an et la création de 1,4 à 2,8 millions d’emplois) et enfin les services publics. Les priorités d’investissements, notamment géographiques, seront élaborées avec l’ensemble des États membres, la société civile et les Agences européennes des droits fondamentaux et de l’environnement.

– Un plan d’industrialisation écologique pour l’Europe. Aujourd’hui, l’industrie européenne ne pèse que 12 % du PIB européen. Nous visons l’objectif de la faire passer à 20 %, en nous appuyant sur les industries d’avenir : énergies propres et renouvelables hors nucléaire ; transports propres, notamment ferroviaire, et connexion de l’ensemble des zones européennes ; économie circulaire et préservation des ressources via le réemploi, la réparation et le recyclage ; et enfin industrie du numérique. Nous proposons la création de pôles industriels européens financés par des « project bounds », c’est-à-dire avec un financement européen mutuellement garanti et un pilotage supranational. La réindustrialisation européenne nécessite de sortir du principe, considéré comme absolu, de « concurrence libre et non faussée », afin de permettre la création d’une industrie européenne à même de faire face à ses concurrents mondiaux. Les États doivent être en mesure de coopérer pour faire naître des industries aussi rayonnantes que celle d’Airbus. Afin de créer cette industrie européenne, il est également nécessaire d’encadrer fortement les activités des entreprises industrielles multinationales. Ainsi, l’Union devra mettre en place des règles strictes à leur égard. Notamment : la récupération des aides publiques, y compris européennes, lorsque les entreprises usent de licenciements abusifs ; la suspension des aides publiques, y compris européennes, lorsque les dividendes y sont excessifs ou les écarts de salaires disproportionnés ; la suppression des exonérations fiscales non liées à la création d’emplois ou à la transition écologique. L’Union européenne devra également limiter les montages fiscaux abusifs par une plus grande coopération entre les États membres, instaurer des droits de douane sociaux et environnementaux aux frontières européennes et établir une cellule d’anticipation et de prévention des restructurations d’industries.

– Pour l’industrie et les entreprises européennes : des règles de responsabilité écologique et sociale. Nous proposons que de 1,5 à 2 % du PIB européen soit investi dans le financement de la transition écologique, avec des ambitions fortes de réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2020. L’ensemble des politiques européennes devront être revues à cette aune, et dans le respect du traité environnemental constitutionnel à mettre en place. L’Union énergétique écologiste aura vocation à remplacer le traité Euratom et sera chargée de préparer un futur 100 % sobre, efficace et renouvelable, notamment en améliorant l’organisation institutionnelle et le suivi des politiques énergétiques. Le financement de la recherche sur le nucléaire sera réorienté. L’industrie européenne a besoin d’être protégée. Afin d’assurer sa transition écologique, un prix devra être rapidement donné au carbone, et des taxes douanières devront être instaurées sur l’empreinte écologique des biens importés. Afin d’assurer l’équité sociale au sein de l’Union, un travail d’harmonisation par le haut des salaires et des conditions de travail devra être entamé. Mais, surtout, l’Union européenne devra reconnaître le devoir de vigilance des sociétés-mères ou donneuses d’ordre pour prévenir les violations graves des droits humains ou environnementaux liées à leur activité ; promouvoir un haut standard de RSE comme valeur ajoutée des entreprises françaises et européennes sur les marchés publics internationaux d’infrastructures ou d’exploitation extractives ; et stopper toute subvention à l’exportation de biens ou de services polluants.

Sixième partie

Vers un monde de paix et de justice sociale et environnementale

En ce début du XXIe siècle, le monde est caractérisé par de grands bouleversements géopolitiques, qui brouillent les repères et accroissent les incertitudes. Ils résultent d’abord de la disparition du monde bipolaire issu de la Guerre froide, auquel a succédé une période centrée sur l’hyperpuissance américaine, elle-même bousculée depuis la fin des années 1990 par l’ascension des puissances émergentes (les Brics : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), annonçant un nouvel ordre multipolaire. En plus des États, il faut aussi compter avec le poids croissant d’autres acteurs comme les organisations internationales, les organisations non gouvernementales, les collectivités locales et les firmes transnationales.

Mais on constate aussi un foisonnement de mouvements sociaux et citoyens qui se battent pour une société plus juste, pour plus de liberté et une démocratie réelle. Tous ces mouvements au Nord et au Sud remettent en question la marchandisation des échanges, la déréglementation généralisée, l’inégalité de la répartition des richesses et la destruction de l’environnement. La fin du « gendarme » unique, la multiplicité des acteurs, la multiplication de nouveaux foyers de conflits se superposant à d’anciens non réglés minent encore un peu plus la crédibilité des institutions internationales et des États. C’est le terreau sur lequel se développe la violence armée.

Ces bouleversements s’accompagnent d’une quadruple crise : environnementale, économique, sociale et démocratique. Réchauffement climatique, fin des énergies fossiles, pollutions, captation et raréfaction des ressources naturelles, accélérées par la mondialisation, nous obligent encore davantage à une réflexion transnationale. Les exemples foisonnent : délocalisations industrielles, exportations agricoles, imposition des politiques d’immigration du Nord sur « les Suds », jonction des mouvements djihadistes, etc.

Dans cette période de chaos, le capitalisme financier ultralibéral et ses fonds divers spéculent à tout-va, déstabilisant pays ou secteurs entiers, les multinationales intensifient leur course aux matériaux rares, détruisant l’environnement de populations entières. Dans cette guerre économique, les luttes de peuples secouent de nombreuses régions de la planète. Mais la répression, le manque de soutien des pays occidentaux, l’héritage traumatique des guerres du Moyen-Orient, les inégalités et l’extrémisme religieux ont abouti au djihadisme. Sauf exception, les régimes autoritaires se renforcent, dans une compétition féroce pour l’hégémonie régionale. De grandes incertitudes s’installent, notamment parce que de plus en plus d’États pauvres ou en crise sont dépossédés de leur souveraineté économique par les multinationales, mais également de leurs fonctions régaliennes par des groupes et des institutions financières internationaux qui finissent par en faire des États faillis.

Dans ce contexte, la diplomatie française, entre 2012 et 2017, a privilégié des interventions militaires, sans s’attaquer aux causes. Au contraire, elle a favorisé l’économique et le commercial, c’est-à-dire une politique d’exportation pour booster la sacro-sainte croissance : agriculture, gaz de schiste en Algérie, Rafales en Égypte, EPR en Iran, ventes d’armes en arabie Saoudite… Le tout conjugué au soutien de plusieurs dictatures en Afrique ou au Moyen-Orient.

Pourtant, dans les pays du Sud, l’écologie n’apparaît plus comme un luxe de pays riches, mais comme vitale. Leur participation et leur contribution aux COP 21 et 22 l’ont souligné. Ils subissent de plein fouet les maux inhérents au productivisme : industrie extractive, déforestation, sécheresse, exploitation barbare. Et les pires conséquences des émissions de gaz à effet de serre, dont ils sont les moins responsables.

Une autre politique internationale, une autre coopération, une autre diplomatie, une autre défense de la France et de l’Europe dans le monde sont nécessaires pour l’avenir commun des peuples et un projet de société enviable.

1. Pour une démocratie globale

I. Redonner une place centrale aux Nations unies et au droit international, engager la dissolution à terme du G8 et du G20, et instaurer un contrat social mondial

Le G8 et le G20, organisations à très faible légitimité démocratique, décident aujourd’hui de la guerre et de la paix mondiales, des modèles de société et des politiques économiques. La France devra défendre l’Organisation des Nations unies comme élément central de la gouvernance mondiale, notamment par la revalorisation du rôle de l’Assemblée générale, par une réforme de son Conseil de sécurité pour une meilleure représentation des pays du Sud et émergents, et par sa capacité à faire appliquer ses propres résolutions et le droit international. Cela suppose des ratifications des États qui soient opposables et contraignantes, et des organismes de règlement des différends aux décisions réellement exécutoires (a contrario de l’ORD, l’instance d’arbitrage de l’OMC). Les législations nationales et européennes doivent néanmoins anticiper, démontrer et inciter au droit international auquel nous aspirons. Et les États doivent enfin respecter leurs engagements internationaux.

Sur le plan économique et financier, la France et l’Union européenne doivent promouvoir une gouvernance mondiale régulée, avec des ensembles régionaux économiques et monétaires plus homogènes, une responsabilisation des parties prenantes et la gestion internationale de la dette. Les décisions de la gouvernance économique mondiale doivent ainsi être compatibles avec les règles de l’Organisation internationale du travail, de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Unesco.

Les 17 Objectifs du développement durable (ODD) 2015-2030 de l’ONU, signés par 193 pays, devront être le cadre d’action majeur pour la diplomatie française et européenne. Les politiques publiques françaises et européennes devront être mises en cohérence entre elles et avec l’Agenda 2030. La coopération internationale, notamment, devra être cohérente avec la coopération pour le développement, qui doit privilégier – contrairement aux faits – les pays les plus pauvres, dits les moins avancés (PMA). Les ODD étant transversaux et la démarche holistique, les objectifs environnementaux ont une importance égale aux autres, car il n’y a pas de réduction durable de la pauvreté et d’accès aux droits sans préservation des écosystèmes locaux et mondiaux.

Les droits fondamentaux des citoyen.ne.s du monde doivent être garantis par un « contrat social mondial ». Pour cela, il faudra mettre en place une fiscalité mondiale pour la planète. La taxation des transactions (en particulier journalières) sur les marchés des changes financiers et boursiers, mais aussi des profits des multinationales, des déchets nucléaires et des transports aériens et maritimes rapporterait 775 milliards de dollars hors taxe carbone. C’est-à-dire deux à trois fois les sommes nécessaires pour l’accès de tou.te.s aux droits fondamentaux et à la résilience climatique.

La spéculation boursière, dont la volatilité journalière est une épée de Damoclès pour toutes les entreprises et les marchés mondiaux, les niches, l’évasion et le dumping fiscaux, qui permettent aux multinationales d’échapper à l’impôt, comme la quasi-absence de redevance du secteur des transports représentent un dramatique manque à gagner pour tous les pays, mais encore plus pour les pays les plus pauvres.

Les États n’ont plus les moyens de pourvoir aux besoins des populations, les services publics sont sacrifiés, le recours à l’emprunt pour des services et infrastructures de base qui doivent rester non marchands (éducation, santé, justice…) relance le cercle vicieux de la dette. Il s’agit d’initier une fiscalité globale, homogène et transparente, pour la proposer progressivement à l’ensemble de la planète.

II. Lutter contre la criminalité internationale, politique et militaire

La France devra défendre et pratiquer une diplomatie active de lutte contre les dictatures et les régimes autoritaires, et de solidarité avec les mouvements d’émancipation. La succession des élections en Afrique (plus de seize en une année), où les peuples se sont révoltés contre le maintien de présidents à vie ou héréditaires, a montré que des élections sans respect des règles ne peuvent être qualifiées de démocratiques. Elle a aussi souligné le manque de pugnacité du gouvernement français et de la Commission européenne pour dénoncer ces dénis démocratiques et les répressions qui les ont accompagnés.

La France devra solliciter la Cour pénale internationale (CPI) dès lors que des crimes de guerre auront été suspectés, à l’instar de la Syrie, en se saisissant aussi de l’extension, par la procureure de la CPI, de la notion de crimes de guerre aux destructions de l’environnement ayant entraîné des déplacements de population. Afin de préserver la crédibilité de la CPI, pierre d’achoppement de l’architecture pénale internationale et de la lutte contre les violations graves des droits humains, la France devra se prémunir contre toute utilisation politique de la Cour, notamment dans les pays où elle est intervenue militairement. Elle pourra alors, en toute légitimité, participer aux débats pour une réforme de la CPI, afin que celle-ci regagne la confiance des pays qui sont aujourd’hui tentés de la quitter. L’enjeu, crucial, est de continuer à étendre l’emprise du droit humanitaire international et de le connecter aux violations graves du droit environnemental.

La France œuvrera également au renforcement de la lutte contre les délits économiques et financiers, contre l’impunité en cas de délits commis par les chefs d’État ou les élites internationales. Il faut mettre un terme définitif à la Françafrique financière et militaire, aux valises de billets et aux trafics d’influence, prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts des responsables politiques et des hauts fonctionnaires par une réelle coopération judiciaire et fiscale. Il faut assurer la restitution rapide des avoirs détournés aux pays spoliés (comme les « biens mal acquis »), selon un mécanisme qui empêche les gouvernants spoliateurs de se les approprier de nouveau, avec notamment la création d’un fonds d’appui aux ONG, et en hébergeant les lanceur.se.s d’alerte de toute sorte.

La France doit lutter contre la spéculation financière, notamment par un encadrement strict des marchés des matières premières, en particulier agricoles, et des produits dérivés ; la suppression des paradis fiscaux et judiciaires ; l’annulation des dettes illégitimes, en commençant par les pays les plus pauvres, et l’instauration d’une responsabilité mutuelle des créanciers et débiteurs publics et privés. Entre 2000 et 2014, les sommes placées dans les paradis fiscaux ont été multipliées par quatre.

2. Pour une politique mondiale des communs et de justice sociale et environnementale

De l’eau au génome humain, les combats des peuples pour la préservation et la gestion collective des communs ont émergé sur la scène internationale. Un autre modèle de développement doit prévaloir pour la défense des communs globaux et la survie de l’humanité.

Les écologistes proposent :

– D’instituer une règle de protection des communs environnementaux (air, eau, sols, biodiversité, climat…) et de respect des limites planétaires.

– D’éliminer plus ou moins progressivement, ou de réorienter, les activités qui enrichissent les uns et détériorent les conditions de vie des autres, humains ou non-humains.

– De porter au niveau international la reconnaissance des droits des générations futures, rendant ainsi concret le principe de précaution et permettant de protéger les plus jeunes des atteintes à l’environnement ou à leur santé.

– D’œuvrer à la reconnaissance de la notion de crime climatique et d’écocide par la Cour pénale internationale, permettant ainsi de condamner lourdement des personnes morales (États, entreprises, etc.). Les juridictions pénales nationales de l’UE doivent se doter d’une compétence universelle pour les atteintes graves à l’environnement survenues dans des pays tiers.

– De reconnaître pénalement toutes les atteintes à la nature et de renforcer le droit international en matière de pollutions. L’exploitation des énergies fossiles et des minerais repose sur un travail inhumain, l’échange inégal, l’évasion fiscale, les trafics et la destruction de l’environnement. Qu’il s’agisse du pétrole en Amazonie, dans le golfe de Guinée, au Bahreïn, ou du coltan de nos portables en République démocratique du Congo, de l’uranium au Niger ou encore de l’or au Brésil, l’industrie extractive accentue ses pressions pour capter les dernières ressources naturelles afin de nourrir des sociétés de plus en plus énergivores, à n’importe quel prix, même celui de guerres. Hors les cas les plus graves, les atteintes majeures à l’environnement doivent ainsi pouvoir être sanctionnées.

– De créer une Organisation mondiale de l’environnement (OME), dont les préconisations auront une valeur juridique supérieure à celles de l’OMC. Cette OME, à développer à partir de l’actuel Programme des nations unies pour l’environnement (Pnue), basé à Nairobi (Kenya), aurait vocation à centraliser, harmoniser et faire respecter les plus de 3 500 traités internationaux sur l’environnement qui existent aujourd’hui dans le monde. Il permettrait aussi d’améliorer les systèmes de co-élaboration des règles qui y sont relatives, comme celles de la police environnementale internationale, à des fins de contrôle, de suivi et de sanctions.

– De généraliser la traçabilité des ressources et matières naturelles exploitées, à travers notamment les achats publics.

– De créer une Agence internationale pour la régulation du commerce des minerais précieux, chargée de contrôler les produits importés (identification et certification de l’origine des matières premières, traçabilité des transactions, transparence sur les marges, de la production à la distribution puis à la consommation).

– D’accélérer le calendrier d’interdiction des minerais issus de zones de conflit (étain, tantale, tungstène, or) : fixer cette interdiction en 2017 plutôt que d’attendre la date de 2021 fixée par l’Union européenne.

– De tirer progressivement l’ensemble des importations et des échanges internationaux vers les normes du commerce équitable, par la transparence et la régulation.

I. L’eau, un commun environnemental

Dans le monde, 88 % des maladies ont pour origine une consommation d’eau non potable, des installations sanitaires inadéquates ou encore une mauvaise hygiène. Chaque jour, 2 millions de tonnes de déchets sont déversées dans des cours d’eau. Soumises à la pollution du cœur des océans jusqu’à la sortie de notre robinet, l’eau et sa gestion sont un enjeu majeur.

Ressource indispensable à l’accès très inégal, l’eau est devenue une marchandise aux mains de grands groupes internationaux. Elle se raréfie et des chercheurs évoquent régulièrement une prochaine « guerre de l’eau ».

Le gaspillage, les cultures industrielles et le réchauffement climatique ont provoqué des sécheresses sévères, qui ont affecté des superficies presque deux fois plus importantes en 2015 que l’année précédente (14 % contre 8 %). Elles atteignent des records dans certaines régions du monde (Sahel, Sao Paulo au Brésil, Tamil Nadu en Inde, etc.), modifient les équilibres agricoles et provoquent migrations et conflits : en Syrie, en Turquie, en Israël-Palestine et dans l’ensemble du Moyen-Orient, dans les pays frontaliers du lac Tchad, dont le niveau est en constante diminution, etc. Partout, le recours à la fracturation hydraulique, nécessaire à l’extraction du gaz de schiste (auquel participe une multinationale d’origine française telle que Total), fait peser de gros risques de pollutions sur les ressources en eau.

Les écologistes proposent :

– de reconnaître en France, dans l’Union européenne et au niveau international l’eau patrimoine commun de l’humanité et commun environnemental non privatisable ;

– de garantir l’accès à l’eau potable pour chacun.e ;

– de refuser la gestion publique-privée (concession ou délégation) des programmes d’assainissement, de production et de distribution d’eau, et d’y substituer des partenariats publics ;

– de supprimer l’Accord général sur le commerce et les services (AGCS), qui a fait entrer l’eau dans le domaine marchand et impose d’avoir recours à des entreprises privées pour bénéficier de l’aide internationale ;

– de promouvoir un contrat mondial de l’eau, dont le respect serait garanti par une Autorité mondiale de l’eau (AME), indépendante et intégrée aux Nations unies, en lieu et place de l’actuel Conseil mondial de l’eau, mis en place par Veolia et Suez-Environnement.

Enfin, la France signera les déclarations de l’OIT et de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, notamment le droit à préserver leurs ressources, et adhérera à la Convention européenne sur les minorités nationales.

II. Les forêts

Les forêts jouent un rôle écologique essentiel de retenue des sols, d’écrétage des crues, de filtration de l’air et des eaux, de réserve de biodiversité, de captation du CO2 et de régulation climatique. La déforestation participe pour 20 % au réchauffement climatique et à la destruction des habitats des peuples autochtones. Or, selon une étude de la FAO en 2015, quelque 129 millions d’hectares de forêts – une superficie presque équivalente à celle de l’Afrique du Sud – ont été perdus depuis 1990.

Aujourd’hui, des espaces forestiers sont dévastés pour installer des cultures industrielles rentables, comme les sojas transgéniques, les plantes à agrocarburants et les palmiers à huile en Argentine ou au Brésil, l’huile de palme en Malaisie, au Guatemala, etc. S’y ajoutent les mesures, confirmées lors de l’Accord de Paris, qui permettent aux entreprises responsables d’émissions de gaz à effet de serre de les compenser par des plantations, quelles qu’elles soient, éventuellement au détriment des cultures vivrières, pourtant indispensables pour atteindre la souveraineté alimentaire. Autre effet pervers : l’accaparement des terres par ces mêmes entreprises et des États, spoliant ainsi les petits agriculteurs.

Les écologistes défendent :

– la création d’une protection internationale des forêts contre l’exploitation pétrolière et minière et les cultures industrielles ;

– des transferts de technologie aux populations locales pour une énergie de remplacement renouvelable pour se loger et se nourrir, hors système REDD (Reducing Emissions from Deforestation and forest Degradation) ;

– la valorisation économique des apports environnementaux et sociaux des forêts et des pratiques agroécologiques, dits « services écosystémiques ».

Climat : pour la transition écologique !

A l’échelle mondiale, la température moyenne a augmenté de 0,6°C au cours du XXème siècle et pourrait s’élever de 0,6°C à 6,4°C au cours du XXIème siècle. Parallèlement, le niveau des mers s’est élevé en moyenne de 20 cm au cours du XXème siècle et pourrait s’élever de 50 à 80 cm d’ici la fin du XXIème siècle. L’année 2016 aura été après 2015 la plus chaude jamais enregistrée.

Si l’accord de Paris est entré en vigueur moins d’un an après sa rédaction, les mesures promises tardent à se concrétiser. Ainsi, les négociations autour des émissions de gaz à effet de serre par l’agriculture, secteur responsable d’un quart des émissions mondiales, sont reportées à 2017 en raison du blocage de pays à forte tendance industrielle et exportatrice : Chine, Inde, Argentine, Union européenne, Etats-Unis… Et rares sont les contributions des pays quant à leurs trajectoires concrètes de diminution des émissions d’ici 2050.

Les émissions issues des transports maritimes ou aériens n’ont pas été intégrées aux négociations... Pourtant, les rejets du maritime sont censés croître de 240%, selon le scénario de base, et ceux de l’aviation « plus rapidement encore ».

III. Cesser tout soutien aux énergies fossiles

Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C, 80 % des énergies fossiles doivent impérativement rester dans le sol. La seule solution raisonnable est d’interrompre les subventions aux industries extractives. Or, d’après une étude du Fonds monétaire international (FMI) de Mai 2016, 5 300 milliards de dollars par an (9,5 millions de dollars par minute) sont dépensés par les États pour soutenir les énergies fossiles, sous forme de subventions ou des externalités négatives qui y sont liées. Si 48 pays, parmi les plus pauvres, se sont engagés à produire de l’électricité sur la base d’énergies 100 % renouvelables d’ici à 2050, un rapport d’Oil Change International estime que 14 000 milliards de dollars devraient être injectés durant les vingt ans à venir pour de nouveaux forages, mines et infrastructures de transports.

Les écologistes proposent :

– que la France cesse tout financement aux énergies fossiles passant par la Banque mondiale, la Coface ou l’Agence française de développement ;

– que l’État, actionnaire principal d’Engie (33 %) et majoritaire d’EDF (84 %), impose aux deux structures un plan de fermeture de leurs centrales à charbon en France et dans le monde à l’horizon 2020, et interdise tout nouveau projet d’exploitation des fossiles ;

– que les États et collectivités territoriales imposent aux secteurs bancaire et assurantiel le respect de leurs engagements climat ;

– que les gisements d’énergies fossiles soient reconnus comme des biens publics mondiaux.

IV. Reconnaître la dette climatique et assumer la solidarité qui en découle

La transition écologique nécessite le respect par la France et l’Union européenne des engagements pris en faveur de la lutte contre le changement climatique et de l’adaptation des pays les plus vulnérables. Mais, selon l’OCDE, seuls 67 milliards de dollars ont été mobilisés au sein du Fonds vert pour le climat sur les 100 milliards de dollars annuels promis par les pays développés, d’ores et déjà insuffisants face aux enjeux climatiques.

La vocation du Fonds vert est trop imprécise : on constate que ses financements vont et iront vers les pays émergents et à revenu intermédiaire, qui peuvent pourtant se financer autrement, et vers l’atténuation plutôt que l’adaptation. Le Fonds vert doit être abondé rapidement, en dons plutôt qu’en prêts, et contrôlé par les citoyen.ne.s. Il doit prioriser les pays les plus pauvres et les États insulaires, compter au moins 50 % de financements allant à des projets et à des stratégies appuyées sur les communautés et les écosystèmes, en soutien aux populations locales, en particulier pour le non-déboisement et l’entretien des forêts tropicales.

À cause d’une distribution massive de crédits carbone lors de la création du marché européen, le prix carbone est au plus bas et ne constitue pas une incitation à la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais des droits spéculatifs à polluer. Le marché des crédits carbone doit progressivement disparaître, comme le « mécanisme de développement propre » (MDP). Avec l’arrêt des subventions massives aux énergies fossiles et l’accompagnement social des plus précaires et vulnérables sur le plan énergétique, les taxations carbone doivent se multiplier.

V. Mettre en place une véritable fiscalité écologique

Afin de financer la transition écologique, nous souhaitons une fiscalité globale de protection de l’environnement reposant sur le principe du pollueur-payeur. Cette fiscalité sera compensée par ailleurs et différenciée socialement. Sans attendre l’alignement des niveaux de taxation, les États les plus volontaires devraient déjà avancer ensemble sur cet aspect.

VI. Diminuer les échanges inutiles et inéquitables, favoriser un commerce à faible impact sur l’environnement

Cela se fera notamment à travers la mise en place d’une certification bas carbone et la reconnaissance de la responsabilité des multinationales quant à leurs agissements sociaux et environnementaux.

VII. Reconnaître le droit des générations futures, le droit de la nature, et punir les crimes climatiques en reconnaissant le droit aux citoyen.ne.s d’ester en justice

La justice l’a déjà rappelé à plusieurs reprises : les États et pouvoirs publics sont responsables et garants du respect des droits humains, voire de la stabilisation du climat.

3. Contre le pouvoir prédateur des multinationales

La mondialisation a multiplié les relations commerciales en leur donnant la primeur sur toute autre considération. D’où un dysfonctionnement à grande échelle du droit international comme national, qui échoue à protéger et à faire prévaloir les droits humains et la préservation des ressources. Le libre-échange mondial est un outil extrêmement efficace pour les multinationales dans la défense de leurs profits et de leurs intérêts. En effet, même si, en principe, la hiérarchie des normes de droit international donne la primauté à la Charte internationale des droits de l’homme des Nations unies, en réalité, seul le droit commercial international (issu de l’OMC et des traités commerciaux ou d’investissement) est contraignant dans les faits.

De plus en plus concentrées, avec des ramifications et des propriétés croisées, les multinationales ont acquis un pouvoir inégalé, parfois plus important économiquement que celui de nombre d’États. Elles échappent ainsi à tout contrôle, d’autant plus que les puissances publiques sont soumises à un intense lobbying.

De fait, nous assistons depuis plusieurs décennies au développement d’un « droit global mou », c’est-à-dire un droit émanant d’indicateurs, de standards, de codes de conduites, et bien sûr des usages, pratiques et coutumes du commerce transnational, et non plus de processus législatifs démocratiques. Mais cette primauté n’est pas neutre : elle consacre le laisser-faire et le consentement généralisé des États à des types de régulation, prétendument par le biais du marché, qui favorisent les acteurs économiques transnationaux. Ce qui rend plus difficiles les revendications des mouvements sociaux et citoyens et des associations, de même que la préservation de la nature.

Les écologistes proposent :

– De soumettre le commerce mondial au respect des droits humains, en soutenant, dès 2017, la proposition de Traité international des peuples pour le contrôle des sociétés transnationales. Ce traité a été élaboré par des mouvements citoyens, des populations affectées par les activités des multinationales et des associations membres de la Campagne globale pour démanteler le pouvoir des multinationales.

– De reconnaître la responsabilité des multinationales. Dès 2017, la France soutiendra activement la proposition d’élaboration d’un traité international visant à « créer un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme », dont la rédaction a été lancée par l’adoption en 2014 de la résolution 29/6 au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

– De renforcer la responsabilité sociale et sociétale des multinationales françaises. Suite à l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, qui a fait plus de mille victimes, une loi est en cours d’adoption au moment de la rédaction de ce programme, reconnaissant le devoir de vigilance des multinationales, soit la responsabilité des firmes françaises pour les agissements de leurs filiales étrangères quant au respect des droits humains et du droit environnemental. Cette responsabilité doit être élargie à l’ensemble des entreprises, y compris celles comptant moins de 5 000 salariés. Comme doit être inversé le « renversement de la charge de la preuve » : ce sont les firmes qui doivent prouver qu’elles ont tout fait pour éviter toute atteinte aux droits humains ou de l’environnement, et non les victimes qui doivent prouver les dommages subis.

Areva, entreprise d’État

L’uranium indispensable à l’industrie nucléaire provient en grande part du Niger où il est payé un prix dérisoire, alors que ce pays est parmi les derniers selon le classement de l’indice de développement humain ( IDH). L’extraction de l’uranium implique l’exploitation humaine, la destruction de l’environnement (nappes phréatiques fossiles, pollutions chimiques, etc), avec des conséquences sanitaires non prises en compte par l’exploitant, Areva et son actionnaire principal, l’État. Outre la gestion des déchets et le coût de démantèlement des centrales, cela relativise la soi-disant rentabilité du nucléaire et l’affirmation de notre indépendance énergétique.

En attendant la sortie progressive du nucléaire que les écologistes programmeront sur une vingtaine d’années, l’État doit pleinement jouer son rôle d’actionnaire très majoritaire (86 %) d’Areva en prévenant l’opacité, le népotisme, la corruption et la délinquance financière qui ont généré ces dernières années des pertes de plusieurs milliards d’euros à la charge du contribuable.

La France et Areva doivent reconnaître les dommages structurellement causés à l’environnement et aux habitants par l’exploitation de l’uranium, ce qui suppose de :

• payer l’uranium un juste prix au pays producteur et s’assurer qu’une partie substantielle en revient aux communautés locales impactées par l’exploitation uranifère ;

• assurer le suivi et les soins des mineurs, imposer des salaires minimum et des droits sociaux (retraites, etc.) ;

• sortir enfin du déni et dédommager décemment les anciens travailleurs français et étrangers de l’uranium qui exigent réparation pour troubles graves de leur santé ;

• dépolluer les sites pour, quand cela est possible, permettre la reprise d’une agriculture paysanne ou d’autres activités ;

A moyen terme, Areva devra être réorientée vers une activité mondiale de démantèlement des installations nucléaires, activité pour laquelle il existe un marché international pour au moins les cinquante prochaines années.

. Des agricultures paysannes et une pêche familiale pour nourrir le monde

Boire et se nourrir sont les premiers besoins de l’être humain. La population mondiale vient d’atteindre 7 milliards d’habitant.e.s et atteindra 9 milliards en 2050. À l’heure actuelle, un milliard de personnes souffrent de la faim, et un autre milliard – dont nous faisons partie – sont en « suralimentation ».

Depuis trois décennies, les paysanneries du monde les moins bien équipées ont été livrées sans protection à la concurrence des grandes entreprises et des producteurs les mieux équipés et les mieux protégés du Nord. Avec, comme conséquences, le blocage du développement et l’appauvrissement de la majorité de la paysannerie, l’exode vers les bidonvilles, les vagues de migrations déstabilisantes, les frustrations, les ressentiments et les dérives d’une partie de la jeunesse, qui nourrissent l’instabilité politique et l’insécurité militaire.

Les émeutes de 2008 et les flambées de prix récurrentes sont de fait consubstantielles au système libre-échangiste mondial : ruine des petites paysanneries livrées à la concurrence des surplus mondiaux et à la spéculation sur les matières premières agricoles, abandon des stocks de sécurité alimentaire, gestion spéculative des matières premières agricoles, utilisation du foncier au profit des agrocarburants ou de la production de viande, donc moins accessible aux plus pauvres, accaparement des terres et déforestation, chômage massif dans des bidonvilles en pleine extension, etc. ont pour conséquence, à la moindre irrégularité climatique, une crise des prix et une crise alimentaire. L’agriculture industrielle, mécanisée et chimique – et souvent très subventionnée –, détériore par ailleurs la fertilité des sols, la biodiversité, la reproduction des écosystèmes, ainsi que la santé des cultivateur.trice.s et des consommateur.trice.s.

Côté pêche, la situation n’est guère plus reluisante : si le rythme actuel de la pêche internationale se poursuit, les océans seront essentiellement peuplés de méduses à l’horizon 2050, époque à laquelle nous compterons également plus de déchets plastiques que de poissons.

Pour les écologistes, préserver et développer les agricultures locales du Sud, de l’Est et du Nord, qui emploient encore le plus grand nombre d’actifs et d’actives dans le monde (les femmes y étant majoritaires), c’est lutter contre la pauvreté et la faim, pour l’emploi et la justice climatique et, par-là, contre l’instabilité, le chômage urbain et les migrations non choisies. Il s’agit :

– De réguler la pêche au niveau mondial, afin de préserver les stocks et les espèces de poissons : interdiction des pêches sur les littoraux étrangers comme du pillage des ressources halieutiques, défense des pêches artisanales et accord international à ce sujet.

De soustraire l’agriculture au libre-échange et de permettre la souveraineté alimentaire, comme l’ont fait de nombreux pays développés et émergents. Mettre en place aux frontières de chaque aire régionale un ensemble de droits de douane variables (en fonction inverse du prix international) sur les importations de denrées alimentaires permettra d’assurer des prix rémunérateurs et stables aux paysanneries locales, qui seront ainsi en capacité de se nourrir et de nourrir les villes en vivant dignement. Ce doit être accompagné de la création de stocks agricoles locaux, nationaux et régionaux.

– De lutter contre la faim des plus pauvres et vulnérables des villes ou des sans-terre en leur apportant des aides à la consommation de produits locaux.

– De renoncer aux exportations, à des prix de fait bradés, des surplus européens et mondiaux de denrées agricoles et alimentaires largement subventionnées, directement ou indirectement.

– De mettre fin à l’accaparement des terres.

– D’appuyer résolument les paysanneries (service technique, crédit agricole, coopération) et de les aider à réinvestir leurs savoir-faire locaux et à adopter des pratiques d’agro-foresto-écologie aptes à doubler, au moins, les rendements les plus bas, à préserver les ressources naturelles et à massivement stocker le CO2.

5. Coopérer réellement pour le développement : faire de l’Agenda ODD 2030 un véritable projet politique

Engagements internationaux bafoués depuis cinquante ans ; chute libre de l’Aide publique au développement (APD) française et mondiale au niveau le plus bas jamais atteint (0,37 % du PIB français, dont 6 % seulement de dons) ; abandon des pays les plus pauvres, qui reçoivent de la France à peine 150 millions d’euros sur les 8 milliards d’engagements annuels de l’Agence française de développement (AFD) ; abandon ultralibéral de toutes régulations commerciales, agricoles, financières, fiscales et minières : la coopération pour le développement a perdu toute ambition.

Aux 15 Objectifs millénaires du développement 1990-2015 ont succédé les 17 Objectifs de développement durable 2015-2030 (ODD), votés par 193 pays à l’ONU dans l’ignorance générale, malgré une ambition inédite dans l’histoire de l’humanité : en 2030, « Faim zéro, zéro pauvreté, accès pour toutes et tous à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’environnement, à l’énergie… ».

Mais qui connaît l’Agenda 2030, censé unir les pays dits « développés » et ceux dits « en voie de développement » ?

Pour l’Europe et la France, coopérer réellement pour réaliser en 2030 les 17 ODD passe par la mise en cohérence de l’ensemble des politiques publiques nationales et européennes avec ces engagements universels. Cela engage trois dimensions de l’action publique et citoyenne, du local au transnational

I. justice, régulation et partages

Il faut refuser les accords de libre-échange de l’UE, et notamment les Accords de partenariat économiques (APE) imposés à l’Afrique et leur application aux marchés publics.

II. respect des engagements internationaux de la France et de l’Union européenne

Cela suppose l’application réelle des conventions internationales : APD, biodiversité, développement durable, Climat, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pidesc), conventions OIT de l’ONU, ODD, COP 21, etc., ce qui signifie :

– augmenter l’APD rapidement à hauteur de 0,7 % du PIB (10 milliards d’euros), selon un calendrier contraignant, et la rendre totalement transparente ;

– exiger une taxe sur les transactions financières (TTF) européenne ambitieuse (180 milliards par an, dont un tiers au moins pour l’APD et un autre tiers pour l’adaptation au climat des PMA) ainsi qu’une TTF française plus large ;

– prioriser enfin dans l’APD et dans les financements et programmes de l’AFD (aujourd’hui dispersés dans 80 pays) l’aide aux ODD des 47 « pays les moins avancés », la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et privilégier les dons aux prêts ;

– réserver les financements du commerce extérieur, comme les aides militaires (sous conditions éco-sociales), aux ministères ad hoc, à la Caisse des dépôts et consignations et à la Coface.

– cesser la substitution massive des financements (AFD, CDC, UE, Fonds Vert) et projets climatiques (et post-conflits) aux financements de l’APD, et les flécher prioritairement vers les PMA (aux deux tiers africains) et les États insulaires, en privilégiant leur adaptation climatique et en amorçant l’accès de tou.te.s, aujourd’hui abordable et finançable, à une énergie renouvelable.

III. Exigences démocratiques, citoyenneté mondiale et projet de faire société mondialement

Pour ancrer les politiques publiques dans les libertés civiles et politiques, afin de garantir l’intérêt général et l’égalité des minorités, il faut :

– intégrer systématiquement la dimension de genre et l’égalité femmes-hommes dans la coopération ;

– systématiser la participation active des populations concernées et la décentralisation à tous les niveaux, et promouvoir, du local au global, une démocratie délibérative autant que représentative ;

– sortir de la diplomatie commerciale et militaire, et faire vivre une diplomatie des droits humains et de la paix ;

– en régime autoritaire et dans les pays émergents et néo-émergents, coopérer de société civile à société civile (ONG, collectivités locales) en faveur de l’accès aux droits des plus pauvres et discriminé.e.s ;

– activer réellement les dispositifs français multipartites de transparence, de débat public et d’action de l’État avec la société civile, via le Conseil national du développement et de la solidarité internationale, l’Observatoire du développement et le contrôle parlementaire (aujourd’hui inexistant) ;

– soutenir matériellement les ONG Nord-Sud et les collectivités locales dans leur recherche concrète de l’intérêt général, d’accès de tou.te.s aux services collectifs et de lutte contre les inégalités, et dans leur rôle de sensibilisation et de mobilisation des populations aux enjeux 2030 ;

– stopper l’évolution visible de l’APD vers des accords de « gestion migratoire contre APD et préférences commerciales » ;

– créer un avenir avec les jeunes par « l’éducation à » et l’action coopérative.

6. Pour une politique de résolution des conflits par la diplomatie

Réorienter la politique de défense vers une défense européenne commune, indépendante des États Unis, et sortir de l’Otan sont les premières mesures que prônent les écologistes. Elles permettront d’économiser 10 % sur le budget de la défense (3 milliards d’euros). La réorientation de la dissuasion et la diminution des interventions extérieures (Opex) diminueront de facto ce budget d’au moins 1,5 milliard d’euros. D’autres économies sont possibles, notamment en redéfinissant les missions de la Marine vers la protection des zones économiques exclusives ou en renégociant les contrats de l’Airbus A400M, couplés avec les avions ravitailleurs.

Il s’agit ensuite de décider démocratiquement des opérations extérieures éventuelles, de les effectuer sous mandat international et sous le contrôle démocratique du Parlement national et européen, avec des consultations ouvertes aux ONG spécialisées. La présence des forces armées hors du territoire national doit être fondée soit sur un mandat international, soit sur des accords bilatéraux. Les forces ne pourront être engagées que dans le cadre d’un mandat international de l’ONU. Enfin, le contrôle de la représentation nationale sera renforcé par l’obligation d’un vote du Parlement dans un délai rapide pour tout engagement extérieur et de la publication de tous les traités (ratification explicite).

Néanmoins, plusieurs conditions devront être portées par la France auprès et au sein de l’Union européenne pour parvenir à cet objectif, dans le respect des principes que porte l’écologie politique :

– implication des citoyens de l’Union : informations, débats publics, actions civiques, contrôle ;

– création d’un European Peace Corps dédié à la prévention des conflits et au maintien de la paix (composante citoyenne de la politique européenne de défense) ;

– création d’Instituts européens de la paix pour appuyer la consolidation du volet civil de la gestion de crise au niveau de l’UE et des États membres (notamment la France) ;

– création d’un état-major européen intégrant la gestion civile des crises, placé sous la double autorité du Conseil européen/SEAE (Service européen pour l’action extérieure) et des commissions compétentes du Parlement européen ;

– mise en place des Battle Groups (traité de Lisbonne) sous la forme d’unités transnationales permanentes, sur le modèle de l’Eurocorps ;

– création d’une commission « sécurité, défense et maintien de la paix » au sein du Parlement européen, avec pouvoir de codécision sur les opérations extérieures de l’UE et renforcement du contrôle interparlementaire des forces armées ;

– critères communs pour une intervention extérieure légitime de l’UE : légalité internationale, consentement démocratique, proportionnalité, dernier recours, conséquences écologiques et humanitaires ;

– remplacement de la stratégie de dissuasion nucléaire par un sanctuaire européen « dénucléarisé » et une diplomatie active en faveur du désarmement nucléaire ;

– consultation sur le maintien de l’Union européenne dans le commandement intégré de l’Otan.

Afin de sortir du système de la Françafrique, le démantèlement de la cellule Afrique (ou son équivalent), l’instauration d’un contrôle parlementaire des décisions militaires de l’Élysée et l’encadrement strict des missions des services secrets français devront également être mis en œuvre. La fermeture et le démantèlement des bases militaires françaises à l’extérieur seront programmés dans la mandature. La France pourra alors demander, de façon légitime, à ses alliés d’en faire autant, afin de créer un mouvement vertueux de démilitarisation à l’échelon international. La présence à Djibouti, qui se justifierait par l’instabilité régionale (Éthiopie, Érythrée, Somalie, ainsi que la protection du détroit de Bab El Mandeb), sera renégociée dans le cadre d’un mandat international. Nous fermerons la base d’Abu Dhabi, qui s’inscrit dans un objectif de vente d’armes aux pays du Golfe, politique belliciste et mercantile que nous réprouvons.

Enfin, dans la recherche d’un monde de paix et de solidarité, deux initiatives nous paraissent devoir être portées par la France en Europe et aux Nations unies :

une conférence internationale pour un Proche et un Moyen-Orient pacifiés et dénucléarisés, en développant un fédéralisme adossé à une Union économique ;

une relance du partenariat Euro-Méditerranée, avec en priorité le règlement du conflit israélo-palestinien (source du discrédit occidental face à la non-application du droit international et du « deux poids deux mesures » favorisant la montée des replis identitaires et religieux contre l’Occident), ainsi qu’une sortie de guerre en Syrie, en Irak et en Libye, un rétablissement de la démocratie en Égypte, etc.

7. Pour une planète pacifiée : vers le désarmement mondial et la reconversion industrielle

I. Une organisation mondiale de réduction de l’armement

En accord avec les travailleur.se.s du secteur de l’armement et des institutions de la défense, la France pourra proposer la création d’une organisation mondiale de réduction de l’armement, et commencer par rendre effectif un contrôle national du marché des armes. Un forum citoyen sur la prévention et la résolution non-violente des conflits pourrait être organisé. 1 % du budget de la défense sera consacré à la formation à la non-violence, à la polémologie (approche des conflits fondée sur la compréhension de leur origine et de leur fonctionnement), etc. Une politique internationale et de sécurité devra encadrer strictement le « secret-défense » d’État, notamment pour connaître l’implication de la France dans les conflits (entre autres, celui du Rwanda entre 1990 et 1994).

II. La réduction et la reconversion des secteurs de l’industrie de l’armement

La France est depuis 2015 le deuxième exportateur d’armes dans le monde. Le secteur de l’armement est, à l’exception du groupe Nexter, entièrement privatisé. Bien que dominé par des entreprises multinationales (Thales, Safran, EADS), s’appuyant sur un tissu local et dense de PME, il reste étroitement lié à l’État pour le financement des programmes et la négociation des contrats d’exportation, via la Direction générale de l’armement. L’ébauche d’une politique européenne, marquée par un code de bonne conduite en matière d’exportation d’armes et une incitation à mutualiser les bases industrielles et technologiques de défense au niveau de l’Union, a renforcé les dérives libérales. L’UE doit au contraire réguler et moraliser le secteur de l’armement. Il s’agira de renforcer le contrôle des ventes d’armes par la représentation nationale et de rendre l’information plus transparente. Ce plan de sortie devra inclure une reconversion des travailleurs de ces entreprises, élaborée avec eux, en lien avec leurs savoir-faire.

III. Relancer le processus de désarmement nucléaire mondial

La dissuasion nucléaire française est constituée de la composante « océanique », avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), et de la Force aéroportée. Il faut démanteler une partie de notre force de dissuasion pour montrer notre volonté de soutien au projet de Convention d’élimination proposé par les Nations unies. Au niveau régional, ce processus pourrait inciter les Britanniques à une démarche identique et convaincre les Américains de retirer d’Europe leurs armes nucléaires déployées dans le cadre de l’Otan.

À court terme, la France doit respecter les dispositions du traité de non-prolifération et dénoncer l’accord de Lisbonne, signé en décembre 2010, sur le dispositif antimissile. Une zone exempte d’armes nucléaires en Europe ouvrirait un espace de négociation avec les Russes pour l’élimination de leurs propres armes tactiques. La première mesure de réduction concernera la suppression de la force aéroportée. D’autres mesures sont envisageables par l’annulation de programmes de modernisation (production du missile M51, finalisation de la nouvelle tête nucléaire océanique, nouvel outil d’expérimentation avec les Britanniques, super-Airix à Valduc, en Côte-d’Or). Ces mesures pourraient permettre par ailleurs une économie de plus d’1 milliard d’euros.

IV. Un traité universel d’interdiction des armes nucléaires

Actuellement portée par 139 États, à l’initiative d’Ican, le réseau international pour le désarmement nucléaire, cette proposition permettra d’aller plus loin que l’application des dispositions du traité de non-prolifération nucléaire.

Enfin, la France doit montrer la voie pour la ratification et l’application de la Convention sur les armes chimiques et bactériologiques. Son action au sein des Nations unies doit viser la disparition de ce type d’armes

Postface

Pour une politique à l’âge de l’Anthropocène

« L’Anthropocène est avant tout une guerre – une guerre menée contre les populations les plus vulnérables de cette planète. Nous, humains, sommes devenus les principaux agents de transformation de la Terre. Et cette transformation rend cette Terre de moins en moins habitable pour un nombre croissant de populations. » François Gemenne

« […] une guerre de tous contre tous, dans laquelle les protagonistes peuvent désormais être non seulement le loup et l’agneau, mais également le thon et le CO2, le niveau de la mer, les nodules des plantes ou les algues, en plus des nombreuses factions d’humains en train de se battre. Le problème est que cet état de nature n’est pas situé, comme avec Hobbes, dans un passé mythique avant le contrat social : il vient vers nous, il est notre présent. » Bruno Latour.

Cette transformation radicale de nos rapports à la Terre impose de nouvelles politiques à toutes les échelles. De l’infiniment petit à l’infini grand, du local au global, du vivant au non-vivant, nous devons être inventifs, volontaires, engagés face à la « grande accélération » qui a commencé dans les années 1950 et qui se traduit aujourd’hui par une Terre de moins en moins habitable.

Notre projet « Bien vivre » ne cherche pas à esquiver les difficultés ou à verser dans la démagogie préélectorale. Pour les écologistes, les priorités ne sont pas celles que l’on nous présente à longueur de journée : règle d’or et critères de Maastricht, équilibre des finances publiques, libre-échange… mais le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources, la disparition des glaciers de l’Himalaya, l’acidification des océans, l’extinction des espèces, le sol que l’on épuise, soit l’ensemble des conditions qui rendent cette Terre viable pour le plus grand nombre. Le temps presse. Nos propositions s’inscrivent dans la volonté d’éviter le pire et de proposer une politique permettant de rendre la Terre habitable aujourd’hui et pour les générations futures.

Achevé d’imprimer en février 2017 par CPI Brodard et Taupin

Avenue Rhin et Danube – BP 40019 – La Flèche Cedex – France

Dépôt légal : février 2017