Pour une reconnaissance de l’eau comme bien commun

Dénonçons les Tartuffe, lançons la première initiative citoyenne européenne pour une reconnaissance de l’eau comme bien commun avec un droit d’accès garanti pour tous et exigeons une constitutionnalisation du droit fondamental à l’eau.

Marseille accueille ces jours-ci le forum mondial de l’eau, véritable « foire commerciale » à la gloire des multinationales selon l’expression de la regrettée Danielle Mitterrand. Son but est de capter des marchés dans les pays du Sud en exportant le modèle français – faisant figure d’exception – de privatisation de l’eau dans un contexte de reflux général. Véolia, déjà surendettée et ayant annoncée des pertes financières phénoménales au cours de l’année 2011, a ainsi du se désengager de plusieurs dizaines de pays où elle était présente.

Quatre raisons essentielles font que nous dénonçons ce forum.

Il s’agit tout d’abord d’une gabegie financière puisque ces quatre jours de forum engloutissent un budget de 29,6 millions d’euros dont 17 millions d’euros d’argent public (7 millions de l’Etat et 9,6 millions d’euros des collectivités locales).

A l’heure où l’austérité et la chasse aux dépenses publiques inutiles est érigée en dogme, voilà une source d’économies importante.

Comment ne pas dénoncer aussi la collusion patente existante entre intérêts publics et privés dans le pilotage de ce forum. Jean-Luc Fauchon est l’incarnation même des conflits d’intérêts qu’une République exemplaire ne peut plus tolérer. M. Fauchon est en effet à la fois Président du Conseil mondial de l’eau qui organise le forum et PDG de la Société des eaux de Marseille (SEM), filiale de Véolia détenant le marché de l’eau sur l’aire communautaire marseillaise, dont le principe du renouvellement de la délégation de service public vient d’être voté.

Après l’épisode du putsch avorté Borloo-Proglio pour la prise de contrôle de Véolia Environnement, la position de M. Fauchon est pour le moins ambivalente : on ne peut être juge et partie.

Cette ambivalence résulte du statut usurpateur du Conseil mondial de l’eau qui se présente comme l’instance internationale de régulation des conflits d’usage liés à l’eau mais qui n’est autre qu’une organisation privée placée sous la tutelle d’aucun contrôle public. Il serait urgent que l’ONU ou une future Organisation mondiale de l’environnement intègre cette instance en lui donnant le statut d’une véritable ONG ou d’une organisation internationale reconnue et contrôlée.

Enfin, le forum mondial de 2012 a été monté pour servir de tremplin au président – candidat Nicolas Sarkozy qui a fait avancer les dates habituelles afin de ne pas tomber dans la campagne officielle imposant un temps de parole égalitaire entre tous les candidats.

En effet, habituellement, les forum se situent autour de la journée mondiale de l’eau, le 22 mars. Or, les dates initialement prévues ont été avancées à la demande expresse du directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, Christian Frémont, qui co-pilote avec M. Fauchon l’organisation du Forum mondial édition 2012.

Peut-être M. Sarkozy a t-il l’intention de profiter au détriment des autres candidats, de son statut de président sortant, hôte d’un dernier sommet international sur un sujet consensuel.

Si nous appelons au boycott du forum mondial, nous souhaitons profiter du Forum alternatif mondial de l’eau à Marseille pour lancer en France l’idée (déjà émise par Ricardo Petrella en Italie) de la première initiative citoyenne européenne autour de la reconnaissance de l’eau comme bien commun.

En effet, le traîté de Lisbonne offre la possibilité à partir d’avril 2012 aux citoyens européens de proposer une initiative citoyenne européenne en réunissant un minimum d’un million de citoyens issus d’au moins un quart des Etats membres de l’UE. Cette pétition européenne doit inviter la Commission européenne à présenter des propositions d’actes juridiques dans des domaines relevant de sa compétence. Or, l’environnement est de compétence communautaire.

Outre, cette initiative citoyenne européenne, nous interpellons les candidats à la présidentielle pour qu’ils s’engagent à inscrire s’ils sont élus à l’Elysée le droit d’accès à l’eau comme un droit fondamental à l’instar de ce qui a été fait par la Bolivie et plusieurs pays sud-américains.

L’eau n’est pas une marchandise mais un bien commun, source de vie et non de profit. La gestion de l’eau doit obéir à l’intérêt général et non à des logiques d’intérêts privés et de rendement des actionnaires. Rappelons-le aux organisateurs du forum mondial de l’eau et aux candidats à la présidentielle.

Michèle Rivasi, députée européenne, porte-parole d’Eva Joly, Sébastien Barles, conseiller municipal de Marseille, porte-parole régional d’EELV

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